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15/09/2021 | FRANCE | N°20-14886

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 septembre 2021, 20-14886


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 septembre 2021

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 987 F-D

Pourvoi n° U 20-14.886

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 SEPTEMBRE 2021

La société Ventoris services, sociétÃ

© à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-14.886 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2020 par la cour d'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 septembre 2021

Rejet

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 987 F-D

Pourvoi n° U 20-14.886

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 SEPTEMBRE 2021

La société Ventoris services, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-14.886 contre l'arrêt rendu le 24 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [U] [Q], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Ventoris services, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [Q], après débats en l'audience publique du 16 juin 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 janvier 2020), M. [Q] a été engagé par la société de portage salarial Ventoris services (la société) pour exercer, sous le statut de cadre, les fonctions de conception, animation, et formation, suivant contrat à durée indéterminée du 3 juillet 2006 prévoyant une durée pouvant varier entre 7 et 1600 heures par an, le taux horaire brut initialement de 33,95 euros ayant été ramené par avenant du 1er février 2011 à 27 euros.

2. Le 5 août 2011, suite aux prospections et négociations commerciales du salarié, un contrat de production de services a été signé entre la société et une entreprise cliente pour la période du 11 février au 3 septembre 2011, ultérieurement prolongée jusqu'au 30 mars 2012.

3. Déplorant l'absence de mission après le 30 mars 2012, le salarié a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et la condamnation de celui-ci au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et d'indemnités de rupture.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du contrat de travail du 3 juillet 2006 à ses torts, de le condamner au paiement de diverses sommes au titre des salaires des années 2013 à 2016, ainsi qu'à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents à ces sommes, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage si le salarié en bénéficie, dans la limite de six mois d'indemnités, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L. 1251-64 du code du travail tel qu'issu de la loi du 25 juin 2008 et des accords nationaux interprofessionnels du 11 janvier 2008 et du 24 juin 2010 que, dans le cadre du portage salarial, c'est au salarié de prospecter ses clients et négocier le prix de la prestation, de sorte que la démarche de portage salarial est à la seule initiative de la personne portée ; que l'employeur n'a en conséquence pas l'obligation de fournir du travail à son salarié et ne peut être condamné à lui verser un salaire lorsque ce dernier n'exerce aucune mission ; que le juge ne peut retenir l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de rémunérer le salarié lorsqu'il est constant que ce dernier avait cessé toute prospection et n'accomplissait plus aucune mission ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société n'avait pas l'obligation de fournir du travail au salarié porté et il était constant entre les parties que ce dernier avait cessé toute prospection et n'exerçait plus aucune mission depuis le mois de mars 2012, ce dont il se déduisait que la société n'avait aucune obligation de lui verser son salaire ; qu'en jugeant le contraire, au motif que l'employeur, tenu par un contrat à durée indéterminée, a l'obligation de payer un salaire à son salarié, que celui-ci soit en mission ou non et que, la société n'ayant pas versé le salaire du salarié porté à compter du mois de mars 2012, il convenait de faire droit à la demande de celui-ci et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1, L. 1235-1 et L. 1251-64 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ensemble les articles 1134 et 1184, devenus 1103 et 1217 du code civil, l'article 19 de l'accord national interprofessionnel étendu du 11 janvier 2008 et le préambule et l'article 1.1 de l'accord national interprofessionnel étendu du 24 juin 2010 ;

2°/ que l'employeur n'est tenu de payer sa rémunération au salarié que si ce dernier se tient à sa disposition ; que le juge ne peut en conséquence retenir l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de rémunérer le salarié lorsque l'employeur établit que le salarié avait cessé de se tenir à sa disposition ; qu'en l'espèce, la société faisait valoir que le salarié porté n'était pas resté à sa disposition postérieurement au 31 mars 2012 en s'appuyant à cet égard sur un courriel adressé par le salarié à son employeur faisant état de sa volonté de déménager et sur les justificatifs d'impôts sur le revenu pour les années 2012 à 2014 versés aux débats par ce dernier, qui permettent de constater que postérieurement au mois de mars 2012, le salarié a continué à percevoir une rémunération qualifiée de traitements et salaires par l'administration fiscale qui lui était versée par un autre employeur ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié pour violation par la société de son obligation de payer un salaire à son salarié, au seul motif qu'après le mois de mars 2012, l'employeur n'a pas versé son salaire à l'intéressé, sans cependant rechercher, comme elle y était pourtant invitée, s'il était démontré que celui-ci ne s'était pas tenu à la disposition de la société à compter de cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184, devenus 1103 et 1217 du code civil ;

3°/ que pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié doit faire état d'un ou plusieurs manquements suffisamment graves de l'employeur, de nature à faire obstacle à la poursuite de son contrat de travail ; que le seul manquement de l'employeur à l'une de ses obligations ne peut justifier à lui seul la résiliation du contrat aux torts de l'employeur, de sorte que le juge doit apprécier la gravité des manquements en fonction des circonstances de la cause ; que, s'agissant d'un défaut de paiement des salaires, le manquement ne saurait être considéré comme suffisamment grave s'il concerne une somme de faible ampleur ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat du salarié avec effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux motifs que la société n'a pas versé le salaire du salarié à compter du mois de mars 2012, quand elle constatait que le rappel de salaires dû par la société s'élevait à un montant de seulement 756 euros, outre 75,60 euros au titre des congés payés afférents, de sorte que le défaut de paiement des salaires ne présentait pas un caractère de gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184, devenus 1103 et 1217 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. L'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition.

6. Ayant retenu, à bon droit, que l'employeur, tenu par un contrat à durée indéterminée, avait l'obligation de payer un salaire à son salarié, que celui-ci fût ou non en mission, et constaté qu'il était constant que la société n'avait pas, après le mois de mars 2012, versé un salaire au salarié, faisant ressortir un manquement de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante sur l'absence de preuve rapportée par le salarié qui n'en avait pas la charge de ce qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur, a pu, nonobstant le motif erroné mais surabondant tiré de l'absence d'obligation de fourniture du travail au salarié invoqué par le moyen pris en sa première branche, prononcer la résiliation judiciaire du contrat emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que la cour d'appel ne pouvait calculer le montant de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par référence à un salaire de 4 345 euros, quand elle constatait que le salaire dû au salarié pour les années 2013 à 2016 s'élevait à un total de seulement 756 euros ; qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a violé les articles L. 1234-5 du code du travail et L. 1235-3 du code du travail, ensemble les articles 17 et 19 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils ;

2°/ qu'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet de la rupture est fixée à la date de la décision judiciaire la prononçant si, à cette date, le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur ; que l'indemnité compensatrice de préavis est égale aux salaires et avantages qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant cette période ; qu'il résulte de la combinaison de ces principes que, dans le cadre d'un portage salarial, l'indemnité compensatrice de préavis accordée au salarié porté dont le contrat de travail est résilié au cours d'une période où il n'exerce aucune mission pour le compte d'une société cliente doit être égale aux salaires et avantages qu'il aurait perçus au cours de cette période sans mission, et non aux derniers salaires et avantages perçus au cours d'une mission ; qu'en l'espèce, le salarié demandait une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 13 035 euros en se référant au montant moyen des salaires perçus au cours des trois derniers mois où il avait exercé une mission entre janvier et mars 2012 ; qu'à l'inverse, la société soutenait que le salarié n'avait plus exercé de mission depuis 2012, ce qui n'était pas contesté par lui, et démontrait qu'en conséquence, l'indemnité de préavis devait être calculée sur la base du salaire contractuel garanti par le contrat de travail en cas d'absence de mission ; qu'en se référant, pour calculer l'indemnité compensatrice de préavis due à l'intéressé, au "montant moyen des salaires versés pendant les périodes effectivement travaillées, soit 4345 euros", c'est-à-dire la dernière période au cours de laquelle le salarié avait effectué une mission pour la société Oseo en 2012, quand elle aurait dû se référer au salaire moyen qui aurait été perçu par le salarié s'il avait effectué son préavis à la date du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, c'est-à-dire en janvier 2020 au cours d'une période où il n'avait exercé aucune mission depuis plusieurs années, la cour d'appel a violé les articles 17 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils et L. 1234-5 du code du travail ;

3°/ que l'article 19 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils prévoit qu'après deux ans d'ancienneté, l'indemnité de licenciement due au salarié cadre se calcule en mois de rémunération sur la base de 1/3 de mois par année de présence, sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois ; que le mois de rémunération s'entend pour le calcul de l'indemnité précitée comme 1/12 de la rémunération des douze derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail ; qu'en condamnant la société à verser au salarié une indemnité de licenciement sur le fondement de la convention collective en se référant à la somme de 4345 euros bruts par mois correspondant au salaire brut moyen des trois derniers mois au cours desquels le salarié avait effectué une mission en 2012, quand cette indemnité conventionnelle ne peut être calculée que sur la moyenne des salaire des douze derniers mois précédant la rupture du contrat de travail, soit en l'espèce à la date du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 19 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils. »

Réponse de la Cour

9. Les indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir et non sur celle de la rémunération qu'il a effectivement perçue du fait des manquements de l'employeur à ses obligations.

10. Il en résulte que les indemnités de rupture dues au salarié dont l'employeur a manqué à son obligation de fourniture de travail doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié a perçue pendant les périodes effectivement travaillées.

11. Dès lors, la cour d'appel, qui a prononcé aux torts de l'employeur la résiliation judiciaire du contrat de portage à durée indéterminée conclu à une date à laquelle n'étaient pas applicables des dispositions portant dérogation à l'obligation de fournir du travail au salarié porté, et qui n'a pas constaté que l'employeur, avait, après le mois de mars 2012, fourni du travail au salarié, a pu, pour évaluer les indemnités de rupture dues à ce dernier, se référer, comme elle l'a fait, au montant moyen des salaires qui lui avaient été versés pendant les trois derniers mois des périodes effectivement travaillées.

12. La décision se trouve par ces motifs de pur droit, substitués aux motifs critiqués, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile, légalement justifiée.

13. Le moyen ne peut par conséquent être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Ventoris services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ventoris services et la condamne à payer à M. [Q] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Ventoris services

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation du contrat de travail du 3 juillet 2006 aux torts de l'employeur, d'AVOIR condamné la SARL Ventoris Services à payer à M. [Q] les sommes de 756 euros au titre des salaires des années 2013, 2014, 2015 et 2016, outre 75,60 euros d'incidence congés payés, 13 035 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 303,50 euros au titre des congés payés, 15 323,36 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 26 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Ventoris à Pôle emploi des indemnités de chômage si M. [Q] en bénéficie par suite du prononcé de la résiliation du contrat de travail valant licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans la limite de six mois d'indemnités ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur [U] [Q] se prévaut des règles du portage salarial, du travail par intermittence et des dispositions contractuelles et oppose à la SARL Ventoris services un manquement à ses obligations de la SARL Ventoris service de lui fournir du travail d'une part et de lui verser une rémunération d'autre part. La SARL Ventoris services répond que les parties sont liées par un portage salarié, qui ne met à la charge de l'entreprise de portage aucune obligation de fournir du travail aux salariés portés, et par les règles du travail intermittent prévu par l'accord collectif d'entreprise du 21 décembre 2012, lequel prévoit pour chaque nouvelle mission, un avenant spécifique précisant les nouvelles périodes de travail et la répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes ; faisant observer que Monsieur [U] [Q] à qui il incombait de faire de la prospection n'a pas rendu compte de son activité. Le contrat de travail intermittent suppose une relation entre un employeur et un salarié avec faculté de faire alterner des périodes travaillées et des périodes non travaillées, tandis que le contrat de portage salarial est un mécanisme triangulaire constitué d'une part, d'une relation entre une entreprise de portage salarial effectuant une prestation et une entreprise cliente bénéficiant de cette prestation, donnant lieu à la conclusion d'un contrat commercial de prestation de portage salarial, et d'autre part, à un contrat de travail conclu entre l'entreprise de portage salarial et un salarié désigné comme étant le salarié porté, rémunéré par cette entreprise. En l'espèce, si les caractéristiques du contrat du 3 juillet 2006 permettent d'établir qu'il s'agit d'un contrat de portage salarial, en revanche, il convient de constater que le fait que Monsieur [U] [Q] recherche lui-même ses missions et en informe la SARL Ventoris services, et que soient conclus des contrats des contrats de prestation de service avec les clients trouvés par Monsieur [U] [Q], exclut la relation employeur/salarié du contrat intermittent. Il y a lieu par suite d'appliquer les seules règles du contrat de portage salarial, à l'exclusion des règles du contrat intermittent. Le contrat de portage salarial du 3 juillet 2006 se trouve régi non par l'ordonnance du 2 avril 2015, prise postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes, mais par l'ANI sur le portage salarial étendu du 11 janvier 2008 et la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008. Les dispositions de l'article L. 1251-64 du code du travail, résultant de la loi du 25 juin 2008 édictent que le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle. Les textes ne mettent pas à la charge de l'employeur l'obligation de fournir du travail à son salarié, lequel dispose d'une large autonomie et à qui il incombe de rechercher des missions, de les négocier et de prévoir ses propres périodes de travail. En revanche, l'employeur, tenu par un contrat à durée indéterminée, a l'obligation de payer un salaire à son salarié, que celui-ci soit ou non en mission. Il appartient à l'employeur ne désirant payer de salaire que pendant les périodes précises correspondant aux missions, de conclure non un contrat à durée indéterminée mais des contrats à durée déterminée. Il est constant que la SARL Ventoris services n'a pas, après le mois de mars 2012, verser un salaire à Monsieur [U] [Q]. Il convient par suite, et après avoir relevé que la SARL Ventoris services reproche à Monsieur [U] [Q] de n'avoir pas rendu compte de son activité sans cependant en tirer les conséquences, de faire droit à la demande de Monsieur [U] [Q] et de prononcer aux torts de l'employeur, la résiliation du contrat de travail ayant les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse » ;

ET AUX MOTIFS QUE « 1) Le rappel de salaire : au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016 : Monsieur [U] [Q] réclame un rappel de salaire de 950,60 euros sur la base d'un tarif horaire de 33,95 euros. Cependant, les parties avaient réduit le tarif horaire pour le fixer à 27 euros. Suivant la méthode de calcul du salarié, il convient de fixer le rappel de salaires ainsi qu'il suit : 7 h x 27 euros/h x 4 = 756 euros outre 75.60 euros d'incidence congés payés. 2) L'indemnité de préavis et incidence congés payés : il convient, en l'état de l'accord des parties sur ce point, de retenir l'application de la convention collective nationale Syntec (le contrat de travail visant la convention collective des prestataires de services dans le secteur tertiaire). Monsieur [Q] se prévaut de l'article 15 édictant un préavis de 3 mois pour les ingénieurs et cadres. Le montant de l'indemnité compensatrice de préavis est égal au montant du salaire qu'aurait Monsieur [U] [Q] s'il avait pu travailler pendant la durée de son préavis. Il convient de retenir le montant moyen des salaires versés pendant les périodes effectivement travaillées, soit 4345 euros. L'indemnité de préavis due sera fixée à la somme de 13 035 euros outre 1303,50 euros au titre des congés payés. 3) L'indemnité conventionnelle de licenciement : Monsieur [U] [Q] se prévaut de l'article 19 de la convention collective nationale Syntec, selon lequel après 2 ans d'ancienneté, le salarié a droit à 1/3 de mois par année de présence sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois, le mois de rémunération s'entend dans le cas particulier comme 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail, cette rémunération incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels et excluant les majorations pour heures supplémentaires ou indemnités liées à un déplacement ou un détachement. Pour les années incomplètes, l'indemnité de licenciement est calculée proportionnellement au nombre de mois de présence. Monsieur [U] [Q] se prévaut d'une ancienneté de 10 ans et 7 mois. Le montant mensuel retenu ci-dessus est de 4345 euros. L'indemnité conventionnelle de licenciement représente la somme de 4345x1/3x10 = 4345 x 1/3 x/12 = 14 483,33 + 844,86 = 15 328,19 euros. Monsieur [U] [Q] réclame la somme de 15 323,36 euros, il convient d'y faire droit. 4) Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : Monsieur [U] [Q] avait une ancienneté de 13 ans et 6 mois, il est âgé de 43 ans. Il justifie de revenus en 2012 et 2013, son avis d'imposition 2015 faisant apparaître l'absence de revenus pour 2014. Il convient de lui allouer la somme de 26 000 euros » ;

1°) ALORS QU'il résulte de l'article L. 1251-64 du code du travail tel qu'issu de la loi du 25 juin 2008 et des accords nationaux interprofessionnels du 11 janvier 2008 et du 24 juin 2010 que, dans le cadre du portage salarial, c'est au salarié de prospecter ses clients et négocier le prix de la prestation, de sorte que la démarche de portage salarial est à la seule initiative de la personne portée ; que l'employeur n'a en conséquence pas l'obligation de fournir du travail à son salarié et ne peut être condamné à lui verser un salaire lorsque ce dernier n'exerce aucune mission ; que le juge ne peut retenir l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de rémunérer le salarié lorsqu'il est constant que ce dernier avait cessé toute prospection et n'accomplissait plus aucune mission ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Ventoris n'avait pas l'obligation de fournir du travail à M. [Q] et il était constant entre les parties que ce dernier avait cessé toute prospection et n'exerçait plus aucune mission depuis le mois de mars 2012, ce dont il se déduisait que la société Ventoris n'avait aucune obligation de lui verser son salaire ; qu'en jugeant le contraire, au motif que l'employeur, tenu par un contrat à durée indéterminée, a l'obligation de payer un salaire à son salarié, que celui-ci soit en mission ou non et que, la société Ventoris n'ayant pas versé le salaire de M. [Q] à compter du mois de mars 2012, il convenait de faire droit à la demande de M. [Q] et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1231-1, L. 1235-1 et L. 1251-64 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ensemble les articles 1134 et 1184, devenus 1103 et 1217 du code civil, l'article 19 de l'accord national interprofessionnel étendu du 11 janvier 2008 et le préambule et l'article 1.1 de l'accord national interprofessionnel étendu du 24 juin 2010 ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'employeur n'est tenu de payer sa rémunération au salarié que si ce dernier se tient à sa disposition ; que le juge ne peut en conséquence retenir l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de rémunérer le salarié lorsque l'employeur établit que le salarié avait cessé de se tenir à sa disposition ; qu'en l'espèce, la société Ventoris faisait valoir que M. [Q] n'était pas resté à sa disposition postérieurement au 31 mars 2012 en s'appuyant à cet égard sur un courriel adressé par le salarié à son employeur faisant état de sa volonté de déménager et sur les justificatifs d'impôts sur le revenu pour les années 2012 à 2014 versés aux débats par M. [Q], qui permettent de constater que postérieurement au mois de mars 2012, le salarié a continué à percevoir une rémunération qualifiée de traitements et salaires par l'administration fiscale qui lui était versée par un autre employeur ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Q] pour violation par la société Ventoris de son obligation de payer un salaire à son salarié, au seul motif qu'après le mois de mars 2012, l'employeur n'a pas versé son salaire à M. [Q], sans cependant rechercher, comme elle y était pourtant invitée, s'il était démontré que M. [Q] ne s'était pas tenu à la disposition de la société Ventoris à compter de cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184, devenus 1103 et 1217 du code civil ;

3°) ALORS QUE pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié doit faire état d'un ou plusieurs manquements suffisamment graves de l'employeur, de nature à faire obstacle à la poursuite de son contrat de travail ; que le seul manquement de l'employeur à l'une de ses obligations ne peut justifier à lui seul la résiliation du contrat aux torts de l'employeur, de sorte que le juge doit apprécier la gravité des manquements en fonction des circonstances de la cause ; que, s'agissant d'un défaut de paiement des salaires, le manquement ne saurait être considéré comme suffisamment grave s'il concerne une somme de faible ampleur ; qu'en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de M. [Q] avec effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux motifs que la société Ventoris n'a pas versé le salaire de M. [Q] à compter du mois de mars 2012, quand elle constatait que le rappel de salaires dû par la société Ventoris s'élevait à un montant de seulement 756 euros, outre 75,60 euros au titre des congés payés afférents, de sorte que le défaut de paiement des salaires ne présentait pas un caractère de gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1184, devenus 1103 et 1217 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SARL Ventoris Services à payer à M. [Q] les sommes de 13 035 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 303,50 euros au titre des congés payés afférents, 15 323,36 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 26 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « 2) L'indemnité de préavis et incidence congés payés : il convient, en l'état de l'accord des parties sur ce point, de retenir l'application de la convention collective nationale Syntec (le contrat de travail visant la convention collective des prestataires de services dans le secteur tertiaire). Monsieur [Q] se prévaut de l'article 15 édictant un préavis de 3 mois pour les ingénieurs et cadres. Le montant de l'indemnité compensatrice de préavis est égal au montant du salaire qu'aurait Monsieur [U] [Q] s'il avait pu travailler pendant la durée de son préavis. Il convient de retenir le montant moyen des salaires versés pendant les périodes effectivement travaillées, soit 4345 euros. L'indemnité de préavis due sera fixée à la somme de 13 035 euros outre 1303,50 euros au titre des congés payés. 3) L'indemnité conventionnelle de licenciement : Monsieur [U] [Q] se prévaut de l'article 19 de la convention collective nationale Syntec, selon lequel après 2 ans d'ancienneté, le salarié a droit à 1/3 de mois par année de présence sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois, le mois de rémunération s'entend dans le cas particulier comme 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail, cette rémunération incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels et excluant les majorations pour heures supplémentaires ou indemnités liées à un déplacement ou un détachement. Pour les années incomplètes, l'indemnité de licenciement est calculée proportionnellement au nombre de mois de présence. Monsieur [U] [Q] se prévaut d'une ancienneté de 10 ans et 7 mois. Le montant mensuel retenu ci-dessus est de 4345 euros. L'indemnité conventionnelle de licenciement représente la somme de 4345x1/3x10 = 4345 x 1/3 x/12 = 14 483,33 + 844,86 = 15 328,19 euros. Monsieur [U] [Q] réclame la somme de 15 323,36 euros, il convient d'y faire droit ; 4) Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : Monsieur [U] [Q] avait une ancienneté de 13 ans et 6 mois, il est âgé de 43 ans. Il justifie de revenus en 2012 et 2013, son avis d'imposition 2015 faisant apparaître l'absence de revenus pour 2014. Il convient de lui allouer la somme de 26 000 euros » ;

1°) ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait calculer le montant de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par référence à un salaire de 4.345 euros, quand elle constatait que le salaire dû à M. [Q] pour les années 2013 à 2016 s'élevait à un total de seulement 756 euros ; qu'en statuant comme elle l'a fait, elle a violé les articles L. 1234-5 du code du travail et L. 1235-3 du code du travail, ensemble les articles 17 et 19 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils ;

2°) ALORS QU'en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet de la rupture est fixée à la date de la décision judiciaire la prononçant si, à cette date, le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur ; que l'indemnité compensatrice de préavis est égale aux salaires et avantages qu'aurait perçu le salarié s'il avait travaillé pendant cette période ; qu'il résulte de la combinaison de ces principes que, dans le cadre d'un portage salarial, l'indemnité compensatrice de préavis accordée au salarié porté dont le contrat de travail est résilié au cours d'une période où il n'exerce aucune mission pour le compte d'une société cliente doit être égale aux salaires et avantages qu'il aurait perçus au cours de cette période sans mission, et non aux derniers salaires et avantages perçus par le salarié au cours d'une mission ; qu'en l'espèce, M. [Q] demandait une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 13035 euros en se référant au montant moyen des salaires perçus au cours des trois derniers mois où il a exercé une mission entre janvier et mars 2012 ; qu'à l'inverse, la société Ventoris soutenait que M. [Q] n'avait plus exercé de mission depuis 2012, ce qui n'était pas contesté par le salarié, et démontrait qu'en conséquence, l'indemnité de préavis devait être calculée sur la base du salaire contractuel garanti par le contrat de travail en cas d'absence de mission ; qu'en se référant, pour calculer l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [Q], au « montant moyen des salaires versés pendant les périodes effectivement travaillées, soit 4345 euros », c'est-à-dire la dernière période au cours de laquelle M. [Q] a effectué une mission pour la société Oseo en 2012, quand elle aurait dû se référer au salaire moyen qui aurait été perçu par M. [Q] s'il avait effectué son préavis à la date du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, c'est-à-dire en janvier 2020 au cours d'une période où M. [Q] n'avait exercé aucune mission depuis plusieurs années, la cour d'appel a violé les articles 17 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils et L. 1234-5 du code du travail ;

3°) ALORS QUE l'article 19 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils prévoit qu'après deux ans d'ancienneté, l'indemnité de licenciement due au salarié cadre se calcule en mois de rémunération sur la base de 1/3 de mois par année de présence, sans pouvoir excéder un plafond de 12 mois ; que le mois de rémunération s'entend pour le calcul de l'indemnité précitée comme 1/12 de la rémunération des douze derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail ; qu'en condamnant la société Ventoris à verser à M. [Q] une indemnité de licenciement sur le fondement de la convention collective en se référant à la somme de 4345 euros bruts par mois correspondant au salaire brut moyen des trois derniers mois au cours desquels M. [Q] a effectué une mission en 2012, quand cette indemnité conventionnelle ne peut être calculée que sur la moyenne des salaire des douze derniers mois précédant la rupture du contrat de travail, soit en l'espèce à la date du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 19 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-14886
Date de la décision : 15/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 sep. 2021, pourvoi n°20-14886


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14886
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