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20/10/2021 | FRANCE | N°20-84240

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 octobre 2021, 20-84240


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° D 20-84.240 F-D

N° 01259

EA1
20 OCTOBRE 2021

ANNULATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 OCTOBRE 2021

M. [F] [B] a formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 25 juin 2020, qui a prononcé

sur un aménagement de peine.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° D 20-84.240 F-D

N° 01259

EA1
20 OCTOBRE 2021

ANNULATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 20 OCTOBRE 2021

M. [F] [B] a formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 25 juin 2020, qui a prononcé sur un aménagement de peine.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [F] [B], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [F] [B], de nationalité algérienne, est détenu depuis le 6 novembre 1995 en exécution de deux peines dont une de réclusion criminelle à perpétuité, prononcées pour des faits de terrorisme. Il fait également l'objet d'une interdiction définitive du territoire français.

3. M. [B] a présenté le 13 novembre 2017, devant le tribunal de l'application des peines de Paris compétent en matière de terrorisme, une requête en aménagement de peines sous forme de la libération conditionnelle-expulsion, en précisant qu'il était désireux de rejoindre son pays d'origine. Il n'a pas été répondu à cette demande.

4. Il a saisi directement le 7 janvier 2020 la chambre de l'application des peines sur le fondement de l'article D. 49-33 du code de procédure pénale.

Sur la recevabilité du pourvoi formé le 1er juillet 2020

5. Le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice que son avocat, en son nom, en avait fait le 30 juin 2020, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision le 1er juillet 2020. Seul est recevable le pourvoi formé le 30 juin 2020.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de libération conditionnelle-expulsion de M. [B], alors « qu'il résulte de l'article 112-2, alinéa 3, du code pénal que sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines, dès lors qu'elles n'ont pas pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation ; qu'entre dans cette catégorie l'article 730-2-1 du code de procédure pénale relatif aux modalités de libération conditionnelle d'un détenu ; que le Conseil constitutionnel ayant fixé, dans sa décision du 6 septembre 2019, la date de l'abrogation du cinquième alinéa de l'article 730-2-1 du code de procédure pénale, déclaré inconstitutionnel, au 1er juillet 2020, il incombe à la Cour de cassation de prononcer l'annulation de l'arrêt de la chambre de l'application des peines rendu sur le fondement de la loi ancienne afin que la demande de M. [B] soit examinée à nouveau en considération des dispositions de la loi nouvelle. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 112-2, 3°, du code pénal et 730-2-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er juillet 2020 :

7. Selon le premier de ces textes les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines sont d'application immédiate, sauf si elles ont pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation.

8. Le second prévoit que la libération conditionnelle des personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions à caractère terroriste peut être accordée par le tribunal de l'application des peines quelle que soit la durée de la peine de détention restant à exécuter, après avis d'une commission chargée de procéder à une évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité de la personne condamnée, la juridiction pouvant s'opposer à la libération conditionnelle si celle-ci est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public.

9. Pour rejeter la demande de libération conditionnelle-expulsion présentée, le 7 janvier 2020, par le condamné, l'arrêt relève qu'il fait l'objet d'une interdiction définitive du territoire français et qu'il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour des infractions à caractère terroriste.

10. Les juges énoncent que l'article 729-2 du code de procédure pénale subordonne toute libération conditionnelle d'un étranger frappé d'une interdiction du territoire français à la condition que cette mesure d'interdiction soit exécutée, de sorte que le requérant ne pourrait bénéficier d'une mesure d'aménagement de peine à titre probatoire telle que la semi-liberté ou le placement sous surveillance électronique.

11. Ils ajoutent que l'article 730-2-1, alinéa 5, du code de procédure pénale prévoit que, lorsque la personne a été condamnée à une peine privative de liberté pour des infractions à caractère terroriste la libération conditionnelle, si elle n'est pas assortie d'un placement sous surveillance électronique, ne peut être accordée qu'après l'exécution, à titre probatoire, d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique pendant une période d'un à trois ans.

12. Ils déduisent de ces dispositions qu'une personne condamnée pour des faits de terrorisme est inéligible à la mesure de libération conditionnelle prévue à l'article 729-2 du code de procédure pénale.

13. Ils concluent que si le Conseil constitutionnel, aux termes de sa décision n° 2019-799/800 QPC du 6 septembre 2019, a déclaré contraire à la constitution le cinquième alinéa de l'article 730-2-1 du code de

procédure pénale, il a reporté l'abrogation des dispositions concernées au 1er juillet 2020 de sorte qu'au jour où la cour statue, soit le 25 juin 2020, ces dispositions constituent, en l'absence de modification législative, le droit positif en vigueur.

14. Il ne peut être fait grief à la cour d'appel d'avoir fait application de l'article 730-2-1 du code de procédure pénale dans sa version qui était en vigueur lorsqu'elle a statué.

15. Mais l'article 730-2-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction découlant de la déclaration d'inconstitutionnalité (Cons. const., 6 septembre 2019, décision n° 2019-799/800 QPC) qui n'impose plus, préalablement à toute libération conditionnelle, lorsque les personnes ont été condamnées pour des infractions à caractère terroriste, l'exécution à titre probatoire d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique, est applicable depuis le 1er juillet 2020.

16. Ainsi les personnes de nationalité étrangère, même condamnées pour des infractions à caractère terroriste, qui font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français, peuvent solliciter une libération conditionnelle sur le fondement de l'article 729-2 du code de procédure pénale.

17. Il y a lieu en conséquence de procéder à un nouvel examen de l'affaire au regard des dispositions de l'article 730-2-1 du code de procédure pénale, plus favorables.

18. L'annulation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour

Sur le pourvoi formé le 1er juillet 2020 :

Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;

Sur le pourvoi formé le 30 juin 2020 :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, en date du 25 juin 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt octobre deux mille vingt et un.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 20-84240
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'application des peines de la Cour d'appel de Paris, 25 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 oct. 2021, pourvoi n°20-84240


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.84240
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