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20/10/2021 | FRANCE | N°20-15299

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 octobre 2021, 20-15299


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 714 F-D

Pourvoi n° T 20-15.299

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 OCTOBRE 2021

La SociÃ

©té générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-15.299 contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Rejet

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 714 F-D

Pourvoi n° T 20-15.299

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 OCTOBRE 2021

La Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-15.299 contre l'arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Foncière Mozart, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à M. [Y] [C], domicilié [Adresse 6], pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Foncière Mozart,

3°/ à M. [L] [R], domicilié [Adresse 5], pris en qualité de représentant des salariés de la société Foncière Mozart,

4°/ à l'établissement Landesbank Saar, dont le siège est [Adresse 7] (Allemagne),

5°/ à la société Montravers Yang Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [J] [G], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Foncière Mozart,

6°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Foncière Mozart, de M. [C], ès qualités, de la société Montravers Yang Ting, ès qualités, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de l'établissement Landesbank Saar, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vallansan, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 2020), la société Foncière Mozart (la société) a été mise en procédure de sauvegarde par un jugement du 28 mars 2017. La Société générale a déclaré des créances au titre de trois prêts qu'elle avait consentis à la société en 2007. La société Landesbank Saar a aussi déclaré une créance résultant d'un prêt consenti la même année.

2. Par un jugement du 18 décembre 2018, le tribunal a arrêté le plan de sauvegarde de la société en donnant acte aux créanciers des délais et remises consentis par eux et prévoyant notamment le paiement de la créance de la société Landesbank Saar conformément aux stipulations du contrat de prêt, et celui des autres créances supérieures à 500 euros, dont celles de la Société générale, en dix annuités progressives. La Société générale a formé tierce opposition au jugement.

Examen des moyens

Sur les moyens, réunis

Enoncé du moyen

3. La Société générale fait grief à l'arrêt de rejeter sa tierce opposition, alors :

« 1°/ que tout créancier est recevable à invoquer, au soutien d'une tierce opposition contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde de son débiteur, l'illicéité des modalités d'apurement de la créance d'un autre créancier en tant que ce dernier a été indûment avantagé au mépris du principe d'égalité entre les créanciers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a néanmoins retenu que la Société générale, créancière de la société Foncière Mozart, n'était pas recevable à contester les modalités choisies par le tribunal de commerce pour le règlement de la créance de la société Landesbank Saar et qu'elle pouvait uniquement critiquer les modalités retenues pour le règlement de ses propres créances, notamment la violation de son éventuel droit de bénéficier du même traitement que la Landesbank Saar ; qu'après avoir ensuite constaté que les modalités de règlement de la créance de la Landesbank Saar contrevenaient aux dispositions du livre VI du code de commerce, la cour d'appel a considéré que du fait de cette illicéité, la Société générale n'était pas fondée à bénéficier du même traitement et en a déduit que sa tierce opposition au jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde de la société Foncière Mozart devait être rejetée ; qu'en statuant de la sorte, quand la Société générale, si elle ne pouvait prétendre bénéficier de modalités de règlement de sa créance qui contreviendraient aux dispositions légales applicables, était recevable à solliciter le rejet du plan de sauvegarde dont les dispositions contrevenaient au principe d'égalité entre créanciers, la cour d'appel a violé les articles L. 626-5, L. 626-18 et L. 661-3 du code de commerce, ensemble l'article 583 du code de procédure civile et 2093 du code civil ;

2°/ que le jugement qui arrête un plan de sauvegarde prévoyant, en contravention avec les dispositions légales applicables, que l'un des créanciers verra sa créance remboursée conformément aux stipulations du contrat le liant avec le débiteur, sans subir de délai de paiement, ni de remise, quand les autres créanciers ne bénéficieront pas du même traitement privilégié, porte nécessairement atteinte aux intérêts de chacun de ces derniers, puisque l'étendue des sacrifices qui leur sont imposés est mécaniquement augmentée par l'avantage illicite conféré à ce créancier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'alors que la Société générale s'était vu imposer un délai de dix ans pour le règlement de sa créance échue déclarée contre la société Foncière Mozart, le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde de cette société avait prévu que la société Landesbank Saar verrait sa créance à échoir apurée selon les stipulations contractuelles sans subir de délais ni de remise ; que tout en relevant que "le sort réservé à la créance de la Landesbank contrevient aux dispositions du livre VI du code de commerce", la cour d'appel a néanmoins rejeté la tierce opposition de la Société générale contre le jugement arrêtant le plan, au motif que cette dernière n'était pas fondée à invoquer un droit de bénéficier du même traitement illicite ; qu'en se prononçant de la sorte, quand la Société générale avait un intérêt propre à dénoncer la rupture d'égalité entre les créanciers renfermée par un tel plan et à en obtenir le rejet ou, à tout le moins, la réformation, la cour d'appel a violé les articles L. 661-3 du code de commerce et 583 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 626-5 et L. 626-18 du code de commerce et l'article 2093 du code civil ;

3°/ que si, conformément à l'article L. 626-5 du code de commerce, les propositions pour le règlement des dettes des créanciers peuvent être différentes, ces différences doivent être fondées sur des critères objectifs et pertinents ; que pour écarter le moyen invoqué par la Société générale qui soutenait que le plan de sauvegarde de la société Foncière Mozart méconnaissait le principe d'égalité entre les créanciers dans la mesure où il prévoyait que le remboursement des créances de la Landesbank Saar se feraient conformément aux stipulations contractuelles, de sorte que ce créancier échappait, seul, à tout délai ou remise prévus par le plan de sauvegarde, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que la créance de la Landesbank Saar était une créance à échoir, alors que celle de la Société générale était une créance échue, de sorte que cette dernière ne pouvait plus se prévaloir des stipulations des contrats de prêt qui la liaient à la société Foncière Mozart, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'inégalité de traitement des créances de la société Landesbank Saar et de la Société générale, en violation des articles L. 626-5, L. 626-18 du code de commerce, ensemble l'article 2093 du code civil.

4°/ que le jugement qui arrête un plan de sauvegarde en tenant compte de sommes soustraites de manière illicite par le débiteur est rendu en fraude des droits du créancier auquel les sommes revenaient et encourt de ce chef la réformation ; que pour solliciter la réformation du jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde de la société Foncière Mozart et le rejet de ce plan, la Société générale faisait valoir que ce plan avait été établi en tenant compte de sommes que la société Foncière Mozart avait perçues de l'Etablissement public d'Ile de France (EPFIF) en violation de deux cessions de créances Dailly qui lui avaient été consenties et qui avaient été régulièrement notifiées au débiteur cédé ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter ces demandes, que la Société générale ne soutenait ni que la prétendue prise en compte par le plan de sauvegarde des sommes qu'elle estimait lui revenir l'empêchait de revendiquer sa qualité de créancier de celles-ci, ni qu'une disposition du jugement arrêtant le plan ou du projet de plan aurait un tel effet, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à écarter la fraude à ses droits alléguée par la Société générale, de nature à justifier le rejet du plan de sauvegarde, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 661-3 du code de commerce et 583, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble les articles L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-28 du code monétaire et financier et les articles L. 626-1 et L. 626-9 du code de commerce ;

5°/ que la prise en compte dans l'établissement d'un plan de sauvegarde de sommes n'appartenant pas au débiteur en difficulté mais à un tiers qui en est le bénéficiaire au titre d'une cession de créance cause nécessairement un grief à ce dernier et justifie le rejet du plan ; qu'en jugeant que la Société générale n'était pas fondée à critiquer le jugement arrêtant le plan de cession (sic) en ce qu'il tenait compte des sommes frauduleusement soustraites par la société Foncière Mozart, au motif que la banque ne soutenait ni que la prétendue prise en compte par le plan de sauvegarde des sommes qu'elle estimait lui revenir l'empêche de revendiquer sa qualité de créancier de celles-ci, ni qu'une disposition du jugement arrêtant le plan ou du projet de plan aurait un tel effet, quand l'intégration de ces éléments d'actifs dans la réalisation du plan avait causé un préjudice propre à la Société générale dans la mesure où la cession des créances de la société Foncière Mozart sur l'EFPIP avait eu pour effet de transférer ces créances dans le patrimoine de la banque, et que plan avait ainsi été arrêté en entérinant la fraude commise à ses droits, la cour d'appel a encore violé les articles L. 661-3 du code de commerce et 583, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble les articles L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-28 du code monétaire et financier, et les articles L. 626-1 et L. 626(9 du code de commerce ;

6°/ que le juge doit répondre aux moyens opérants invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la Société générale faisait valoir que la somme de 948 322,56 euros versée par l'EPFIF à la société Foncière Mozart, en dépit de la notification préalable de la cession de cette créance au débiteur cédé, avait été versée directement par ce dernier auprès de l'administrateur judiciaire de la société Foncière Mozart ; qu'elle soulignait qu'il résultait des comptes de la société Foncière Mozart arrêtés au 31 décembre 2017, non communiqués par la débitrice, mais qu'elle s'était procurés auprès du greffe du tribunal de commerce, que la somme en cause avait bien été appréhendée par la société Foncière Mozart en 2017 et avait ainsi artificiellement accru la trésorerie disponible de la société, ce dont elle déduisait que le plan de sauvegarde avait été établi "sur une diminution fictive du passif de la société Foncière Mozart due à la prise en compte de ladite somme versée à tort par l'EPFIF" ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen et d'examiner les comptes de la société Foncière Mozart pour l'année 2017 versés aux débats par la Société générale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles 583, alinéa 2, du code de procédure civile et L. 661-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, que le créancier n'est recevable à former tierce opposition au jugement arrêtant le plan de sauvegarde de son débiteur que si le jugement a été rendu en fraude de ses droits ou si le créancier invoque un moyen qui lui est propre.

5. La Société générale, qui soutenait, en premier lieu, qu'en réservant à la créance de la société Landesbank Saar un traitement privilégié injustifié par rapport aux modalités d'apurement prévues pour ses créances, le plan arrêté par le tribunal contrevenait à l'égalité des créanciers, n'invoquait pas un moyen qui lui fût propre de sorte que sa tierce opposition était irrecevable de ce chef.

6. Ayant relevé, en second lieu, que la Société générale ne soutenait ni que la prétendue prise en compte par le plan de sauvegarde des sommes qu'elle estimait lui revenir l'empêchait de revendiquer sa qualité de créancier de celles-ci, ni qu'une disposition du jugement arrêtant le plan ou du projet de plan aurait un tel effet, l'arrêt exclut, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, toute atteinte frauduleuse aux droits de la Société générale, de sorte que sa tierce opposition était également irrecevable de ce chef.

7. Le moyen, qui critique les motifs par lesquels les juges ont statué sur le fond pour rejeter la tierce opposition, est dès lors inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société Générale aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société Générale et la condamne à payer à la société Foncière Mozart, M. [C], en qualité de commissaire à l'exécution du plan, et la société Montravers Yang Ting, en qualité de mandataire judiciaire, la somme globale de 3 000 euros, et à la société Landesbank Saar la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

- Sur la violation du principe d'égalité des créanciers d'une procédure collective -

8. - Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la Société Générale de sa tierce opposition formée contre le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2018 arrêtant le plan de sauvegarde de la société Foncière Mozart,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le bien-fondé de la tierce opposition : Sur la recevabilité de la tierce opposition de la Société Générale : L'article L. 661-3, alinéas 1 et 2, du code de commerce prévoit que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde est susceptible de tierce opposition et que le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d'appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant. La tierce opposition doit cependant remplir les conditions de recevabilité de droit commun énoncées à l'article 583 du code de procédure civile, qui dispose, en ses alinéas I et 2 : « Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt. à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque: Les créanciers et autres ayants cause d'une partie., peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs cirons ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont, propres. » Si la société Foncière Mozart et les organes de la procédure soulèvent l'irrecevabilité de la tierce opposition de la Société Générale dans le corps de leurs conclusions, ils se bornent, dans le dispositif de celles-ci, à demander la confirmation du jugement, dont aucune disposition ne statue sur la recevabilité de ce recours. Il convient toutefois de vérifier d'office la recevabilité de la tierce opposition dont s'agit et, partant, de rechercher si le jugement d'arrêté du plan du 28 mars 2018 a été rendu en fraude des droits de la Société Générale, en tant que créancier, et/ou si cette dernière fait valoir des moyens propres. Contrairement aux allégations de la société Foncière Mozart et des organes de la procédure, la participation de la Société Générale, en qualité de contrôleur, à l'audience des débats relative à l'arrêté du plan de sauvegarde n'a pas conféré à cette dernière la qualité de partie au jugement. En outre, un créancier ne peut être regardé comme représenté par le débiteur e le mandataire judiciaire lorsqu'il fait valoir que le jugement critiqué a été rendu en fraude de ses droits ou qu'il se prévaut de moyens propres, distincts d'une atteinte portée à l'intérêt collectif des créanciers. La Société Générale n'invoque plus, au soutien de sa tierce opposition, à hauteur d'appel, la violation de l'interdiction d'imposer aux créanciers des remises de dettes mais maintient que le jugement porte atteinte à ses droits en arrêtant un plan qui, d'une part, prend en compte des sommes lui revenant, indûment perçues par la société Foncière Mozart, et, d'autre part, méconnaît le principe d'égalité entre les créanciers. Sur le premier point, la Société Générale soutient que la créance détenue par la société Foncière Mozart sur l'Etablissement public d'He de France (EPFIF), objet d'une cession Dailly à son profit, a néanmoins été payée à hauteur de 948 322,56 euros entre les mains, de l'administrateur judiciaire de la société Foncière Mozart et qu'une partie de cette somme ayant été prise en compte dans le projet de plan, celui-ci « entérin[e] une situation de fait ayant permis l'appropriation frauduleuse d'une somme ». Elle ajoute que l'issue de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Paris, engagée par elle l'encontre de l'EPFIF, est « susceptible d'avoir des conséquences importantes sur la mise en oeuvre du plan de sauvegarde et remet en cause la sincérité » de celui-ci. Sur le second point, la Société Générale argue que la créance de la Landesbank Saar a fait l'objet, par rapport à la sienne, d'un traitement privilégié injustifié. Les moyens pris de l'absence de viabilité du plan de sauvegarde et de ses difficultés d'exécution s'il devait être jugé, à l'issue du litige en cours, que la société Foncière Mozart a perçu indûment les sommes litigieuses revendiquées par la Société Générale relèvent d'une atteinte à l'intérêt collectif des créanciers et non d'un moyen propre à cette dernière. Il en est de même du traitement privilégié dont bénéficierait la créance de la Landesbank Saar. En revanche, l'atteinte éventuelle portée par le plan de sauvegarde aux droits de la Société Générale sur les sommes qu'elle estime lui revenir et les critiques formulées quant aux modalités d'apurement de sa propre créance (par comparaison à celles prévues pour la Landesbank Saar) constituent bien des moyens propres. La tierce opposition sera donc déclarée recevable. Sur le bien-fondé de la tierce opposition : (?) – Les modalités d'apurement de la créance de la Société Générale : Comme il a été dit, la Société Générale n'est pas recevable à remettre en cause les modalités d'apurement de la créance de la Landesbank Saar mais peut critiquer celles retenues pour ses propres créances, notamment la violation de son éventuel droit à bénéficier du même traitement que la Landesbank Saar. En l'occurrence, elle fait valoir que les créanciers financiers de la société Foncière Mozart ne comprennent qu'elle-même et la Landesbank Saar et que cette dernière est la seule bénéficier d'un remboursement conforme aux stipulations contractuelles et d'une délégation de loyers sans que cette différence de traitement ne se justifie. La société Foncière Mozart, les organes de la procédure collective et la Landesbank Saar répliquent que la loi n'interdit pas de traiter les créanciers de manière différenciée et qu'en l'espèce, la Landesbank Saar a déclaré des créances à échoir et la Société Générale des créances échues, différence de situation qui justifiait un traitement différent, Ils soulignent également qu'il était avantageux pour tous que la société Foncière Mozart opte pour la poursuite des prêts conclus avec Landesbank Saar, qui lui permettent de percevoir la partie excédentaire des créances de loyers cédées à la banque. Il résulte de l'article L. 626-5 du code de commerce que les propositions pour le règlement des dettes « peuvent porter sur des délais, remises et conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital » que l'absence de réponse d'un créancier â une proposition de délais ou de remises dans les 30 jours de la réception de la lettre du mandataire judiciaire vaut acceptation et que ce dernier n'est pas tenu de consulter les créanciers pour lesquels:« le projet de plan ne modifie pas les modalités de paiement ou prévoit un règlement intégral dès l'arrêté du plan ou dès l'admission de huis créances ». L'article L. 626-18 du même code énonce : « Le tribunal donne acte des délais et remises acceptés par les créanciers dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 626-5 et à l'article L 626-6. Ces délais et remises peuvent, le cas échéant, être réduits par le tribunal. Le tribunal homologue les accords de conversion en titres acceptés par les créanciers dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 626-5, sauf s'ils portent atteinte aux intérêts des autres créanciers. Il s'assure également, s'il y a lieu, de l'approbation des assemblées mentionnées à l'article L. 626-3. Pour les créanciers autres que ceux visés aux premier et deuxième alinéas du présent article, lorsque les délais de paiement stipulés par les parties avant l'ouverture de la procédure sont supérieurs à la durée du plan, le tribunal ordonne le maintien de ces délais. Dans les autres cas, le tribunal impose des délais uniformes de paiement, sous réserve du cinquième alinéa du présent article. Le premier paiement ne peut intervenir au-delà d'un délai d'un an. Le montant de chacune des annuités prévues par le plan, à compter de la troisième, ne peut être inférieur à 5 % de chacune des créances admises, sauf dans le cas d'une exploitation agricole. Lorsque le principal d'une créance reste à échoir en totalité au jour du premier paiement prévu par le plan, son remboursement commence à la date de l'annuité prévue par le plan qui suit l'échéance stipulée par les parties avant l'ouverture de la procédure. A cette date, le principal est payé à concurrence du montant qui aurait été perçu par le créancier s'il avait été soumis depuis le début du plan aux délais uniformes de paiement imposés par le tribunal aux autres créanciers. Le montant versé au titre des annuités suivantes est déterminé conformément aux délais uniformes de paiement imposés aux autres créanciers. Si aucun créancier n'a été soumis à des délais uniformes de paiement, le montant versé au titre des annuités suivantes correspond à des fractions annuelles égales du montant du principal restant dû. Les délais de paiement imposés en application des quatrième et cinquième alinéas ne peuvent excéder la durée du plan. Le crédit-preneur peut, à l'échéance, lever l'option d'achat avant l'expiration des délais prévus au présent article. Il doit alors payer l'intégralité des sommes dues dans la limite de la réduction dont elles font l'objet dans le plan sous forme de remises ». Il n'est produit aucune pièce permettant de déterminer le contenu des propositions d'apurement transmises par le mandataire judiciaire à la Société Générale. Toutefois, il résulte des réponses de la Société Générale, datées du 9 octobre 2018, qui font référence à des propositions reçues du mandataire judiciaire le 14 septembre 2018, que celle-ci a opposé un refus dans le délai imparti par l'article L. 626-5 du code de commerce. Titulaire de créances échues et ayant refusé les propositions d'apurement transmises par le mandataire judiciaire, la Société Générale relevait de la catégorie des « autres créanciers » mentionnée à l'article L. 626-18, alinéa 3, précité, qui se voient imposer des délais uniformes de paiement. C'est donc à juste titre que le jugement arrêtant le plan a soumis les créances de la Société Générale à de tels délais. Il reste à déterminer si la Société Générale était en droit de se voir proposer des modalités d'apurement identiques à celles retenues pour la créance de la Landesbank Saar (déclarée pour un montant total en principal de 14.429.921,93 euros à échoir), à savoir un règlement conforme au contrat. La société Foncière Mozart et les organes de la procédure collective, qui affirment, dans leur note en délibéré transmise le 13 janvier 2020, que la Landesbank Saar « a, par son silence, accepté la proposition faite par le mandataire judiciaire » et en déduisent que le tribunal devait se borner à lui donner acte de cette acceptation, paraissent considérer que le sort réservé par le plan à la créance de la Landesbank Saar résulte de l'application de l'article L. 622-18, alinéa 1, du code de commerce (« Le tribunal donne acte des délais et remises acceptés par les créanciers dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 626-5 et à l'article L. 626-6. »). Toutefois, il n'est produit aucune pièce permettant d'établir que le mandataire judiciaire a fait parvenir à la Landesbank Saar des propositions d'apurement de sa créance, consultation qui, au demeurant, conformément à l'article L. 626-5 du code de commerce n'était pas obligatoire, dès lors que le projet de plan ne modifiait pas les modalités de paiement de ce créancier. Les motifs du jugement frappé de tierce opposition relèvent en outre que les créanciers n'ayant pas répondu à la consultation représentent un passif de 1.834.326,71 euros, constatation dont il s'évince que la Landesbank Saar, qui a déclaré une créance de 14.429.921,93 euros, n'appartenait pas à cette catégorie. Il doit également être observé que le même jugement donne acte aux créanciers des délais et remises consentis après avoir mentionné, dans un chef de dispositif distinct, que la créance de la Landesbank Saar serait réglée conformément au contrat, de sorte que cette dernière n'apparaît pas concernée par le « donner acte ». Dès lors, il ne peut être retenu que le traitement réservé à la créance de la Landesbank Saar se fonde sur l'acceptation, expresse ou tacite, d'une proposition d'apurement transmise en application de l'article L. 626-5 du code de commerce. En tout état de cause, une proposition d'apurement consistant à prévoir un règlement conforme au contrat ne porte ni sur des délais, ni sur des remises, ni sur des conversions en titres de capital et partant, contrevient à l'article L. 626-5 du code de commerce, indépendamment de la faculté qu'offre ou non ce texte de traiter les créanciers de manière différenciée. Enfin, il ne résulte d'aucune pièce versée aux débats, et il n'est pas soutenu par les parties, que la Landesbank Saar a refusé une proposition d'apurement transmise par le mandataire judiciaire ou relèverait des dispositions applicables au crédit-bailleur. Dès lors, les modalités de règlement de la créance de la Landesbank Saar prévues par le plan n'entrent pas dans les prévisions de l'article L. 626-18 du code de commerce. Par ailleurs, la société Foncière Mozart et les organes de la procédure sont mal fondés â prétendre que l'application des stipulations du contrat de prêt conclu avec la Landesbank Saar trouve sa justification dans l'option exercée en faveur de la poursuite de ce contrat. alors qu'un prêt ne constitue pas un contrat en, cours au sens de l'article L 62243 du code de commerce, les sommes restant dues fussent-elles échues ou â échoir. En outre, les créances résultant de contrats continués, qui sont nées postérieurement au jugement d'ouverture et bénéficient en principe du traitement préférentiel prévu par l'article L. 622-17 du même code, ne sont pas soumises aux modalités d'apurement du passif prévues par le plan. Il s'ensuit que le sort réservé à la créance de la Landesbank contrevient aux dispositions du livre VI du code de commerce. La Société Générale n'est donc pas fondée à invoquer un droit à bénéficier du même traitement, En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la tierce opposition au jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde formée par la Société Générale » ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE « Sur la violation alléguée du principe d'égalité des créanciers : Attendu que la SOCIETE GENERALE soutient que la dette bancaire est traitée de façon privilégiée à l'égard de LANDESBANK SAAR, cette dernière échappant aux annuités du plan sur 10 ans ; Attendu que l'article L.652-2 alinéa 3 du code de commerce prévoit que le projet de plan « définit les modalités de règlement du passif » ; Que l'article L. 626-5 du même code dispose que : « Les propositions pour le règlement des dettes peuvent porter sur des délais, remises et conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital. Elles sont, au fur et à mesure de leur élaboration et sous surveillance du juge-commissaire, communiquées par l'administrateur au mandataire judiciaire, aux contrôleurs ainsi qu'au comité d'entreprise ou, à défaut aux délégués du personnel. Lorsque la proposition porte sur des délais et remises, le mandataire judiciaire recueille, individuellement ou collectivement, l'accord de chaque créancier qui a déclaré sa créance conformément à l'article L. 622-24. (...). » Attendu qu'ainsi, cet article envisage bien un traitement différent entre les créanciers, chaque créancier pouvant accepter ou refuser la proposition qui lui est faite ; Attendu de surcroit que la créance de LANDESBANK SAAR, en l'espèce le règlement d'échéances trimestrielles de loyers, est à échoir, alors que la créance de SOCIETE GENERALE est échue; Que dans ses conditions, cette dernière ne peut plus se prévaloir des dispositions de contrat qui la liait à FONCIERE MOZART, et que cela justifie un traitement différencié. Le tribunal dira que le moyen retenu par la SOCIETE GENERALE est inopérant et la déboutera de sa demande. En conséquence de quoi, Le tribunal déboutera la SOCIETE GENERALE de sa tierce opposition formée contre le jugement du Tribunal de commerce de Paris arrêtant le plan de sauvegarde de la société FONCIERE MOZART en date du 18 décembre 2018 » ;

1°) ALORS QUE tout créancier est recevable à invoquer, au soutien d'une tierce opposition contre le jugement arrêtant le plan de sauvegarde de son débiteur, l'illicéité des modalités d'apurement de la créance d'un autre créancier en tant que ce dernier a été indument avantagé au mépris du principe d'égalité entre les créanciers ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a néanmoins retenu que la Société Générale, créancière de la société Foncière Mozart, n'était pas recevable à contester les modalités choisies par le tribunal de commerce pour le règlement de la créance de la société Landesbank Saar et qu'elle pouvait uniquement critiquer les modalités retenues pour le règlement de ses propres créances, notamment la violation de son éventuel droit de bénéficier du même traitement que la Landesbank Saar (arrêt, p. 5 et 6, 1er §) ; qu'après avoir ensuite constaté que les modalités de règlement de la créance de la Landesbank Saar contrevenaient aux dispositions du livre VI du code de commerce, la cour d'appel a considéré que du fait de cette illicéité, la Société Générale n'était pas fondée à bénéficier du même traitement (p. 8, 6ème §) et en a déduit que sa tierce opposition au jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde de la société Foncière Mozart devait être rejetée ; qu'en statuant de la sorte, quand la Société Générale, si elle ne pouvait prétendre bénéficier de modalités de règlement de sa créance qui contreviendraient aux dispositions légales applicables, était recevable à solliciter le rejet du plan de sauvegarde dont les dispositions contrevenaient au principe d'égalité entre créanciers, la cour d'appel a violé les articles L. 626-5, L. 626-18 et L. 661-3 du code de commerce, ensemble l'article 583 du code de procédure civile et 2093 du code civil ;

2°) ALORS, DE SURCROÎT, QUE le jugement qui arrête un plan de sauvegarde prévoyant, en contravention avec les dispositions légales applicables, que l'un des créanciers verra sa créance remboursée conformément aux stipulations du contrat le liant avec le débiteur, sans subir de délai de paiement, ni de remise, quand les autres créanciers ne bénéficieront pas du même traitement privilégié, porte nécessairement atteinte aux intérêts de chacun de ces derniers, puisque l'étendue des sacrifices qui leur sont imposés est mécaniquement augmentée par l'avantage illicite conféré à ce créancier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'alors que la Société Générale s'était vu imposer un délai de dix ans pour le règlement de sa créance échue déclarée contre la société Foncière Mozart, le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde de cette société avait prévu que la société Landesbank Saar verrait sa créance à échoir apurée selon les stipulations contractuelles sans subir de délais ni de remise ; que tout en relevant que « le sort réservé à la créance de la Landesbank contrevient aux dispositions du livre VI du code de commerce », la cour d'appel a néanmoins rejeté la tierce opposition de la Société Générale contre le jugement arrêtant le plan, au motif que cette dernière n'était pas fondée à invoquer un droit de bénéficier du même traitement illicite ; qu'en se prononçant de la sorte, quand la Société Générale avait un intérêt propre à dénoncer la rupture d'égalité entre les créanciers renfermée par un tel plan et à en obtenir le rejet ou, à tout le moins, la réformation, la cour d'appel a violé les articles L. 661-3 du code de commerce et 583 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 626-5 et L. 626-18 du code de commerce et l'article 2093 du code civil ;

3°) ALORS QU'A SUPPOSER LES MOTIFS DU JUGEMENT DE PREMIERE INSTANCE ADOPTES, si, conformément à l'article L. 626-5 du code de commerce, les propositions pour le règlement des dettes des créanciers peuvent être différentes, ces différences doivent être fondées sur des critères objectifs et pertinents ; que pour écarter le moyen invoqué par la Société Générale qui soutenait que le plan de sauvegarde de la société Foncière Mozart méconnaissait le principe d'égalité entre les créanciers dans la mesure où il prévoyait que le remboursement des créances de la Landesbank Saar se feraient conformément aux stipulations contractuelles, de sorte que ce créancier échappait, seul, à tout délai ou remise prévus par le plan de sauvegarde, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que la créance de la Landesbank Saar était une créance à échoir, alors que celle de la Société Générale était une créance échue, de sorte que cette dernière ne pouvait plus se prévaloir des stipulations des contrats de prêt qui la liaient à la société Foncière Mozart, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier l'inégalité de traitement des créances de la société Landesbank Saar et de la Société Générale, en violation des articles L. 626-5, L. 626-18 du code de commerce, ensemble l'article 2093 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

- sur la fraude aux droits de la Société Générale –

18. - Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société Générale de sa tierce opposition formée contre le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 décembre 2018 arrêtant le plan de sauvegarde de la société Foncière Mozart,

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Sur la recevabilité de la tierce opposition de la Société Générale : L'article L. 661-3, alinéas 1 et 2, du code de commerce prévoit que le jugement qui arrête le plan de sauvegarde est susceptible de tierce opposition et que le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d'appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant. La tierce opposition doit cependant remplir les conditions de recevabilité de droit commun énoncées à l'article 583 du code de procédure civile, qui dispose, en ses alinéas I et 2 : « Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt. à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque: Les créanciers et autres ayants cause d'une partie., peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs cirons ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont, propres. » Si la société Foncière Mozart et les organes de la procédure soulèvent l'irrecevabilité de la tierce opposition de la Société Générale dans le corps de leurs conclusions, ils se bornent, dans le dispositif de celles-ci, à demander la confirmation du jugement, dont aucune disposition ne statue sur la recevabilité de ce recours. Il convient toutefois de vérifier d'office la recevabilité de la tierce opposition dont s'agit et, partant, de rechercher si le jugement d'arrêté du plan du 28 mars 2018 a été rendu en fraude des droits de la Société Générale, en tant que créancier, et/ou si cette dernière fait valoir des moyens propres. Contrairement aux allégations de la société Foncière Mozart et des organes de la procédure, la participation de la Société Générale, en qualité de contrôleur, à l'audience des débats relative à l'arrêté du plan de sauvegarde n'a pas conféré à cette dernière la qualité de partie au jugement. En outre, un créancier ne peut être regardé comme représenté par le débiteur et le mandataire judiciaire lorsqu'il fait valoir que le jugement critiqué a été rendu en fraude de ses droits ou qu'il se prévaut de moyens propres, distincts d'une atteinte portée à l'intérêt collectif des créanciers. La Société Générale n'invoque plus, au soutien de sa tierce opposition, à hauteur d'appel, la violation de l'interdiction d'imposer aux créanciers des remises de dettes mais maintient que le jugement porte atteinte à ses droits en arrêtant un plan qui, d'une part, prend en compte des sommes lui revenant, indûment perçues par la société Foncière Mozart, et, d'autre part, méconnaît le principe d'égalité entre les créanciers. Sur le premier point, la Société Générale soutient que la créance détenue par la société Foncière Mozart sur l'Etablissement public d'He de France (EPFIF), objet d'une cession Dailly à son profit, a néanmoins été payée à hauteur de 948 322,56 euros entre les mains, de l'administrateur judiciaire de la société Foncière Mozart et qu'une partie de cette somme ayant été prise en compte dans le projet de plan, celui-ci « entérin[e] une situation de fait ayant permis l'appropriation frauduleuse d'une somme ». Elle ajoute que l'issue de l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Paris, engagée par elle l'encontre de l'EPFIF, est « susceptible d'avoir des conséquences importantes sur la mise en oeuvre du plan de sauvegarde et remet en cause la sincérité » de celui-ci. Sur le second point, la Société Générale argue que la créance de la Landesbank Saar a fait l'objet, par rapport à la sienne, d'un traitement privilégié injustifié. Les moyens pris de l'absence de viabilité du plan de sauvegarde et de ses difficultés d'exécution s'il devait être jugé, à l'issue du litige en cours, que la société Foncière Mozart a perçu indûment les sommes litigieuses revendiquées par la Société Générale relèvent d'une atteinte à l'intérêt collectif des créanciers et non d'un moyen propre à cette dernière. Il en est de même du traitement privilégié dont bénéficierait la créance de la Landesbank Saar. En revanche, l'atteinte éventuelle portée par le plan de sauvegarde aux droits de la Société Générale sur les sommes qu'elle estime lui revenir et les critiques formulées quant aux modalités d'apurement de sa propre créance (par comparaison à celles prévues pour la Landesbank Saar) constituent bien des moyens propres. La tierce opposition sera donc déclarée recevable. Sur le bien-fondé de la tierce opposition : - La prise en compte de sommes appartenant à la Société Générale : La Société Générale ne soutient ni que la prétendue prise en compte par le plan de sauvegarde des sommes qu'elle estime lui revenir l'empêche de revendiquer sa qualité de créancier de celles-ci, ni qu'une disposition du jugement arrêtant le plan ou du projet de plan aurait un tel effet, et elle n'est pas recevable, pour les raisons exposées ci-avant, à exciper du manque de sérieux du plan. Le moyen de la Société Générale est, dès lors, mal fondé » ;

AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE : « Sur le mérite de la tierce opposition (?) – Sur la prise en compte dans le plan de sauvegarde de sommes qui auraient été indûment perçues par FONCIERE MOZART : Attendu que FONCIERE MOZART a vendu à l'EPFIF, le 28 août 2013, des biens immobiliers sis à [Localité 1], biens qui ont été financés à l'origine par des crédits accordés par SOCIETE GENERALE ; Que FONCIERE MOZART et SOCIETE GENERALE ont régularisé le 30 août 2013 deux actes de cession de créances professionnelles à titre de garantie portant sur le solde des sommes susceptibles d'être versées par l'EPFIF, cette dernière devenant ainsi le débiteur ; Qu'en exécution de la vente du 28 août 2013, des créances d'un premier montant de 567 937,20€ et d'un second montant de 1 193 516,70 €, ont ainsi été cédées ; Attendu que SOCIETE GENERALE soutient que I'EPFIF s'est libéré de la somme de 948.322,56€ entre les mains de Me [C], es qualité d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de FONCIERE MOZART, que cela vient en faute de ses droits ; Attendu toutefois qu'un litige est actuellement pendant devant le TGI de Paris élevé par SOCIETE GENERALE à l'encontre de l'EPFIF en paiement du solde de prix de vente venant en garantie des crédits accordés à FONCIERE MOZART, que cette dernière n'est pas attraite au litige, que l'existence d'un litige en cours n'est de nature à empêcher l'adoption d'un plan de sauvegarde et, qu'il appartient au TGI de Paris de se prononcer et non au tribunal de céans ; En conséquence, le tribunal ne retiendra pas le moyen utilisé par SOCIETE GENERALE, et rejettera, à ce titre, la demande de cette dernière » ;

1°) ALORS QUE le jugement qui arrête un plan de sauvegarde en tenant compte de sommes soustraites de manière illicite par le débiteur est rendu en fraude des droits du créancier auquel les sommes revenaient et encourt de ce chef la réformation ; que pour solliciter la réformation du jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde de la société Foncière Mozart et le rejet de ce plan, la Société Générale faisait valoir (ses conclusions d'appel, p. 17-19) que ce plan avait été établi en tenant compte de sommes que la société Foncière Mozart avait perçues de l'Etablissement Public d'Ile de France (EPFIF) en violation de deux cessions de créances Dailly qui lui avaient été consenties et qui avaient été régulièrement notifiées au débiteur cédé ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter ces demandes, que la Société Générale ne soutenait ni que la prétendue prise en compte par le plan de sauvegarde des sommes qu'elle estimait lui revenir l'empêchait de revendiquer sa qualité de créancier de celles-ci, ni qu'une disposition du jugement arrêtant le plan ou du projet de plan aurait un tel effet, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à écarter la fraude à ses droits alléguée par la Société Générale, de nature à justifier le rejet du plan de sauvegarde, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 661-3 du code de commerce et 583, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble les articles L. 313-24, L. 313-27 et L. 313-28 du code monétaire et financier et les articles L. 626-1 et L. 626-9 du code de commerce ;

2°) ALORS en toute hypothèse QUE la prise en compte dans l'établissement d'un plan de sauvegarde de sommes n'appartenant pas au débiteur en difficulté mais à un tiers qui en est le bénéficiaire au titre d'une cession de créance cause nécessairement un grief à ce dernier et justifie le rejet du plan ; qu'en jugeant que la Société Générale n'était pas fondée à critiquer le jugement arrêtant le plan de cession en ce qu'il tenait compte des sommes frauduleusement soustraites par la société Foncière Mozart, au motif que la banque ne soutenait ni que la prétendue prise en compte par le plan de sauvegarde des sommes qu'elle estimait lui revenir l'empêche de revendiquer sa qualité de créancier de celles-ci, ni qu'une disposition du jugement arrêtant le plan ou du projet de plan aurait un tel effet, quand l'intégration de ces éléments d'actifs dans la réalisation du plan avait causé un préjudice propre à la Société Générale dans la mesure où la cession des créances de la société Foncière Mozart sur l'EFPIP avait eu pour effet de transférer ces créances dans le patrimoine de la banque, et que plan avait ainsi été arrêté en entérinant la fraude commise à ses droits, la cour d'appel a encore violé les articles L. 661-3 du code de commerce et 583, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble les articles L.313-24, L.313-27 et L.313-28 du code monétaire et financier, et les articles L. 626-1 et L. 626(9 du code de commerce ;

3°) ALORS, EN OUTRE, QUE le juge doit répondre aux moyens opérants invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la Société Générale faisait valoir (ses conclusions d'appel, p. 18 et 19) que la somme de 948.322,56 € versée par l'EPFIF à la société Foncière Mozart, en dépit de la notification préalable de la cession de cette créance au débiteur cédé, avait été versée directement par ce dernier auprès de l'administrateur judiciaire de la société Foncière Mozart ; qu'elle soulignait qu'il résultait des comptes de la société Foncière Mozart arrêtés au 31 décembre 2017, non communiqués par la débitrice, mais qu'elle s'était procurés auprès du greffe du tribunal de commerce, que la somme en cause avait bien été appréhendée par la société Foncière Mozart en 2017 et avait ainsi artificiellement accru la trésorerie disponible de la société, ce dont elle déduisait que le plan de sauvegarde avait été établi « sur une diminution fictive du passif de la société Foncière Mozart due à la prise en compte de ladite somme versée à tort par l'EPFIF » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen et d'examiner les comptes de la société Foncière Mozart pour l'année 2017 versés aux débats par la Société Générale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-15299
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 oct. 2021, pourvoi n°20-15299


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.15299
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