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22/09/2021 | FRANCE | N°19-25621

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 septembre 2021, 19-25621


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1020 F-D

Pourvoi n° S 19-25.621

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

M. [B] [Y], domicilié [Adresse 1], a for

mé le pourvoi n° S 19-25.621 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 septembre 2021

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1020 F-D

Pourvoi n° S 19-25.621

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021

M. [B] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 19-25.621 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2019 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Softthinks, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [Y], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Softthinks, après débats en l'audience publique du 23 juin 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 27 septembre 2019), M. [Y] a été engagé par la société Softthinks par contrat de travail à durée indéterminée du 22 janvier 2001 en qualité de technicien. Après plusieurs promotions, il est devenu directeur de projet et a intégré en 2013 le comité de direction.

2. Il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 21 mars 2016, avec mise à pied à titre conservatoire, suite à la dénonciation de ses méthodes managériales par certains de ses collaborateurs.

3. Le 22 mars 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

4. Le 31 mars 2016, il a été licencié pour faute grave.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, et le second moyen pris en sa première branche, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement prononcé à son encontre repose sur une faute grave et de le débouter de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, alors :

« 2°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que les méthodes managériales reprochées à M. [Y] constituaient une faute grave justifiant à elles seules la rupture immédiate de la relation professionnelle, que l'employeur était tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de son personnel, sans constater que le comportement du salarié rendait impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ qu'en retenant, pour dire que le licenciement de M. [Y] reposait sur une faute grave en raison d'une mauvaise gestion des projets dont il avait la charge, que certains salariés placés sous ses ordres s'étaient plaints d'un manque de visibilité sur leurs plannings, leurs projets et leur travail ainsi que d'un défaut de communication de la part de leur responsable, et que cette situation avait eu des incidences sur la bonne finalisation de projets en cours, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une faute rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et a ainsi violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

4°/ que dans ses conclusions d'appel, M. [Y] faisait valoir, pièces à l'appui, qu'il convenait de mettre en perspective les griefs formulés à son encontre avec son parcours au sein de la société Softthinks et l'absence de tout grief exprimé par les membres de son équipe lors des entretiens professionnels tenus en 2015, et que les difficultés relationnelles qu'il avait pu rencontrer au cours des derniers mois avec certains membres de l'équipe s'expliquaient notamment par son état dépressif ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, de nature à établir que le comportement reproché au salarié ne pouvait s'analyser en une faute grave, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Ayant constaté qu'il résultait des attestations de plusieurs salariés placés sous son autorité, de courriels et de comptes-rendus d'entretien que le salarié dénigrait certains membres de son équipe, s'adressait à eux de façon inappropriée, de sorte que plusieurs d'entre eux voulaient quitter le service, et était à l'origine de relations de travail tendues de nature à porter atteinte à leur santé, la cour d'appel a pu retenir, par ces seuls motifs et répondant ainsi au grief prétendument délaissé visé par la quatrième branche du moyen, l'existence de manquements du salarié rendant impossible son maintien dans l'entreprise et constitutifs dès lors d'une faute grave.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour M. [Y].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il n'avait pas été victime d'agissements répétés de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, d'avoir dit que sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n'était pas fondée, de l'avoir débouté de ses demandes de ce chef, d'avoir dit que son licenciement reposait sur une faute grave et de l'avoir débouté de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE :

En l'espèce, pour étayer ses accusations, Monsieur [Y] produit notamment aux débats :
- différents courriels adressés ou reçus de ses collaborateurs ;
- des échanges de mails intervenus les 10 et 17 février 2016 avec Monsieur [S] ;
- des attestations ;
- des comptes rendu d'entretiens professionnels ;
- des plannings et des agendas ;
- des documents travail ;
- une lettre de dénonciation auprès de son organisme de protection juridique ;
- des pièces médicales.
L'analyse de l'ensemble de ces documents permet de relever, en premier lieu, que Monsieur [Y] assumait effectivement de nombreuses missions, ce qui, au regard de son statut de cadre et de la taille de l'entreprise, n'apparaît pas incohérent et ce qui est conforme aux attributions conférées par son contrat de travail, l'intéressé, en sa qualité de chef de projet, « devant assurer la responsabilité du contenu technique des projets confiés » et, de ce fait, encadrer et animer, avec une nécessaire polyvalence, les équipes placées sous sa responsabilité.
Pour autant, la diversité des attributions confiées au salarié ne saurait suffire à établir la réalité d'une surcharge de travail, alors que les éléments produits par l'appelant attestent seulement de ce que par périodes, le rythme de travail pouvait être soutenu.
De même, le fait que la direction n'ait pas jugé utile de procéder à certains recrutements ne saurait, en soi, traduire un comportement fautif de l'employeur consistant à ne pas donner au salarié les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
Par ailleurs, la lecture des nombreux mails versés aux débats ne permet pas, non plus, de caractériser un comportement habituellement hostile ou dénigrant de Monsieur [S] à l'égard du salarié même si le mécontentement de l'intéressé quant à la qualité du travail accompli transparaît clairement dans divers courriels adressés les 10 et 17 février 2016 et qu'à une reprise, le directeur administratif et financier a pu se montrer blessant vis à vis du salarié en le mettant en copie d'un message où il remettait en cause ses compétences.
S'agissant, justement des critiques émises par Monsieur [S] que le salarié qualifie d'injustifiées, il y a lieu de relever, toutefois, que plusieurs collaborateurs, exemples à l'appui, évoquent le manque d'organisation et de transparence du directeur de projet, ce qui tend à établir que les remarques formulées par Monsieur [S] dans les courriels ayant précédé le placement en arrêt maladie du salarié, étaient fondées.
Les autres faits avancés par Monsieur [Y] comme, le refus d'embauche de collaborateurs supplémentaires, le refus de prime ou le refus d'accéder à sa proposition de réorganiser de façon globale l'entreprise ne sauraient être regardés comme des actes illégitimes ni même la traduction d'une certaine hostilité à l'égard de l'appelant, alors que certaines décisions relèvent du seul pouvoirs et de l'appréciation de l'employeur ou des personnes désignées par lui pour le représenter et n'ont pas à être discutées ou négociées. Les témoignages transmis n'apportent, quant à eux, pas d'éléments quant aux faits de harcèlement moral évoqués par Monsieur [Y], s'agissant d'attestations d'anciens collègues de l'appelant vantant essentiellement ses qualités professionnelles et notamment son implication dans le travail.
Enfin, si les pièces médicales font effectivement état d'une situation de souffrance psychologique, elles ne sauraient suffire par ce seul constat à rattacher cette situation à un comportement inapproprié de l'employeur ou à son abstention fautive.
Au surplus, les pièces transmises par l'intimée permettent de relever que Monsieur [Y], qui n'aimait pas déléguer, au vu des déclarations effectuées par plusieurs salariés placés sous ses ordres (cf notamment pièces 15 à 17 de la SAS SOFTTHINKS), disposait en tout état de cause, d'une équipe susceptible d'assumer une partie des tâches confiées et de l'aider et bénéficiait, à compter de septembre 2014 d'un appui supplémentaire en la personne de Monsieur [Z]. Elles viennent, par ailleurs, établir qu'il existait un problème d'organisation au sein du service de Monsieur [Y], se traduisant par des périodes de forte activité auxquelles succédaient généralement des moments de quasi désoeuvrement. Elles démontrent enfin que le départ de deux salariés « testeurs » initialement affectés au sein de l'équipe de Monsieur [Y] était justifié par le souci de l'employeur de mettre un terme à une situation de stress ressentie par les intéressés en raison même du comportement parfois colérique et oppressant du directeur de projet (cf notamment comptes-rendus d'entretiens de M. [T], M. [Q], M. [F] et M. [X]).

Enfin, il est à noter sur ce point, que la dégradation de l'état psychologique de Monsieur [Y] coïncide avec la dénonciation par plusieurs salariés de ses méthodes de management inappropriées ayant donné lieu à la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire à son encontre.
Le jugement ayant écarté toute situation de harcèlement moral et, par là même, tout manquement de la SAS SOFTTHINKS à son obligation de sécurité sera donc confirmé, aucun élément de la procédure n'établissant au surplus que Monsieur [Y] ait fait état des faits qu'il dénonce ni même de son mal-être auprès de son employeur avant que n'intervienne son entretien préalable.
Dès lors qu'aucun manquement n'est caractérisé à l'encontre de l'employeur, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE :

Attendu que M. [Y] a été déclaré apte par le médecin du travail lors des visites médicales.
Attendu que M. [Y] n'a jamais sollicité l'inspection du travail, afin de faire part d'un harcèlement moral à son encontre.
Attendu que M. [Y] n'a jamais sollicité une entrevue avec son supérieur hiérarchique pour aborder avec lui, un problème de surcharge de travail ou de harcèlement.
Attendu qu'il convient de rappeler que l'employeur est libre de fixer sa politique de rémunération, dès lors qu'il s'assure du respect des minima conventionnels de la branche et du principe d'équité interne, et que le fait de ne pas avoir accédé à la demande de prime au titre du projet Instant Fix formulée par M. [Y], ne saurait être considérée comme un agissement de harcèlement moral.
Attendu que M. [Y] ne fournit pas la preuve prouvant des manquements répétés de la Sas Softthinks à son encontre.
En conséquence, le Conseil déboute M. [Y] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, ainsi que l'ensemble des demandes s'y rapportant ;

1°) ALORS QUE la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter toute situation de harcèlement moral, que M. [Y] ne rapportait pas la preuve des manquements répétés de la société Softthinks à son encontre, la cour d'appel a fait peser sur le salarié la charge de prouver le harcèlement moral qu'il invoquait et a ainsi violé l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans sa rédaction applicable en la cause, l'article L. 1154-1 du même code ;

2°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en se bornant, pour écarter toute situation de harcèlement moral, à apprécier une partie seulement des éléments invoqués par M. [Y], sans examiner, comme elle y était invitée, sa mise à l'écart du processus décisionnel et des réunions stratégiques de l'entreprise, intervenue au mépris de sa qualité de membre du comité de direction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans sa rédaction applicable en la cause, de l'article L. 1154-1 du même code ;

3°) ALORS QU'en procédant, pour écarter toute situation de harcèlement moral, à une appréciation séparée des éléments établis par M. [Y], sans rechercher si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un tel harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans sa rédaction applicable en la cause, de l'article L. 1154-1 du même code ;

4°) ALORS QUE le respect par l'employeur de l'obligation légale qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ne peut se déduire du fait que le harcèlement moral qui lui a été dénoncé par un salarié n'est pas établi, l'obligation de sécurité de l'employeur ne se confondant pas avec la prohibition des agissements de harcèlement moral ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter tout manquement de la société Softthinks à son obligation de sécurité, que la situation de harcèlement moral dénoncée par M. [Y] n'était pas établie, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. [Y] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement prononcé à son encontre repose sur une faute grave et de l'avoir débouté de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE :

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement en date du 31 mars 2016, laquelle fixe les limites du litige, il est reproché à Monsieur [Y] les griefs suivants :
- une mauvaise gestion des projets dont il a la charge, ceux-ci présentant des fautes techniques importantes préjudiciables à l'entreprise, cette situation découlant d'une absence de spécifications et de consignes de travail données à son équipe, à un manque de communication, à une mauvaise méthodologie de travail (surcharges de travail inutiles liées notamment à la mise en place de multiples versions d'écrans), un manque d'organisation, un manque de rigueur;

- une transmission tardive de ses arrêts de travail;
- des méthodes de management «inacceptables tant au niveau comportemental qu'au niveau éthique».
Monsieur [Y] conteste l'intégralité des faits reprochés soit dans leur matérialité, soit dans leur imputabilité.
Il résulte cependant des attestations et comptes-rendus d'entretiens versés à la procédure, que plusieurs collaborateurs de Monsieur [Y], à savoir Monsieur [X], leader technique de l'équipe, Monsieur [Q], Monsieur [T] et Monsieur [F], se sont plaints d'un manque de visibilité sur leur planning, leurs projets et leur travail ainsi que d'un défaut de communication de la part de leur responsable, celui-ci conservant pour lui la plupart des informations nécessaires à la bonne réalisation des missions confiées (cf pièces 5, 11, 12, 15, 16 et 17).
Cette situation a été notamment constatée par Monsieur [S] à propos du produit « Instant Fix », celui-ci écrivant dans un courriel du 23 février 2016 : « l'équipe, dans son état actuel de connaissance, en l'absence de spécifications, se considère incapable de réaliser un POC pour fin avril sur ce produit. Un grand nombre de difficultés techniques rendent l'équipe très difficilement capable voire incapable de finaliser le POC tel que promis. »
A ce titre, les différents plannings transmis par l'appelant, par leur caractère imprécis et incomplet ne sont pas de nature à remettre en cause les déclarations concordantes de ces différents témoins alors qu'il est, en outre, établi en procédure que cette situation a eu des incidences sur la bonne finalisation de plusieurs travaux en cours dont le projet Instant Fix concernant, pourtant, l'un des plus gros clients de l'entreprise (constat fait le 29 mars 2016 par Monsieur [G] reprenant la suite de Monsieur [Y] sur le produit et par toute l'équipe de l'impossibilité technique de fournir au client DELL un moteur auto-apprenant comme s'y était toutefois engagé Monsieur [Y] – pièce 19 intimée).
Par ailleurs, le comportement inapproprié de Monsieur [Y] vis à vis du personnel placé sous ses ordres est dénoncé à plusieurs reprises par différents témoins au travers de mails et comptes-rendus d'entretiens ainsi que dans les attestations figurant au dossier.
Ainsi, Monsieur [T], l'un des salariés ayant demandé à changer d'équipe, a indiqué le 1er mars 2016 à Madame [A], coordonnatrice ressources humaines : « Cela se passe beaucoup mieux depuis qu'[I] [S] nous a changé d'équipe, [J] et moi. Je ne suis plus en contact direct avec [B] [Y], cela facilite les choses ».
A la question « quelles relations aviez-vous avec [B] ? », l'intéressé répond : « Tout dépendait de ses humeurs ! C'était fluctuant. Des fois ça allait et des fois non. Il pouvait aller jusqu'à nous crier dessus. J'avais l'impression que ce que je faisais n'allait jamais. Les relations étaient souvent tendues. J'avoue avoir pensé à quitter la société car je n'en pouvais plus de cette situation. »
Monsieur [Q], entendu dans les mêmes circonstances, a déclaré quant à lui : « Les relations avec [B] étaient très difficiles à supporter. Ses humeurs étaient fluctuantes. Nous avions peur de prendre des initiatives car nous savions que ça allait nous retomber dessus. Parfois, j'avais l'impression qu'il se défoulait sur nous, il pouvait nous parler très mal en haussant le ton pour des raisons que nous ne comprenions pas. » Monsieur [F] a, pour sa part, expliqué : « il est très difficile d'avoir des relations avec un responsable qui ne nous considère pas. Je subis son absence d'informations, de spécifications, d'anticipation des problèmes. Je suis soumis à son « bon vouloir » et ne nous répond qu'après de multiples relances, il est d'ailleurs très exigeant quand il attend une réponse : il nous aboie dessus.
Nous passons après ses projets personnels. Il fait par téléphone des demandes de devis, des recherches de matériels informatiques ou autres pour son domicile qui nuisent au suivi des projets. Il reporte ensuite sa tension et ses retards sur nous en nous mettant la pression ».
Monsieur [X], ingénieur, qui n'a pas évoqué de propos déplacés ou emportements à son égard lors de son entretien, précisant toutefois, sur ce point, ne venir dans l'entreprise qu'une semaine par mois, a toutefois confié : « j'ai assisté au dénigrement de certains membres de l'équipe, comme celui des testeurs ([M] et [J]) qui voulaient quitter le département car ils n'en pouvaient plus du comportement de [B] ».
Enfin, dans un mail daté du 1er février 2016, Monsieur [C] a pu indiquer à Monsieur [P] [O], directeur de projet au sein de SOFTTHINKS : « Je perçois une volonté de bien faire de [J] et [M] mais elle est vite cassée par les attitudes ou les paroles de [B]. Elles sont limites du harcèlement moral. J'ai reçu des emails et réponse Skype pour [M], [V] ou moi, très très limites venant de sa part. »
Les faits ainsi rapportés de façon concordante par ces différents salariés mettent en évidence des méthodes managériales inappropriées et de nature à porter atteinte à leurs bonnes conditions de travail et à leur santé. Elles constituent à elles seules une faute grave justifiant la rupture immédiate de la relation professionnelle, l'employeur étant tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de son personnel.
Ainsi, au vu de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'analyser le troisième grief évoqué dans la lettre de rupture, les deux premiers étant amplement caractérisés, il y aura lieu de déclarer le licenciement pour faute grave, justifié.
En conséquence, le jugement entrepris sera réformé sur ce point, Monsieur [Y] sera débouté de l'intégralité de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et devra restituer les sommes perçues en première instance dans le cadre de l'exécution provisoire ;

1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, M. [Y] faisait valoir que les griefs retenus à l'appui de son licenciement pour faute grave avaient notamment été formulés en considération de sa dénonciation de faits de harcèlement moral et de l'action judiciaire qu'il avait engagée à l'encontre de la société Softthinks (conclusions, p. 82 § 5 à 7 et p. 88 § 3) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, de nature à établir que le licenciement prononcé à l'encontre du salarié pour faute grave n'était pas justifié, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que les méthodes managériales reprochées à M. [Y] constituaient une faute grave justifiant à elles seules la rupture immédiate de la relation professionnelle, que l'employeur était tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de son personnel, sans constater que le comportement du salarié rendait impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en retenant, pour dire que le licenciement de M. [Y] reposait sur une faute grave en raison d'une mauvaise gestion des projets dont il avait la charge, que certains salariés placés sous ses ordres s'étaient plaints d'un manque de visibilité sur leurs plannings, leurs projets et leur travail ainsi que d'un défaut de communication de la part de leur responsable, et que cette situation avait eu des incidences sur la bonne finalisation de projets en cours, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser une faute rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et a ainsi violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

4°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, M. [Y] faisait valoir, pièces à l'appui, qu'il convenait de mettre en perspective les griefs formulés à son encontre avec son parcours au sein de la société Softthinks et l'absence de tout grief exprimé par les membres de son équipe lors des entretiens professionnels tenus en 2015, et que les difficultés relationnelles qu'il avait pu rencontrer au cours des derniers mois avec certains membres de l'équipe s'expliquaient notamment par son état dépressif (conclusions, p. 75 § 7 et 8, p. 76 § 1, et p. 82 § 8 à p. 84 § 4) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, de nature à établir que le comportement reproché au salarié ne pouvait s'analyser en une faute grave, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-25621
Date de la décision : 22/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 27 septembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 sep. 2021, pourvoi n°19-25621


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Laurent Goldman, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25621
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