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20/10/2021 | FRANCE | N°20-11004

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 octobre 2021, 20-11004


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 672 F-D

Pourvoi n° Z 20-11.004

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 OCTOBRE 2021

La société Fatima, société civile immob

ilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 20-11.004 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2019 par la cour d'appel de Saint-De...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 672 F-D

Pourvoi n° Z 20-11.004

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 OCTOBRE 2021

La société Fatima, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 20-11.004 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant à la société Hirou, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3] et son établissement secondaire [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société La Case en paille, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Fatima, après débats en l'audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 20 septembre 2019), la société La Case en paille, mise en redressement judiciaire le 9 avril 2008, a bénéficié, le 28 janvier 2009, d'un plan de redressement d'une durée de sept ans qui mentionnait l'existence d'une créance de 130 000 euros détenue contre un tiers, la SCI Fatima (la SCI), et que la débitrice s'engageait à recouvrer dans les meilleurs délais, et dans un délai de « deux ans au plus », afin de désintéresser les créanciers.

2. Un jugement du 7 octobre 2015 a prononcé la résolution de ce plan et mis la société La Case en paille en liquidation judiciaire, la société Hirou étant nommée liquidateur.

3. Faisant valoir que la SCI avait bénéficié d'une somme sans cause, le liquidateur l'a assignée en remboursement de cette somme, par un acte du 12 janvier 2017. La SCI s'est opposée à cette demande, en soulevant la prescription de l'action.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par le liquidateur et de la condamner à payer à celui-ci la somme de 120 000 euros, alors « que tenu de respecter le principe de la contradiction et les droits de la défense, le juge ne peut relever d'office un moyen sans mettre les parties en mesure d'en débattre contradictoirement ; qu'en relevant d'office que la prescription, dont elle admettait que le point de départ remontait à "l'année 2005", avait été "suspendue par le fait même de la Sarl La Case en paille qui, au terme de son plan d'apurement, s'est engagée à rembourser la SCI Fatima", sans avoir provoqué les observations des parties sur ce moyen qui n'avait pas été invoqué ni débattu, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

5. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

6. Pour dire que l'action exercée par le liquidateur n'était pas prescrite, après avoir considéré que, dans le cadre de son plan arrêté le 28 janvier 2009, la société La Case en paille s'était engagée à recouvrer sa créance contre la SCI pendant les délais qui ont couru sur une période comprise entre l'adoption du plan et jusqu'à la résolution de celui-ci par le jugement du 7 octobre 2015, l'arrêt retient qu'au vu des dispositions de l'article 2238 du code civil, la prescription a été suspendue pendant cette même période, afin de permettre à la société La Case en paille d'apurer sa dette et de recouvrer sa créance contre la SCI.

7. En statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen qu'elle relevait d'office, tiré de l'application de l'article 2238 du code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. La SCI fait le même grief à l'arrêt, alors « que si l'article 2238 du code civil prévoit la suspension du cours de la prescription en cas d'une convention de médiation, de conciliation ou de procédure participative, ou encore d'accord du débiteur, constaté par huissier, à une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, aucune disposition n'attache d'effet suspensif à "l'engagement" du créancier de recouvrer sa créance ; qu'en déduisant la suspension qu'elle retenait de ce que "ainsi, dans le cadre de la procédure collective, la Sarl La Case en Paille s'est engagée à rembourser le passif et à recouvrer sa créance sur la SCI Fatima pendant les délais qui ont couru à compter de l'adoption du plan d'apurement le 9 avril 2009 jusqu'au constat d'échec du plan et sa résolution par le jugement du 7 octobre 2015 prononçant la liquidation judiciaire", la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2238 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2238 du code civil et l'article L. 641-9 du code de commerce :

9. Il résulte du second de ces textes qu'à l'égard du liquidateur, qui exerce les droits et actions du débiteur relatifs à son patrimoine à la suite de son dessaisissement, la prescription commence à courir à compter de la même date qu'à l'égard de ce dernier. Selon le premier de ces textes, la prescription n'est suspendue que si les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation, ou si elles concluent une convention de procédure participative, ou encore si le débiteur a donné son accord pour participer à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, prévue par l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution.

10. Pour dire que l'action exercée par le liquidateur n'était pas prescrite, l'arrêt relève que, pendant le cours du délai de prescription, qui a débuté en décembre 2005, la société La Case en paille a été mise en redressement judiciaire et a bénéficié, le 28 janvier 2009, d'un plan qui mentionne l'engagement de cette société de recouvrer sa créance de 130 000 euros contre la SCI à meilleur délai, et au plus tard dans un délai de deux ans. Il en déduit que, à l'occasion de sa procédure collective, la société La Case en paille s'est engagée à recouvrer cette créance pendant une période qui s'est étendue de l'arrêté du plan, le « 9 avril 2009 », jusqu'à la résolution de ce plan, le 7 octobre 2015, et que, un tel engagement interdisant au mandataire judiciaire d'agir en reconstitution de l'actif tant que le plan était en cours, il résulte de l'article 2238 du code civil que la prescription a été suspendue pendant cette période, afin de permettre à la société La Case en paille de recouvrer sa créance.

11. En statuant ainsi, alors qu'à l'égard du liquidateur, la prescription avait commencé à courir à compter de la même date qu'à l'égard de la société débitrice La Case en paille, et que l'engagement de cette dernière de recouvrer, pendant la durée de son plan, la créance qu'elle détenait contre la SCI ne constituait pas une cause de suspension de la prescription prévue par l'article 2238 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;

Condamne la société Hirou, en qualité de liquidateur de la société La Case en paille, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Fatima.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et condamnant la SCI Fatima à payer à la Sarl La Case en Paille, représentée par son mandataire liquidateur, la somme de 120 000 euros ;

AUX MOTIFS SUBSTITUES A CEUX DU JUGEMENT QUE « la Selarl Hirou, nouveau liquidateur judiciaire désigné le 7 octobre 2015 par le tribunal mixte de commerce, a constaté sur la comptabilité arrêtée en 2015 l'existence d'une créance détenue par la Sarl La Case en Paille sur la SCI Fatima ; que cette créance date de l'année 2005 ce qui permet à la SCI Fatima d'opposer que l'action en répétition de l'indu introduite par assignation du 12 janvier 2017, soit plus de 11 ans après, est éteinte par voie de la prescription de l'article 2224 du Code civil ;

Que, cependant, il doit être constaté que pendant le cours du délai de prescription à compter de décembre 2005, la Sarl La Case en Paille a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 9 avril 2008 ; qu'un plan de continuation et d'apurement du passif (fixé à la somme de 158 130,67 euros) a été arrêté par jugement du 28 janvier 2009 ;

Qu'il est mentionné en page 4 du projet du plan d'apurement du passif que la Sarl La Case en Paille détient sur la SCI Fatima une créance de plus de 130 000 euros et que la Sarl La Case en Paille « a pris l'engagement de recouvrer à meilleur délai sa créance sur la SCI Fatima de manière à pouvoir désintéresser les créanciers de la procédure par anticipation, Madame [I], gérante, précisant qu'un délai de deux ans au plus lui paraît nécessaire car pour rembourser sa dette, la SCI Fatima devra vendre un immeuble lui appartenant » ;

Qu'ainsi, dans le cadre de la procédure collective, la Sarl La Case en Paille s'est engagée à rembourser le passif et à recouvrer sa créance sur la SCI Fatima pendant les délais qui ont couru à compter de l'adoption du plan d'apurement le 9 avril 2009 jusqu'au constat d'échec du plan et sa résolution par le jugement du 7 octobre 2015 prononçant la liquidation judiciaire ;

Que l'article 2238 du Code civil dispose que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative ou à compter de l'accord du débiteur constaté par l'huissier de justice pour participer à la procédure prévue à l'article L. 125-1 du Code des procédures civiles d'exécution.
Le délai de prescription commence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. En cas de convention de procédure participative, le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. En cas d'échec de la procédure prévue au même article, le délai de prescription recommence à courir à compter de la date du refus du débiteur, constaté par l'huissier, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois » ;

Qu'au vu de ces dispositions, la prescription a été suspendue pendant la période située entre le 9 avril 2009, date de l'adoption du plan, et le 7 octobre 2015, date de la liquidation judiciaire pour permettre à la Sarl La Case en Paille d'apurer sa dette et de recouvrer sa créance à l'encontre de la SCI Fatima ;
Que la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru ;
Que la prescription a couru du mois de décembre 2005 au 9 avril 2009 soit pendant trois ans et presque cinq mois ; qu'après la reprise du cours de la prescription lors de l'ouverture de la liquidation judiciaire, le 7 octobre 2015, la Selarl Hirou, liquidateur judiciaire, a engagé l'action en restitution le 12 janvier 2017, soit dans le délai de prescription de cinq ans de sorte que la fin de non-recevoir opposée par la SCI Fatima n'est pas acquise ;

Que la fin de non-recevoir invoquée par l'appelante est infondée, cette prescription ayant été suspendue par le fait même de la Sarl La Case en Paille qui, au terme de son plan d'apurement, s'est engagée à rembourser la SCI Fatima ; que le mandataire judiciaire alors désigné, Me [X], ne pouvait agir en reconstitution de l'actif de la Sarl La Case en Paille tant que le plan était en cours » ;

1°/ ALORS QUE, tenu de respecter le principe de la contradiction et les droits de la défense, le juge ne peut relever d'office un moyen sans mettre les parties en mesure d'en débattre contradictoirement ; qu'en relevant d'office que la prescription, dont elle admettait que le point de départ remontait à « l'année 2005 », avait été « suspendue par le fait même de la Sarl La Case en Paille qui, au terme de son plan d'apurement, s'est engagée à rembourser la SCI Fatima », sans avoir provoqué les observations des parties sur ce moyen qui n'avait pas été invoqué ni débattu, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE si l'article 2238 du Code civil prévoit la suspension du cours de la prescription en cas d'une convention de médiation, de conciliation ou de procédure participative, ou encore d'accord du débiteur, constaté par huissier, à une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, aucune disposition n'attache d'effet suspensif à l'« engagement » du créancier de recouvrer sa créance ; qu'en déduisant la suspension qu'elle retenait de ce que « ainsi, dans le cadre de la procédure collective, la Sarl La Case en Paille s'est engagée à rembourser le passif et à recouvrer sa créance sur la SCI Fatima pendant les délais qui ont couru à compter de l'adoption du plan d'apurement le 9 avril 2009 jusqu'au constat d'échec du plan et sa résolution par le jugement du 7 octobre 2015 prononçant la liquidation judiciaire », la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2238 du Code civil ;

3°/ ALORS QU'en retenant que « la Sarl la Case en Paille, au terme de son plan d'apurement, s'est engagée à rembourser la SCI Fatima », cependant qu'il résulte de ses propres constatations que la Sarl La Case en Paille était le créancier et la SCI Fatima le débiteur, et en attachant à cet « engagement » un effet suspensif du cours de la prescription, la cour d'appel a violé l'article 2238 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-11004
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 20 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 oct. 2021, pourvoi n°20-11004


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.11004
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