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29/09/2021 | FRANCE | N°20-14179

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 septembre 2021, 20-14179


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 septembre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1104 F-D

Pourvoi n° A 20-14.179

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 SEPTEMBRE 2021

La société Univers Poche,

société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 20-14.179 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2020 par la c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 septembre 2021

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1104 F-D

Pourvoi n° A 20-14.179

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 SEPTEMBRE 2021

La société Univers Poche, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 20-14.179 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à Mme [C] [B], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Univers Poche, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [B], après débats en l'audience publique du 7 juillet 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2020), Mme [B], engagée à compter du 9 mars 2009 en qualité de directrice du marketing par la société Univers poche (la société), a été licenciée le 5 janvier 2016 pour insuffisance professionnelle.

2. Elle a saisi le 23 février 2016 la juridiction prud'homale aux fins de contester son licenciement dont elle a demandé qu'il soit déclaré, à titre principal, nul et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse, en réclamant le paiement de diverses sommes dont des dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de la condamner à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité pour licenciement nul, alors « que le bénéfice de la protection prévue par les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail est subordonné à la dénonciation par le salarié de faits qualifiés par lui d'agissements de "harcèlement moral" ; qu'en annulant le licenciement en raison de la seule référence faite dans la lettre de licenciement du 5 janvier 2016, ainsi que dans un courrier de l'employeur du 18 novembre 2015, à un courrier de contestation de la salariée du 3 novembre 2015, cependant que dans ce dernier courrier la salariée n'avait pas qualifié les griefs faits à l'employeur d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1232-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail :

5. Selon le premier de ces textes, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté des agissements répétés de harcèlement moral.

6. Pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient que dans la lettre de licenciement il est reproché à la salariée d'avoir dans sa lettre du 3 novembre 2015 inversé l'ordre des choses par mauvaise foi ou pour absence de conscience de la situation, de sorte qu'il lui est bien reproché la dénonciation de faits de harcèlement moral, que ces éléments suffisent à dire que le licenciement est nul dès lors que l'employeur fonde la lettre de licenciement notamment sur ce courrier.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée n'avait pas dénoncé des faits qualifiés par elle d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité du licenciement et condamne la société Univers poche à payer à Mme [B] la somme de 110 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 15 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Univers Poche

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif sur ce point d'AVOIR condamné la société UNIVERS POCHE à payer à Madame [B] les sommes de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ;

AUX MOTIFS QUE « La salariée invoque des agissements répétés, une dégradation de ses conditions de travail et une atteinte à sa santé. Elle décrit des accusations fictives à son encontre, un isolement croissant, des reproches incessants et sans explication de la part de la direction, une augmentation de salaire reportée et jamais versée, une atteinte de ses objectifs remise en cause, un coaching imposé. Elle produit notamment à l'appui : - sa lettre du 3 novembre 2015 à la pdg, dans laquelle elle décrit une année 2015 comme "une véritable épreuve", rappelant ses alertes face à une situation devenue de plus en plus "hostile et tendue", un déjeuner avec la pdg en mars décrit comme "un cauchemar" l'ayant déstabilisée et l'empêchant de se rendre à son travail le lendemain, un isolement malgré une nouvelle organisation mise en place et approuvée, une augmentation de salaire prévue en juin dont le sujet n'est plus abordé, une convocation du coach hors sa présence à son retour d'arrêt pour burn-out etc..., la lettre précisant in fine "mon état de santé actuel est la conséquence directe de la dégradation de mes conditions de travail et l'entreprise est à mon égard en manquement grave et répété à son obligation de sécurité. Je demande instamment à la société de trouver une issue à une situation qui est pour moi insupportable. Je ne peux accepter que mon état de santé continue à se dégrader, et il n'est pas davantage envisageable que je reprenne mes fonctions. J'en suis totalement incapable. J'attends de ce courrier qu'il ouvre une discussion concrète et me permette de sortir de l'impasse professionnelle et personnelle dans laquelle je suis plongée." - les courriels adressés à sa hiérarchie en janvier, février, mars, juin et juillet 2015, - son entretien d'évaluation du 19 novembre 2014, - un courriel du coach du 22 septembre 2015 lui indiquant avoir reçu "des retours positifs "après "la mise en place des conditions d'un retour à la normale du fonctionnement et du climat de l'équipe ainsi que l'instauration d'un mode de communication basé sur l'écoute", relevant toutefois "un problème de compétences et de positionnement de certains de ses collaborateurs", - des arrêts de travail de son médecin traitant du 23 juin au 9 juillet 2015 puis du 21 au 31 juillet et après la prise de congés, du 24 août 2015 au 28 septembre 2015 renouvelé jusqu'au 7 avril 2016 et des certificats médicaux décrivant un état de dépression réactionnel à un burn-out. La salariée établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. L'employeur fait valoir que la salariée a pour la première fois évoqué l'existence d'un harcèlement moral lors de sa saisine du conseil de prud'hommes le 26 février 2016 et considère qu'elle n'apporte à l'appui de sa demande que son seul courrier du 3 novembre 2015, les attestations n'étant pas probantes, et n'ayant sollicité aucun rendez-vous auprès de la médecine du travail ni saisi le CHSCT Il indique avoir respecté ses obligations en faisant bénéficier la salariée d'un accompagnement personnalisé dont elle n'a pas su tirer avantage. Il produit notamment : - les avis d'aptitude de la médecine du travail dont le dernier date du 10 juillet 2014, - les éléments de salaire et primes de Mme [B] démontrant une augmentation de 21,76 % en cinq ans, - les attestations des trois délégués du personnel, - les témoignages des sept salariés ayant travaillé avec Mme [B], - le contrat de coaching. Contrairement à ce qu'affirme la salariée et ce qui a été dit par les premiers juges, il résulte des éléments produits aux débats par l'employeur - portant sur le fond du licenciement - que c'est sur une alerte déclenchée par les délégués du personnel suivie des déclarations individuelles de chacun des membres de l'équipe dirigée par Mme [B] faisant état d'une situation de souffrance des salariés vécue du fait de cette dernière (reproches incessants, dénigrements, atmosphère délétère etc...) que la direction a pris la décision d'accompagner la directrice marketing dans son management. Non seulement, la salariée a été informée de l'existence de griefs de son équipe avant la fin décembre 2014 mais il résulte des pages d'agenda du directeur des ressources humaines qu'il a reçu Mme [B] à plusieurs reprises en janvier 2015, celle-ci indiquant dans un mail du 26 janvier 2015 qu'elle est d'accord pour avoir un coach à ses côtés. En conséquence, la salariée ne saurait sérieusement prétendre à des accusations fictives et l'employeur a effectivement assuré son obligation de sécurité à l'égard des salariés en prenant la décision de faire intervenir un tiers aidant. Il résulte de divers échanges et notamment du déjeuner de mars avec la pdg que cette dernière reprochait à Mme [B], son absence de remise en question sur ses méthodes, ce qui a manifestement déstabilisé la salariée comme elle l'a écrit. A compter du mois d'avril jusqu'en juin 2015, il n'est produit aucun élément de part et d'autre, alors que le coach poursuivait sa mission et réclamait un rendez-vous de bilan le 19 mai 2015. Par ailleurs, sans être contredite, la salariée affirme avoir tenu nombre de réunions, réorganisé le service mais il n'est observé aucun retour de la part de la direction ce qui accrédite la position d'isolement vécue par Mme [B] et ayant abouti à son premier arrêt de travail fin juin 2015. Alors qu'une réunion s'est tenue en juillet entre la direction et le coach sans que Mme [B] y soit conviée ou en ait eu un compte-rendu, il est manifeste que pendant la période du 9 au 20 juillet, la salariée est restée dans l'ignorance totale des suites de ce coaching et des décisions de la direction à son égard. Elle justifie par le mail du coach que celui-ci était parvenu à une conclusion positive sur le fonctionnement normal du service. En considération des éléments ci-dessus rapportés, il s'avère que l'employeur à compter de mai 2015 n'a pas pris la mesure des efforts consentis par la salariée, l'a ignorée dans le suivi des actions mises en place et l'a ainsi isolée sans explication objective pour ensuite ne pas prendre en compte sa détresse formulée dans ses mails puis dans une lettre circonstanciée du 3 novembre 2015, laquelle dénonçait des faits s'apparentant à du harcèlement moral ayant conduit à une dégradation des conditions de travail avérée et ayant eu un impact sur la santé du salariée justifié par les arrêts de travail. En conséquence, c'est à juste titre mais pour des motifs partiellement erronés que le conseil de prud'hommes a retenu l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme [B] Compte tenu des circonstances et de la durée de la situation subie par la salariée, son préjudice doit être réparé par l'allocation de la somme de 15 000 euros » ;

ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que les mesures d'encadrement des méthodes de management de Madame [B] sont intervenues sur une alerte déclenchée par les délégués du personnel suivie des déclaration individuelles de chacun des membres de son équipe « faisant état d'une situation de souffrance des salariés vécue du fait de cette dernière (reproches incessants, dénigrements, atmosphère délétère etc...) que la direction a pris la décision d'accompagner la directrice marketing dans son management » (arrêt p. 5 § 5) ; qu'en retenant que le harcèlement moral était constitué en raison de la remise en question de ses méthodes de management et du sentiment d'isolement vécu par la salariée, sans vérifier si, tel que le soutenait la société exposante, les mesures d'encadrement et le ressenti de la salariée ne s'expliquaient pas d'une manière objective, étrangère à tout harcèlement moral, par la nécessité pour l'employeur de faire cesser ses méthodes de management anormales et par l'absence de prise de conscience par l'intéressée de son management inapproprié de ses subordonnés (dénigrement, ton méprisant, irrespect etc?), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail pris en sa version applicable en la cause ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué infirmatif sur ce point d'AVOIR prononcé la nullité du licenciement, et d'AVOIR condamné la société UNIVERS POCHE à payer à Madame [B] les sommes de 110.000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul et de 1.800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ;

AUX MOTIFS QUE « La salariée invoque des agissements répétés, une dégradation de ses conditions de travail et une atteinte à sa santé. Elle décrit des accusations fictives à son encontre, un isolement croissant, des reproches incessants et sans explication de la part de la direction, une augmentation de salaire reportée et jamais versée, une atteinte de ses objectifs remise en cause, un coaching imposé. Elle produit notamment à l'appui : - sa lettre du 3 novembre 2015 à la pdg, dans laquelle elle décrit une année 2015 comme "une véritable épreuve", rappelant ses alertes face à une situation devenue de plus en plus "hostile et tendue", un déjeuner avec la pdg en mars décrit comme "un cauchemar" l'ayant déstabilisée et l'empêchant de se rendre à son travail le lendemain, un isolement malgré une nouvelle organisation mise en place et approuvée, une augmentation de salaire prévue en juin dont le sujet n'est plus abordé, une convocation du coach hors sa présence à son retour d'arrêt pour burn-out etc..., la lettre précisant in fine "mon état de santé actuel est la conséquence directe de la dégradation de mes conditions de travail et l'entreprise est à mon égard en manquement grave et répété à son obligation de sécurité. Je demande instamment à la société de trouver une issue à une situation qui est pour moi insupportable. Je ne peux accepter que mon état de santé continue à se dégrader, et il n'est pas davantage envisageable que je reprenne mes fonctions. J'en suis totalement incapable. J'attends de ce courrier qu'il ouvre une discussion concrète et me permette de sortir de l'impasse professionnelle et personnelle dans laquelle je suis plongée." - les courriels adressés à sa hiérarchie en janvier, février, mars, juin et juillet 2015, - son entretien d'évaluation du 19 novembre 2014, - un courriel du coach du 22 septembre 2015 lui indiquant avoir reçu "des retours positifs "après "la mise en place des conditions d'un retour à la normale du fonctionnement et du climat de l'équipe ainsi que l'instauration d'un mode de communication basé sur l'écoute", relevant toutefois "un problème de compétences et de positionnement de certains de ses collaborateurs", - des arrêts de travail de son médecin traitant du 23 juin au 9 juillet 2015 puis du 21 au 31 juillet et après la prise de congés, du 24 août 2015 au 28 septembre 2015 renouvelé jusqu'au 7 avril 2016 et des certificats médicaux décrivant un état de dépression réactionnel à un burn-out. La salariée établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. L'employeur fait valoir que la salariée a pour la première fois évoqué l'existence d'un harcèlement moral lors de sa saisine du conseil de prud'hommes le 26 février 2016 et considère qu'elle n'apporte à l'appui de sa demande que son seul courrier du 3 novembre 2015, les attestations n'étant pas probantes, et n'ayant sollicité aucun rendez-vous auprès de la médecine du travail ni saisi le CHSCT Il indique avoir respecté ses obligations en faisant bénéficier la salariée d'un accompagnement personnalisé dont elle n'a pas su tirer avantage. Il produit notamment : - les avis d'aptitude de la médecine du travail dont le dernier date du 10 juillet 2014, - les éléments de salaire et primes de Mme [B] démontrant une augmentation de 21,76 % en cinq ans, - les attestations des trois délégués du personnel, - les témoignages des sept salariés ayant travaillé avec Mme [B], - le contrat de coaching. Contrairement à ce qu'affirme la salariée et ce qui a été dit par les premiers juges, il résulte des éléments produits aux débats par l'employeur - portant sur le fond du licenciement - que c'est sur une alerte déclenchée par les délégués du personnel suivie des déclarations individuelles de chacun des membres de l'équipe dirigée par Mme [B] faisant état d'une situation de souffrance des salariés vécue du fait de cette dernière (reproches incessants, dénigrements, atmosphère délétère etc...) que la direction a pris la décision d'accompagner la directrice marketing dans son management. Non seulement, la salariée a été informée de l'existence de griefs de son équipe avant la fin décembre 2014 mais il résulte des pages d'agenda du directeur des ressources humaines qu'il a reçu Mme [B] à plusieurs reprises en janvier 2015, celle-ci indiquant dans un mail du 26 janvier 2015 qu'elle est d'accord pour avoir un coach à ses côtés. En conséquence, la salariée ne saurait sérieusement prétendre à des accusations fictives et l'employeur a effectivement assuré son obligation de sécurité à l'égard des salariés en prenant la décision de faire intervenir un tiers aidant. Il résulte de divers échanges et notamment du déjeuner de mars avec la pdg que cette dernière reprochait à Mme [B], son absence de remise en question sur ses méthodes, ce qui a manifestement déstabilisé la salariée comme elle l'a écrit. A compter du mois d'avril jusqu'en juin 2015, il n'est produit aucun élément de part et d'autre, alors que le coach poursuivait sa mission et réclamait un rendez-vous de bilan le 19 mai 2015. Par ailleurs, sans être contredite, la salariée affirme avoir tenu nombre de réunions, réorganisé le service mais il n'est observé aucun retour de la part de la direction ce qui accrédite la position d'isolement vécue par Mme [B] et ayant abouti à son premier arrêt de travail fin juin 2015. Alors qu'une réunion s'est tenue en juillet entre la direction et le coach sans que Mme [B] y soit conviée ou en ait eu un compte-rendu, il est manifeste que pendant la période du 9 au 20 juillet, la salariée est restée dans l'ignorance totale des suites de ce coaching et des décisions de la direction à son égard. Elle justifie par le mail du coach que celui-ci était parvenu à une conclusion positive sur le fonctionnement normal du service. En considération des éléments ci-dessus rapportés, il s'avère que l'employeur à compter de mai 2015 n'a pas pris la mesure des efforts consentis par la salariée, l'a ignorée dans le suivi des actions mises en place et l'a ainsi isolée sans explication objective pour ensuite ne pas prendre en compte sa détresse formulée dans ses mails puis dans une lettre circonstanciée du 3 novembre 2015, laquelle dénonçait des faits s'apparentant à du harcèlement moral ayant conduit à une dégradation des conditions de travail avérée et ayant eu un impact sur la santé du salariée justifié par les arrêts de travail. En conséquence, c'est à juste titre mais pour des motifs partiellement erronés que le conseil de prud'hommes a retenu l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme [B] » ;

ET AUX MOTIFS QUE « dans la lettre de licenciement comme dans le courrier du 18 novembre 2015, il est reproché par l'employeur à la salariée d'avoir dans sa lettre du 3 novembre 2015 inversé l'ordre des choses par mauvaise foi ou pour absence de conscience de la situation, de sorte qu'il lui est bien reproché la dénonciation de faits de harcèlement moral. Dès lors que l'employeur fonde la lettre de licenciement notamment sur ce courrier, ces éléments suffisent à dire que le licenciement doit être qualifié de nul. Il convient de préciser en tout état de cause que le licenciement qui présentait pour partie des motifs disciplinaires pour des faits remontant à décembre 2014, au soutien d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, sans éléments sur la poursuite d'un comportement managérial "inacceptable", ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse. Sur les conséquences financières du licenciement. 1- sur le salaire et l'indemnité de licenciement. Au soutient d'une demande de rappel de salaire et d'indemnité de licenciement, la salariée invoque une lettre de l'employeur du 30 janvier 2014 précisant "une augmentation de 6500 euros brut vous sera accordée au 01/01/2015, conditionnée à l'atteinte de vos objectifs 2014 concernant l'intégration de vos nouvelles fonctions". Elle précise que lors de l'entretien individuel d'évaluation 2014, elle avait dépassé ses objectifs et obtenu une prime de 28 000 euros payée en février 2015. Elle considère avoir été injustement privée de cette augmentation promise, cette mesure de rétorsion s'avérant être une sanction financière. L'employeur considère qu'aucun rappel de salaires n'est dû, invoquant l'absence de validation totale de l'objectif lié à la nouvelle mission consistant à assurer la direction Digital, comme indiqué dans le bilan 2014 et les objectifs 2015. Lors du bilan de l'année 2014 signé par la salariée, il a été indiqué au titre de cette nouvelle mission sur le digital : "Intégration du web : première étape (audit, prise de connaissance et management) OK ; à suivre en 2015 d'une phase stratégique et opérationnelle". Il se déduit de cette formulation que l'objectif total de cette nouvelle mission n'était pas atteint fin 2014 et que dès lors, l'augmentation de salaire n'était pas due pour 2015 et 2016, sans que Mme [B] justifie qu'il s'agit d'une mesure de rétorsion. En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef et les demandes de la salariée rejetées » ;

1/ ALORS QUE seul le licenciement motivé par la dénonciation de faits de harcèlement moral peut être frappé de nullité ; qu'en l'espèce, selon les termes de la lettre de licenciement, Madame [B] a été licenciée en raison de ses méthodes de management inadaptées (reproches incessants, dénigrements, agressivités etc) vis-à-vis des salariés placés sous sa hiérarchie et de son incapacité à prendre conscience de ce manquement et à faire évoluer son comportement managérial ; que la référence dans la lettre de licenciement à une lettre de la salariée du 3 novembre 2015 - dans laquelle elle indiquait ne pas comprendre les manquements qui lui étaient reprochés - visait précisément à souligner l'absence de prise de conscience par l'intéressée des manquements qui lui étaient reprochés dans le management de ses équipes et son refus de faire évoluer son comportement ; que la référence à cette lettre - dans laquelle la salariée n'a pas dénoncé des faits qualifiés par elle d'agissements de harcèlement moral - ne visait pas à justifier le licenciement en raison d'une dénonciation d'agissement de harcèlement moral ; qu'en décidant au contraire, pour annuler le licenciement, que le fait d'avoir visé cette lettre de la salariée dans la lettre de licenciement et dans une lettre du 18 novembre 2015 et d'avoir reproché à la salariée d'avoir « inversé l'ordre des choses par mauvaise foi ou pour absence de conscience de la situation » caractérisaient un licenciement pour dénonciation de faits de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 et L.1232-6 du code du travail ;

2/ ALORS QUE le bénéfice de la protection prévue par les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail est subordonné à la dénonciation par le salarié de faits qualifiés par lui d'agissements de « harcèlement moral » ; qu'en annulant le licenciement en raison de la seule référence faite dans la lettre de licenciement du 5 janvier 2016, ainsi que dans un courrier de l'employeur du 18 novembre 2015, à un courrier de contestation de la salariée du 3 novembre 2015, cependant que dans ce dernier courrier la salariée n'avait pas qualifié les griefs faits à l'employeur d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 1152-3 et L.1232-6 du code du travail ;

3/ ALORS QU'en annulant le licenciement aux motifs que la lettre de licenciement serait justifiée par la dénonciation par la salariée d'un harcèlement moral, cependant que ni dans la lettre de licenciement du 5 janvier 2016, ni dans la lettre de l'employeur du 18 novembre 2015, ni dans la lettre de la salariée du 3 novembre 2015 visée dans les deux premières, il n'a été fait état d'un harcèlement moral, la cour d'appel a dénaturé les lettres susvisées des 3 novembre 2015, 18 novembre 2015 et 5 janvier 2016 et méconnu le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments qui lui sont soumis.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-14179
Date de la décision : 29/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 sep. 2021, pourvoi n°20-14179


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14179
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