LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 14 octobre 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 955 F-D
Pourvoi n° P 20-14.398
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2021
1°/ la société Axa France Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ Mme [Y] [W], veuve [R], domiciliée [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° P 20-14.398 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [X] [S], domicilié [Adresse 4],
2°/ à la société Axa France vie, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ à la Caisse des dépôts et consignations, dont le siège est [Adresse 5], prise en son établissement [Adresse 7],
4°/ à la commune de [Localité 1], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France Iard et de Mme [W], veuve [R], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France vie, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la commune de [Localité 1], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 8 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 janvier 2020) et les productions, M. [S] a été victime, le 4 mars 1999, alors qu'il pilotait sa motocyclette, d'un accident de la circulation, constituant un accident de trajet, qui a impliqué le véhicule conduit par Mme [W], assuré auprès de la société Axa France Iard (l'assureur).
2. M. [S] a assigné Mme [W] et l'assureur devant un tribunal de grande instance pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices corporels, en présence de trois tiers payeurs, la commune de [Localité 1], son employeur qui lui a maintenu certaines rémunérations pendant ses arrêts de travail, la société Axa France vie qui lui a servi des indemnités journalières en vertu d'un contrat de prévoyance collectivité territoriale souscrit par l'employeur, auquel il avait adhéré, et la Caisse des dépôts et consignations, qui lui a notamment versé une rente d'invalidité.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. L'assureur et Mme [W] font grief à l'arrêt de fixer le préjudice corporel global de M. [S] à la somme de 919 396,59 euros, de dire que l'indemnité lui revenant s'établit à 361 152,67 euros, les condamner in solidum à payer : à M. [S] les sommes de 361 152,67 euros, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 4 novembre 2018 à hauteur de 269 891,90 euros et du prononcé du présent arrêt soit le 16 janvier 2020 à hauteur de 91 260,77 euros, 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ; à la société Axa France vie la somme totale de 250 468,20 euros correspondant à 12 099,58 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 20 179,10 euros au titre des dépenses de santé futures, 154 393,69 euros au titre des indemnités journalières versées avant consolidation, 63 795,83 euros au titre des indemnités journalières versées avant [en réalité après] consolidation, outre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ; à la commune de [Localité 1] : 37 974,81 euros [en réalité 67 974,81 euros] au titre du régime indemnitaire et des primes, 122 479,98 euros au titre des charges patronales, 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ; à la Caisse des dépôts et consignations, 239 800,91 euros au titre de la pension de retraite anticipée et de la rente accident avec intérêts au taux légal à compter de la date des premières écritures du 3 septembre 2014, signifiées devant le premier juge, 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel, alors « que la réparation du préjudice s'opère sans perte ni profit pour la victime ; qu'en prenant en compte au titre de la perte de gains professionnels actuels le courrier du 5 juin 2012 de la commune de [Localité 1] indiquant que depuis le 4 mars 1999, M. [S] avait perdu en salaires et primes une somme de 76 027,84 euros, après avoir constaté que « M. [S] indique, ce qui ne souffre aucune contestation » que son salaire avait été maintenu, ce dont il résultait qu'il n'avait subi aucune perte de gains professionnels actuels et qu'à tout le moins il appartenait à la cour d'appel de s'expliquer sur cette contradiction, celle-ci n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
5. Pour fixer à 71 047,80 euros la somme revenant à M. [S] au titre des pertes de gains professionnels actuels, l'arrêt rappelle d'abord que l'employeur avait maintenu le versement du salaire pendant la période d'invalidité de celui-ci avant consolidation et que M. [S] se prévalait seulement de pertes de primes.
6. Il relève, ensuite, que ce dernier produit un tableau qu'il a établi faisant état, pour la période du 4 mars 1999 au 1er septembre 2008, de « perte d'astreintes, élections, préparations des élections, jours fériés et prime info » d'un montant, non pas de 76 027,84 euros, mais de 29 387,46 euros.
7. Il note, par ailleurs, que la commune de [Localité 1], par lettre du 5 juin 2012, avait indiqué que, depuis le 4 mars 1999, M. [S] avait perdu en « salaires et primes » la somme de 76 027,84 euros.
8. Il conclut qu'il convient de retenir ce dernier chiffre de sorte que, rapportée à la période expirant le 20 mai 2011, date de consolidation, la somme revenant à la victime s'établit à 71 047,80 euros.
9. Qu'en se déterminant ainsi, alors que la lettre émanant de la commune faisait état non seulement d'une perte de primes mais aussi de salaires, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la somme allouée à M. [S] au titre de ce préjudice correspondait exclusivement à des pertes de primes, seul préjudice invoqué par celui-ci, a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le préjudice corporel global de M. [S] à la somme de 919 396,59 euros, dit que l'indemnité lui revenant s'établit à 361 152,67 euros, condamné in solidum la société Axa France Iard et Mme [W], veuve [R] à payer à M. [S] les sommes de 361 152,67 euros, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 4 novembre 2018 à hauteur de 269 891,90 euros et du prononcé du présent arrêt soit le 16 janvier 2020 à hauteur de 91 260,77 euros, 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel, à la société Axa France vie la somme totale de 250 468,20 euros correspondant à 12 099,58 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 20 179,10 euros au titre des dépenses de santé futures, 154 393,69 euros au titre des indemnités journalières versées avant consolidation, 63 795,83 euros au titre des indemnités journalières versées après consolidation, outre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel, à la commune de [Localité 1], 67 974,81 euros au titre du régime indemnitaire et des primes, 122 479,98 euros au titre des charges patronales, 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel, à la Caisse des dépôts et consignations, 239 800,91 euros au titre de la pension de retraite anticipée et de la rente accident avec intérêts au taux légal à compter de la date des premières écritures du 3 septembre 2014, signifiées devant le premier juge, 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel, l'arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne M. [S], la société Axa France vie, la Caisse des dépôts et consignations et la commune de [Localité 1] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [S], la société Axa France vie, la Caisse des dépôts et consignations et la commune de [Localité 1] et les condamne in solidum à payer à la société Axa France Iard et à Mme [W] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Axa France Iard et Mme [W], veuve [R]
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé le préjudice corporel global de M. [X] [S] à la somme de 919 396,59 €, dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 361 152,67 €, condamné in solidum la société Axa France Iard et Mme [Y] [W] veuve [R] à payer à M. [S] les sommes de 361 152,67 €, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 4 novembre 2018 à hauteur de 269 891,90 € et du prononcé du présent arrêt soit le 16 janvier 2020 à hauteur de 91 260,77 €, 1 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel, condamné in solidum la société Axa France Iard et Mme [R] à payer à la société Axa France Vie la somme totale de 250 468,20 € correspondant à : 12 099,58 € au titre des dépenses de santé actuelles, 20 179,10 € au titre des dépenses de santé futures, 154 393,69 € au titre des indemnités journalières versées avant consolidation, 63 795,83 € au titre des indemnités journalières versées avant consolidation, outre la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel, condamné in solidum la société Axa France Iard et Mme [R] à payer à la commune de [Localité 1] : 37 974,81 € au titre du régime indemnitaire et des primes, 122 479,98 € au titre des charges patronales, 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel, condamné in solidum la société Axa France Iard et Mme [R] à payer à la Caisse des dépôts et consignations, 239 800,91 € au titre de la pension de retraite anticipée et de la rente accident avec intérêts au taux légal à compter de la date des premières écritures du 3 septembre 2014, signifiées devant le premier juge, 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
AUX MOTIFS QUE, sur les frais de déplacement, contrairement à ce que soutiennent les tiers responsables, il n'appartenait pas à l'expert de retenir ou de ne pas retenir le bien fondé des frais de déplacement qui sont des frais dont la victime est fondée à demander le remboursement lorsqu'ils ont été engagés pour les besoins des soins, des rendez-vous médicaux ou pour se rendre aux réunions d'expertise ; que ces frais ont été évalués par le premier juge à la somme de 7 254,06 €, une fois déduits cinq allers/retours chez un kinésithérapeute ; que pour justifier sa demande indemnitaire, M. [S] produit aux débats un tableau des déplacements qu'il a dû effectuer pour se rendre à des rendez-vous médicaux, auprès de divers praticiens ou dans des hôpitaux, ainsi que pour se rendre chez le kinésithérapeute, précision ici faite qu'une période de onze ans et huit mois s'est écoulée entre l'accident et le dernier déplacement du 2 mai 2011 ; que devant la cour, la société Axa France Iard conteste l'intégralité de la demande de remboursement, alors que la lecture des rapports d'expertises, des comptes rendus opératoires et des éléments médicaux versés aux débats sont suffisamment nombreux pour établir la réalité des déplacements que la victime a dû assumer pour les besoins de sa santé ou de sa défense en justice ; qu'il convient en conséquence de confirmer le montant de 7 251,06 € fixé par le premier juge ;
ALORS DE PREMIERE PART QUE dans leurs conclusions d'appel (p. 16, al. 2) la société Axa France Iard et Mme [R] faisaient valoir qu'il « est singulier que M. [S] réclame les 21 mars et 19 avril 1999 des frais de transport à l'hôpital (pièce n° 30 [S]) alors que ces frais ont été intégralement pris en charge par Axa Assurances ainsi qu'il ressort d'une ancienne pièce produite par M. [S] (pièce n° 1) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire établissant qu'à tout le moins la totalité des frais dont le remboursement était demandé n'était pas justifié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à se référer à la « lecture des rapports d'expertise, des comptes rendus opératoires et des éléments médicaux versés aux débats », pour en déduire la réalité des déplacements, sans analyser même sommairement les pièces simplement visées d'où il serait résulté que les sommes réclamées au titre des frais de déplacement avaient réellement été engagées, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile et n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer du respect du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur la perte de gains professionnels actuels, ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus ; qu'il est constant que le docteur [U] a retenu pour la période antérieure à la consolidation des périodes d'arrêt des activités professionnelles en fonction des interventions chirurgicales, et en excluant donc les arrêts prescrits par le docteur [H] psychiatre traitant depuis janvier 2001 ; que néanmoins, il est tout aussi constant que l'expert médical a fixé sur cette période à 6/7 les souffrances endurées, tant psychiques que physiques, que depuis le mois de janvier 2001, M. [S] a consulté le docteur [H], psychiatre, à raison de deux fois par mois, et qu'il ne fait pas de doute à la lecture des différents certificats médicaux du docteur [H] que l'importance des douleurs physiques non maîtrisées, médicalement constatées par le taux de souffrances endurées retenu par l'expert médical, ainsi que les interventions chirurgicales à répétition ont nécessairement eu un retentissement sur la santé mentale et psychique de M. [S], ce qui permet de valider les arrêts prescrits par le docteur [H] pour être en relation de causalité directe avec l'accident ; qu'au moment de l'accident, M. [S] était employé par la commune de [Localité 1] en qualité de technicien informatique, chargé du montage des câbles, réseaux et branchements avec une évolution vers la gestion du travail informatique à réaliser ; que l'expert le docteur [U] a indiqué dans son rapport, que compte tenu des lésions initiales et des complications survenues après l'accident, auxquelles sont venues s'ajouter de nombreuses interventions chirurgicales, M. [S] ne pouvait plus exercer la profession technique dans l'informatique ; que l'expert médical a ajouté que néanmoins médicalement et intellectuellement il aurait pu exercer une activité moins technique dans la même branche alors que sur le plan psychiatrique, le docteur [V] requis en sa qualité de sapiteur psychiatre a estimé le 1er août 2012, que M. [S] a souffert d'un syndrome anxiodépressif post-traumatique d'intensité modérée en relation directe et certaine avec l'accident initial en proposant de retenir la date du 11 mai 2007 comme date de consolidation psychiatrique et en ne retenant aucune période pendant laquelle M. [S] n'aurait pas pu exercer d'activité professionnelle ; qu'or, il est acquis aux débats que depuis l'accident, M. [S] n'a jamais repris, de façon pérenne, son activité professionnelle au sein de la commune de [Localité 1], jusqu'au 1er juin 2016, date à laquelle il a été mis en retraite pour invalidité par la médecine du travail ; qu'il est tout aussi constant qu'il n'a jamais bénéficié d'une proposition de reclassement ou de modification de son poste de travail à dominante technique en une activité de gestion ; qu'en conséquence et en dépit des appréciations de l'expert sur les périodes au cours desquelles M. [S] aurait été en mesure d'exercer une activité moins technique, il s'avère, alors qu'aucune proposition de reclassement ou d'aménagement de son poste n'a jamais été formulée par son employeur ; qu'il est fondé à solliciter en dehors des courtes périodes de reprise d'activité, l'indemnisation d'une perte de gains professionnels actuels depuis le 4 mars 1999 jusqu'à la consolidation du 20 mai 2011 ; que M. [S] indique, ce qui ne souffre aucune contestation, que l'accident de trajet dont il a été victime, a été pris en charge au titre d'un accident du travail et que son salaire a été maintenu ; que le décompte produit devant la cour par la commune de [Localité 1] fait état du versement par l'employeur d'un régime indemnitaire et de primes de fin d'année et complément dont les montant viennent constituer l'assiette du poste de perte de gains professionnels actuels sur la période du 4 mars 1999 au 20 mai 2011 ; que sur cette période, la commune de [Localité 1] indique avoir versé au titre du régime indemnitaire et des primes de fin d'année et complément plusieurs sommes dont le détail figure en pièce n° 1 de son dossier, et sur lesquelles M. [S] ne formule pas d'observations, soit :
* au titre du régime indemnitaire les sommes suivantes :
- du 1er mars 1999 au 31 août 1999 : 1 861,03 €,
- en 2000 : 3 923,58 €,
- en 2001 : 3 846,58 €,
- en 2003 : 1 056,03 €,
- en 2004 : 4 583,42 €,
- en 2005 : 3 947,69 €,
- en 2006 : 2 315,33 €,
- en 2007 : 2 169,95 €,
- en 2008 : 2 173,01 €,
- en 2009 : 2 177,46 €,
- en 2010 : 2 170,74 €,
- en 2011 et au prorata jusqu'à la consolidation du 20 mai 2011 : 827,65 € (2 173,32 €/365 j x 139 j),
et donc de ces versements la somme totale de 31 467,86 €
* au titre des primes de fin d'année et complément les sommes suivantes :
- du 1er mars 1999 au 31 août 1999 : 411,60 €,
- en 2000 : 1 059,49 €,
- en 2001 : 1 089,98 €,
- en 2004 : 1 181,98 €,
- en 2005 : 1 578,08 €,
- en 2006 : 1 608,57 €,
- en 2007 : 1 639,88 €,
- en 2008 : 1 670,88 €,
- en 2009 : 1 788 €,
- en 2010 : 1 730,88 €,
- en 2011 et au prorata jusqu'à la consolidation du 20 mai 2011 : 670,58 € (1 760,88/365 j x 139 j),
et donc au titre de ces versements, la somme totale de 14 429,59 € ;
que le montant du recours subrogatoire de la commune de [Localité 1] s'établit à 45 897,45 € (31 467,86 € + 14 429,59 €) ; que, de son côté la société Axa Vie produit l'ensemble des pièces venant justifier du versement des indemnités journalières ; que ces montants constituent également l'assiette de ce poste d'indemnisation sur la même période de référence et pour les sommes dont il est justifié en pièce 28 de ce tiers payeur versées entre le 11 mai 1999 et le 5 mai 2011, la somme totale de 154 393,69 € ; que pour réclamer un perte de gains professionnels actuels, M. [S] soutient dans ses écritures qu'il a perdu entre le 4 mars 1999 et le 1er septembre 2008 la somme de 76 027,84 € ; qu'or, d'une part, il produit un tableau qu'il a lui-même établi faisant état sur la même période d'une perte d'astreintes, élections, préparations des élections, jours fériés et prime info d'un montant, non pas de 76 027,84 € mais de 29 387,46 € ; que par ailleurs, il communique un courir du 5 juin 2012 de la commune de [Localité 1], qui indique que depuis le 4 mars 1999, après examen des décomptes salaires et primes il a perdu en salaires et primes une somme de 76 027,84 € ; que c'est donc ce dernier chiffre qu'il convient de retenir, soit sur une période de 159 mois jusqu'au 5 juin 2012, une moyenne mensuelle de 478,16 € et journalière de 15,93 € ; que ce chiffre doit être rapporté à la période écoulée du 4 mars 1999 à la consolidation du 20 mai 2011, soit donc sur 4460 jours la somme de 71 047,80 € (15,93 x 4460 jours) revenant à la victime ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE la réparation du préjudice s'opère sans perte ni profit pour la victime ; qu'en prenant en compte au titre de la perte de gains professionnels actuels le courrier du 5 juin 2012 de la commune de [Localité 1] indiquant que depuis la 4 mars 1999, M. [S] avait perdu en salaires et primes une somme de 76 027,84 € (arrêt, p. 24), après avoir constaté que « M. [S] indique, ce qui ne souffre aucune contestation » que son salaire avait été maintenu (arrêt, p. 23), ce dont il résultait qu'il n'avait subi aucune perte de gains professionnels actuels et qu'à tout le moins il appartenait à la cour d'appel de s'expliquer sur cette contradiction, celle-ci n'a pas légalement justifié sa décision au regard du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
ET ENCORE AUX MOTIFS QUE, s'agissant de la perte de gains professionnels futurs, ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable ; que depuis la date de la consolidation fixée au 20 mai 2011, M. [S] n'a pas repris son activité professionnelle ; qu'il est constant qu'aucun aménagement de son poste technique ne lui a été proposé, alors qu'il présente un déficit fonctionnel permanent fixé à 30 %, dont 8 % au titre des séquelles psychiatriques ; qu'il est par ailleurs acquis aux débats, qu'à compter du 1er juin 2016, il a été mis à la retraite pour invalidité ; qu'il est donc fondé à solliciter l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs totale, depuis le 20 mai 2011, jusqu'à la date du présent arrêt le 16 janvier 2020 ; que pour le futur, il s'avère que M. [S] est âgé de 58 ans révolus à la date où la cour statue ; qu'à neuf ans de sa retraite à laquelle il pouvait accéder à 67 ans, conformément à ce qui est indiqué dans le décompte des prestations de services par la CDC, alors qu'il a été placé en invalidité, il paraît illusoire qu'il puisse retrouver un emploi, de telle sorte qu'il est fondé à solliciter l'indemnisation totale de ses préjudices ; que le bulletin de salaire du mois de mars 2016 que M. [S] verse aux débats, fait état d'un revenu mensuel net de 1 480,24 €, somme à laquelle il convient d'ajouter le montant des divers accessoires qu'il aurait dû percevoir soit en moyenne 478,16 € ; que la perte de gains professionnels futurs s'établit donc à la somme mensuelle de 1 958,40 € et à la somme annuelle de 23 500,08 € ; qu'au vu de l'ensemble de ces données, l'indemnité due pour ce poste de dommage est chiffrée :
- pour la période écolée du 21 mai 2011 au 16 janvier 2020, et donc sur 8 ans et 8 mois, soit sur 104 mois à la somme de 203 673,60 € (1 958,40 € x 104),
- pour la période future, en fonction d'un indice de rente temporaire de 8,098 issu du barème de la Gazette du Palais 2016, pour un homme âgé de 58 ans révolus à la liquidation dont la date d'accession prévisible à la retraite est à 67 ans, la somme de 190 303,64 € (23 500,08 € x 8,098), et donc au total une somme de 393 977,24 € (203 673,60 € + 190 303,64 €) ;
que sur cette indemnité, s'imputent les prestations versées par la commune de [Localité 1] au titre du régime indemnitaire et des primes de fin d'année pour un montant :
- en 2011 du 21 mai 2011 au 31 décembre 2011 pour 1 345,67 €,
- en 2012 pour 2 384,74 €,
- en 2013 pour 2 173,32 €,
- en 2014 pour 2 709,92 €,
- en 2015 pour 2 189,32 €,
- en 2016 jusqu'au 1er juin 2016 pour 905,55 €, soit la somme de 11 708,52 € ;
et complément du 21 mai 2011 au 31 mai 2016 pour un montant :
- en 2011 du 21 mai 2011 au 31 décembre 2011 pour 1 090,30 €,
- en 2012 pour 1 790,88 €,
- en 2013 pour 1 820,88 €,
- en 2014 pour 1 850,88 €,
- en 2015 pour 1 850,88 €,
- en 2016 jusqu'au 1er juin 2016 pour 1 965,02 €, soit la somme de 10 368,84 €, et au total celle de 22 077,36 € (11 708,52 € + 10 368,84 €) ;
que viennent s'imputer les sommes servies par la société Axa France Vie au titre du maintien des salaires, dont il est justifié sous pièces 28, 29, 30, 31 et 32 pour un montant de 63 795,83 € ; que vient également s'imputer la créance de la CDC pour un montant actualisé au 5 avril 2019 de 239 800,92 €, dont le détail figure en pièce 3 de son dossier et correspondant aux arrérages échus et à échoir de la pension versée par anticipation pour 112 368,91 € et aux arrérages échus et à échoir de la rente invalidité pour 127 432 € ; que ces deux tiers payeurs seront intégralement désintéressés et une indemnité de 68 303,14 € (393 977,24 € - 22 077,36 € - 63 795,83 € - 239 800,91) revient à M. [S] ;
ALORS DE QUATRIEME PART QUE la réparation du préjudice s'opère sans perte ni profit pour la victime ; qu'en retenant que M. [S] était fondé à solliciter l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs totale, depuis le 20 mai 2011, jusqu'à la date du présent arrêt le 16 janvier 2020 (arrêt, p. 25, avant dernier alinéa), quand elle constatait que le salaire de M. [S] avait été maintenu (arrêt, p. 23, al. 3) et que celui-ci produisait un bulletin de salaire du mois de mars 2016, faisant état d'un revenu mensuel de 1 480,24 € (arrêt, p. 26, al. 2), ce dont il résultait que pour la période écoulée du 21 mai 2011 (date de consolidation) jusqu'au 1er juin 2016 (date de mise à la retraite pour invalidité), M. [S] n'avait subi aucune perte de gains professionnels futurs et n'avait donc droit à aucune indemnité à ce titre, la cour d'appel a indemnisé un préjudice inexistant et violé le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime ;
ALORS DE CINQUIEME PART QUE la réparation du préjudice s'opère sans perte ni profit pour la victime ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. [S] a été mis à la retraite pour invalidité à compter du 1er juin 2016 (arrêt, p. 23, avant dernier alinéa), de sorte qu'en ne tenant pas compte du montant de la pension perçue à ce titre à compter de cette date pour calculer la perte de gains professionnels futurs de cette date à celle du prononcé de l'arrêt (16 janvier 2020) et en retenant pour base la totalité du salaire que M. [S] aurait dû recevoir, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime ;
ALORS DE SIXIEME PART QUE la réparation du préjudice s'opère sans perte ni profit pour la victime ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que M. [S] a été mis à la retraite pour invalidité à compter du 1er juin 2016 (arrêt, p. 23, avant dernier alinéa), de sorte qu'en ne tenant pas compte du montant de la pension perçue à ce titre à compter de cette date pour calculer la perte de gains professionnels futurs de la date de l'arrêt du 16 janvier 2020 jusqu'à la date prévisible de liquidation de la retraite, à l'âge de 67 ans, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur l'incidence professionnelle, ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; qu'au titre de l'incidence professionnelle, M. [S] réclame paiement d'une somme de 100 000 €, en faisant valoir qu'il a perdu une chance de promotion, celle de gravir les échelons et passer des concours, ce qui lui aurait permis de voir son salaire augmenter d'environ 400 € par mois ; qu'il demande par ailleurs une indemnisation de 60 000 € au titre d'un préjudice de formation, en soutenant que l'accident l'a empêché de passer le concours interne de technicien supérieure territorial ; qu'à l'évidence, ces deux chefs de demande se confondent ; qu'aux termes du présent arrêt M. [S] a été indemnisé de la totalité de ses pertes de gains professionnels, en revanche, il est fondé à solliciter l'indemnisation d'une perte de chance professionnelle qui a été la sienne d'accéder à un poste mieux rémunéré en passant des concours internes, alors qu'il était âgé de 50 ans à la consolidation, et que la cour évalue à la somme de 40 000 € ;
ALORS DE SEPTIEME ET DERNIERE PART QU'il appartient à la victime d'établir la preuve de l'existence de chance de promotion professionnelle perdue, laquelle ne peut résulter du seul âge de la victime au jour de la consolidation et de la constatation de l'existence de concours internes, sans autre précision établissant la disparition d'une éventualité favorable en lien avec l'accident, d'où il suit qu'en se déterminant à l'aide de ces seules considérations, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.