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29/09/2021 | FRANCE | N°20-13376

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 septembre 2021, 20-13376


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 septembre 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1103 F-D

Pourvoi n° C 20-13.376

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 SEPTEMBRE 2021

Mme [N] [I], domiciliée [Adresse 1], a fo

rmé le pourvoi n° C 20-13.376 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant :...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 septembre 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1103 F-D

Pourvoi n° C 20-13.376

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 SEPTEMBRE 2021

Mme [N] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 20-13.376 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Enedis, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée ERDF,

2°/ à la société GRDF, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [I], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Enedis et de la société GRDF, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 26 novembre 2019), Mme [I], embauchée à compter de septembre 1983 par Electricité de France comme agent stagiaire, titularisée un an plus tard, a été mutée en 1992 à Agen sur un poste de releveur de compteur.

2. Elle a saisi le 8 octobre 2015 la juridiction prud'homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement par son employeur de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, du fait d'actes de harcèlement moral et d'actes discriminatoires et pour manquement à l'obligation de sécurité. La société GRDF est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité, alors « que la cour d'appel n'a prononcé aucune condamnation au titre du harcèlement moral dans son dispositif ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. L'omission par le juge, dans le dispositif de sa décision, de la réponse à une prétention sur laquelle il s'est expliqué dans les motifs, constitue une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas lieu à ouverture à cassation.

6. Le moyen, qui critique en réalité une omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile, est dès lors irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [I]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination, de l'AVOIR déboutée de sa demande de repositionnement, a minima en tant que graphiste-concepteur, et de sa demande tendant à voir ordonner une expertise.

AUX MOTIFS propres QUE Mme [I], sur qui pèse la charge de la preuve, revendique la qualification de graphiste-concepteur au motif qu'elle a effectué un stage de PAO à [Localité 2], à l'issue duquel elle a réalisé, d'abord à [Localité 2], puis à [Localité 1], des travaux de PAO et de maquettage avec du matériel acheté à cet effet par son employeur ; que pour confirmer le rejet de cette prétention, il suffira de relever qu'il résulte des propres explications de l'appelante qu'elle revendique cett e qualification pour avoir, près de 19 ans avant l'introduction de la présente procédure, exercé une activité de programmation assistée par ordinateur ; qu'elle n'a pas effectué cette tâche pendant années, comme elle le soutient, mais seulement durant quelques mois, les attestations de Messieurs [T] et [Y], établissant par ailleurs qu'en raison de la mauvaise qualité des prestations de Mme [I], nécessitant constamment des corrections, l'activité d'infographie avait été arrêtée à [Localité 1] au bout de quelques mois ; qu'il ne s'est donc pas agi d'une activité permanente, mais d'une activité temporaire, que Mme [I] n'exerçait plus depuis au moins 18 ans et que par suite les conditions exigées pour procéder à la reclassification sollicitée ne sont nullement réunies ; [?] que Mme [I] impute à son employeur de multiples agissements constitutifs selon elle de harcèlement moral et de discrimination ; que les pièces produites mettent en évidence que, ainsi qu'elle le soutient qu'elle a été affectée à partir de 1996, après son retour de congé parental, à des travaux ne correspondant à aucun emploi figurant dans l'organigramme de l'entreprise ; que la qualification de graphiste-conceptrice ne lui a pas été attribuée durant les quelques mois pendant lesquels elle a exercé temporairement cette fonction à [Localité 1] ; qu'elle a fait l'objet de mutations d'office en octobre 1996, septembre 1997 et novembre 2004, toujours en surnombre et sans jamais être affectée sur un emploi précis, ses bulletins de paye portant à partir de janvier 2005 la mention "métier non identifié" ; que toutes ses demandes de mutation internes ont été rejetées ; qu'après 34 années au service de l'entreprise, elle se trouve toujours dans le même groupe fonctionnel que lors de son embauche, malgré ses multiples actions de développement de ses compétences et l'obtention de diplômes universitaires (licence, master 1 et master 2 en relations sociales) ; que l'employeur a refusé en 2015 de lui attribuer la médaille vermeille du travail ; que l'employeur ne l'a pas fait bénéficier en 2016, après sa mise en invalidité succédant à la longue maladie, de l'augmentation de deux niveaux de rémunération due dans cette hypothèse aux salariés n'ayant pas bénéficié d'avancement depuis 5 années ; que la matérialité de ces faits étant ainsi établie, force est de constater qu'ils sont insuffisants pour laisser supposer l'existence d'une discrimination ; qu'en effet celle-ci suppose que les agissements aient pour cause l'un des motifs énoncés à l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, précédemment rappelés ; qu'or aucune des pièces produites ne permet de penser que les agissements décrits ci-dessus aient pour motif l'âge de Mme [I], son état de santé ou ses activités syndicales ; que non seulement Mme [I] ne l'a allégué pour la première fois qu'à hauteur d'appel, mais rien ne vient mettre en évidence une quelconque corrélation entre les agissements critiqués et l'âge (qui a été sans incidence sur les agissements qui perdurent depuis des années), l'état de santé (la dégradation est apparue pour l'employeur pour la première fois en 2010, par signalement du médecin du travail, soit 15 ans après les premiers agissements dénoncés) ou les activités syndicales de Mme [I].

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE le mail du médecin du travail, le Dr [G] [L], adressé le 27 mai 2010 à plusieurs responsables de la société ENEDIS est ainsi libellé : « Bonjour, Je vous alerte sur l'état de santé de [N] [I], que je mets en lien avec sa situation professionnelle car elle cumule plusieurs risques psychosociaux dans l'entreprise : Elle n'a pas de place : en surnombre depuis 16 ans ! pas de métier : libellé "métier non identifié" repris tel quel sur sa feuille de paye, pas de projet professionnel : elle remplit des tâches d'exécution sans visibilité sur son avenir, pas de reconnaissance : en terme de déroulement de carrière et en regard de ses efforts fournis (formation externe). Sans rentrer dans le débat du comment elle est arrivée dans cette impasse, j'interviens à mon niveau pour vous demander de l'aider à modifier cette trajectoire car elle se retrouve sur le plan de santé en situation inquiétante de fragilité. En vous remerciant dès à présent de ce que vous pourrez agir pour elle » ; que dans son courrier adressé à son employeur le 10 août 2010, Mme [N] [I] écrit dans son dernier paragraphe : 2) Enfin, quelle réponse à l'avis du médecin du travail comptez-vous apporter à ma situation professionnelle, suite à son courrier du 27 mai 2010 ? ; que le Conseil dit que Mme [N] [I] ne pouvait pas ignorer les griefs qu'elle expose aux débats puisqu'ils sont listés dans le mail de 2010 du médecin du travail dont elle fait référence ; que sa demande sa demande fondée sur les faits évoqués dans ce mail pour étayer une mesure discriminatoire à son encontre est prescrite en application des dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail.

1° ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée était restée dans le même groupe fonctionnel en 34 ans au service de l'entreprise, qu'elle avait été affectée en 1996 après son retour de congés parental à des travaux ne correspondant à aucun emploi figurant dans l'organigramme de l'entreprise, qu'elle n'avait pas bénéficié de la qualification appropriée quand elle avait occupé la fonction de graphiste-conceptrice, qu'elle avait à plusieurs reprises fait l'objet de mutations d'office sans jamais être affectée à un emploi précis, que toutes ses demandes de mutation internes avaient été rejetées, que l'employeur avait refusé de lui attribuer en 2015 la médaille vermeille du travail et l'avait indûment privé en 2016 d'une augmentation de rémunération à la suite de sa mise en invalidité succédant à une longue maladie ; qu'en retenant que ces éléments ne laissaient pas supposer l'existence de la discrimination que la salariée estimait avoir subi en raison de sa grossesse, de son âge, de son engagement syndical et son état de santé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.

2° ALORS, en tout cas, QU'en exigeant de la salariée qu'elle établisse le lien de causalité entre les agissements dénoncés et les motifs discriminatoires invoqués, la cour d'appel lui a fait supporter la charge d'une preuve qui ne lui incombait pas, en violation des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.

3° ALORS QUE l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ; que la révélation n'est pas la simple connaissance de la discrimination par le salarié mais correspond au moment où il dispose de tous les éléments lui permettant d'apprécier la réalité et l'étendue de cette discrimination ; qu'à supposer qu'elle ait adopté les motifs des premiers juges fixant le point de départ de la prescription à la date du courriel du médecin du travail du 27 mai 2010, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si la salariée disposait à cette date des éléments de comparaison lui permettant de connaître la réalité de la discrimination et l'étendue des préjudices subis, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1134-5 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [I] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat.

AUX MOTIFS QUE l'action de Mme [I] fondée sur la violation par l'employeur de son obligation de sécurité a bien été engagée dans le délai de deux ans fixé par l'article L. 1471-1 du code du travail dès lors qu'elle vise à faire juger que l'employeur n'a pris aucune mesure pour faire cesser le harcèlement moral dont Mme [I] se dit victime et qu'il est notamment reproché à l'employeur de ne pas avoir pris de mesures pour prévenir ou faire cesser les derniers agissements intervenus en 2015 et 2016 ; que pour rejeter au fond la demande en dommages et intérêts présentée au titre du préjudice résultant du manquement à l'obligation de sécurité, il suffira de relever que le manquement à l'obligation de sécurité n'ouvre droit à dommages et intérêts que si le salarié justifie d'un préjudice distinct de celui résultant du harcèlement moral ; qu'en l'espèce elle invoque au titre du harcèlement moral des sentiments d'angoisse, de peur, de tristesse, de dévalorisation, de perte d'estime à l'origine de sa longue maladie et de son invalidité, et au titre du manquement à l'obligation de sécurité des troubles marqués par une grande souffrance morale, en état dépressif sévère, un épuisement, des troubles cognitifs, une anxiété permanente et un impact sur sa santé ; que sous couvert de termes différents c'est bien le même préjudice dont l'indemnisation est réclamée deux fois ; qu'en l'absence de préjudice distinct, le rejet de cette demande s'impose.

1° ALORS QUE l'obligation de prévention des risques professionnels qui pèse sur l'employeur est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle ; que le salarié victime de harcèlement moral a droit au versement de sommes distinctes correspondant au préjudice résultant d'une part de l'absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement et d'autre part des conséquences du harcèlement effectivement subi ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité au motif que ce préjudice aurait déjà été réparé au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

2° ALORS en outre QUE la cour d'appel n'a prononcé aucune condamnation au titre du harcèlement moral dans son dispositif ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé de plus fort les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-13376
Date de la décision : 29/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 26 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 sep. 2021, pourvoi n°20-13376


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.13376
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