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20/10/2021 | FRANCE | N°19-23844

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2021, 19-23844


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1167 F-D

Pourvoi n° K 19-23.844

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

Mme [S] [Z], domiciliée [Adresse 2],

a formé le pourvoi n° K 19-23.844 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'o...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 octobre 2021

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1167 F-D

Pourvoi n° K 19-23.844

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 OCTOBRE 2021

Mme [S] [Z], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 19-23.844 contre l'arrêt rendu le 3 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Carbonnet et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de Mme [Z], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Carbonnet et associés, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 03 septembre 2019), Mme [Z] a été engagée le 11 octobre 1982 en qualité d'assistante principale, à temps partiel de 28 heures par semaine, par la société d'expertise comptable Carbonnet et associés.

2. Par lettre du 31 juillet 2013, la salariée a reproché à l'employeur une attitude relevant du harcèlement moral et indiqué qu'à défaut de solution amiable, elle saisirait le conseil de prud'hommes d'une demande de résolution judiciaire de son contrat de travail et de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et pour harcèlement moral.

3. Les 6 mai, 12 et 13 juin, et 4 juillet 2014, la salariée s'est vue notifier des avertissements. Mise à pied et convoquée à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 29 juillet 2014, elle a été licenciée pour faute grave le 1er août 2014.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et de la nullité du licenciement, alors « qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en vertu de l'article L. 1154-1, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il en résulte que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, le juge apprécie si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour écarter le grief de harcèlement moral invoqué par la salariée, la cour d'appel a retenu que l'employeur n'avait fait qu'exercer son pouvoir de direction en ne respectant pas les usages en vigueur dans l'entreprise avant l'arrivée de la nouvelle direction, en refusant d'accorder à la salariée des congés payés posés de longue date et en annulant brutalement un rendez-vous professionnel pris par celle-ci ; qu'en s'abstenant de vérifier si, dans leur ensemble, les décisions de la société Carbonnet et associés invoquées par Mme [Z] ne permettaient pas de présumer une situation de harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1152-1 et l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

6. Pour débouter la salariée de ses demandes de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et de nullité du licenciement, l'arrêt retient d'abord que les décomptes d'heures supplémentaires dont se prévaut la salariée se limitent à comparer son temps de travail hebdomadaire résultant de son contrat de travail avec des heures effectuées par semaine sans aucun détail du temps de travail journalier et alors que les avertissements prononcés par l'employeur en raison du refus ou des défauts répétés de la salarié de renseigner ses feuilles de présence sont fondés, de sorte qu'il ne peut être attachée aucune présomption aux heures complémentaires ou supplémentaires revendiquée par Mme [Z] en 2012, 2013 et 2014.

7. L'arrêt énonce par ailleurs que la salariée reproche à l'employeur la remise en cause des usages sans respect des règles de la dénonciation s'agissant de la mise en place d'un délai de carence en cas d'arrêt maladie, du non-paiement de primes tri-annuelles aux mois de mai et juillet 2014, et du refus d'attribution de jours de pont, que néanmoins l'employeur n'était pas tenu de déroger aux règles légales et conventionnelles applicables en matière de carence ni à celles relatives aux ponts, la salariée étant de surcroît embauchée à temps partiel, que l'employeur était fondé à verser les primes, dont le principe n'était pas contractuel, sous conditions de résultats des salariés, et que la salariée ayant fait l'objet d'avertissements sur son activité sur la période qu'elle revendique, l'employeur était fondé à refuser de verser cette gratification et à appliquer la retenue de salaire pour la journée du 14 septembre 2012 au titre de la carence de la salariée.

8. L'arrêt retient ensuite, s'agissant de l'obligation, invoquée par la salariée, qui lui a été faite de remplir des feuilles de temps de travail et les sanctions que l'employeur lui a infligées pour ne pas remplir celles-ci, que la pratique du contrôle de l'activité est conforme au droit applicable, que s'agissant de l'annulation par l'employeur des rendez-vous qu'elle avait pris en urgence et en dehors de ses heures contractuelles de travail pour être à la disposition des clients de l'entreprise le 2 février et le 27 mars 2013, que sauf accord exprès de l'employeur, la salariée ne pouvait disposer de son temps de travail en dehors des jours et des heures fixés à son contrat de travail, de surcroît pour imposer à l'employeur le bénéfice d'heures supplémentaires que celui-ci n'a pas autorisées.

9. L'arrêt retient enfin, s'agissant du refus de l'employeur de lui accorder des congés après un silence de trois mois, alors qu'elle avait pris ses billets et réservations persuadée que le silence de sa hiérarchie équivalait à son accord dans les mêmes conditions, que la salariée ne peut se prévaloir de l'usage avec son précédent employeur sur les règles d'organisation du temps de travail, et que s'agissant de l'attitude humiliante et vexatoire de l'employeur qui lorsqu'il l'a convoquée le 4 avril 2013 à 9 heures à [Localité 1] par l'intermédiaire de l'une de ses collègues alors qu'elle devait se rendre à un rendez-vous d'un client à [Localité 2] dans la même matinée, ainsi que le caractère vexatoire des avertissements qui lui ont été infligés, que ces faits ne sont pas rapportés à des numéros de pièces communiqués ni référencés dans le bordereau de communication de pièces de la salariée, de sorte que la cour ne peut se livrer à aucune discussion sauf à relever que la première des affirmations ne caractérise pas un tort de l'employeur et que les avertissements sont bien fondés.

10. L'arrêt en conclut que les comportements de l'employeur reprochés par la salariée n'excédaient pas son pouvoir de direction et qu'aucune faute ne peut lui être imputée, et que ces faits ne sont pas davantage de nature à présumer la dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

11. En statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en cas de litige relatif aux heures de travail effectuées, s'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, il ne lui est pas fait obligation, pour satisfaire à cette exigence, de produire un décompte journalier plutôt qu'hebdomadaire ; qu'en écartant les allégations de la salariée relatives aux heures supplémentaires non payées, au motif que « les décomptes de Mme [Z] se limitent à comparer son temps de travail hebdomadaire résultant de son contrat de travail avec des heures effectuées par semaine sans aucun détail du temps journaliers et alors d'autre part (?) que les avertissements prononcés par l'employeur en raison du refus ou des défauts répétés de la salarié de renseigner ses feuilles de présence sont bien fondés », de sorte qu' " il ne peut être attachée aucune présomption aux heures complémentaires ou supplémentaires revendiquée par Mme [Z] en 2012, 2013 et 2014", cependant que des décomptes d'heures, même hebdomadaires, ont valeur de présomption, la cour d'appel, qui a en définitive fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

13. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

14. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

15. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

16. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que les décomptes d'heures supplémentaires dont se prévaut la salariée se limitent à comparer son temps de travail hebdomadaire résultant de son contrat de travail avec des heures effectuées par semaine sans aucun détail du temps de travail journalier et alors que les avertissements prononcés par l'employeur en raison du refus ou des défauts répétés de la salarié de renseigner ses feuilles de présence sont fondés, de sorte qu'il ne peut être attachée aucune présomption aux heures complémentaires ou supplémentaires revendiquées par la salariée en 2012, 2013 et 2014.

17. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

18. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt, en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes de résiliation du contrat de travail, en nullité du licenciement et en paiement des heures supplémentaires, primes et dommages-intérêts, entraîne par voie de dépendance nécessaire la cassation des chefs de dispositif, critiqués par le second moyen, disant que le licenciement est fondé sur une faute grave et déboutant la salariée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et de dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 03 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Carbonnet et associés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Carbonnet et associés et la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme [Z]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [S] [Z] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, en résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et de nullité du licenciement ;

AUX MOTIFS QUE pour voir infirmer le jugement qui a rejeté sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ainsi que celle en nullité de son licenciement tirée du chef de harcèlement moral au travail, Mme [Z] affirme, en premier, lieu avoir été confrontée à un accroissement important de travail après le départ de deux salariées qui avaient vingt ans d'expérience professionnelle et se prévaut de décomptes d'heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées ; que toutefois, les décomptes de Mme [Z] se limitent à comparer son temps de travail hebdomadaire résultant de son contrat de travail avec des heures effectuées par semaine sans aucun détail du temps de travail journalier et alors d'autre part comme cela est retenu ci-dessous au point 2 de l'arrêt, que les avertissements prononcés par l'employeur en raison du refus ou des défauts répétés de la salarié de renseigner ses feuilles de présence sont bien fondés, il ne peut être attachée aucune présomption aux heures complémentaires ou supplémentaires revendiquée par Mme [Z] en 2012, 2013 et 2014 ; que le rejet par les premiers juges de ces demandes à ce titre sera en conséquence confirmé ainsi que l'indemnité au titre du travail dissimulé, comme le tort de l'employeur sur ce grief ; que Mme [Z] reproche, en deuxième lieu, à l'employeur la remise en cause des usages sans respect des règles de la dénonciation portant, d'une première part, dans la mise en place d'un délai de carence en cas d'arrêt maladie, de deuxième part, dans le non-paiement de primes trisannuelles aux mois de mai et juillet 2014, et de troisième part dans le refus d'attribution de jours de pont ; que néanmoins, l'employeur n'était pas tenu de déroger aux règles légales et conventionnelles applicables en matière de carence ni à celles relatives aux « ponts », Mme [Z] étant de surcroît embauchée à temps partiel ; qu'en ce qui concerne les primes dont le principe n'était pas contractuel, l'employeur était fondé à les verser sous conditions de résultats des salariés et alors que Mme [Z] avait fait l'objet d'avertissements sur son activité sur la période qu'elle revendique, l'employeur était fondé à refuser de verser cette gratification et à appliquer la retenue de salaire pour la journée du 14 septembre 2012 au titre de la carence de la salariée ; que Mme [Z] oppose, en troisième lieu, l'obligation qui lui a été faite de remplir des feuilles de temps de travail et les sanctions qu'il lui a infligées pour ne pas remplir celle-ci ; qu'au demeurant, la pratique du contrôle de l'activité est conforme au droit applicable, de sorte que le moyen sera écarté ; qu'en quatrième lieu, Mme [Z] reproche à son employeur d'avoir annulé des rendez-vous qu'elle avait pris en urgence et en dehors de ses heures contractuelles de travail pour être à la disposition des clients de l'entreprise le 2 février et le 27 mars 2013 ; que cependant, sauf accord exprès de l'employeur, la salariée ne pouvait disposer de son temps de travail en dehors des jours et des heures fixées à son contrat de travail, de surcroît pour imposer à l'employeur le bénéfice d'heures supplémentaires que celui-ci n'a pas autorisées ; qu'en cinquième lieu, Mme [Z] fait grief à l'employeur son refus de lui accorder des congés après un silence de trois mois, alors qu'elle avait pris ses billets et réservations persuadée que le silence de sa hiérarchie équivalait à son accord dans les mêmes conditions ; que néanmoins et ainsi que cela est relevé ci-dessus, la salariée ne peut se prévaloir de l'usage avec son précédent employeur sur les règles d'organisation du temps de travail ; qu'en sixième lieu, Mme [Z] fait grief à l'employeur l'attitude humiliante et vexatoire qui lorsqu'il l'a convoquée le 4 avril 2013 à 9h à [Localité 1] par l'intermédiaire de l'une de ses collègues alors qu'elle devait se rendre à un rendez-vous d'un client à [Localité 2] dans la même matinée et relève enfin le caractère vexatoire des avertissements qui lui ont été infligés ; que toutefois, et alors que ces faits ne sont pas rapportés à des numéros de pièces communiqués ni référencés dans le bordereau de communication de pièces de Mme [Z], la cour ne peut se livrer à aucune discussion sauf à relever que la première des affirmations ne caractérise pas un tort de l'employeur et que pour le second grief et ainsi que cela est par ailleurs retenu ci-dessous au point 2 de l'arrêt, les avertissements sont bien fondés ; qu'il en résulte que les comportements de l'employeur reprochés par Mme [Z] n'excédaient pas son pouvoir de direction et qu'aucune faute ne peut lui être imputée ; que ces faits ne sont pas davantage de nature à présumer la dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

ALORS, D'UNE PART, QU' aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en vertu de l'article L. 1154-1, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il en résulte que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, le juge apprécie si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour écarter le grief de harcèlement moral invoqué par la salariée, la cour d'appel a retenu que l'employeur n'avait fait qu'exercer son pouvoir de direction en ne respectant pas les usages en vigueur dans l'entreprise avant l'arrivée de la nouvelle direction, en refusant d'accorder à la salariée des congés payés posés de longue date et en annulant brutalement un rendez-vous professionnel pris par celle-ci ; qu'en s'abstenant de vérifier si, dans leur ensemble, les décisions de la société Carbonnet et associés invoquées par Mme [Z] ne permettaient pas de présumer une situation de harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU' en cas de litige relatif aux heures de travail effectuées, s'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, il ne lui est pas fait obligation, pour satisfaire à cette exigence, de produire un décompte journalier plutôt qu'hebdomadaire ; qu'en écartant les allégations de la salariée relatives aux heures supplémentaires non payées, au motif que « les décomptes de Mme [Z] se limitent à comparer son temps de travail hebdomadaire résultant de son contrat de travail avec des heures effectuées par semaine sans aucun détail du temps journaliers et alors d'autre part (?) que les avertissements prononcés par l'employeur en raison du refus ou des défauts répétés de la salarié de renseigner ses feuilles de présence sont bien fondés », de sorte qu' « il ne peut être attachée aucune présomption aux heures complémentaires ou supplémentaires revendiquée par Mme [Z] en 2012, 2013 et 2014 » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 3), cependant que des décomptes d'heures, même hebdomadaires, ont valeur de présomption, la cour d'appel, qui a en définitive fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que le licenciement de Mme [Z] était fondé sur une faute grave et d'avoir débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et en dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE pour contester la faute qui lui est reprochée dans son licenciement ainsi que toute cause réelle et sérieuse, Mme [Z] soutient, en premier lieu en ce qui concerne ses carences dans les suivis de dossier, soit que l'application logiciel pour saisir les données n'était pas adaptée, soit qu'il s'agit d'erreur de l'employeur sur la situation du dossier, soit que l'alimentation des données dépendait de l'initiative du client ; qu'en ce qui concerne le grief sur le défaut de retour des questionnaires devant être adressés aux clients, Mme [Z] rétorque les clients n'ont pas répondu et qu'elle n'avait rien à transmettre et qu'elle ne voyait pas de liens entre la tenue des assemblée et le recueil de ces questionnaires ; qu'au demeurant, et d'une première part, il résulte des pièces versées aux débats la preuve des manquements répétés de Mme [Z] dans ses missions auprès des clients du cabinet d'expertise comptable dans les termes rapportés à la lettre de licenciement citée ci-dessus, de sorte que les avertissements notifiés à la salariés pour ces griefs sont bien fondés ; que d'autre part, il est établi la preuve de la volonté délibérée de Mme [Z] de se soustraire à l'établissement des feuilles de temps de travail et ceci, malgré les demandes et avertissements qui lui ont été donnés à plusieurs reprises depuis le 3 août 2012, et ainsi que cela résulte des termes de la lettre qu'elle a adressée à l'employeur datée du 2 juillet 2014 dans laquelle elle revendique son refus de renseigner son temps de travail, ce qui caractérise une faute grave de la salariée rendant impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a écarté le bien-fondé de cette cause de licenciement ainsi que dans les indemnités qu'il a reconnu à la salariée ; que Mme [Z] sera en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que le fait pour Mme [Z] de se soustraire à l'établissement des feuilles de temps et de travail malgré les demandes de l'employeur ne constitue pas un fait suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance nº 2017-1387 du 22 septembre 2017.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-23844
Date de la décision : 20/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2021, pourvoi n°19-23844


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Jean-Philippe Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23844
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