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20/10/2021 | FRANCE | N°19-25485;19-25487;19-25488

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2021, 19-25485 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1182 F-D

Pourvois n°
U 19-25.485
W 19-25.487
X 19-25.488 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE

2021

La société Elior services propreté et santé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé les pourvois n° U 19-25...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1182 F-D

Pourvois n°
U 19-25.485
W 19-25.487
X 19-25.488 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

La société Elior services propreté et santé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé les pourvois n° U 19-25.485, W 19-25.487 et X 19-25.488 contre trois arrêts rendus le 11 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à Mme [U] [P], épouse [A], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à Mme [K] [E], épouse [Q], domiciliée [Adresse 4],

3°/ à Mme [UY] [H], domiciliée [Adresse 3],

4°/ au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation ;

Mmes [P], [E] et [H] ont formé un pourvoi incident contre les mêmes arrêts.

La demanderesse aux pourvois principaux invoque, à l'appui de ses recours, les deux moyens communs de cassation annexés au présent arrêt.

Mmes [P], [E] et [H] invoquent, à l'appui de leur pourvoi incident, le moyen unique de cassation commun également annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Elior services propreté et santé, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mmes [P], [E] et [H], après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, assistée de Mme Catherine, greffier stagiaire,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° U 19-25.485, W 19-25.487 et X 19-25.488 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués ([Localité 2], 11 octobre 2019), Mme [P] et deux autres salariées ont été engagées en qualité d'agent de services, respectivement à compter de septembre 2012 et janvier 2014 par la société Elior services propreté et santé (ci-après la société ESPS).

3. Le 5 septembre 2017, les salariées ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de paiement, en application du principe d'égalité de traitement, notamment d'une prime de treizième mois et d'une prime d'assiduité versées à des salariés de la même entreprise travaillant sur les sites de la polyclinique de Narbonne et de la clinique [1]. Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône est intervenu volontairement dans ces procédures.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident des salariées, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur, pris en ses deuxième à quatrième branches

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser aux salariées un rappel de prime de treizième mois, alors :

« 2°/ que constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner l'exposante à verser aux salariées un rappel de prime de treizième mois que « cette réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par Elior », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la réitération, en décembre 2013, du versement de la prime de treizième mois aux salariés [N] et autres du site de Narbonne ne résultait pas du lien étroit existant entre le contentieux engagé par trente-cinq salariés du site de Narbonne, qui avaient obtenu gain de cause sur la prime de treizième mois par jugements du conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012, et le contentieux des salariés [N] et autres dont les jugements avant dire droit rendus par ce même conseil de prud'hommes le 29 avril 2013 avaient sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Montpellier dans l'autre contentieux, ce dont il résultait que les versements litigieux ne reposaient sur aucune intention libérale de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 et 1104 du code civil ;

3°/ que constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; que pour juger que le versement de la prime de treizième mois aux salariés [N] et autres devait « être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne », la cour d'appel s'est bornée à relever la « réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 [qui] contredit la thèse de l'erreur avancée par Elior » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la remise en cause systématique par la société ESPS, via l'appel et le pourvoi en cassation, de l'ensemble des décisions judiciaires l'ayant condamnée à verser la prime de treizième mois aux salariés du site de Narbonne n'était pas de nature à exclure toute intention libérale d'accorder à ces salariés la prime litigieuse, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 et 1104 du code civil ;

4°/ que l'exposante avait insisté, dans ses conclusions d'appel, sur « la contradiction manifeste entre l'engagement unilatéral libéral [que la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a retenu dans ses précédentes décisions] et la volonté persistante de la société Elior de poursuivre les procédures afin de faire juger du caractère indu des sommes réclamées » ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que les versements litigieux ne reposaient sur aucune intention libérale de la société et que la différence de traitement avec les salariées était justifié objectivement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 et 1104 du code civil :

6. Pour faire droit à la demande des salariées en paiement d'une prime de treizième mois, les arrêts retiennent d'abord qu'il résulte des bulletins de salaire produits que cette prime de treizième mois a été attribuée non seulement en novembre 2012 (Mme [N]), mais aussi en novembre 2013 (Mmes [N], [L], [M], [S] et M. [C]), novembre 2014 (Mme [N]), et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de treizième mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015, que cette réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par l'employeur, que celui-ci ne démontrant pas avoir commis une erreur, le versement d'une prime de treizième mois effectué entre 2012 et 2014 au profit de quelques salariés de l'entreprise doit en conséquence être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne, sans que l'employeur soit en mesure d'invoquer des raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de traitement que ce versement a occasionné entre les salariés exerçant sur le site de la polyclinique de Narbonne et les salariées parties au présent litige, que celles-ci, dont il n'est pas contesté qu'elles se trouvent dans une situation de travail de valeur égale aux cinq salariés affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne auxquels elles se comparent, sont donc fondées à solliciter le versement de la prime de treizième mois pour la période précédant l'année 2015. Les arrêts retiennent ensuite que l'employeur soutient qu'à compter de l'année 2015, c'est en application d'une décision de justice, assortie de l'exécution provisoire, qu'il a accordé cet avantage aux salariés auxquels les salariées se comparent, que celles-ci étant fondées à se prévaloir de l'inégalité de traitement résultant de l'avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de Narbonne entre 2012 et 2014, sans être justifié par l'employeur autrement que par une erreur non retenue par la cour d'appel, la circonstance que ces salariés auxquels elles se comparent auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient, ne saurait priver les salariées du droit à percevoir l'élément de rémunération qui leur est dû en application de l'égalité de traitement dès leur embauche, que les salariées restent donc encore fondées en leur demande du versement d'un treizième mois à compter de 2015.

7. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, par jugement du 5 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Narbonne avait fait droit à la demande de plusieurs salariés de la polyclinique de Narbonne et notamment à Mmes [N], [L], [M], [S] et M. [C], lesquels avaient saisi la juridiction le 27 septembre 2012 pour réclamer un rappel de prime de treizième mois, sur le fondement de l'égalité de traitement, en se comparant à des salariés affectés sur le site du centre hospitalier Lapeyronie à Montpellier, que, par ailleurs, trente-cinq salariés exerçant au sein de la polyclinique de Narbonne avaient, sur le même fondement, saisi aussi le conseil de prud'hommes de Narbonne en 2011 pour revendiquer la prime de treizième mois et avaient obtenu gain de cause par jugement du 2 avril 2012 confirmé sur ce point par arrêt de la cour d'appel de Montpellier rendu le 26 mars 2014 et sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si la remise en cause par l'employeur de l'ensemble des décisions judiciaires l'ayant condamné à verser une prime de treizième mois à certains salariés de la polyclinique de Narbonne ne suffisait pas à exclure tout engagement unilatéral de l'employeur de la leur attribuer, la cour d'appel, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.

Et sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser au syndicat une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors que « la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le second moyen, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

9. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen relatif aux dommages-intérêts versés au syndicat pour violation du principe d'égalité de traitement, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE les pourvois incidents ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils condamnent la société ESPS à verser à Mmes [P], [E] et [H] une certaine somme à titre de rappel de prime de treizième mois, outre une certaine somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, et en ce qu'ils condamnent la société ESPS à payer au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône une certaine somme à titre de dommages-intérêts, les arrêts rendus le 11 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne Mmes [P], [E] et [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens communs produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Elior services propreté et santé, demanderesse au pourvois principaux n° U 19-25.485, W 19-25.487 et X 19-25.488

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir condamné la société ESPS à verser aux salariées [P], [E] et [H] un rappel de prime de 13ème mois, outre la somme de 600 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Aux motifs que [la salariée] compare sa situation à des salariés du site de la polyclinique de Narbonne ; que l'examen des bulletins de paie des salariés de l'entreprise ayant travaillé sur le site de la polyclinique de Narbonne révèlent le versement, en novembre 2012 ([N]), novembre 2013 ([M], [L], [S], [C], [N]), novembre 2014 ([N]), novembre 2018 ([N]) d'un 13ème mois sur la base de 100% du salaire mensuel brut de base (au prorata du temps de présence dans l'entreprise au cours de l'année) ; qu'il n'est pas contesté que [la salariée] n'a pas perçu cette prime de 13ème mois, au moins pour les périodes dont elle justifie par les bulletins de salaire qu'elle verse aux débats, et effectue un travail égal ou de valeur égal à celui occupé par les salariés auxquels elle se compare ; que la différence de traitement ayant été mise en évidence par la salariée, il incombe dès lors à l'employeur de la justifier par des raisons objectives et pertinentes ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'attribution de la prime de 13ème mois à ces salariés du site de la polyclinique de Narbonne ne résulte ni d'un transfert du contrat de travail en application d'une garantie d'emploi, en application de l'article 7 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté, ni d'un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives ou d'un protocole de fin de conflit ayant même valeur, ni du maintien d'un majoration de traitement consentie à certains salariés par un ancien employeur en application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; que la société ELIOR soutient que c'est par erreur que cette prime a été versée à deux reprises aux salariés auxquels [la salariée] se compare et que c'est ensuite en raison d'une décision du Conseil de prud'hommes en date du 5 janvier 2015, assortie de l'exécution provisoire de droit, qu'elle a réitéré ce versement annuel ; que c'est à tort que la société ELIOR considère que la charge de la preuve pèse sur la salariée qui devrait démontrer que l'employeur a eu une intention libérale ou que le paiement de cette prime constituait un usage d'entreprise ; qu'en effet, c'est bien à l'employeur de justifier des motifs du versement de cette prime de 13ème mois et pour cela de démontrer l'erreur qu'il allègue, afin d'expliquer et de justifier la différence de traitement qui en résulte entre ces salariés et la salariée appelante ; que pour démontrer l'existence de cette erreur, il est produit par la société ELIOR deux attestations : - l'une, non datée, émane du Responsable du centre de services partagés de la société ELIOR, Monsieur [Y], qui affirme que ladite erreur résulte d'un changement de programme informatique, le passage du système de paye Arcole au système Pléiades ne comportant pas de ligne PFA mais une ligne 13ème mois, - l'autre émane d'une Responsable de site, Madame [F], qui explique qu'après avoir été condamné à verser un rappel de cette prime à des salariés par le Conseil de prud'hommes de Narbonne en avril 2012, l'employeur s'était exécuté mais avait en outre, par erreur, également versé la prime à d'autres salariés avant tout jugement les concernant ; qu'ainsi, l'explication donnée sur l'origine de l'erreur, humaine ou informatique, est différente selon les deux attestations versées ; que par ailleurs, il résulte des bulletins de salaire produits que cette prime de 13ème mois a été attribuée non seulement en novembre 2012 (Madame [N]), mais aussi en novembre 2013 (Mmes [N], [L], [M], [S], [C]), novembre 2014 (Madame [N]), et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du Conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13ème mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015 ; que cette réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par ELIOR ; que la société ELIOR ne démontrant pas avoir commis une erreur, le versement d'une prime de 13ème mois effectué entre 2012 et 2014 au profit de quelques salariés de l'entreprise doit en conséquence être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne, sans que l'employeur soit en mesure d'invoquer des raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de traitement que ce versement a occasionné entre les salariés exerçant sur le site de Polyclinique de Narbonne et [la salariée] ; que [la salariée], dont il n'est pas contesté qu'elle se trouve dans une situation de travail de valeur égale aux 5 salariés affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne auxquels elle se compare est donc fondée à solliciter le versement de la prime de 13ème mois pour la période précédant l'année 2015 ; que la société ELIOR soutient qu'à compter de l'année 2015, c'est en application d'une décision de justice, assortie de l'exécution provisoire, qu'elle a accordé cet avantage aux salariés auxquels [la salariée] se compare ; que la salariée étant fondée à se prévaloir de l'inégalité de traitement résultant de l'avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de Narbonne entre 2012 et 2014, sans être justifié par l'employeur autrement que par une erreur non retenue par la Cour, la circonstance que ces salariés auxquels elle se compare auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient, ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche ; que compte tenu de l'inégalité de traitement retenue sur ce chef, le moyen tiré de la comparaison avec une salariée de la Clinique de Saint Roch à [Localité 4] est surabondant et ne nécessite pas une analyse dans le cadre du présent litige ; que [la salariée] reste donc encore fondée en sa demande du versement d'un 13ème mois à compter de 2015, sauf à en examiner le montant sollicité au regard des éléments produits ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour condamner la société ESPS à verser aux salariées [P], [E] et [H] la prime de 13ème mois perçue par erreur par certains salariés du site de la polyclinique de Narbonne, la Cour d'appel a affirmé que « l'explication donnée sur l'origine de l'erreur, humaine ou informatique, est différente selon les deux attestations versées », dès lors que « l'une, non datée, émane du Responsable du centre de services partagés de la société ELIOR, Monsieur [Y], qui affirme que ladite erreur résulte d'un changement de programme informatique, le passage du système de paye Arcole au système Pléiades ne comportant pas de ligne PFA mais une ligne 13ème mois » et que « l'autre émane d'une Responsable de site, Madame [F], qui explique qu'après avoir été condamnée à verser un rappel de cette prime à des salariés par le Conseil de prud'hommes de Narbonne en avril 2012, l'employeur s'est exécuté mais avait en outre, par erreur, également versé la prime à d'autres salariés avant tout jugement les concernant » ; qu'en statuant ainsi, quand Monsieur [Y] avait également relevé, dans son attestation, une « erreur du service paye » (pièce n° 2 versée aux débats), ce dont il résultait que son attestation s'accordait avec celle de Madame [F] qui avait fait état d'« une erreur comptable » (pièce adverse n° 51 versée aux débats), la Cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation du principe susvisé ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner l'exposante à verser aux salariées [P], [E] et [H] un rappel de prime de 13ème mois que « cette réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par ELIOR », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la réitération, en décembre 2013, du versement de la prime de 13ème mois aux salariés CLEMENT et autres du site de Narbonne ne résultait pas du lien étroit existant entre le contentieux engagé par 35 salariés du site de Narbonne, qui avaient obtenu gain de cause sur la prime de 13ème mois par jugements du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012, et le contentieux des salariés CLEMENT et autres dont les jugements avant dire droit rendus par ce même conseil de prud'hommes le 29 avril 2013 avaient sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Montpellier dans l'autre contentieux, ce dont il résultait que les versements litigieux ne reposaient sur aucune intention libérale de l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés; que pour juger que le versement de la prime de 13ème mois aux salariés [N] et autres devait « être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne », la Cour d'appel s'est bornée à relever la « réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 [qui] contredit la thèse de l'erreur avancée par ELIOR » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la remise en cause systématique par la société ESPS, via l'appel et le pourvoi en cassation, de l'ensemble des décisions judiciaires l'ayant condamnée à verser la prime de 13ème mois aux salariés du site de Narbonne n'était pas de nature à exclure toute intention libérale d'accorder à ces salariés la prime litigieuse, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1221-1 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil ;

ALORS, DE QUATRIEME PART et subsidiairement, QUE l'exposante avait insisté, dans ses conclusions d'appel, sur « la contradiction manifeste entre l'engagement unilatéral libéral [que la Cour d'appel d'Aix en Provence a retenu dans ses précédentes décisions] et la volonté persistante de la société ELIOR de poursuivre les procédures afin de faire juger du caractère indu des sommes réclamées » (page 25) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui lui étaient soumises, dont il résultait que les versement litigieux ne reposaient sur aucune intention libérale de la société et que la différence de traitement avec les salariées [P], [E] et [H] était justifié objectivement, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE lorsque la différence de traitement invoquée trouve sa source et sa justification dans l'effet relatif de la chose jugée, les salariés ne peuvent revendiquer un avantage sur le seul fondement des effets d'une décision rendue dans une instance où ils n'étaient ni parties ni représentés ; qu'après avoir relevé que « la société ELIOR soutient qu'à compter de l'année 2015, c'est en application d'une décision de justice, assortie de l'exécution provisoire, qu'elle a accordé cet avantage aux salariés auxquels [la salariée] se compare », la Cour d'appel a affirmé, pour condamner l'exposante à verser aux salariées [P], [E] et [H] une prime de 13ème mois, que « la circonstance que ces salariés auxquels elle se compare auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient, ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche » ; qu'en statuant ainsi, quand les jugements du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 5 janvier 2015 constituaient nécessairement une raison objective et pertinente justifiant la différence de traitement entre les salariés CLEMENT et autres et les salariées [P], [E] et [H] qui n'étaient pas parties au procès, la Cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

ALORS, ENFIN et subsidiairement aux première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, qu'en se bornant à affirmer, pour juger que les salariées [P], [E] et [H] avaient droit à la prime de 13ème mois pour les années postérieures à 2014, qu'un « avantage [avait été] alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de Narbonne entre 2012 et 2014 » et que « la circonstance que ces salariés auxquels elle se compare auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si l'engagement unilatéral de la société ESPS à verser la prime de 13ème mois aux salariés [N] et autres à compter de 2012 n'avait pas été dénoncé par les jugements du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 5 janvier 2015, de sorte que la différence de traitement avec les salariées [P], [E] et [H] était justifiée pour les années postérieures à 2014, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement et des règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'avoir condamné la société ESPS à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône la somme de 50 € à titre de dommages et intérêts ;

Aux motifs que la violation du principe de l'égalité de traitement quant à l'attribution d'une prime de 13ème mois justifie que la société ELIOR soit condamnée à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône la somme de 50 € à titre de dommages et intérêts ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation sur le second moyen, en application de l'article 625 du Code de procédure civile. Moyen commun produit par SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour Mmes [P], [E] et [H], demanderesses aux pourvois incidents n° U 19-25.485, W 19-25.487 et X 19-25.488

Il est fait grief aux arrêts attaqués D'AVOIR débouté les salariées exposantes de leurs demandes de rappels de primes d'assiduité ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « (sur) la demande relative à la prime d'assiduité, [la salariée] forme une demande de rappel de prime d'assiduité à compter du mois de juin 2014 (?). Fondant sa demande sur l'inégalité de traitement, [la salariée] se compare aux salariés exerçant leur activité au sein de la clinique [1], marché repris par la société ELIOR à compter du 1er juin 2014. [La salariée] fait valoir que chaque salarié travaillant dans la clinique [1] a signé avec la société ELIOR, le 31 mai 2014, un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d'ancienneté, qui mentionne en son article 6 qu'outre la rémunération de base, une prime d'assiduité mensuelle qui varie de 80 euros à 158,09 euros par mois pour un temps plein, est versée au salarié. [La salariée] produit les bulletins de paie des salariées auxquelles elle se compare, à savoir les bulletins de Mmes [Z], [X], [J], [B]-[O], [T], [R], sur lesquels apparaît effectivement le versement d'une telle prime, d'un montant de 144,54 euros pour la plupart de ces salariés, dès juin 2014. Elle-même ne perçoit pas cette prime d'assiduité. La société ELIOR réplique que les salariés auxquels se compare [la salariée] n'ont pas été recrutés mais repris dans le cadre d'un transfert légal et qu'ils bénéficient à ce titre du maintien intégral de leur rémunération. Elle ajoute que les appelants ne se trouvent donc pas dans une situation identique aux salariés auxquels ils se comparent. Il n'est pas contesté que ces salariées effectuent un travail égal ou de valeur égale ou similaire à celui de [la salariée]. En cas de transfert d'une entité économique, l'obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu'ils tiennent d'un usage au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés. Les contrats de travail des salariées auxquelles [la salariée] se compare, signés le 31 mai 2014, portent tous la mention suivante : "suite à la reprise des prestations de bionettoyage et services hôteliers par la société ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, dans le cadre de l'article L. 1224-1 du code du travail, il a été proposé à Mme? de bénéficier d'un transfert de son contrat de travail au sein de la société ELIOR à compter du 1er juin 2014, ce transfert valant rupture d'un commun accord du contrat de travail d'origine de Madame ... avec la société Clinique [1] et conclusion d'un nouveau contrat à durée indéterminée avec la société Elior." En l'espèce, c'est bien une entité économique qui a été transférée, s'agissant du transfert d'un ensemble de salariés de la clinique [1], affectés à l'activité de bionettoyage de la clinique, au profit des usagers de la clinique, dans les locaux de cet établissement, soit un ensemble organisé de personnes utilisant un matériel destiné à l'activité de bio-nettoyage et affectées à des tâches spécifiques de nettoyage des locaux, et dont il n'est pas contesté qu'ils ont tous été repris par la société ELIOR, ainsi que l'indique la salariée dans ses conclusions, et qui poursuivent à l'identique l'activité antérieure au sein du même établissement. Les salariées concernées, dont les contrats de travails étaient nécessairement poursuivis, étaient toutefois libres de signer, fut-ce de manière superflue, un nouveau contrat de travail reprenant notamment les conditions et avantages qu'elles détenaient avant le transfert, avec reprise de leur ancienneté, et il ne peut se déduire de l'existence d'un tel contrat que les conditions du transfert légal du contrat de travail n'étaient pas par ailleurs réunies. La référence à l'article L. 1224-1 du code du travail mentionnée dans ce contrat de travail, résultant nécessairement de la commune intention des parties, corrobore cette analyse et la signature de ce contrat a notamment permis de placer expressément la relation de travail entre la salariée et la clinique [1] jusqu'alors sous l'empire de la convention collective de l'hospitalisation privée, sous l'égide de la convention idoine. Le contrat signé avec la société ELIOR stipule ainsi dans son article 3 que la relation de travail est régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés. Il résulte de cette analyse que la référence contractuelle à l'article L. 1224-1 du code du travail correspond en l'espèce à la réalité des conditions du transfert du contrat de travail et qu'en conséquence, l'octroi de la prime d'assiduité découle de l'obligation à laquelle était tenue la société ELIOR de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur à la date du 1er juin 2014 et notamment cette prime appelée jusqu'alors prime de fidélité. En conséquence, l'inégalité de traitement est justifiée ; [pour Mme [P]] le jugement sera confirmé en ce que la demande de rappel de prime d'assiduité a été rejetée ; [pour Mmes [E] et [H]] la demande de rappel de prime d'assiduité sera rejetée. Il sera ajouté au jugement sur ce point » (arrêts);

AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES concernant Mme [P] QUE « Sur la prime d'assiduité, Sur la comparaison avec les salariés de la clinique de [2], [la salariée] se compare avec des salariées de la clinique de [2] d'[Localité 3] qui perçoivent une prime d'assiduité de 200 euros par an. La société ELIOR répond que les contrats de travail ont été transférés en application de l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté et qu'en application de l'article L. 1224-2-3, la requérante ne peut pas comparer sa situation avec celle des salariées de [2]. Elle ajoute que s'agissant des autres salariées, elles travaillaient sur le site de [2] dans le cadre de leur contrat de travail avec Hôpital Services, détenteur du chantier, et que le transfert des contrats de travail s'est opéré par la fusion entre Hôpital Service et ELIOR en 2012. Sur ce, Il ressort en effet qu'en vertu de l'article L. 1224-2-3 du code du travail, lorsqu'un accord de branche étendu prévoit et organise la poursuite des contrats de travail en cas de succession d'entreprises dans l'exécution d'un marché, les salariés du nouveau prestataire ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d'avantages obtenus, avant le changement de prestataire, par les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis. Par ailleurs, l'article L. 1224-1 du code du travail prévoit le transfert légal des contrats de travail lors. [La salariée] compare sa situation avec deux salariées dont le contrat de travail n'a pas été transféré en application des dispositions conventionnelles. Aux termes des conclusions de son Conseil : - Madame [W] a été recrutée par la société HÔPITAL SERVICE le 22 avril 2006 et affectée sur le site de [2], - Madame [D] a été recrutée par la société HÔPITAL SERVICES le 9 juillet 2008, et a également été affectée sur le site de [2]. Cependant, contrairement à ce qu'indique la concluante, les pièces 25 à 27 et 30 et 31 ne concernent pas ces deux salariées dont le bulletin de salaire n'est pas produit au débat : les pièces 25, 26 et 27 sont annoncées comme étant le contrat de travail de Madame [D] alors qu'il s'agit : des bulletins de salaire d'autres salariés d'Hôpital Service (pièce 25) de l'attestation de [I] [Y] (pièce 26) et de l'attestation de [G] [F] (pièce 27). La pièce 31 est annoncée comme étant le bulletin de paie de madame [W], alors qu'il s'agit d'une déclaration de saisine d'une juridiction. Aucune pièce relative à ces deux salariées de la clinique de [2] n'ont été retrouvées par ailleurs parmi les pièces versées par la requérante. Cependant, la société ELIOR produit au titre des « pièces adverses », copie des contrats de travail de ces deux salariées et des bulletins de salaire, qui portent, étonnamment, le n° 25,26 et 27 et 31 des pièces de la requérante. Ces pièces sont donc dans le débat et il convient d'en tenir compte. Il ressort de ces deux contrats de travail que les deux salariées ont été embauchées par la société Hôpital Service, l'une en 2007 et l'autre le 1er janvier 2012. Il ressort des bulletins de salaire émis par la société ELIOR, dès juillet 2012 pour madame [W] (épouse [V]), qu'une prime d'assiduité est payée chaque année à ces salariées. Cependant, il n'est pas contesté par les parties, et comme il l'est indiqué dans les conclusions de la requérante, que Madame [W] épouse [V] a perçu cette prime dès 2008. C'est donc à bon droit que la société ELIOR rappelle que la société Hôpital Services a fusionné avec ELIOR et que les contrats de travail ont été transférés légalement à compter du 1er avril 2012, soit postérieurement à l'embauche de Madame [D] (1er janvier 2012), avec tous les avantages acquis qui avaient été accordés antérieurement aux salariés de la société absorbée. De ce fait, [la salariée] ne peut pas comparer sa situation avec celle des salariées de la clinique de [2] qui ne sont pas dans la même situation juridique qu'elle. Sur la comparaison avec les salariés de la clinique d'[1], Par ailleurs, [la salariée] relève que depuis le 1er juin 2014, les salariés d'ELIOR travaillant sur le site de la clinique [1] à [Localité 1] en Provence bénéficient d'une prime d'assiduité. Elle explique que la société gérant la clinique a décidé en 2014 d'externaliser le nettoyage de ses locaux qu'elle a confié à la société ELIOR, laquelle a recruté l'ensemble des salariés affectés précédemment au bionettoyage des lieux en leur attribuant, en sus de leur salaire de base, une prime d'assiduité mensuelle. ELIOR soutient que suite à l'externalisation de ce service, les contrats de travail ont été repris de plein droit dans le cadre de l'article L. 1224-1 du code du travail. [La salariée] répond que l'externalisation de ce service de bionettoyage ne répond pas aux conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail qui exige un transfert d'entité économique autonome. Elle en tient pour preuve le fait que la société ELIOR a fait signer aux salariés un nouveau contrat de travail alors que cela n'est pas nécessaire dans le cadre d'un transfert légal. Elle considère donc que le choix d'attribuer aux salariés d'[1] une prime d'assiduité est une volonté propre et unilatérale d'ELIOR qui n'avait aucune obligation à cet égard. Sur ce, Une entité économique autonome est un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre. Il ne peut pas être contestée que l'activité première et essentielle d'une clinique est médicale, de par les soins donnés aux patients, le bionettoyage et les services hôteliers étant une activité annexe mais nécessaire à cette activité. Il n'est pas non plus contesté que le personnel affecté au bionettoyage est bien différencié du personnel médical et administratif de la clinique, aucune permutation de personnel n'étant notamment possible, répondant à ses propres plannings et organisation du travail et exécutant des fonctions qui lui sont propres. L'activité de bionettoyage est donc une activité économique, au sens organisationnel, autonome au sein de la clinique ou de tout autre établissement hospitalier. Cette activité comporte du personnel et des outils de travail spécialement affectés. L'externalisation d'un service de bionettoyage et de services hôteliers entre donc dans le champ d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail qui prévoit un transfert légal des contrats de travail. A cet égard, il importe peu que la société ELIOR ait fait le choix de faire signer de nouveaux contrats de travail aux salariés de la clinique, seule la question de la nature juridique réelle du passage des salariés de l'une à l'autre des sociétés se pose, et ce quelle que soit la qualification juridique que les parties ont entendu lui donner : en effet, l'article L. 1224-1 du code du travail est d'ordre public et, ses effets sur la situation postérieure des salariés doivent être respectés, notamment pour les avantages acquis. A cet égard, c'est à bon droit que la société ELIOR rappelle que l'article 5-4 de la convention collective de l'hospitalisation privée à but lucratif, dont dépendait les salariés antérieurement à leur passage chez ELIOR, prévoit : Primes de service et d'assiduité, La prime prévue par l'article 25 de la convention collective du 2 juin 1975 refondue le 12 mars 1982 est maintenue en vigueur pour son montant en euros apprécié au 31 décembre 2001, pour chaque salarié bénéficiaire. Elle est intégrée dans le calcul de la RAG. La prime prévue par l'article 23 bis de la convention du 14 octobre 1970 est maintenue en vigueur pour son montant en euros apprécié au 31 décembre 2001, pour chaque bénéficiaire. Elle est intégrée dans le calcul de la RAG. De ce fait, et compte tenu du maintien légal des avantages acquis du fait des dispositions conventionnelles antérieures, la requérante ne démontre pas se trouver dans la même situation juridique que les salariés ELIOR travaillant sur le site de la clinique [1]. Sa demande relative à la prime d'assiduité sera donc rejetée. » (jugement concernant Mme [P]) ;

1./ ALORS QUE l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que le transfert d'une telle entité n'est réalisé que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par le nouvel exploitant ; qu'en l'espèce, les salariées exposantes contestaient le transfert d'une entité économique autonome en faisant valoir que la société ESPS ne démontrait pas ni ne justifiait que des éléments corporels ou incorporels significatifs lui auraient été transférés par la clinique [1] lors de l'opération d'externalisation ; qu'en se bornant dès lors à énoncer qu'il y avait eu transfert d'une entité économique, sans vérifier, ainsi qu'elle y était expressément invitée, ni constater que la société ESPS justifiait avoir repris des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'activité qui avait ainsi fait l'objet de l'opération d'externalisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail et de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 ;

2./ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'une différence de traitement en matière de salaire n'est justifiée en cas de transfert légal des contrats de travail qu'à la condition que la différenciation résulte de l'élément objectif que constitue le maintien des avantages individuels acquis auprès de l'ancien employeur ; que, dès lors qu'elle constatait elle-même que les salariés travaillant sur le site de la clinique [1] percevaient une « prime de fidélité » jusqu'à leur transfert, la cour d'appel ne pouvait, s'agissant de la « prime d'assiduité », juger que l'inégalité de traitement entre les salariées exposantes et les salariés transférés de la clinique [1] était justifiée par l'obligation de la société ESPS de maintenir au bénéfice de ces derniers les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur, sans vérifier si la nouvelle « prime d'assiduité » versée par la société ESPS l'était dans des conditions différentes de la « prime de fidélité », notamment, sans décompte des périodes d'absence ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement et de l'article L. 2261-14 du code du travail, dans sa version alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-25485;19-25487;19-25488
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2021, pourvoi n°19-25485;19-25487;19-25488


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25485
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