LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 septembre 2021
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 681 FS+B
Pourvoi n° H 20-10.436
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 SEPTEMBRE 2021
La société [Adresse 5], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 20-10.436 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2019 par la cour d'appel de Metz (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Alliance Healthcare Répartition (AHR), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société [X] et [W], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société [Adresse 5],
3°/ au procureur général près la cour d'appel de Metz, domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société [Adresse 5], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Alliance Healthcare Répartition, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Rémery, conseiller doyen, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fevre, conseillers, M. Guerlot, Mme Barbot, MM. Blanc, Boutié, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 7 novembre 2019), par un jugement du 24 mars 2010, un tribunal a arrêté le plan de redressement de la société [Adresse 5] (la pharmacie), mise en redressement judiciaire le 25 mars 2009. Mme [X] a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan.
2. Le 2 février 2018, la pharmacie a saisi le tribunal d'une demande tendant à la modification du plan et proposé aux créanciers d'opter entre un remboursement immédiat, assorti d'une remise à hauteur de 80 % de la somme restant due, et un réaménagement des modalités de leur remboursement intégral.
3. Les créanciers concernés ont été informés de cette demande par le greffier en application de l'article R. 626-45 du code de commerce.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La pharmacie fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce qu'il soit dit que les créanciers, y compris la société Alliance Healthcare Repartition, n'ayant pas apporté de réponse dans le délai de quinze jours seront réputés avoir accepté l'option n° 1, à savoir un remboursement à hauteur de 20 % de la dette existante contre abandon du solde et de dire que ces créanciers seront intégralement remboursés selon l'option n° 2, alors « qu'au stade de la modification du plan de sauvegarde ou de redressement, le défaut de réponse dans les délais légaux du créancier consulté sur une proposition de modification des modalités d'apurement du passif du plan arrêté vaut acceptation tacite de cette proposition ; qu'en l'espèce, en retenant que le défaut de réponse des créanciers, notamment la société Alliance Healthcare Repartition, à la demande de modification du plan ne pouvait être interprété comme une acceptation tacite de la proposition de remise de dette dès lors que le juge statuant en matière de modification du plan n'avait pas le pouvoir d'imposer une remise de dette au créancier, quand, au stade de la modification du plan, si des remises de dette ne peuvent être imposées au créancier, elles peuvent être réputées tacitement acceptées en l'absence de réponse dans les délais légaux, à la proposition qui leur a été adressée, la cour d'appel a violé les articles L. 626-26 et R. 626-45 du code de commerce, ensemble l'article L. 626-5 du même code. »
Réponse de la Cour
5. C'est par l'exacte application des articles L. 626-5, L. 626-26 et R. 626-45, alinéa 3, du code de commerce que, distinguant la consultation des créanciers par le mandataire judiciaire lors de l'élaboration du plan, prévue par le premier des textes précités, et leur information par le greffier sur une proposition de modification du plan portant sur les modalités d'apurement du passif, prévue par le dernier texte, la cour d'appel a retenu que, si, dans le premier cas, le défaut de réponse d'un créancier au mandataire judiciaire vaut acceptation des délais ou remises qui lui sont proposés, il n'en est pas de même dans le second, aucune disposition légale ou réglementaire ne déduisant de l'absence d'observations adressées au commissaire à l'exécution du plan par un créancier l'acceptation par celui-ci de la modification proposée.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [Adresse 5] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société [Adresse 5].
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué, ayant dit que le plan de redressement judiciaire arrêté par jugement du 24 mars 2010 est modifié selon les modalités suivantes : « option 1 : règlement de 20 % de la dette subsistante, payable pour tous les créanciers à la date du jugement à intervenir sur cette demande de modification de plan, moyennant abandon des 80 % restants ; option 2 : règlement à 100 % en rééchelonnant la dette subsistante (?) », d'AVOIR dit que « les créanciers n'ayant pas répondu dans les délais légaux aux propositions de modification du plan de redressement judiciaire seront remboursés du reliquat de leur créance à 100 % selon l'option 2 » et d'AVOIR ce faisant rejeté la demande de la société [Adresse 5] tendant à ce qu'il soit dit et jugé que les créanciers, y compris la société Alliance Healthcare Répartition, n'ayant pas apporté de réponse ou d'observations dans le délai de 15 jours seront réputées avoir accepté l'option 1, à savoir un remboursement à hauteur de 20 % de la dette existante contre abandon du solde ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la modification du plan : selon les dispositions de l'article L. 626-5 du code de commerce, lors de l'élaboration du projet du plan, le mandataire judiciaire recueille individuellement ou collectivement l'accord de chaque créancier qui a régulièrement déclaré sa créance, sur les délai et remise qui lui sont proposés ; en cas de consultation par écrit, le défaut de réponse, dans le délai de trente jours à compter de la réception de la lettre du mandataire judiciaire, vaut acceptation ; la modification du plan relève quant à elle, des dispositions de l'article L. 626-6 du code de commerce qui dispose qu'une modification substantielle peut être demandée par le débiteur au tribunal sur le rapport du commissaire au plan ; selon l'article R. 626-45 du code de commerce, lorsque la modification du plan porte sur les modalités d'apurement du passif, le greffier en informe les créanciers intéressés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; ceux-ci disposent alors d'un délai de quinze jours pour faire valoir leurs observations par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au commissaire à l'exécution du plan ; ainsi, aucune disposition légale permet de considérer, dans la situation d'une modification du plan que le défaut de réponse des créanciers à la demande d'avis vaut acceptation de leur part à la modification demandée au tribunal ; s'il est possible pour le tribunal d'imposer une solution qui peut être défavorable aux intérêts du créancier, il est constamment rappelé que commet un excès de pouvoir le juge qui en matière de modification du plan, impose à un créancier qui s'y est opposé, une remise de dette ; si la société Alliance Healthcare a effectivement répondu tardivement à la sollicitation du commissaire à l'exécution du plan, il ne saurait être confondu les procédures relatives à l'élaboration du plan et celles spécifiques de la modification du plan, qui comme précédemment rappelé, ne prévoit nullement le défaut d'acceptation de la demande du commissaire à l'exécution du plan vaut acceptation tacite de cette proposition ; ainsi, il ne peut être admis la demande de la [Adresse 5] tendant à considérer que le défaut de réponse des créanciers vaut acceptation de leur part ; dès lors, il convient d'examiner l'opportunité de la demande de modification selon les options proposées, en rappelant que la cour n'est pas liée à l'avis du commissaire à l'exécution du plan et ne peut imposer une remise de dette aux créanciers ;
ET QU'il convient de confirmer le jugement qui a déclaré que les créanciers n'ayant pas présenté d'observations seront remboursés du reliquat de leur créance à 100 % selon l'échelonnement de la dette prévue par l'option 2 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur le défaut de réponse des créanciers dans les conditions prévues par l'article R. 626-45 du code de commerce et sur la demande de modification du plan ; aux termes du troisième alinéa de l'article R. 626-45 du code de commerce, lorsque la modification du plan porte sur les modalités d'apurement du passif, le greffier en informe les créanciers intéressés qui disposent alors d'un délai de quinze jours pour faire valoir leurs observations par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au commissaire à l'exécution du plan ; il résulte de cette disposition que non seulement les observations des créanciers sur les propositions de modification du plan doivent être adressées au commissaire à l'exécution du plan, mais aussi que celles-ci ne sont recevables que dans un délai de quinze jours à compter de l'information des créanciers ; par ailleurs, le tribunal ne saurait, sauf à ajouter une condition non prévue par les textes, considérer que ce délai doit impérativement être formellement rappelé dans l'information adressée aux créanciers par le commissaire à l'exécution du plan ; quand bien même aucune sanction particulière au dépassement du délai n'est prévue dans cette hypothèse, le tribunal n'est donc tenu de statuer qu'au vu des observations des créanciers adressées directement au commissaire à l'exécution du plan dans le délai légal, sauf à considérer que le délai fixé par la loi est censé être dépourvu de toute efficacité juridique ; en l'espèce, les créanciers ont été consultés à deux reprises en raison de la requête modificative déposé au greffe par la société [Adresse 5] : - la première par courrier du greffe daté du 15 décembre 2017, distribué entre le 20 décembre et le 2 janvier 2018 selon les créanciers hormis ceux pour lesquels les courriers recommandés ont été retournés pour adresse invalide ou défaut de retrait ; - la seconde par courrier du greffe du 12 février 2018, distribué entre le 13 février et le 9 juin 2018 selon les créanciers hormis ceux pour lesquels les courriers recommandés ont été retournés pour adresse invalide ou défaut de retrait ; concernant le cas particulier de la société Alliance Healthcare répartition, avisée des modifications le 20 décembre 2017 puis le 13 février 2018 mais n'ayant adressé ses observations au commissaire à l'exécution du plan que par courriers des 9 janvier et 26 mars suivant, il n'est pas contesté par celle-ci qu'elle n'a pas satisfait aux prescriptions des dispositions impératives précitées ; les observations telles que transmises par la société Alliance Healthcare répartition au commissaire à l'exécution du plan ne sauraient donc être prises en compte par le tribunal ; la société [Adresse 5] ainsi que le commissaire à l'exécution du plan ont fait valoir les dispositions de l'article L. 626-5 du code de commerce prévoyant, dans le cadre de l'arrêté du plan de redressement, que le défaut de réponse des créanciers consultés dans le délai de trente jours « vaut acceptation » ; force est de constater néanmoins que la disposition précitée, prévue à la section I du chapitre IV du titre II du livre VI intitulée « De l'élaboration du projet de plan », n'est sans aucune ambiguïté applicable que dans le cadre de la consultation des créanciers organisée par le mandataire judiciaire lors de la procédure d'homologation initiale du plan de redressement ; ce mécanisme d'acceptation tacite, ce qu'il revient à considérer qu'une partie qui n'exprime pas sa volonté est présumée accepter les modalités de remboursement de sa créance, potentiellement désavantageuses pour lui, constitue une disposition d'exception et doit nécessairement être interprétée de manière stricte à l'exclusion de tout raisonnement par analogie ; il convient de rappeler qu'aucune disposition comparable sanctionnant le défaut de réponse des créanciers par une acceptation tacite, n'est prévue par la loi dans le cadre d'une modification du plan dont la procédure prévoit la transmission par ceux-ci de leurs « observations » et non de leur « accord » ; or et comme rappelé ci-dessus le tribunal peut, dans le cadre d'un plan de redressement, prévoir des délais de règlement sans l'accord des créanciers, mais ne peut leur imposer des remises ; il en résulte qu'à défaut de mécanisme légal d'acceptation tacite des créanciers prévu dans le cadre de la procédure de modification du plan, aucune remise y compris sous la forme d'une option par défaut ne peut être homologuée par le tribunal sauf accord exprès des créanciers concernés, quand bien même un mécanisme d'acceptation tacite – irrégulier – aurait été explicitement porté à la connaissance des créanciers lors de la consultation ; dès lors, la disposition incluse dans le projet de modification du plan prévoyant que le silence gardé par le créancier vaut acceptation de la demande de remise de dette formulée par la société [Adresse 5] ne saurait être prise en compte par le tribunal, par conséquent, seuls les créanciers ayant expressément accepté la première option impliquant « un règlement de 20 % de la dette subsistante, payable pour tous les créanciers à la date du jugement à intervenir sur cette demande de modification de plan » seront réglés de leur créance conformément à cette hypothèse ;
ALORS QU'au stade de la modification du plan de sauvegarde ou de redressement, le défaut de réponse dans les délais légaux du créancier consulté sur une proposition de modification des modalités d'apurement du passif du plan arrêté vaut acceptation tacite de cette proposition ; qu'en l'espèce, en retenant que le défaut de réponse des créanciers, notamment la société Alliance Healthcare Repartition, à la demande d'une modification du plan ne pouvait être interprété comme une acceptation tacite de la proposition de remise de dette dès lors que le juge statuant en matière de modification du plan n'avait pas le pouvoir d'imposer une remise de dette au créancier, quand, au stade de la modification du plan, si des remises de dette ne peuvent être imposées au créancier, elles peuvent être réputées tacitement acceptées en l'absence de réponse dans les délais légaux, à la proposition qui leur a été adressée, la cour d'appel a violé les articles L. 626-26 et R. 626-45 du code de commerce, ensemble l'article L. 626-5 du même code.