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22/09/2021 | FRANCE | N°21-84079

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 septembre 2021, 21-84079


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Z 21-84.079 F-D

N° 01251

MAS2
22 SEPTEMBRE 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 SEPTEMBRE 2021

M. [H] [D] a formé des pourvois contre l'arrêt n° 434 de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 15 juin 2021, qui, dans la procédur

e suivie contre lui, des chefs d'infraction à la législation sur les stupéfiants, importation de stupéfiants, importation de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Z 21-84.079 F-D

N° 01251

MAS2
22 SEPTEMBRE 2021

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 SEPTEMBRE 2021

M. [H] [D] a formé des pourvois contre l'arrêt n° 434 de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 15 juin 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui, des chefs d'infraction à la législation sur les stupéfiants, importation de stupéfiants, importation de marchandises prohibées, en récidive, et association de malfaiteurs, a prononcé sur ses moyens de nullité et rejeté sa demande de mise en liberté.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [H] [D], et les conclusions de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement rendu par défaut le 22 septembre 2015, le tribunal correctionnel de Bordeaux, statuant comme juridiction inter-régionale spécialisée, a condamné M. [H] [D] pour infraction à la législation sur les stupéfiants, importation de stupéfiants et importation de marchandises prohibées, en récidive, et association de malfaiteurs, à vingt ans d'emprisonnement et 1 000 000 d'euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation et le maintien des effets du mandat d'arrêt délivré le 17 juillet 2015.

3. Ce jugement a été signifié à parquet le 4 mai 2016.

4. Un mandat d'arrêt européen a, par ailleurs, été émis, le 29 décembre 2020.

5. Interpellé à Dubaï (Etat des Emirats Arabes Unis), sous une fausse identité, M. [D] a été remis aux autorités françaises par les autorités de cet émirat et présenté au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny qui l'a placé sous écrou provisoire le 12 mai 2021.

6. Transféré au tribunal judiciaire de Bordeaux, M. [D] s'est vu notifier par le procureur de la République, le 14 mai 2021, le jugement du 22 septembre 2015 ainsi que les mandats d'arrêt et a formé, le même jour, opposition au jugement.

7. Dans l'attente de sa comparution devant le tribunal, fixée aux 6 et 7 juillet 2021, il a été présenté au juge des libertés et de la détention, le 14 mai 2021, lequel a fait droit à sa demande de report du débat contradictoire et ordonné son incarcération provisoire.

8. Par ordonnance du 19 mai 2021, M. [D] a été placé en détention provisoire.

9. Le 21 mai 2021, M. [D] a formé une demande de mise en liberté.

10. Par jugement du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a prononcé sur les moyens de nullité soulevés et rejeté cette demande.

11. Le même jour, M. [D] a relevé appel de cette décision.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [D] le 16 juin 2021

12. M. [D] ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 15 juin 2021, le droit de se pourvoir en cassation contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision le 16 juin 2021. Seul est recevable le pourvoi formé le 15 juin 2021.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement du tribunal ayant rejeté la demande de mise en liberté en écartant le moyen tiré de l'existence de la fraude à l'extradition sur la base de laquelle M. [D] a été remis aux autorités françaises, alors :

« 1°/ que le moyen tiré de l'existence d'une extradition déguisée est fondé sur le reproche, adressé aux autorités françaises, d'avoir officieusement contourné le régime applicable à l'extradition ; qu'en opposant son incompétence en se référant à l'article 696-36 du code de procédure pénale, qui précisément n'a pas été appliqué en l'espèce, et en reprochant à l'intéressé de n'avoir pas « déposé une requête en nullité de l'extradition », la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants ;

2°/ que la cour d'appel ne pouvait, sans entacher sa décision d'une contradiction dirimante, à la fois reprocher à M. [D] de n'avoir pas usé de la procédure de contestation de l'extradition prévue par l'article 696-36 du code de procédure pénale, et prétendre dans le même temps que « l'arrestation et l'expulsion » seraient le fait exclusif de l'Etat étranger ;

3°/ que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer qu'il résulte de la jurisprudence de la chambre criminelle « que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître des conditions dans lesquelles sont intervenues, à l'étranger, l'arrestation et l'expulsion d'une personne par les seules autorités locales, agissant dans la plénitude de leur souveraineté » ; que ce principe ne peut s'appliquer au cas d'espèce dont il ressort qu'une demande d'extradition a été, sinon formalisée, à tout le moins envisagée et discutée avec les autorités dubaïotes, et que des policiers français se sont rendus sur ce territoire étranger pour procéder au transfèrement de M. [D], en vue de son arrestation et de la notification, en France, du mandat d'arrêt pris à son encontre ; que la cour d'appel se devait de constater l'existence d'une extradition de fait, rendant inévitablement applicable – et ici méconnu – la convention d'extradition conclue entre la France et les Emirats Arabes Unis en date du 2 mai 2007 ;

4°/ que, par ailleurs, l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme stipule que toute privation de liberté doit non seulement relever de l'une des exceptions énoncées aux alinéas a à f mais aussi être « régulière » ; qu'en matière de « régularité » d'une détention, y compris l'observation des « voies légales », la Convention renvoie pour l'essentiel à la législation nationale, mais également, le cas échéant, à d'autres normes juridiques applicables aux intéressés, y compris celles qui trouvent leur source dans le droit international ; que dans tous les cas, elle consacre l'obligation d'en observer les normes de fond comme de procédure ; qu'une violation manifeste de ce texte résulte de la situation de M. [D], qui a été, de facto, extradé, sans la moindre application du traité d'extradition liant la France à Dubaï, et donc en dehors des normes applicables en la matière et méconnaissance du principe de sécurité juridique propre à exclure l'arbitraire ;

5°/ qu'enfin, l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme oblige à signaler à une personne détenue, dans un langage simple, accessible pour elle, les raisons juridiques et factuelles de sa privation de liberté, afin qu'elle puisse en discuter la légalité devant un tribunal en vertu du paragraphe 4 ; que la violation de ce texte résulte ici de ce que M. [D] ignore sur la base de quelles normes il a été remis aux autorités françaises, ce qui l'empêche de contester effectivement la légalité de sa privation de liberté. »

Réponse de la Cour

14. Pour écarter le moyen de nullité de l'ordonnance entreprise, tiré de l'existence d'une extradition déguisée, la chambre des appels correctionnels, retient qu'elle n'a pas compétence pour apprécier une éventuelle nullité de l'extradition de M. [D] ni connaître des conditions dans lesquelles sont intervenues à l'étranger son arrestation et son expulsion par les seules autorités locales agissant dans la plénitude de leur souveraineté, qu'en outre, il ne résulte pas de la procédure que l'intéressé ou ses avocats ont déposé une requête en nullité d'une extradition.

15. En prononçant ainsi la cour d'appel n'a pas méconnu les textes susvisés.

16. D'une part, c'est sans insuffisance ni contradiction de motifs que la cour d'appel, saisie de l'appel de M. [D] contre un jugement rejetant sa demande de mise en liberté, formée après une ordonnance de placement en détention provisoire intervenue en exécution d'un mandat d'arrêt faisant suite à une condamnation rendue par défaut, à laquelle il a formé opposition, a recherché, pour apprécier le bien-fondé de sa contestation relative aux conditions de sa remise aux autorités françaises par celles de l'Etat des Emirats Arabes Unis, s'il avait déposé par lui-même ou ses avocats une requête en nullité de la procédure d'extradition dont il prétend avoir fait l'objet.

17. D'autre part, en l'absence de tout élément de procédure rendant compte des conditions du départ de M. [D] de l'Etat des Emirats Arabes Unis, les allégations selon lesquelles il aurait fait l'objet d'une extradition déguisée sont hypothétiques et ne sont fondées sur aucune pièce démontrant l'existence d'une quelconque irrégularité de procédure.

18. Enfin, les modalités de retour en France d'une personne qui, se trouvant à l'étranger a été livrée à la justice française, dès lors qu'elles n'apparaissent pas imputables, directement ou indirectement, aux autorités françaises, sont sans incidence sur l'exercice de l'action publique et l'application de la loi pénale, lesquels ne sont pas subordonnés à une arrivée volontaire sur le sol national ou à la mise en oeuvre d'une procédure d'extradition. Le demandeur, s'il ne peut critiquer devant une juridiction française la régularité des actes accomplis à l'étranger par les autorités étrangères dans l'exercice de leur souveraineté, peut contester les conditions de sa privation de liberté en France, et bénéficie de plus, de la plénitude des droits de la défense devant la juridiction de jugement, et de la faculté de demander sa mise en liberté à tout moment.

19. Le moyen ne peut donc être accueilli.

20. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par M. [D] le 16 juin 2021 :

LE DECLARE irrecevable ;

Sur le pourvoi formé par M. [D] le 15 juin 2021 :

LE REJETTE ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique le vingt-deux septembre deux mille vingt et un.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-84079
Date de la décision : 22/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 15 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 sep. 2021, pourvoi n°21-84079


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:21.84079
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