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20/10/2021 | FRANCE | N°19-25584;20-12237

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2021, 19-25584 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1158 F-D

Pourvois n°
B 19-25.584
Q 20-12.237 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021
>I - 1°/ L'établissement Hospitalité [1], dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la Congrégation des Soeurs hospitalières de [1], dont le siège est [Adr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1158 F-D

Pourvois n°
B 19-25.584
Q 20-12.237 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

I - 1°/ L'établissement Hospitalité [1], dont le siège est [Adresse 4],

2°/ la Congrégation des Soeurs hospitalières de [1], dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° B 19-25.584 dans le litige les opposant :

1°/ à M. [V] [I], domicilié [Adresse 1],

2°/ à Pôle emploi de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

II - M. [V] [I] a formé le pourvoi n° Q 20-12.237, dans le litige l'opposant à l'établissement Hospitalité [1], défendeur à la cassation,

contre le même arrêt rendu le 16 octobre 2019 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale).

Les demanderesses n° B 19-25.584 invoque, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi n° Q 20-12.237 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'établissement Hospitalité [1] et de la Congrégation des Soeurs hospitalières de [1], et de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [I], après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° B 19-25.584 et Q 20-12.237 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes,16 octobre 2019), M. [I] a été engagé, le 13 juillet 2009 en qualité de pharmacien gérant, par l'hôpital [1], établissement particulier de la Congrégation des Soeurs de [1], aux droits duquel vient l'Hospitalité [1] ayant regroupé, en juillet 2010, l'ensemble des activités gérées par l'établissement de [Localité 1].

3. Licencié par lettre du 8 juin 2012, signée par M. [C] en sa qualité de directeur général de l'établissement de [Localité 1], il a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi du salarié, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi de l'employeur, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de décider que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors « que le pouvoir de représenter une personne morale telle une congrégation peut, sauf si les statuts l'interdisent expressément, faire l'objet d'une délégation de pouvoir ; que l'arrêt constate que Mme [P] avait la qualité de présidente de l'hospitalité [1], qu'elle disposait donc du pouvoir de prononcer le licenciement des salariés de l'Hospitalité, puis que Mme [P] avait expressément délégué ce pouvoir à M. [F], lequel avait ensuite formellement délégué ce pouvoir à M. [C] ; qu'en retenant pourtant que M. [C] n'avait pas qualité pour signer la lettre de licenciement du salarié, au seul motif que les statuts ne prévoyaient pas la possibilité d'une délégation de pouvoirs, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1103 du code civil et l'article L. 1232-6 du code du travail :

6. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les statuts de la congrégation des Soeurs Hospitalières de [1] énoncent que la congrégation est gouvernée par une supérieure générale, assistée de son conseil et a autorité sur tous les établissements de la congrégation et que chaque établissement de la congrégation est sous la responsabilité d'une supérieure locale nommée par la supérieure générale, assistée d'un conseil de religieuses, tous les établissements particuliers de la congrégation dirigés par des membres de cette congrégation étant soumis aux présents statuts et à la supérieure générale.

7. Il ajoute ensuite que, le 29 juin 2010, Mme [P], en sa qualité de supérieure locale, présidente de l'Hospitalité [1], établissement particulier de la congrégation, a délégué ses pouvoirs de direction, de contrôle et de discipline à M. [F], directeur général délégué de cet établissement, lequel a, le 1er juillet 2010, donné délégation de ces mêmes pouvoirs à M. [C], directeur général de l'établissement de [Localité 1] et signataire de la lettre de licenciement notifiée au salarié.

8. Il conclut que les statuts ne prévoyant pas la possibilité de déléguer, que ce soit de la supérieure générale ou de la supérieure locale, à un directeur d'établissement, le défaut de qualité du signataire de la lettre de licenciement rend ce dernier sans cause réelle et sérieuse.

9. En statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la mère supérieure locale, Mme [P], avait, en sa qualité de présidente, le pouvoir de licencier et qu'il résultait de ses constatations que les statuts de la congrégation ne comportaient aucune disposition interdisant ou limitant la faculté de déléguer ce pouvoir, en sorte qu'il entrait dans les attributions de la présidente de la structure de mettre en oeuvre la procédure de licenciement ou de déléguer ses pouvoirs, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt disant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts, ordonnant le remboursement des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de un mois, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

REJETTE le pourvoi n° Q 20-12.237 formé par M. [I] ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [I] de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 16 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne M. [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour l'Hospitalité [1] et la Congrégation des Soeurs hospitalières de [1], demanderesses au pourvoi n° B 19-25.584

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a décidé que le licenciement de M. [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la Congrégation des Soeurs de [1] a été autorisée légalement par décret impérial du 16 juillet 1810 et a son siège à [Localité 3] ; elle dispose de plusieurs établissements particuliers, de soins notamment sur le territoire national. En juillet 2010, a été créé l'Hospitalité [1], établissement particulier congrégationniste ayant son siège à [Adresse 4], regroupant l'ensemble des activités gérées initialement par des établissements particuliers distincte, dont celui de [Localité 1], où M. [I] travaillait. Il n'est pas établi ni même soutenu que l'établissement de [Localité 2] ou celui de [Localité 1] étaient dotés de statuts propres distincts de ceux de la Congrégation des Soeurs Hospitalières de [Localité 8]. Aux ternes desdits statuts : - "La Congrégation est gouvernée par une Supérieure générale, assistée de son conseil (..) Elle a autorité sur tous les établissements de la Congrégation" (article 3). - « Chaque établissement de la Congrégation est sous la responsabilité d'une Supérieure locale nommée par la Supérieure Générale (...) assistée d'un conseil de religieuses (..) » (article 6), * « ous les établissements particuliers de la Congrégation dirigés par des membres de cette Congrégation, sont soumis aux présents statuts et à la Supérieure Générale (...) » (article 16). Le 29 juin 2010, Mme [P], ès qualités de présidente de l'Hospitalité [1], établissement particulier de la Congrégation, ayant son siège à [Adresse 4], a donné délégation à M. [F], directeur général délégué, de ses pouvoirs de direction, de contrôlé et de discipline, à l'exclusion des domaines visés à l'article 2 de l'acte de délégation, soumis à un accord exprès de la Présidente et se rapportant à la sélection et au recrutement des salariés cadres de Direction des établissements et du siège, ainsi qu'au déroulement de carrière et à la rupture des contrats de travail du personnel cadré de Direction des établissement et du siège, définis par l'article A 2.1.1 de la convention collective applicable. Le 1er juillet 2010, M. [F], en sa qualité de directeur général délégué de l'Hospitalité [1], établissement particulier de la Congrégation, ayant son siège à [Adresse 4], a donné délégation à M. [C] de ses pouvoirs de direction, de contrôle et de discipline à l'exclusion des domaines visés à l'article 2 de l'acte de délégation, relevant exclusivement de la compétence et de l'autorité de la Présidente de l'Hospitalité [1] et/ou directeur général délégué et se rapportant à la sélection et au recrutement des salariés cadres de Direction des établissements et du siège, ainsi qu'au déroulement de carrière et à la rupture des contrats de travail du personnel cadre de Direction des établissement et du siège, définis par l'article A 2.1.1 de la convention collective applicable, La lettre de licenciement notifiée à M. [I] a été signée par M. [C], directeur général de l'établissement de [Localité 1]. Or, les statuts précités, les seuls versés aux débats, ne prévoient pas la possibilité de déléguer, que ce soit de la Supérieure Générale ou de la Supérieure locale, à un directeur d'établissement. Ce défaut de qualité du signataire de la lettre de licenciement rend ce dernier sans cause réelle et sérieuse. Au moment de èla rupture de son contrat de travail, M. [I] avait au moins deux années d1 ancienneté et l'hospitalité [1] employait habituellement au moins onze salariés. En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, M. [I] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement. Compte tenu de son ancienneté (quasiment trois ans), de son âge au moment du licenciement (59 ans), de sa rémunération et du fait qu'il justifie être resté sans emploi au moins jusqu'en septembre 2014 ainsi qu'il ressort de l'avis de situation délivrée par Pôle empli avant d'être de nouveau embauché en 2018 en Guadeloupe comme pharmacien d'hôpital, en l'occurrence par la Polyclinique de Grand Bourg, la cour estime que les premiers juges ont fait une exacte estimation du préjudice subi per le salarié en lui allouant k somme de 35 000 euros. » ;

ET AUX MOTIS REPUTES ADOPTES QUE « de jurisprudence constante seul le président d'une association peut signer une lettre de licenciement ; que conformément à la loi du 1er juillet 1901 l'établissement de [Localité 1] dont le siège est situé à [Localité 2] doit être soumis à l'article 11 du décret d'application du 16 août 1901 lequel impose que l'établissement doit avoir ses propres statuts mentionnant notamment « les règles d'organisation et de fonctionnement de l'association et de ses établissements, ainsi que la détermination des pouvoirs conférés aux membres chargés de l'administration, les conditions de modification des statuts et la dissolution de l'association » ; Attendu que le président pouvait déléguer ce pouvoir à Monsieur [C] â la condition que les statuts de l'établissement de [Localité 1] rattaché à celui de [Localité 2] le prévoient expressément ; que l'employeur ne produit pas les statuts de l'association donnant pouvoir à Monsieur [C] de licencier un salarié, mais seulement une délégation de pouvoir. Le-Conseil de Prud'hommes de [Localité 5] dit et juge, conformément à la jurisprudence et sur ce seul point, que le licenciement doit être considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse. » ;

ALORS QUE, premièrement, le pouvoir de représenter une personne morale telle une congrégation peut, sauf si les statuts l'interdisent expressément, faire l'objet d'une délégation de pouvoir ; que l'arrêt constate que Mme [P] avait la qualité de Présidente de l'HOSPITALITE [1], qu'elle disposait donc du pouvoir de prononcer le licenciement des salariés de l'HOSPITALITE, puis que Mme [P] avait expressément délégué ce pouvoir à M. [F], lequel avait ensuite formellement délégué ce pouvoir à M. [B] ; qu'en retenant pourtant que M. [C] n'avait pas qualité pour signer la lettre de licenciement de M. [I], au seul motif que les statuts ne prévoyaient pas la possibilité d'une délégation de pouvoirs, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail,

ALORS QUE, deuxièmement, en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié expressément ou tacitement ; qu'en retenant que le défaut de qualité du signature de la lettre de licenciement rend ce dernier sans cause réelle et sérieuse quand il résultait de ses propres constatations que l'HOSPITALITE reprenait oralement ses conclusions aux termes desquelles elle soutenait la validité et le bien fondé du licenciement de M. [I] et réclamait le rejet de toutes les prétentions de ce dernier, ce dont il résultait sa volonté claire et non équivoque de ratifier la mesure prise par son préposé, la cour d'appel a violé l'article 1232-6 du code du travail, ensemble l'article 1998 du code civil.
Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. [I], demandeur au pourvoi n° Q 20-12.237

M. [I] fait grief à l'arrêt attaqué

DE L'AVOIR débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'« à l'appui du harcèlement moral qu'il dénonce, M. [I] fait valoir : - des pressions en terme de responsabilité pharmaceutique, - une multiplication de mails et de reproches infondés à compter du 30 mars 2012, - la suppression de prérogatives, - une mise à l'écart, - un mépris de la réglementation et du contrat de gérance, - une dégradation de son état de santé et l'absence de réponse à ses alertes. – les pressions en terme de responsabilité pharmaceutique M. [I] fait valoir que les outils informatiques de l'hôpital ont présenté des défaillances pour lesquelles la Direction aurait méprisé ses alertes, alors qu'il signalait les risques présentés pour la santé des patients et les difficultés que cela représentait pour les valorisations de stock et les dépenses erronées pour l'établissement des bilans ; qu'il craignait de voir sa responsabilité engagée dès lors qu'était en jeu le contrôle des médicaments et leur dispensation. M. [I] a effectivement donné l'alerte le 26 mai 2011 sur des dysfonctionnements du logiciel Osiris conduisant à un changement dans les unités de prise (prescription) par rapport à celles créées par la pharmacie. Contrairement à ce que soutient le salarié, cette alerte a bien été relayée par la Direction dans son mail de réclamation adressé le 1er juin 2011 à la société Corwin, puisque parmi les incidents signalés, figure « l'erreur bloquante lors de la prescription de certains médicaments sur certains dossiers » et l'absence « d'unité de prescription sur certains médicaments ». La Direction a adressé un second courrier à la société Corwin le 25 août 2011 dans lequel elle déclarait s'inquiéter de la fiabilité de la gestion et de l'attribution des données transitant par le logiciel et lui demandait d'intervenir rapidement. Les allégations d'une collusion entre la Direction et la société à l'origine de ce logiciel ne sont pas utilement étayées et sont en toute hypothèse contredites par les réclamations effectuées par la Direction auprès de ladite société, réclamations relayant, comme dit supra, les alertes de la Pharmacie. Les faits allégués, à savoir l'absence de réaction de la Direction à des « alertes » ne sont donc pas démontrés. S'agissant des dysfonctionnements du logiciel comptable Hygie, la prétendue alerte du 11 juillet 2011, de la part de M. [I] n'en était pas vraiment une puisque l'intéressé s'est adressé à la directrice administrative et financière pour expliquer au service financier les dépenses de la Pharmacie au mois de juin. Il en est de même pour le mail du 25 août 2011 aux termes duquel M. [I] s'est adressé à l'informaticienne pour lui faire part de certains dysfonctionnements di logiciel et lui demandant d'y remédier si possible. Le 20 octobre 2011, M. [I] s'est de nouveau adressé à la Direction en lui demandant cette fois-ci d'intervenir auprès de la société Corwin suite aux problèmes du logiciel Hygie afin d'avoir ses explications sur les problèmes constatés au niveau de la valorisation des consommations et stocks pharmaceutiques ; il ressort néanmoins du propre mail de M. [I] que la société Corwin avait été saisie de la difficulté le 4 juillet. Là encore, les faits ne sont donc pas établis. M. [I] développe ensuite un argumentaire sur l'importance de l'utilisation, au sein de l'établissement, de deux médicaments, l'Ipratropium et le Bricanyl, alors que leur prescription était réglementairement réservée aux pneumologues et l'administration uniquement autorisée à tout médecin intervenant en cas d'urgence et en respectant certaines doses ; constatant que des médecins non pneumologues souhaitaient prescrire ce type de médicaments, il s'en était ouvert auprès du Pharmacien Inspecteur de la Santé Publique, qui lui a répondu qu'il devait s'assurer de l'habilitation du prescripteur. M. [I] allègue l'existence de pressions à ce niveau, mais le courriel de M. [C] du 4 mars 2010, qui fait suite à deux tentatives de rendez-vous proposés par la Direction au pharmacien qui ne conteste pas les avoir déclinées, ne recèle aucun élément de nature à étayer l'existence de pressions et laisse apparaître que le directeur tente plutôt de trouver une solution à la situation exposée par les uns et les autres relativement aux conditions de prescription et de délivrance de ces médicaments. La cour note in fine que le Pharmacien Inspecteur indiquait à M. [I] qu'un prescripteur non habilité pouvait commander le type de produit concerné pour un usage professionnel en cas d‘urgence pour l'administrer lui-même sous sa propre responsabilité et ce que circuit court n'appelait pas d'analyse de l'ordonnance de la part du pharmacien ; si le Pharmacien Inspecteur concluait en rappelant que la Direction de l'établissement était tenue de respecter son indépendance professionnelle pharmaceutique, rien en l'occurrence ne laisse penser que celle-ci ait été remise en cause par la Direction, notamment au terme de son courriel du 4 mars 2010. Les faits allégués ne sont pas là non plus établis. – la multiplication de mails et de reproches infondés. Les mails versés aux débats s'inscrivent dans le cadre de relations normales entre un salarié et sa hiérarchie comme l'ont à juste titre observé les premiers juges ; il n'en résulte aucune menace ou reproche, et les écrits échangés ne dont que refléter le légitime intérêt de la Direction, alertée par différents intervenants sur les relations tendues existant entre M. [I] et d'autres intervenants s'étant plaints de son comportement, en particulier son manque d'écoute et sa rigidité excessive, la cour notant que M. [I] ne remet pas en cause l'existence de relations difficiles avec certains de ses collaborateurs, notamment l'équipe de préparateurs. – la suppression de prérogatives. M. [I] soutient qu'au fil des mois, il s'est vu retirer les prérogatives hiérarchiques qui étaient les siennes à l'égard des préparateurs dont il est devenu le responsable fonctionnel, le responsable hiérarchique étant le directeur des soins infirmiers, dont les décisions sur la gestion quotidienne des préparateurs ont impacté l'organisation de la Pharmacie et l'ont décrédibilisé à compter de 2011. La fiche de poste du pharmacien gérant la Pharmacie, signée par M. [I] le 13 juillet 2009, précise que ce dernier ‘encadre le personnel de la pharmacie (préparateurs, stagiaires?) ». L'intéressé était le responsable fonctionnel des préparateurs mais pas leur responsable hiérarchique, ce que M. [I] a fini par admettre ainsi que cela ressort de ses courriels de décembre 2011 ; il ne s'est donc pas vu retirer des fonctions qui n'ont jamais été les siennes. Du reste, les préparateurs indiquent que cette situation, qui préexistait à l'embauche de M. [I], n'avait jusqu'alors jamais posé problème. Les mails versés aux débats laissent par ailleurs apparaître que le directeur des soins infirmiers était en contact avec M. [I] pour l'élaboration des plannings de préparateurs. A supposer que le formulaire de demande de congés pour l'été 2011 ne prévoit pas une case pour l'avis du pharmacien, il n'est pas pour autant établi par M. [I] que les précédents formulaires en contenaient une. Les plannings produits au dossier laissent apparaître qu'il n'a eu qu'une seule journée au cours de l'été 2011 sans préparateur et un peu plus de deux semaines avec un préparateur (hors fins de semaine et jour férié) ; quand bien même M. [I] a effectivement signalé cette situation à deux reprises en juin 2011, il n'est pas établi que celle-ci a posé difficulté. La cour relève in fine que la Direction n'est pas restée sans réagir aux inquiétudes de M. [I] qui s'inquiétait du non remplacement de préparateurs pendant les congés d'été 2011 puisqu'elle a engagé un processus de recrutement, qui, toutefois, n'a pas été approuvé par le pharmacien. Les plannings de juillet et août 2012 ne laissent apparaître la présence d'un seul préparateur que pendant 14 jours et aucune journée sans préparateur (hors fins de semaine et jours fériés) ; il n'en résulte aucune difficulté dûment démontrée. Il n'est pas par ailleurs établi que la Direction a réduit les moyens mis à disposition du Pharmacien dès lors qu'en décembre 2011, la réorganisation, concernant tout l'établissement, a conduit à faire passer l'horaire quotidien de tous les agents de 8 heures à un horaire de 7 heures 30, y compris en ce qui concerne les préparateurs, afin de réduire le nombre de jours RTT ; si la Direction n'a pas retenu, par souci d'équité, la proposition de M. [I] visant à réduire encore plus la durée de travail quotidien des préparateurs afin de supprimer intégralement leurs jours RTT, il ne s'agit pas là d'un retrait quelconque de prérogatives ou d'affront personnel. – une mise à l'écart. M. [I] fait valoir qu'il n'était plus convoqué aux réunions du Codir à partir de février 2010, qu'il a été écarté du projet de recrutement d'un préparateur remplaçant en 2011, qu'il ne faisait plus partie du groupe d'achat HSTV pour les produits pharmaceutiques, qu'il a été également écarté du comité de vigilance et des risques (Coviric) et n'a plus été invité au groupe de travail sur la prise en charge médicamenteuse et la sécurisation des circuits du médicament en Ehpad. Le règlement intérieur du Codir laisse apparaître que le pharmacien est un membre associé mais non un membre de droit. Par ailleurs, le contrat de travail de M. [I] prévoit sa participation au Codir « si sa présence est requise ». M. [I] n'avait donc pas vocation à assister à tous les Codir depuis son embauche, et il est du reste établi qu'il n'a pas participé à tous les Codir de 2009 du fait que les dépenses pharmaceutiques n'était pas systématiquement évoquées, ainsi en décembre 2009 ou encore en septembre 2011 ; en revanche, lorsque les thèmes abordés impliquaient la Pharmacie, il participait aux Codirs concernés, ainsi les 17 juin 2011, 25 novembre 2011, et le 13 mars 2012, sans qu'il y ait lieu de s'attacher particulièrement à la présentation des formulaires de convocation aux séances ou des compte rendus. Il n'est pas non plus établi que M. [I] ait été écarté à un moment quelconque du recrutement d'un préparateur en 2011 ; les échanges de mails avec la Directrice des Ressources Humaines en juin 2011 démontrent même le contraire, la Directrice reprochant du reste au pharmacien d'avoir refusé la candidature retenue et de ne pas participer suffisamment au processus de recrutement en faisant jouer par exemple son réseau. A supposer que M. [I] n'ait pas été avisé de la tenue d'une réunion du groupe d'achat HSTV le 6 avril 2011, à laquelle assistaient les deux pharmaciens des établissements de [Localité 4] et de [Localité 7], il ressort des pièces du dossier qu'il a été informé par la Direction des réunions suivantes des 10 et 30 mai 2011 via la transmission du compte rendu de la réunion du 6 avril 2011 ; la cour relève par ailleurs que dans son mail du 7 avril 2011 destiné à M. [C], M. [I] ne se plaint aucunement avoir été tenu à l'écart de cette réunion par le directeur, s'excusant simplement de ne pas avoir pu assister du fait qu'il n'en avait pas été informé. L'intéressé ne s'est pas rendu à la réunion du 30 mai ni à celle du 7 juin 2012, dont il avait été informé. M. [I] a de même été avisé en décembre 2011 par la Directrice financière de la résiliation à venir du contrat avec la Cacic. Il n'est pas non plus établi que M. [I] a été tenu à l'écart du Coviric ; la feuille de présence de la réunion du 22 février 2010 laisse apparaître sa signature comme il l'admet lui-même, et son absence à la réunion du 6 mars 2012, à laquelle il ne conteste pas avoir été convoqué, s'explique du fait qu'il était en congé. Il n'est pas davantage démontré que la Direction, en confiant en 2012 au Dr [I] un sujet de travail en gestion des risques différent du sujet de mémoire proposé par l'intéressé dans le cadre de son diplôme d'analyse et de gestion des risques portant sur les risques liés à l'informatisation de la prescription médicamenteuse à l'hôpital, et en fixant le délai pour la remise du compte rendu en octobre 2012, a par là-même entendu anéantir, comme soutenu par le pharmacien, les espoirs qu'il plaçait dans son mémoire universitaire à présenter en septembre 2012.
M. [I] ne justifie pas non plus avoir été mis à l'écart de la commission de l'évaluation des pratiques professionnelles, pour laquelle il n'a jamais manifesté d'intérêt alors qu'elle était mise en place depuis au moins 2010. – un mépris de la réglementation et du contrat de gérance M. [I] reproche à la Direction d'avoir enfreint à plusieurs reprises la procédure relative à la fourniture des médicaments en se rendant dans les locaux de la pharmacie pour prendre des médicaments en dehors de la présence du pharmacien, provoquant ainsi le déclenchement de l'alarme et un stress important dès lors que tout médicament présent dans l'établissement et/ou administré aux patients sous sa responsabilité. Il n'est pas établi que la Direction n'a pas respecté la procédure mise en place pour retirer des médicaments de la pharmacie. Un seul cas de retrait pendant une fin de semaine par le responsable des soins infirmiers, administrateur de garde ces jours-là, est avérée en mai 2011, ayant donné lieu à un échange entre M. [I] et l'intéressé. L'employeur n'est pas en tant que tel impliqué et le stress important allégué n'est pas démontré. M. [I] ne justifie pas de la pression qu'aurait fait peser la Direction au travers de multiples entretiens, dont l'existence n'est pas démontrée. M. [I] s'est enfin inquiété auprès de la Direction et du Pharmacien Inspecteur en mars 2012 des conditions dans lesquelles sa responsabilité pourrait être engagée lors d'actes de chirurgie nouvellement pratiqués au sein de l'établissement non doté d'une unité de stérilisation. Outre le fait qu'il a reçu une réponse du Pharmacien Inspecteur de nature à l'éclairer, il s'est avéré que ces consultations externes, en l'occurrence celles du Dr [K], ont été très ponctuelles (trois en 2012) sans même que le Dr [I] ait été sollicité. – la dégradation de son état de santé. M. [I] verse aux débats des arrêts de travail à compter du 1er juin 2012, mentionnant un « syndrome dépressif réactionnel », ainsi que le compte rendu de la visite au médecin du travail du 13 mars 2012 rapportant l'existence de relations professionnelles difficiles avec la Direction et des troubles du sommeil couplés à des cauchemars et les courriers adressés à des autorités extérieures évoquant là encore ses doléances. Ces arrêts de travail et ces propos rapportés sont toutefois insuffisants pour étayer à eux seuls des allégations de harcèlement. En l'état des éléments qui précèdent, qui n'établissent pas l'existence de faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur les griefs que M. [I] reproche à son employeur : 1. Mépris persistant de la direction vis-à-vis des alertes concernant les dysfonctionnements graves des deux outils informatiques ; qu'à la lecture des conclusions des parties il apparaît que l'installation des nouveaux outils informatiques mis en place par la direction a sûrement causé de grandes difficultés à l'ensemble du personnel de l'établissement mais que ces difficultés mal vécues par M. [I] ne peuvent être qualifiées de harcèlement moral. 2. Multiplication intentionnelle des mails et reproches infondés ; que les échanges de mails ne portent que sur des relations normales entre un salarié et sa hiérarchie il ne peut résulter de ces échanges un quelconque dessein de harcèlement à l'encontre de M. [I]. 3. Suppression de prérogatives dans l'exercice de la mission de pharmacien gérant. Attendu que M. [I] n'avait que la seule responsabilité fonctionnelle des équipes de préparateurs, la responsabilité hiérarchique étant dévolue au directeur des soins. 4. Mise à l'écart et arrêt des invitations au comité de direction. Attendu que le contrat de travail de M. [I] ne peut reprocher à son employeur de pénétrer dans les locaux de la pharmacie, (protégée par un code d'accès) afin de vérifier s'il y a eu intrusion ou non, sachant que seuls les pharmaciens, les préparateurs, la maintenance, et l'administrateur de garde ont ce code d'accès ; qu'il appartient à M. [I] de prouver les faits de harcèlement dont il dit avoir été la victime et que les faits soulevés ne peuvent être considérés comme du harcèlement mais sont la simple matérialisation du pouvoir de direction de l'employeur, le Conseil dit et juge que l'Hôpital [1] n'est aucunement responsable de faits de harcèlement à l'encontre de M. [I] » ;

1°) ALORS QUE le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, par des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droit à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en retenant, par motifs propres et adoptés, que les mails échangés entre M. [I] et son directeur s'inscrivent dans le cadre de relations normales entre un salarié et sa hiérarchie, sans qu'il en ressorte une volonté de harcèlement, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure tout harcèlement, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE les reproches multiples adressés à un salarié, dès lors qu'ils sont infondés, constituent des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'en ne recherchant pas, malgré l'invitation qui lui était faite, si les nombreux reproches adressés à M. [I] n'étaient pas injustifiés, peu important qu'ils s'inscrivent dans une relation normale de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE les juges du fond doivent déterminer si chacun des faits avancés par le salarié est ou non établi, sans en mettre aucun à l'écart, et apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en n'examinant pas les reproches multiples adressés à tort à M. [I] quant à ses absences (pp. 44 et s.), la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

4°) ALORS QU'en retenant que la fiche de poste de M. [I] du 13 juillet 2009 précise que ce dernier « encadre le personnel de la pharmacie » et qu'il n'était, dès lors, pas le responsable hiérarchique des préparateurs, quand la fiche de poste mentionnait, sous l'intitulé « hiérarchie » que le pharmacien gérant, placé sous la hiérarchie du directeur général, était le responsable hiérarchique de l'équipe de préparateurs (pièce adverse n° 2), la cour d'appel l'a, malgré l'interdiction qui lui y est faite, dénaturée par omission ;

5°) ALORS QU'en retenant qu'il ressort des trois attestations des préparateurs (pièces adverses n° 11, 12 et 13) que M. [I] n'était pas leur responsable hiérarchique, quand elles se bornaient à indiquer que les pharmaciens gérants précédents ne l'avaient pas été, la cour d'appel en a, malgré l'interdiction qui lui est faite, dénaturé la portée ;

6°) ALORS QUE M. [I] produisait le compte-rendu par Mme [Z] de l'entretien préalable de licenciement de M. [I] du 29 mai 2012 (sa pièce n° 8), dont il ressortait que M. [C] avait expressément admis que le management hiérarchique lui avait été retiré ; qu'en s'abstenant d'examiner cette pièce, ni l'analyser fut-ce sommairement, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-25584;20-12237
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 16 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2021, pourvoi n°19-25584;20-12237


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25584
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