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22/09/2021 | FRANCE | N°20-12543

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 septembre 2021, 20-12543


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1017 F-D

Pourvoi n° X 20-12.543

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

Mme [D] [J], domiciliée [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° X 20-12.543 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1017 F-D

Pourvoi n° X 20-12.543

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

Mme [D] [J], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-12.543 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la Société d'équipement des pays de l'Adour (SEPA), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Société d'équipement des Pyrénées-Atlantiques, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [J], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la Société d'équipement des pays de l'Adour, après débats en l'audience publique du 23 juin 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 28 novembre 2019), Mme [J] a été engagée le 15 mars 1998 en qualité d'assistante d'ingénieur d'opérations par la Société d'équipement des Pyrénées-Atlantiques, devenue Société d'équipement des pays de l'Adour (SEPA). Elle a été investie de mandats de représentation du personnel.

2. Licenciée le 12 juin 2004, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes. Par arrêt irrévocable du 9 avril 2010, la cour d'appel de Toulouse a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts.

3. Mme [J], qui est née le [Date naissance 1] 1953, a fait procéder à la liquidation de ses droits à la retraite à la fin de l'année 2014, à effet du 1er février 2015.

4. Le 24 octobre 2017, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la condamnation de la société SEPA au paiement de dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir une retraite complète et à titre de préjudice moral. La société SEPA a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [J] fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors « que le délai de prescription de l'action d'un salarié en réparation du préjudice résultant d'une minimisation des avantages vieillesse qui lui sont servis en raison d'une absence ou insuffisance de cotisations de la part de l'employeur pour sa retraite court qu'à compter de la liquidation de ses droits à la retraite, jour où le salarié titulaire de la créance à ce titre a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation de la perte de chance de droits à la retraite, non pas au jour de la liquidation des droits de Mme [J], mais au jour où l'employeur lui a communiqué par lettre du 29 avril 2010 un état détaillé des sommes versées en exécution d'une décision judiciaire et un bulletin de paie afférent au versement de ces sommes, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. La société SEPA conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il est nouveau, mélangé de fait et de droit.

7. Cependant, le moyen n'est pas nouveau dès lors que devant les juges du fond la salariée faisait valoir que le délai de prescription de son action ne courrait qu'à compter de la liquidation de ses droits à la retraite, jour où elle a eu connaissance de son préjudice.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 2224 du code civil :

9. En application de ce texte, le délai de prescription de l'action fondée sur l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel à un régime de retraite et de régler les cotisations qui en découlent ne court qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, jour où le salarié titulaire de la créance à ce titre a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action.

10. Pour dire l'action de la salariée irrecevable comme prescrite, l'arrêt, après avoir constaté que l'employeur n'avait pas payé les cotisations sociales afférentes à l'indemnité réparant la violation du statut protecteur de la salariée, retient que la lettre et le bulletin de paye adressés à celle-ci par l'employeur dès le 29 avril 2010 établissaient de façon explicite qu'il ne s'était pas acquitté des cotisations ou n'entendait pas s'en acquitter s'agissant de l'indemnité pour violation du statut protecteur, que c'est donc à compter du 29 avril 2010 que la salariée a connu ou aurait dû connaître le manquement de l'employeur fondant son action en responsabilité, de sorte qu'en introduisant son action le 24 octobre 2017 elle a agi en dehors du délai de prescription de cinq ans, si bien que son action est prescrite et par conséquent irrecevable.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée avait fait liquider ses droits à la retraite à la fin de l'année 2014, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne la Société d'équipement des pays de l'Adour aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'équipement des pays de l'Adour et la condamne à payer à Mme [J] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [J]

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré Mme [J] irrecevable, son action étant prescrite.

AUX MOTIFS, propres, QU'ainsi que le soutient l'employeur, les éléments du dossier établissent effectivement que dès le 29 avril 2010, la salariée a été en possession des éléments, caractérisant le manquement de l'employeur, à son obligation de s'acquitter des cotisations sociales relatives à l'indemnité réparant le manquement de l'employeur au respect du statut protecteur de la salariée. Ces éléments sont constitués, ainsi que l'employeur en justifie sous ses pièces 1 et 2, par la lettre non confidentielle adressée par l'avocat de l'employeur, à l'avocat de la salariée, le 29 avril 2010, de même que par le bulletin de paye du 26 avril 2010, qui y était joint. Il ressort du courrier du 29 avril 2010, que l'employeur y donne le détail de la somme de 92.238,61 €, qu'il paye par chèque, en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse. Et au titre de ce détail, seule l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, font l'objet d'une distinction entre les sommes brutes dues par l'employeur (4448,26 €), et la somme nette versée à la salariée (3762,50 €), alors qu'au contraire, les autres postes, et tout particulièrement le poste relatif à l'indemnité réparant la violation du statut protecteur, ne sont pas concernés par une telle distinction, et ne sont indiqués que pour la valeur nette versée à la salariée, et dont le total correspond au montant du chèque de 92.238,61 €. Ce courrier, dont il se déduit que l'employeur n'a versé ou n'entend verser les cotisations sociales, que sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, est en outre confirmé par la pièce jointe, s'agissant du bulletin de paye du 26 avril 2010. En effet, ce bulletin de salaire ne comporte au titre des rémunérations servies, que l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, résultant de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, pour la valeur brute totale de 4448,26 €, rappelée dans le courrier, ainsi que le détail des cotisations appliquées à cette valeur brute, faisant apparaître la valeur nette à payer à la salariée, correspondant à la somme de 3762,58 €, telle qu'indiquée également par le courrier précité. Le courrier du 29 avril 2010, relatif au détail de la somme de 92.238,61 € payée par chèque, indique expressément de la part de son auteur : « j'y joins le bulletin de paye correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis et à l'indemnité compensatrice de congés payés à payés sur préavis ». Il n'a jamais été soutenu, avant la présente procédure, que la pièce jointe aurait manqué, si bien que les allégations de l'appelante à ce titre, contraires aux termes du courrier, et à la présomption de bonne foi, faute d'être corroborées par un quelconque élément objectif, ne sont pas retenues par la cour comme fondées. Il s'en déduit que le courrier et le bulletin de paye adressés par l'employeur, à la salariée, dès le 29 avril 2010, établissaient de façon explicite, les postes pour lesquels l'employeur s'était acquitté ou entendait s'acquitter des cotisations sociales, et établissaient également, que l'employeur ne s'en était pas acquitté, ou n'entendait pas s'en acquitter, s'agissant du poste destiné à réparer la violation du statut protecteur. C'est donc à compter du 29 avril 2010, que la salariée a connu ou aurait dû connaître, le manquement de l'employeur, fondant son action en responsabilité. En introduisant son action le 24 octobre 2017, elle a agi en dehors du délai de prescription de cinq ans, si bien que son action est prescrite, et est donc irrecevable, en application des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS, adoptés, QUE Mme [J] a intenté son action le 24 octobre 2017. Elle estime n'avoir pu exercer son action qu'à compter du dépôt de son dossier de mise à la retraite, et de réponse de la CARSAT, par laquelle elle a appris que la SEPA n'avait pas payé de cotisations vieillesses sur les sommes payées au titre des dommages et intérêts mis à sa charge par l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 9 avril 2010. Cependant, si l'arrêt en question ne distingue pas sur la nature nette ou brute de toutes les sommes mises à la charge de la SEPA, il n'en est pas de même de la lettre envoyée par Me [K], avocat de SEPA, adressée à Me Petriat, avocate de Mme [J], qui fait parfaitement bien la distinction entre l'indemnité compensatrice de préavis et indemnité compensatrice de congés payés, sur lesquelles la SEPA a retenu les cotisations sociales pour ne verser qu'une somme moindre à celle fixée par la cour d'appel, et toutes les autres sommes qui sont versées sans prélèvement. Il apparaît en outre que Me [K] affirme joindre le bulletin de paie, dont la copie démontre qu'il reprend l'indemnité compensatrice de préavis et indemnité compensatrice de congés payés dont sont déduites les charges sociales. Il ne fait aucun doute que Mme [J] et son avocate auraient écrit à Me [K] si le bulletin en question n'avait pas été joint à l'époque pour le lui réclamer, ou en tout cas lui faire savoir que la pièce visée n'était pas jointe. Enfin, Mme [J], dont la lecture des différents courriers de contestation démontre de réelles capacités en la matière, ne saurait faire croire que dans le cadre de son courrier du 12 janvier 2015 à la commission de recours amiable, elle aurait confondu bulletin de paie et relevé de sommes à déclarer à l'administration fiscale. Il s'en déduit que le délai de recours de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil a commencé à courir à tout le moins depuis le courrier de Me [K] du 29 avril 2010. En conséquence, la prescription étant acquise, l'action de Mme [J] sera déclarée irrecevable.

1° ALORS QUE le délai de prescription de l'action d'un salarié en réparation du préjudice résultant d'une minimisation des avantages vieillesses qui lui sont servis en raison d'une absence ou insuffisance de cotisations de la part de l'employeur pour sa retraite court qu'à compter de la liquidation de ses droits à la retraite, jour où le salarié titulaire de la créance à ce titre a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation de la perte de chance de droits à la retraite, non pas au jour de la liquidation des droits de Mme [J], mais au jour où l'employeur lui a communiqué par lettre du 29 avril 2010 un état détaillé des sommes versées en exécution d'une décision judiciaire et un bulletin de paie afférent au versement de ces sommes, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2224 du code civil.

2° ALORS, subsidiairement, QUE les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la cour d'appel que la salariée a été informée par lettre du 29 avril 2010 que les indemnités compensatrice de préavis et de congés afférents ont été versées en net après déduction de cotisations, ce dont il résultait que cette dernière ne pouvait à cette date connaître le fait que l'employeur n'avait, en réalité, versé aucune cotisation sur ces montants ; qu'en jugeant néanmoins qu'elle connaissait depuis le 29 avril 2010 le non-paiement des cotisations afférentes aux indemnités litigieuses, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations, a violé l'article 2224 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-12543
Date de la décision : 22/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 28 novembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 sep. 2021, pourvoi n°20-12543


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12543
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