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13/10/2021 | FRANCE | N°19-16980

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 octobre 2021, 19-16980


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 octobre 2021

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 700 F-D

Pourvoi n° Z 19-16.980

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021

M. [V] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n°

Z 19-16.980 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 octobre 2021

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 700 F-D

Pourvoi n° Z 19-16.980

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021

M. [V] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 19-16.980 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [L] [N], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Mme [F] [N], domiciliée [Adresse 1],

tous deux pris en qualité d'héritiers de [Z] [B], épouse [N], décédée le [Date décès 1] 2018,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [S], de la SARL Corlay, avocat de M. et Mme [N], après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller doyen rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 26 mars 2019), par acte du 1er janvier 1991, [Z] [N] a consenti à M. [S] un bail rural sur des parcelles lui appartenant.

2. Ce bail a été résilié par un arrêt devenu irrévocable du 4 octobre 2005.

3. Un jugement du 17 juin 2008, confirmé par un arrêt du 2 février 2010, a ordonné l'expulsion du preneur sous astreinte.

4. Par acte du 6 juin 2013, [Z] [N] a assigné M. [S] en paiement d'une indemnité d'occupation et en liquidation de l'astreinte.

5. Elle est décédée le [Date décès 1] 2018, en laissant pour lui succéder M. et Mme [N], qui ont repris l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [S] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme au titre de l'indemnité d'occupation et de la liquidation de l'astreinte, alors « que, dès avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'action en paiement d'une indemnité d'occupation relative à des terrains ayant été l'objet d'un bail rural se prescrivait par cinq ans, en vertu de l'article 2277 ancien du code civil, d'où il suit qu'en l'absence de modification de ce délai de prescription par la loi nouvelle, est sans application à l'action en paiement d'une telle indemnité la règle selon laquelle, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai quinquennal institué par la loi susvisée du 17 juin 2008 court à compter du jour de l'entrée en vigueur de ladite loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en se fondant néanmoins sur cette dernière règle, pour en déduire que la prescription de l'action exercée par madame [N] en paiement d'indemnités d'occupation avait commencé de courir le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle et que son action introduite le 6 juin 2013 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2222 nouveau du code civil, par fausse application, et l'article 2277 ancien du même code, par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2277 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, et l'article 2222 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 :

7. Il résulte du premier de ces textes que les actions en paiement des indemnités d'occupation se prescrivent par cinq ans.

8. Selon le second de ces textes, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

9. Pour déclarer recevable la demande en paiement d'indemnités d'occupation, l'arrêt retient que la prescription a commencé à courir le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, et que l'action introduite par [Z] [N] le 6 juin 2013 n'est pas prescrite.

10. En statuant ainsi, alors que le délai de prescription n'a pas été modifié par la loi du 17 juin 2008, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

11. M. [S] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en affirmant que l'ancien preneur ne prouvait pas son absence d'occupation des parcelles jusqu'au 25 décembre 2009, sans répondre aux conclusions par lesquelles M.[S] avait démontré, en produisant constat d'huissier en date du 4 septembre 2008, qu'au plus tard à compter de cette dernière date, les parcelles en cause n'avaient plus été l'objet de sa part du moindre acte d'occupation ni d'exploitation, l'huissier ayant constaté, photographies à l'appui, que les parcelles n'étaient pas cultivées et, selon les cas, étaient à l'état de jachère, avaient été broyées, étaient restées en l'état de la dernière récolte effectuée ou étaient à l'état de prairie naturelle, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

13. Pour liquider l'astreinte, l'arrêt retient que la cessation de l'occupation est fixée au 25 décembre 2009, à défaut de la preuve contraire, rapportée par M. [S], qu'il aurait libéré les parcelles à une date antérieure.

14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [S], qui soutenait qu'un procès-verbal d'huissier de justice du 4 septembre 2008 établissait qu'à cette date les parcelles, restées en l'état de jachère ou en l'état de la dernière récolte effectuée, n'étaient plus cultivées, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne M. et Mme [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [N] et les condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. [S]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif et additif attaqué D'AVOIR condamné monsieur [S] à payer à monsieur [L] [N] et madame [F] [N], en leur qualité d'héritiers de madame [Z] [N], la somme de 7 734 € outre intérêts au taux légal et capitalisation, D'AVOIR liquidé à 27 500 € l'astreinte prononcée par jugement rendu le 17 juin 2008 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Poitiers confirmé par arrêt rendu le 2 février 2010 par la cour d'appel de Poitiers et D'AVOIR condamné en conséquence monsieur [S] à payer à monsieur [L] [N] et à madame [F] [N], en qualité d'héritiers de madame [Z] [N], cette somme de 27 500 € outre intérêts de retard au taux légal et capitalisation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la recevabilité, l'article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée » ; que l'article 2262 ancien du code civil disposait que « toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi » ; que l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile et entrée en application le 19 juin 2008 (article 1er du code civil) dispose désormais que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; que l'article 2222 de ce code dans sa rédaction issue de la loi précitée précise que : « La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. / En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » ; que concernant les demandes en paiement d'une indemnité d'occupation pour les années 2007 à 2009, le délai de prescription quinquennale n'avait commencé à courir qu'à compter du 19 juin 2008 ; que la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux étant en date du juin 2013, la prescription ne pouvait être opposée ; que concernant l'astreinte, le commandement de payer du 12 mai 2011 avait interrompu le délai de prescription ; que celle-ci ne pouvait dès lors être opposée aux intimés (arrêt, p. 6) ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE sur la prescription des demandes, aux termes de l'article 2233 du code civil, la prescription ne courait pas à l'égard d'une créance qui dépendait d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive ; qu'en l'espèce, si la résiliation du bail consenti à monsieur [S] avait été définitivement consacrée le 26 juin 2007, date à laquelle la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers, confirmant le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux prononçant la résiliation, monsieur [S] continuait à se prétendre titulaire d'un nouveau bail rural, poursuivant l'ensemencement des parcelles comme établi par un procès-verbal de constat d'huissier le 30 août 2007 ; que par exploit du 12 février 2008, madame [Z] [N] lui avait fait délivrer un commandement de quitter les lieux, dont il avait poursuivi la nullité devant le juge de l'exécution, se prévalant de l'existence d'un nouveau titre, demande dont il avait été débouté par jugement du 17 juin 2008, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Poitiers ; qu'ainsi, jusqu'à très récemment, le défendeur avait continué à se prétendre titulaire d'un bail rural, cette prétention ayant contraint madame [Z] [N] à saisir de nouveau le tribunal paritaire des baux ruraux qui, par jugement du 14 janvier 2014, s'était déclaré incompétent, soulignant que monsieur [S] reconnaissait une occupation sans titre ; qu'ainsi la prescription de la demande d'indemnité d'occupation n'avait pu commencer à courir tant que la question se posait de savoir si monsieur [S] était ou non titulaire d'un nouveau bail, prétention à laquelle il n'avait renoncé expressément que devant le tribunal paritaire des baux ruraux comme souligné dans la décision du 14 janvier 2014, cette prétention s'analysant en condition empêchant la prescription de courir au sens de l'article 2233 susvisé ; que l'exception de prescription soulevée serait en conséquence rejetée (jugement rendu le 8 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Poitiers, p. 3) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE dès avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'action en paiement d'une indemnité d'occupation relative à des terrains ayant été l'objet d'un bail rural se prescrivait par cinq ans, en vertu de l'article 2277 ancien du code civil, d'où il suit qu'en l'absence de modification de ce délai de prescription par la loi nouvelle, est sans application à l'action en paiement d'une telle indemnité la règle selon laquelle, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai quinquennal institué par la loi susvisée du 17 juin 2008 court à compter du jour de l'entrée en vigueur de ladite loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en se fondant néanmoins sur cette dernière règle, pour en déduire que la prescription de l'action exercée par madame [N] en paiement d'indemnités d'occupation avait commencé de courir le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle et que son action introduite le 6 juin 2013 n'était pas prescrite, la cour d'appel a violé l'article 2222 nouveau du code civil, par fausse application, et l'article 2277 ancien du même code, par refus d'application ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en relevant d'office, et sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, le moyen pris de l'application de la règle selon laquelle, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai quinquennal institué par la loi du 17 juin 2008 court à compter du jour de l'entrée en vigueur de ladite loi, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE si les consorts [N] se prévalaient, comme d'un acte interruptif de prescription, d'un « courrier enregistré auprès du secrétariat greffe du tribunal paritaire des baux ruraux » par madame [Z] [N] le 12 janvier 2011 (v. leurs conclusions, p. 8, in limine), ils ne s'étaient en revanche pas prévalus d'un commandement de payer en date du 12 mai 2011 ; qu'en se fondant d'office, comme ayant interrompu la prescription concernant l'astreinte, sur un commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré à cette date, et en ne recueillant pas les observations contradictoires des parties sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE l'obligation ne peut être regardée comme conditionnelle que lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain ; que tel n'est pas le cas d'une obligation née d'une décision judiciaire irrévocable, nonobstant toute éventuelle nouvelle contestation ou prétention contraire élevée en justice par le débiteur ; que les juges du fond avaient constaté qu'un arrêt d'appel avait confirmé la résiliation du bail rural dont avait été titulaire monsieur [S] sur les parcelles appartenant à madame [Z] [N], que le pourvoi en cassation formé contre cet arrêt avait été rejeté le 27 juin 2007 et qu'à cette date la résiliation du bail s'était trouvée irrévocablement consacrée, de quoi il aurait dû être déduit que c'était à cette date qu'était né le droit de madame [Z] [N] de se voir payer des indemnités d'occupation en cas de maintien de monsieur [S] dans les lieux et qu'à la même date, avait commencé de courir la prescription de l'action en paiement desdites indemnités d'occupation ; qu'en regardant néanmoins inexactement la créance d'indemnité d'occupation comme dépendant d'une condition, par la considération erronée que la contestation judiciaire opposée par monsieur [S] et la prétention de ce dernier de bénéficier d'un nouveau bail rural auraient été de nature à rendre cette créance conditionnelle, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé, par fausse application, l'article 2257 ancien du code civil, en sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 2233 nouveau du même code, en sa rédaction issue de cette loi, l'article 1168 ancien du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 1er octobre 2016, et l'article 1304 nouveau du même code, en sa rédaction issue de cette ordonnance.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif et additif attaqué D'AVOIR condamné monsieur [S] à payer à monsieur [L] [N] et madame [F] [N], en leur qualité d'héritiers de madame [Z] [N], la somme de 7 734 € outre intérêts au taux légal et capitalisation, D'AVOIR liquidé à 27 500 €l'astreinte prononcée par jugement rendu le 17 juin 2008 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Poitiers confirmé par arrêt rendu le 2 février 2010 par la cour d'appel de Poitiers et D'AVOIR condamné en conséquence monsieur [S] à payer à monsieur [L] [N] et à madame [F] [N], en qualité d'héritiers de madame [Z] [N], cette somme de 27 500 € outre intérêts de retard au taux légal et capitalisation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE par jugement du 17 juin 2008, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Poitiers avait ordonné l'expulsion de monsieur [S] et dit que faute pour lui de libérer immédiatement les lieux, il serait redevable d'une astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification du jugement ; que par arrêt en date du 2 février 2010, la cour d'appel de Poitiers avait confirmé ce jugement toutes ses dispositions (arrêt attaqué, p. 2) que sur l'indemnité d'occupation, les intimés étaient, en exécution du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Poitiers du 13 janvier 2004, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 4 octobre 2005 désormais irrévocable, fondés en leur demande en paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant égal au fermage (arrêt, p. 6, in fine) ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la preuve de l'occupation des parcelles par monsieur [S] au titre des années 2007, 2008 et 2009, le 26 octobre 2007, monsieur [S] avait fait parvenir à madame [Z] [N] un chèque de 2 751,36 € en règlement de ce qu'il souhaitait voir affecter à « un fermage » nonobstant les décisions de justice antérieures ayant résilié le bail, ce qui démontrait qu'à cette date il était toujours dans les lieux ; que dans ses conclusions signifiées le 3 novembre 2009 devant la cour d'appel de Poitiers, monsieur [S] continuait à prétendre qu'il était bien titulaire d'un bail rural « excluant qu'il puisse être contraint de quitter les lieux », ce dont on ne pouvait que déduire qu'il s'y était maintenu et entendait s'y maintenir, et valait aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du code civil ; qu'enfin, il résultait également d'une attestation émanant de la Msa Sèvres Vienne que le 25 décembre 2009, monsieur [S] était toujours réputé exploiter les parcelles louées, autre critère d'une occupation qui ne se limitait pas à une présence physique ; qu'ainsi, la preuve était rapportée de l'occupation des terres par monsieur [S] pour les années considérées, à une époque où il continuait à procéder pour se voir reconnaître un titre auquel il renonçait désormais ; que la demande serait donc accueillie en son principe (jugement rendu le 8 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Poitiers, p. 4) ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l'astreinte, l'article L. 131-2 du code des procédures civiles d'exécution disposait que « l'astreinte est indépendante des dommages-intérêts » ; que l'article L. 131-4 précisait que « le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter » et que « l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère » ; que l'article R. 121-15 du code des procédures civiles d'exécution dispose que « la décision est notifiée aux parties elles-mêmes par le greffe au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception », qu'une « copie de la décision est envoyée le même jour par lettre simple aux parties et à l'huissier de justice » et qu'en « cas de retour au greffe de la lettre de notification qui n'a pas pu être remise à son destinataire ou à toute personne munie d'un pouvoir à cet effet, le greffier en informe les parties qui procèdent par voie de signification » ; que l'article R. 121-21 du même code précise que « le délai d'appel et l'appel lui-même n'ont pas d'effet suspensif » ; que le jugement du 17 juin 2008 avait été notifié le même jour par le greffe ; que la validité de cette notification n'avait pas été contestée ; qu'elle était confirmée par le défaut de contestation de la procédure de saisie-vente précitée ; que devant le juge de l'exécution puis la cour, monsieur [S] avait soutenu être bénéficiaire d'un nouveau bail rural ; que ce faisant, il justifiait son occupation des parcelles litigieuses ; que par courrier en date du 22 avril 2009, la directeur de la Msa [Localité 1] avait indiqué que les parcelles avaient « été enlevées du compte de Monsieur [S] [V] à la date du 25 décembre 2009 » ; qu'à défaut de preuve contraire apportée par ce dernier, la cessation de l'occupation des parcelles serait fixée à cette date ; que les intimés étaient dès lors fondés à demander la liquidation de l'astreinte prononcée sur 550 jours ; que le défaut de diligence de l'appelant à libérer les parcelles justifiait que l'astreinte soit liquidée pour un montant de 27 500 € (50 € x 550 jours) (arrêt, p. 7) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE l'indemnité d'occupation a pour objet de réparer le préjudice qui résulte pour le bailleur de la privation de son bien et est la contrepartie de la continuation de la jouissance des lieux par l'ancien preneur après la fin du bail, d'où il suit qu'elle ne peut être due qu'en l'état d'actes matériels de jouissance accomplis par l'ancien locataire et entravant la jouissance du bailleur, et non seulement d'actes juridiques accomplis soit par l'ancien preneur, tels que le paiement d'une somme d'argent au titre d'un éventuel fermage, soit par un tiers, tels que l'émission par une caisse de mutualité sociale agricole d'une attestation mentionnant l'ancien locataire comme toujours occupant ; qu'en se fondant néanmoins, pour en déduire une occupation du bien par monsieur [S] postérieurement à la date de résiliation irrévocable du bail rural, sur de telles considérations impropres à caractériser une privation de son bien qu'aurait subie le bailleur, et en ne constatant aucun acte matériel de jouissance accompli par l'ancien preneur, la cour d'appel a violé l'article 1737 du code civil, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du même code ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'en affirmant que l'ancien preneur ne prouvait pas son absence d'occupation des parcelles jusqu'au 25 décembre 2009, sans répondre aux conclusions (pp. 4 à 6) par lesquelles monsieur [S] avait démontré, en produisant constat d'huissier en date du 4 septembre 2008, qu'au plus tard à compter de cette dernière date, les parcelles en cause n'avaient plus été l'objet de sa part du moindre acte d'occupation ni d'exploitation, l'huissier ayant constaté, photographies à l'appui, que les parcelles n'étaient pas cultivées et, selon les cas, étaient à l'état de jachère, avaient été broyées, étaient restées en l'état de la dernière récolte effectuée ou étaient à l'état de prairie naturelle, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non sur des points de droit ; que porte sur un point de droit une déclaration relative à la qualification d'un contrat ou des rapports juridiques avec une autre personne ; qu'en retenant comme constituant un aveu judiciaire la déclaration, figurant dans des conclusions produites devant une juridiction au nom de monsieur [S], selon laquelle ce dernier affirmait continuer d'être titulaire d'un bail rural sur les parcelles en cause, et en en déduisant la preuve de ce que monsieur [S] se serait maintenu dans les parcelles, cependant que ladite déclaration portait sur un point de droit, tenant à la qualification des rapports juridiques entre lui et la propriétaire des parcelles, et non sur un point de fait tel que l'existence d'actes matériels d'occupation ou d'exploitation que l'intéressé aurait accomplis dans ces parcelles, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1354 ancien du code civil, repris à l'article 1383 nouveau du même code ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE le premier juge avait constaté qu'aux termes des conclusions dans lesquelles a été vu un prétendu aveu, monsieur [S] avait déclaré continuer d'être titulaire d'un bail rural « excluant qu'il puisse être contraint de quitter les lieux » ; qu'il résultait d'une telle constatation l'affirmation par l'ancien preneur du maintien d'un titre lui donnant à l'avenir vocation à occuper et exploiter les lieux et à éviter toute contrainte l'obligeant à les quitter, et non l'affirmation d'une occupation ou exploitation effective et actuelle accomplie par lui ; qu'en en déduisant néanmoins que monsieur [S] se serait maintenu dans les lieux, la cour d'appel s'est contredite en fait et a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE la cour d'appel avait constaté qu'une décision juridictionnelle avait prononcé l'expulsion de monsieur [S] des parcelles antérieurement données en location par madame [N] et assorti cette condamnation d'une astreinte en cas de manquement de monsieur [S] à son obligation de libérer immédiatement les lieux ; qu'il suivait de là que l'astreinte ne pouvait être due par l'ancien preneur que s'il était caractérisé à sa charge des actes personnels d'occupation ou exploitation matérielle des parcelles en cause, entravant le recouvrement par le bailleur de la jouissance de ses biens ; qu'en liquidant l'astreinte au vu de considérations prises exclusivement de la déclaration, faite en justice par l'ancien preneur, de l'existence d'un nouveau bail dont il devrait être bénéficiaire sur les mêmes parcelles et d'un acte non matériel accompli par un tiers, en l'occurrence le retrait par la mutualité sociale agricole des parcelles en cause du compte de monsieur [S] à la date du 25 novembre 2009, donc au vu de faits impropres à caractériser une inexécution personnelle par ce dernier de la condamnation judiciaire assortie de l'astreinte, la cour d'appel a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-16980
Date de la décision : 13/10/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 26 mars 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 oct. 2021, pourvoi n°19-16980


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Corlay, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.16980
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