LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 octobre 2021
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 720 F-D
Pourvoi n° E 20-14.206
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021
1°/ Mme [B] [N], épouse [G], domiciliée [Adresse 1],
2°/ M. [O] [G], domicilié [Adresse 5],
3°/ M. [D] [G], domicilié [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° E 20-14.206 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la commune de [Localité 1], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité, en l'Hôtel de ville, [Adresse 6], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat des consorts [G], de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la commune de [Localité 1], après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 janvier 2020), la commune de [Localité 1] (la commune) a loué à [R] [G] et à Mme [G], son épouse, un local commercial au rez-de-chaussée et un logement au premier étage du même immeuble.
2. Les lieux ayant été libérés, la commune a émis, s'agissant de l'indemnisation de dégradations locatives, un titre exécutoire que Mme [G] et MM. [O] et [D] [G], venant aux droits de [R] [G], (les consorts [G]) ont contesté.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. Les consorts [G] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la commune la somme de 10 669,64 euros au titre des travaux de remise en état des lieux loués et de rejeter leurs demandes tendant à voir limiter leur créance à l'égard de la mairie à la somme de 1 300 euros, déjà payée au cessionnaire du fond de commerce, de déclarer sans objet le titre exécutoire et de condamner la commune à leur restituer les dépôts de garantie, alors :
« 2°/ que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que la condamnation portait sur la réparation de prétendues dégradations constatées à l'issue des baux ; que la cour d'appel, après s'être contentée de relever que le procès-verbal dressé le 16 avril 2014 par huissier, soit antérieurement à la date de remise des locaux loués, le 30 juin 2014, avait dressé une liste des dégradations commises dans le local commercial, a retenu que les consorts [G] n'avaient versé aux débats aucun éléments de nature à remettre en cause ces constatations ; qu'en statuant par ces motifs, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve de la persistance des dégradations à l'issue du bail et violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°/ qu'il est d'ordre public, s'agissant d'un bail d'habitation, qu'un état des lieux contradictoire et amiable doit être réalisé entre les parties lors de la restitution des clés ; qu'en retenant, toutefois, que le constat d'huissier du 16 avril 2014, réalisé près de deux mois et demi avant la date de restitution des clés du 30 juin 2014, permettait de prouver l'existence des dégradations à cette dernière date, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005, applicable au litige ;
4°/ qu'il est d'ordre public, s'agissant d'un bail d'habitation, qu'un état des lieux contradictoire doit être réalisé, ce que prouve notamment la signature dudit document par les deux parties ; qu'en confirmant, toutefois, le jugement en ce qu'il a relevé que l'état des lieux du 30 juin 2014, auquel n'étaient pas présents les consorts [G] et qu'ils n'ont pas signé, était une preuve du mauvais état des lieux du local d'habitation à la date du 30 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel a retenu, d'une part, que le constat d'huissier de justice, dressé le 16 avril 2014 et récapitulant les dégradations commises dans le local commercial, avait été établi après que la commune eut demandé à Mme [G] à visiter les lieux par lettre du 25 mars 2014 remise à domicile et restée sans réponse, que, dès lors, ce constat était opposable aux consorts [G], qui ne versaient aux débats aucun élément de nature à en remettre en cause les constatations et à établir qu'ils auraient procédé à des travaux sur les biens loués, d'autre part, que la commune justifiait avoir supporté le coût des travaux de remise en état d'un montant de 10 669,64 euros.
6. Elle a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve ni violer l'article 3-2 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, que les consorts [G] devaient être condamnés à payer le coût de l'ensemble des travaux de remise en état des lieux loués.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [G] et MM. [D] et [O] [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [G] et MM. [D] et [O] [G] et les condamne à payer à la commune de [Localité 1] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat aux Conseils, pour les consorts [G]
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les consorts [G] à payer à la commune de [Localité 1] la somme de 10 669,64 euros au titre des travaux de remise en état des lieux loués et de les avoir déboutés de leurs demandes tendant à voir limiter à la somme de 1 300 euros déjà payée à Mme [S] leur créance à l'égard de la mairie, à voir déclarer sans objet le titre exécutoire émis par la commune et à la restitution des dépôts de garantie ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il est établi que les époux [G] et la commune de [Localité 1] ont été liés par deux contrats en date du 9 septembre 2008 pour une durée de 9 ans portant respectivement sur un local commercial sis au rez-de-chaussée et sur un bail d'habitation au premier étage du même immeuble ; qu'il est également constant que les lieux communiquent et que l'appartement au premier étage est conçu comme le lieu de vie du commerçant ; que contrairement aux allégations de la partie appelante, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que ces deux baux étaient indissociables ; qu'en outre, aux termes du bail commercial signé entre les parties, il était expressément mentionné à l'article 2 du contrat dans le paragraphe « conditions » que « le preneur prendra les locaux dans l'état où ils se trouveront, lors de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger du bailleur aucun travail de remise en état ou de réparation » ; que l'article 1731 du code civil prévoit que, s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire ; qu'en l'espèce, il est constant qu'il n'a été établi aucun état des lieux d'entrée par les parties ; que dans ces conditions, les consorts [G] sont présumés, en application des dispositions susvisées, avoir reçu les locaux en bon état de réparations locatives ; que par ailleurs, selon l'article « durée du bail » du contrat conclu entre les parties « le bailleur s'engage à rendre les lieux loués en bon état, propres et libres de toute occupation sans qu'il soit nécessaire que le bailleur rappelle cette nécessité » ; qu'en outre, le point 3° de l'article « conditions » stipule que le « preneur entretiendra constamment les lieux loués pendant toute la durée du bail en bon état de réparations et d'entretien. De convention expresse entre les parties, le preneur s'engage à exécuter en lieu et place du bailleur toutes les réparations qui pourraient être nécessaires dans les lieux loués, notamment aux verrières, à l'exception toutefois des grosses réparations telles que définies à l'article 606 du code civil, qui seules restent à la charge du bailleur » ; que le premier juge a relevé que le constat d'huissier de justice dressé le 16 avril 2014 par Maître [M] a listé des dégradations commises dans le local commercial alors que les lieux étaient alors loués aux consorts [G] ; que ce procès-verbal a été régulièrement établi par cet huissier après que la commune de [Localité 1] a demandé à Mme [G] une visite d'état des lieux, par un courrier du 25 mars 2014, et que ce courrier remis à domicile est resté sans réponse de la part de cette dernière ; que dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que ce constat d'huissier de justice était opposable aux consorts [G] dans le cadre de cette procédure ; qu'il convient d'ailleurs de relever que les consorts [G] ne versent aux débats aucun élément de nature à remettre en cause les constatations effectuées par l'huissier de justice dans son constat du 16 avril 2014 et à établir qu'ils auraient procédé à des travaux sur les biens loués ; qu'en sus, la commune de [Localité 1] justifie avoir supporté le coût des travaux de remise en état pour un montant de 10.669,64 euros ; que dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné les consorts [G] à assumer l'ensemble des travaux de remise en état des lieux loués pour un montant de 10.669,64 euros ; que de manière subséquente, la demande de la partie appelante tendant au remboursement de la somme correspondant au titre émis pour un prix de 5.119,20 euros, alors que ce titre concerne les travaux de peinture des lieux loués pour lesquels la partie appelante est condamnée à payer, sera rejetée et que de même, pour les motifs susvisés et au regard des désordres constatés et non réparés par la partie appelante, la demande de restitution des deux dépôts de garantie de 250 euros chacun sera également rejetée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « les conventions formées entre les parties tiennent de lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi » au sens de l'article 1134 du code civil ; que l'article 1135 du même code dispose que « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimée mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature » ; qu'en matière de bail commercial il convient de rappeler que les articles 1719, 1720 et 1721 relatifs aux obligations du bailleur ne sont pas d'ordre public et qu'il est donc possible de déroger aux prescriptions légales par des clauses particulières ; que les contrats qui lient les parties ne font pas dérogation expresse à ces dispositions en sorte qu'elles doivent donc recevoir application ; qu'il est à noter que les deux contrats sont datés du même jour et portent sur le même immeuble le rez-de-chaussée pour la partie commerciale et l'étage pour la partie habitation en sorte qu'il doit être considéré que les deux baux sont indissociables ; qu'aux termes du bail commercial était expressément mentionné en page 2 dernier paragraphe relatif aux conditions que « le preneur prendra les locaux où ils se trouveront, lors de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger du bailleur aucun travail de remise en état ou de réparation » ; que faute d'établissement d'état des lieux d'entrée, les preneurs sont donc réputés avoir reçu les lieux en parfait état ; qu'ainsi, par l'effet du bail et de la présomption légale posée par l'article 1731 du code civil « s'il n'a pas été fait d'état des lieux le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire » ; qu'au paragraphe conditions du bail commercial était prévu l'entretien constant des lieux loués en bon état de réparations et d'entretien ; que contrairement à ce que soutiennent les consorts [G] le procès-verbal de constat des lieux établi par Maître [M] le 16 avril 2014 qui liste les dégradations commises doit être considéré comme étant contradictoire dès lors que la commune de [Localité 1] justifie avoir par lettre du 25 mars 2014 demandé à la locataire une visite d'état des lieux et que cette lettre bien que remise à domicile est restée sans réponse ; que c'est donc à bon droit que la commune se prévaut du constat du 16 avril 2014 et peu importe qu'il soit établi avant le départ des lieux du preneur dès lors qu'il est de nature à démontrer les désordres qui affectent les lieux pourtant censés être entretenus en bon état de réparation et d'entretien ; qu'ainsi le coût de l'ensemble des dégradations sera assumé par le preneur qui doit assumer l'intégralité des travaux de remise en état ou ceux destinés à réparer les conséquences de sa défaillance d'entretien ou de dégradations résultant de son fait, ou de sa clientèle ; que par ailleurs, l'état des lieux du 30 juin 2014 conforte ce mauvais état des lieux et ce même établi en l'absence de Madame [G] ; que la commune de [Localité 1] produit divers devis et factures relatives aux travaux de remise en état (sanitaires, porte de commerce, travaux de peinture etc.) pour un total de 10.669,64 € ; que le titre émis pour une somme de 5 119,20 euros concernant les travaux de peinture est donc bien fondé ainsi que la demande en paiement des travaux supplémentaires nécessaires à la remise en bon état des lieux loués et que compte tenu de l'ensemble des éléments indiqués ci-dessus la demande de restitution des dépôts de garantie sera rejetée eu égard notamment à la persistance des infractions aux deux baux commises par le preneur ;
1°) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en retenant que le bail d'habitation dont l'objet était la location d'un appartement sis au [Adresse 2] et le bail commercial dont l'objet était de donner à bail à loyer un local commercial sis au [Adresse 3] étaient indissociables, sans constater que ces deux baux distincts et de natures différentes ne contenaient de dispositions contractuelles les rendant indissociables l'un de l'autre, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que la condamnation portait sur la réparation de prétendues dégradations constatées à l'issue des baux ; que la cour d'appel, après s'être contentée de relever que le procès-verbal dressé le 16 avril 2014 par huissier, soit antérieurement à la date de remise des locaux loués, le 30 juin 2014, avait dressé une liste des dégradations commises dans le local commercial, a retenu que les consorts [G] n'avaient versé aux débats aucun éléments de nature à remettre en cause ces constatations ; qu'en statuant par ces motifs, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve de la persistance des dégradations à l'issue du bail, soit le 30 juin 2014, et violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QU'il est d'ordre public, s'agissant d'un bail d'habitation, qu'un état des lieux contradictoire et amiable doit être réalisé entre les parties lors de la restitution des clés ; qu'en retenant, toutefois, que le constat d'huissier du 16 avril 2014, réalisé près de deux mois et demi avant la date de restitution des clés du 30 juin 2014, permettait de prouver l'existence des dégradations à cette dernière date, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005, applicable au litige ;
4°) ALORS QU'il est d'ordre public, s'agissant d'un bail d'habitation, qu'un état des lieux contradictoire doit être réalisé, ce que prouve notamment la signature dudit document par les deux parties ; qu'en confirmant, toutefois, le jugement en ce qu'il a relevé que l'état des lieux du 30 juin 2014, auquel n'étaient pas présents les consorts [G] et qu'ils n'ont pas signé, était une preuve du mauvais état des lieux du local d'habitation à la date du 30 juin 2014, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005, applicable au litige.