LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 septembre 2021
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 647 F-D
Pourvoi n° Z 20-12.292
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 SEPTEMBRE 2021
La société [B], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [S] [B], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Plaine bâtiment, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Z 20-12.292 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Plaine bâtiment, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, société coopérative de banque populaire, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de la société [B], en qualité de liquidateur de la société Plaine bâtiment, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 juin 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 décembre 2019), La société Plaine bâtiment a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 25 octobre 2017 et 27 février 2019, la société MJ Synergie aux droits de laquelle est venue la société [B], étant désignée mandataire judiciaire puis liquidateur.
2. Le 7 novembre 2017, la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes (la société BPARA) a, par l'intermédiaire d'un salarié, déclaré au passif de la société une créance d'un montant de 4 738,31 euros à titre chirographaire, correspondant au solde débiteur d'un compte. Cette créance a été contestée par le mandataire judiciaire au motif que le salarié déclarant n'était pas titulaire d'une délégation de pouvoir régulière, celle qu'il avait obtenue du dirigeant de la société Banque populaire Loire et Lyonnais étant devenue caduque à la suite de l'absorption de cette société par la BPARA).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d'admettre la créance contestée, alors :
« 1°/ que la ratification visée à l'article L. 622-24 du code de commerce est la confirmation, par le créancier, de son droit de créance et de sa volonté de déclarer et peut intervenir jusqu'à ce que le juge statue ; qu'en retenant que M. [R], en sa qualité de représentant légal de la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, avait ratifié la déclaration de créance faite par M. [W] sans avoir à formaliser une nouvelle délégation de pouvoirs, motif pris que, dans une attestation du 17 juin 2019, il avait confirmé que M. [W] disposait de tous les pouvoirs pour effectuer, le 7 novembre 2017, une déclaration de créances pour le compte de son employeur, cependant que par cette attestation, il n'avait pas confirmé le droit de créance et la volonté expresse de la banque de déclarer sa créance, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;
2°/ qu'à supposer que la ratification consiste dans la confirmation a posteriori de la régularité de la délégation de pouvoirs, elle ne peut permettre de confirmer une absence totale de pouvoirs délégués ; qu'en retenant, pour admettre la créance de la Banque populaire au passif de la société Plaine bâtiment à titre chirographaire pour la somme de 4 738,31 euros, que la ratification de la déclaration de créance par le directeur général de la société absorbante, la Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, permettait de couvrir toute irrégularité antérieure éventuellement constatée, motif pris que "cette ratification rend sans objet la discussion entre les parties sur la régularité, la permanence, l'efficacité et l'acceptation de la délégation de pouvoir fournie par M. [W] lors de l'envoi de la déclaration de créance", cependant que cette ratification ne pouvait couvrir une absence totale de pouvoirs délégués et impliquait que la déclaration ait été effectuée par un préposé du créancier, et non un tiers ne disposant plus d'aucun pouvoir de représentation compte tenu de la disparition du délégant et de la caducité de la délégation de pouvoir initialement consentie, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;
3°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier, comme il lui était demandé, si M. [R] était le supérieur hiérarchique de M. [W] et si ce dernier avait accepté la délégation de pouvoir initialement consentie et, partant, sa ratification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-24 alinéa 2 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 622-24, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance et aucune forme particulière n'est prévue pour cette ratification, qui peut être implicite. L'arrêt constate que la société créancière BPARA a, dans ses conclusions d'appel signée et notifiées par son avocat, demandé l'admission de sa créance, ce dont il résulte qu'elle a nécessairement ratifié la déclaration de créance faite en son nom. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
5. Le moyen ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [B], en qualité de liquidateur de la société Plaine bâtiment, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société [B], en qualité de liquidateur de la société Plaine bâtiment.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir admis la créance de la Banque Populaire au passif de la société Plaine Bâtiment à titre chirographaire pour la somme de 4.738,31 euros, représentant le solde débiteur du compte n° [Immatriculation 1] ;
AUX MOTIFS QUE la société Plaine n'ayant pas reçu la signification de la déclaration d'appel à sa personne, l'arrêt est rendu par défaut ; que l'article L. 622-24 du code de commerce dispose dans son alinéa 2 que "la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance." ; qu'en l'espèce, la BPARA a déclaré le 7 novembre 2017 sa créance au passif de la société Plaine par un courrier signé par M. [T] [W] auquel était joint un document intitulé délégation de pouvoirs ; que la SELARL [B] affirme que la déclaration de créances s'apparente à une action en justice et que M. [W], préposé de la BPARA, l'a signée alors que sa délégation de pouvoir était caduque ensuite de la fusion intervenue entre la Banque populaire Loire et Lyonnais et la BPARA et de la dissolution subséquente de la Banque populaire Loire et Lyonnais ; que la qualification de la déclaration de créance est en l'espèce inopérante ; que la société anonyme BPARA fait valoir à bon droit que M. [R], son représentant légal en sa qualité de directeur général comme le corrobore l'extrait KBIS produit, a confirmé dans une attestation du 17 juin 2019 que M. [W] disposait de tous les pouvoirs pour régulariser une déclaration de créances pour le compte de son employeur ; que cette qualité de représentant légal de la BPARA permettait à M. [R] de ratifier ainsi la déclaration de créance faite par M. [W] sans avoir, comme le soutient à tort le liquidateur judiciaire, à formaliser une nouvelle délégation de pouvoir ; que cette ratification rend sans objet la discussion entre les parties sur la régularité, la permanence, l'efficacité et l'acceptation de la délégation de pouvoir fournie par M. [W] lors de l'envoi de la déclaration de créance ; que l'ordonnance entreprise doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a admis la créance de la BPARA ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le mandataire judiciaire a contesté la déclaration de créance présentée par la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES au motif que la créance présente un défaut quant à la qualité et aux pouvoirs du signataire, soutenant que : « la délégation de pouvoir doit être acceptée par le délégant et le délégataire, étant précisé que le consentement ne se présume pas ... » ; qu'en l'espèce, aucun justificatif de l'acceptation claire et non équivoque n'est apportés ; que la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES soutient que la délégation de pouvoir de Monsieur [W] de déclarer les créances pour le compte de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, tient d'une délégation de pouvoirs régularisée par Monsieur [V], mandataire social en date du 14 septembre 2015, confirmée par Monsieur [R] pour le compte de la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES le B décembre 2016 » ; qu'il convient de rejeter la contestation du mandataire judiciaire au motif qu'il n'apporte pas la preuve que la délégation de pouvoir soit soumise à une quelconque condition de forme et que la Cour d'Appel par un arrêt du 31 janvier 2017(15/03332) a Jugé que : « en matière commerciale, la preuve est libre et la seule utilisation du pouvoir par celui qui en est bénéficiaire suffit à démontrer son acceptation ..... » ; que compte tenu de la nature de l'affaire les dépens seront inscrits en frais privilégiés de procédure de redressement judiciaire ;
1°) ALORS QUE la ratification visée à l'article L. 622-24 du code de commerce est la confirmation, par le créancier, de son droit de créance et de sa volonté de déclarer et peut intervenir jusqu'à ce que le juge statue ; qu'en retenant que M. [R], en sa qualité de représentant légal de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, avait ratifié la déclaration de créance faite par M. [W] sans avoir à formaliser une nouvelle délégation de pouvoirs, motif pris que, dans une attestation du 17 juin 2019, il avait confirmé que M. [W] disposait de tous les pouvoirs pour effectuer, le 7 novembre 2017, une déclaration de créances pour le compte de son employeur, cependant que par cette attestation, il n'avait pas confirmé le droit de créance et la volonté expresse de la banque de déclarer sa créance, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' à supposer que la ratification consiste dans la confirmation a posteriori de la régularité de la délégation de pouvoirs, elle ne peut permettre de confirmer une absence totale de pouvoirs délégués ; qu'en retenant, pour admettre la créance de la Banque Populaire au passif de la société Plaine Bâtiment à titre chirographaire pour la somme de 4.738,31 euros, que la ratification de la déclaration de créance par le directeur général de la société absorbante, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, permettait de couvrir toute irrégularité antérieure éventuellement constatée, motif pris que « cette ratification rend sans objet la discussion entre les parties sur la régularité, la permanence, l'efficacité et l'acceptation de la délégation de pouvoir fournie par M. [W] lors de l'envoi de la déclaration de créance » (p. 4 arrêt), cependant que cette ratification ne pouvait couvrir une absence totale de pouvoirs délégués et impliquait que la déclaration ait été effectuée par un préposé du créancier, et non un tiers ne disposant plus d'aucun pouvoir de représentation compte tenu de la disparition du délégant et de la caducité de la délégation de pouvoir initialement consentie, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;
3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' en statuant comme elle l'a fait, sans vérifier, comme il lui était demandé (p. 13 à 17 concl. de la Selarl [B]), si M. [R] était le supérieur hiérarchique de M. [W] et si ce dernier avait accepté la délégation de pouvoir initialement consentie et, partant, sa ratification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-24 alinéa 2 du code de commerce.