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04/11/2021 | FRANCE | N°19-23834

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 novembre 2021, 19-23834


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1213 F-D

Pourvoi n° Z 19-23.834

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2021

M. [L] [U], domicilié [Adre

sse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-23.834 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 novembre 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1213 F-D

Pourvoi n° Z 19-23.834

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2021

M. [L] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-23.834 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Decathlon France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], prise en son établissement sis [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [U], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Decathlon France, après débats en l'audience publique du 15 septembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 juillet 2019), M. [U] a été engagé par la société Decathlon France à compter du 24 septembre 2003 pour occuper un emploi de responsable Univers, intitulé à partir de 2009 responsable de rayon, statut cadre.

2. Estimant être victime d'une discrimination à raison de son âge et ne pas être rempli de ses droits, le salarié a saisi, le 15 avril 2013, la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos pour les années 2015 à 2017, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre et d'apporter, le cas échéant, la preuve des horaires effectivement réalisés par le salarié ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le salarié produisait aux débats pour les années 2015 à 2017, un décompte fondé sur une amplitude horaire, a néanmoins, pour débouter ce dernier de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, énoncé qu'il ne produisait ni de document répertoriant précisant ses horaires de travail journaliers mentionnant l'heure à laquelle il avait commencé son travail, l'heure à laquelle il avait terminé son travail et son temps de pause, ni aucun autre élément suffisamment précis pour permettre à la société Decathlon France de répondre, a ainsi fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires litigieuses et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de l'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos, l'arrêt retient que le salarié communique un décompte fondé sur une amplitude horaire mais ne produit ni document répertoriant ses horaires de travail journaliers mentionnant l'heure à laquelle il a commencé son travail, l'heure à laquelle il a terminé son travail et son temps de pause, ni aucun élément suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande formée par M. [U] en paiement de sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et au titre de l'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos pour les années 2015-2017, l'arrêt rendu le 11 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne la société Decathlon France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Decathlon France et la condamne à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [U]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [U] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos pour les années 2015 à 2017 ;

AUX MOTIFS QUE sur les demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos pour les années 2015 à 2017, (...) M. [U] produit un décompte fondé sur une amplitude horaire, mais ne produit ni de document répertoriant précisant ses horaires de travail journaliers mentionnant l'heure à laquelle il a commencé son travail, l'heure à laquelle il a terminé son travail et son temps de pause, ni aucun autre élément suffisamment précis pour permettre à la société Décathlon France de répondre ; qu'il convient en conséquence de le débouter de sa demande en paiement de la somme de 35.698,98 euros à titre d'heures supplémentaires pour les années 2015 à 2017, de congés payés afférents et de contrepartie obligatoire en repos pour ces trois années ;

ALORS QU' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre et d'apporter, le cas échéant, la preuve des horaires effectivement réalisés par le salarié ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le salarié produisait aux débats pour les années 2015 à 2017, un décompte fondé sur une amplitude horaire, a néanmoins, pour débouter ce dernier de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, énoncé qu'il ne produisait ni de document répertoriant précisant ses horaires de travail journaliers mentionnant l'heure à laquelle il avait commencé son travail, l'heure à laquelle il avait terminé son travail et son temps de pause, ni aucun autre élément suffisamment précis pour permettre à la société Décathlon France de répondre, a ainsi fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires litigieuses et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [U] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour discrimination liée à l'âge ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la discrimination, aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; que l'article L. 1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que M. [U], qui a été engagé par la société Décathlon France le 24 septembre 2003 comme responsable de rayon, statut cadre, coefficient 320, alors qu'il était âgé de près de 36 ans, comme étant né le 23 novembre 1967, et n'a pas connu de promotion depuis lors, soutient que cette absence d'évolution professionnelle est due à une discrimination à raison de son âge ; que M. [U] a travaillé d'abord dans l'établissement de [Localité 6], en [Localité 14], du 24 septembre 2003 au 31 octobre 2010, où il a été successivement responsable de l'univers eau, de l'univers eau et sports collectifs et de l'univers montagne, puis à compter du 14 novembre 2010 dans l'établissement de [Localité 7] en [Localité 11], où il est désormais responsable du rayon randonnée ; qu'il est établi que plusieurs salariés engagés comme lui comme responsables de rayon, mais plus jeunes que lui, ont été promu, contrairement à lui, directeurs de magasins, notamment : - M. [D] [A], né le 3 novembre 1974, nommé directeur en formation au sein de l'établissement de [Localité 6] en [Localité 14], puis en 2008, à l'âge de 34 ans, directeur de l'établissement de [Localité 9], dans le [Localité 15] ; - M. [P] [V], né le 18 janvier 1977, engagé en 2003 comme responsable d'Univers, affecté à l'Univers Montagne au sein de l'établissement de [Localité 8] en [Localité 14], nommé en 2007, à environ 30 ans, directeur en formation au sein de cet établissement, puis en 2009 directeur de l'établissement de [Localité 6] en [Localité 14] ; - Mme [X] [S], engagée en 2006 comme responsable de rayon, affectée au rayon Nature et Eau, puis au rayon Forme, nommée en 2009 à environ 30 ans, directrice en formation au sein de l'établissement de [Localité 9], dans le [Localité 15] ; - M. [I] [C], né le 29 septembre 1980, engagé en 2005 comme responsable de rayon, nommé en octobre 2008, à environ 28 ans, directeur en formation au sein de l'établissement de [Localité 6] en [Localité 14] ; - M. [W] [O], né le 24 avril 1984, engagé en 2008 comme responsable de rayon au sein de l'établissement de [Localité 9], dans le [Localité 15], nommé en juillet 2009 responsable d'exploitation au sein du magasin de [Localité 13], puis en 2010, à environ 26 ans, directeur en formation au sein de l'établissement de [Localité 6] en [Localité 14] ; - M. [G] [N], né le 17 septembre 1987, engagé en 2010 comme responsable de rayon, nommé en 2012, à environ 25 ans, directeur en formation au sein de l'établissement de [Localité 7], puis en 2014, à environ 27 ans, directeur de cet établissement ; qu'il ressort de la pièce 32 communiquée par l'employeur dans le cadre de la NAO produite par M. [U] : - qu'au 31 juillet 2011, tous les directeurs de magasin de la société Décathlon France avait moins de 50 ans, tous les directeurs de magasin en formation moins de 40 ans, tous les responsables d'exploitation moins de 45 ans tandis que l'entreprise comptait des responsables de rayon ayant 55 ans et plus ; - qu'au 31 juillet 2012, tous les directeurs de magasine avait moins de 55 ans, tous les directeurs de magasin en formation moins de 45 ans, tous les responsables d'exploitation moins de 50 ans tandis que l'entreprise comptait des responsables de rayon ayant 55 ans et plus ; - qu'au 31 juillet 2013, tous les directeurs de magasine avait moins de 55 ans, tous les directeurs de magasin en formation moins de 50 ans, tous les responsables d'exploitation moins de 50 ans tandis que l'entreprise comptait des responsables de rayon ayant 55 ans et plus ; que M. [U] présentant ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la société Décathlon France, au vu de ces éléments, de prouver que l'absence d'évolution professionnelle de M. [U] au poste de directeur de magasin est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'il résulte des comptes-rendus des entretiens annuels de développement produits par la société Décathlon France, que si, lors de l'entretien annuel de développement pour l'année 2004, qui a eu lieu le 1er février 2005, M. [U] a déclaré vouloir devenir directeur de magasin, puis a réitéré cette volonté lors des entretiens annuels de développement pour les années 2005, 2006 et 2007, il lui a été constamment répondu par son supérieur hiérarchique, sur la base d'éléments objectifs précis, que s'il avait un savoir-faire indéniable et obtenait de bonnes performances économiques dans ses fonctions de responsable de rayon, sa potentialité d'être directeur n'était pas affirmée et qu'il avait un long chemin à parcourir pour acquérir le savoir-être indispensable à l'exercice de ces fonctions; que lors de l'entretien annuel de développement pour l'année 2008, qui a eu lieu en décembre 2008, il a déclaré à M. [C], son nouveau supérieur hiérarchique, qu' après avoir mené une réflexion sur son projet professionnel et personnel, il a choisi en accord avec son épouse et leur nouvelle situation familiale de s'orienter vers une mutation en région [Localité 4] au poste de responsable d'Univers Montagne et que le projet pour lequel il avait le plus grand intérêt était de faire partie de l'équipe qui fera l'ouverture du nouveau magasin créé à [Localité 10], prévue fin 2009/début 2010, ce qui a conforté son interlocuteur dans l'idée qu'il avait compris « le pourquoi de sa non-potentialité » ; que lors de l'entretien annuel de développement pour l'année 2009, qui a eu lieu en novembre 2009, il a déclaré à M. [C] que son projet d'évoluer au poste de directeur de magasin n'ayant pu se réaliser, il s'orientait vers un projet d'évolution en région [Localité 4] mais au poste de responsable de rayon et rappelait que le projet pour lequel il avait le plus grand intérêt était de faire partie de l'équipe qui fera l'ouverture du nouveau magasin créé à [Localité 10], prévue courant 2010 ; que lors de l'entretien mi-annuel de développement 2010, qui a eu lieu en août 2010, il a déclaré à M. [O], son nouveau responsable hiérarchique, que son projet d'évolution en région [Localité 4] au poste de responsable de rayon était sur le point de se réaliser avec une proposition du magasin de [Localité 7] ; que selon avenant du 14 novembre 2010, il a été muté au magasin de [Localité 7] ; que lors de l'entretien annuel de développement pour l'année 2010, qui a eu lieu en janvier 2011, il a déclaré qu'il avait pour projet de devenir directeur de magasin à M. [J], son nouveau directeur, qui lui a répondu qu'il devait dans un premier temps confirmer sa réussite dans son métier actuel, montrer sa capacité à avancer significativement sur son plan de développement et justifier de l'acquisition des 5 « savoir-être » du potentiel sur 2011 avant de se positionner sur un poste de directeur de magasin à partir de 2012 ; que lors de l'entretien annuel de développement pour l'année 2011, qui a eu lieu en décembre 2011, son directeur lui a indiqué ne pas valider son projet, en l'absence d'avancée sur son plan de développement ; que lors de l'entretien annuel de développement pour l'année 2012 qui a eu lieu en décembre il a déclaré à son nouveau directeur, M. [H], que dans son métier actuel, il souhaitait continuer à être haut performer durable, à assurer ses monitorats linéaires et sa mission magasin de leader formation et ne pensait pas avoir le profil pour le métier de directeur ; que lors du point de mi-année, M. [U] s'est insurgé contre l'absence de perspective d'évolution de carrière offerte par la société Décathlon France et lors de l'entretien annuel de développement pour l'année 2014, réalisé avec M. [N] en décembre 2014, il a réaffirmé que son projet professionnel était de prendre la direction d'un magasin dans sa région, ce à quoi son interlocuteur a répondu qu'il ne validait pas sa potentialité ; qu'il est démontré par les appréciations fondées sur des éléments précis portées par les supérieurs hiérarchiques de M. [U] sur son savoir-être au sein de l'entreprise dans les comptes-rendus d'entretien annuel de développement ou dans les comptes-rendus d'entretien mi-annuel de développement et par les attestations de M. [V], de M. [C], de M.[A], de M. [O], de M. [K], de M. [H] et de M [N], anciens ou actuels supérieurs hiérarchiques de l'intéressé, que celui-ci ne présentait pas les qualités requises pour évoluer dans l'entreprise et devenir directeur de magasin et qu'aucune promesse d'évolution ne lui a été faite à l'occasion de sa mutation à [Localité 7], qui répondait à un choix personnel ; qu'en effet, la nomination à un poste de directeur de magasin exigeait d'être non seulement en situation de réussite dans son métier, comme l'était manifestement M. [U], reconnu dans ses fonctions de responsable de rayon comme haut performer durable, mais de réunir les 5 « savoir-être » suivants : esprit de responsabilité, adaptabilité aux changements, capacité à fédérer et dynamiser son équipe, courage managérial, réflexion et projection et qu'il ressort des différentes attestations produites, corroborées par les éléments précis relevés par ses responsables hiérarchiques lors de ses évaluations annuelles, que si M. [U] a amélioré sur la forme sa manière de communiquer, il ne manifeste pas d'aptitude à se projeter à l'échelle magasin au-delà de son rayon, n'est pas un élément fédérateur et moteur au sein du groupe des responsables de rayons, manque d'esprit d'équipe vis-à-vis des autres responsables de rayon, n'est pas à l'écoute des autres, a des difficultés à se remettre en cause et est réfractaire au changement ; que la société Décathlon France rapporte ainsi la preuve, qui lui incombe que l'absence d'évolution professionnelle de M. [U] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le salarié n'a pas fait l'objet d'une discrimination liée à son âge et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à ce titre ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE si les pièces produites par M. [U] à l'appui de ses demandes font bien ressortir une absence d'évolution professionnelle, aucun élément de fait ne démontre que cette situation est due à son âge, les considérations générales concernant la politique de l'entreprise ne pouvant suffire à prouver l'existence d'une discrimination ; qu'en revanche, les entretiens annuels produits par l'employeur depuis 2004 démontrent sans équivoque, les attentes d'évolution de M. [U] pour pouvoir obtenir une promotion au poste de responsable de magasin, en particulier en 2006, il est expressément écrit par son supérieur hiérarchique : « Par rapport au savoir être que tu as en axe de progrès, il faut mettre en place des actions de développement au service de tes savoir être. Tu as un savoir-faire, c'est indéniable. Pour ta potentialité d'être directeur n'est pas affirmé aujourd'hui par rapport au chemin qu'il te reste à parcourir », en 2007 : « Par rapport au chemin à par courir... pour atteindre tes ambitions, il reste encore des points qui n'ont pas été mené malgré l'occasion de s'exprimer sur le magasin » et plus loin lors du même entretien : « Il est important de te poser la question, si ce que tu attends n'arrive pas, que fais-tu ??? », en 2011 : « je t'avais dit notamment lors de notre PMA que j'avais besoin que tu avances significativement sur ton plan de développement pour rassurer sur ta potentialité et ton côté compétiteur. Aujourd'hui, je n'ai pas cette avancée. Je ne valide donc pas ton scénario » ; que les attestations des différents supérieurs hiérarchiques confirment les propos écrits dans les entretiens professionnels, il ressort que l'absence d'évolution professionnelle de M. [U] est due à l'évaluation de ses capacités à tenir le poste de directeur de magasin ; que la discrimination du fait de son âge n'est pas établie ; que M. [U] sera débouté de ses demandes à ce titre ;

ALORS QUE lorsque le salarié qui se dit victime d'une discrimination présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination, il incombe à l'employeur, sous le contrôle du juge, de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en se bornant, pour dire que l'employeur établissait que l'absence d'évolution professionnelle de M [U] au poste de directeur de magasin était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et débouter, en conséquence, le salarié de sa demande au titre de la discrimination, après avoir constaté que ce dernier, qui, engagé en qualité de responsable de rayon, en situation de réussite dans son métier, reconnu dans ses fonctions de responsable de rayon comme haut performer durable, n'avait pourtant pas connu de promotion, lorsque plusieurs salariés engagés comme lui comme responsables de rayon, mais plus jeunes que lui, avaient été promus, contrairement à lui, directeurs de magasins, présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, à énoncer qu'il ressortait des comptes rendus d'entretiens de développement et attestations de supérieurs hiérarchiques du salarié que ce dernier ne présentait pas les qualités requises pour évoluer dans l'entreprise et devenir directeur de magasin, la cour d'appel qui s'est ainsi livrée à une appréciation subjective des qualités de l'exposant sans procéder à une analyse comparée de ses qualités professionnelles par rapport à celles des collègues auxquels il se comparait et constater que ses performances étaient effectivement moindres que celles de ces derniers, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-23834
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 11 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 nov. 2021, pourvoi n°19-23834


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23834
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