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09/09/2021 | FRANCE | N°20-14776

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 septembre 2021, 20-14776


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 609 F-D

Pourvoi n° Z 20-14.776

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2021

1°/ M. [R] [S],

2°/ M. [W] [S],

tous deux domi

ciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Z 20-14.776 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2020 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans l...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 septembre 2021

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 609 F-D

Pourvoi n° Z 20-14.776

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2021

1°/ M. [R] [S],

2°/ M. [W] [S],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Z 20-14.776 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2020 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [X] [O], domicilié [Adresse 4],

2°/ à Mme [E] [O], domiciliée [Adresse 3],

3°/ à M. [V] [O], domicilié [Adresse 2],

4°/ à M. [D] [O], domicilié [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de MM. [S], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat des consorts [O], après débats en l'audience publique du 15 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 janvier 2020), par actes distincts du 12 mai 2010, les consorts [O] ont donné à bail rural diverses parcelles à MM. [R] et [W] [S].

2. Par actes délivrés séparément le 11 avril 2017, les consorts [O] ont notifié à MM. [S] leur refus de renouvellement de ces baux, à effet au 12 mai 2019, aux fins de reprise au profit de M. [D] [O].

3. Par actes du 25 juillet 2017, MM. [S] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation des congés.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. MM. [S] font grief à l'arrêt de valider les congés et de leur ordonner de libérer les parcelles louées, alors :

« 1°/ qu'une décision d'autorisation d'exploiter frappée d'un recours, non suspensif, ne pouvant être considérée comme définitive dès lors qu'elle est susceptible d'annulation, le juge qui, si la reprise est subordonnée à une autorisation au titre du contrôle des structures des exploitations agricoles, peut surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive, ne peut valider le congé que si une telle autorisation a été accordée ; que la cour d'appel, qui a validé les congés délivrés à MM. [R] [S] et [W] [S], tout en relevant que l'arrêté préfectoral autorisant M. [D] [O], bénéficiaire de la reprise, à exploiter les parcelles louées faisait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Grenoble, et sans constater qu'une décision définitive était intervenue, a violé l'article L. 411-58 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité et l'opportunité d'une décision administrative faisant l'objet d'un recours devant la juridiction administrative ; que la cour d'appel, qui a validé les congés délivrés à MM. [R] [S] et [W] [S], en relevant que l'arrêté préfectoral autorisant M. [D] [O], bénéficiaire de la reprise, à exploiter les parcelles louées faisait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Grenoble, et en retenant que ce recours vise, au titre des motifs, la circonstance que l'opération compromettrait la viabilité de l'exploitation du preneur en place, sans qu'aucun élément justificatif soit aujourd'hui fourni sur ce point, et alors même que l'autorisation a été donnée à M. [D] [U] au regard des priorités et critères d'appréciation du SDREA, à savoir l'installation d'agriculteur, a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

3°/ que le bénéficiaire de la reprise doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires, ou, à défaut, les moyens de les acquérir ; que les juges du fond, pour valider les congés, ont retenu que M. [D] [O] justifiait de la disposition du matériel nécessaire par une « reconnaissance de don manuel » de son père, M. [X] [O], et de capitaux disponibles de 25 396,28 euros au 9 mai 2018 ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, d'une part si les consorts [O] justifiaient de l'existence du matériel, tandis que M. [X] [O], lui-même arboriculteur, n'entendait pas prendre sa retraite, et d'autre part de la disposition de bâtiments permettant au bénéficiaire de loger tant son matériel que ses récoltes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime ;

4°/ que le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine ; qu'il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; que la cour d'appel, qui a validé les congés délivrés à MM. [R] et [W] [S] sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [D] [O], bénéficiaire de la reprise, qui avait pris possession des biens au bénéfice de l'exécution provisoire du jugement, en avait effectivement entrepris l'exploitation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, c'est dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire que la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur la légalité et sur l'opportunité de la décision d'autorisation d'exploiter faisant l'objet d'un recours devant la juridiction administrative, a rejeté la demande de sursis à statuer.

6. En deuxième lieu, ayant relevé que M. [O] justifiait de la disposition du matériel nécessaire à la bonne marche de l'exploitation par la production d'un acte, non contesté dans sa sincérité, de reconnaissance de don manuel, ainsi que de capitaux mobiliers placés sur un plan d'épargne bancaire, elle n'était pas tenue de rechercher si des bâtiments d'exploitation avaient également été mis à sa disposition, cette condition ne figurant pas dans l'énumération des obligations du bénéficiaire de la reprise prévue par l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime.

7. En troisième lieu, saisie d'une contestation a priori des congés et devant apprécier si le bénéficiaire de la reprise en remplissait les conditions de fond en se plaçant à la date d'effet de ces actes, le 12 mai 2019, elle n'était pas tenue de répondre à des allégations dénuées d'offre de preuve sur le défaut d'installation de M. [O] dès l'exécution du jugement de première instance du 24 mai 2019.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. [S] aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. [S] et les condamne in solidum à payer aux consorts [O] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt et un.

Le conseiller doyenle president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour MM. [S]

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir validé les congés délivrés à MM. [R] [S] et [W] [S] par actes d'huissier délivrés le 11 avril 2017, et de leur avoir ordonné de quitter les terres louées,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur les demandes de sursis à statuer et de réintégration des preneurs dans les lieux dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction administrative :

Ces demandes connexes sont motivées par le fait que postérieurement à l'audience de débats devant le tribunal paritaire des baux ruraux, l'EARL Vergers [S] a formé deux recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Grenoble à l'encontre des arrêtés préfectoraux n° 2018 12-191 refusant de l'autoriser à exploiter les parcelles faisant l'objet des baux litigieux, et n° 12 -190 autorisant M. [D] [O] à exploiter les dites parcelles.

Cette demande de sursis ne se heurte pas à la prohibition de l'article 564 du code de procédure civile comme étant le complément nécessaire à la prétention des consorts [S] en première instance visant à faire annuler le congé reposant sur l'autorisation d'exploiter contestée.

L'article L. 411-58 ouvre au tribunal paritaire des baux ruraux, et par voie de conséquence à la cour d'appel par l'effet dévolutif, la possibilité de surseoir à statuer, si la reprise est subordonnée à une autorisation d'exploiter, dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive.

Dans le cas d'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer dès lors que le recours contre l'arrêté d'autorisation d'exploiter n'est pas formée par le preneur à bail mais par une EARL Vergers [S] qui s'est vu refuser, pour sa part, la même autorisation, alors que le recours vise, au titre des motifs, la circonstance que l'opération compromettrait la viabilité de l'exploitation du preneur en place, sans qu'aucun élément justificatif soit aujourd'hui fourni sur ce point, et alors-même que l'autorisation a été donnée à M. [D] [U] [lire [O] ] au regard des priorités et critères d'appréciation du SDREA, à savoir l'installation d'agriculteurs.

Les demandes formées par MM. [S] de sursis à statuer et de réintégration dans les lieux dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction administrative seront rejetées.

Sur la validité des congés

Le tribunal a, par des motifs circonstanciés et pertinents, justement retenu que les consorts [O] justifiaient des conditions nécessaires à la validité de la reprise en ce que :

- M. [D] [O] justifie de la disposition du matériel nécessaire à la bonne marche de l'exploitation par la production aux débats d'un acte intitulé "reconnaissance de don manuel" dont rien ne permet de remettre en cause la sincérité, et de capitaux mobiliers essentiellement placés sur un PEL MOISSON ouvert à la Banque Populaire présentant un solde créditeur de 25 396,28 euros au 9 mai 2018, qui peut être clôturé à tout moment rendant les fonds disponibles,
- il est titulaire depuis juillet 2017 du brevet professionnel option responsable d'exploitation agricole et justifie donc de sa capacité professionnelle au regard des textes applicables,
- le diplôme obtenu par lui après avoir repris des études à l'âge de 23 ans, alors que sa mère, [Y] [O], arboricultrice de son vivant, était décédée en 2009 alors qu'il était encore mineur, et la circonstance qu'il ait déjà travaillé sur l'exploitation de son père, témoignent suffisamment de son intention d'exploiter effectivement les terres.

Le tribunal a encore retenu que M. [D] [O] justifiait d'une autorisation d'exploiter obtenue par arrêté préfectoral du 13 décembre 2018, étant souligné que le recours formé depuis lors n'en suspend pas l'exécution.

C'est donc à bon droit que le tribunal a validé les congés délivrés, et le jugement sera confirmé de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

« sur la régularité des congés délivrés à Messieurs [R] et [W] [S] pour le 11 avril 2017

sur le fondement de l'article L.411-47 du code rural pour défaut de mention de la profession principale du bénéficiaire

Au jour de la délivrance des congés litigieux, Monsieur [D] [O] était étudiant ce qui est expressément précisé dans les actes respectivement délivrés à Messieurs [R] et [W] [S].
Que Monsieur [D] [O] ait ultérieurement, dans l'attente de la date d'effet de la reprise, exerce la profession de "magasinier" ainsi que l'indique l'extrait de relevé bancaire édité le 26 septembre 2017, soit postérieurement à la délivrance du conge et a la fin de l'année universitaire, est sans incidence sur la validité de celui-ci.
Ce moyen de nullité sera écarté.

sur le fondement de l'article L.411-58 et I..41 I-59 du code rural

Sur la compétence professionnelle du bénéficiaire de la reprise pour exploiter

Monsieur [D] [O] justifie être titulaire depuis le mois de juillet 2017 du brevet professionnel, option responsable d'exploitation agricole (BPPEA).
Il justifie donc de sa capacité professionnelle au sens des articles L.331-2, R.331-2 et D.343-4 du code rural.
Ce moyen de nullité sera écarté.

Sur la possession du cheptel et du matériel nécessaire a l'exploitation ou a défaut sur les moyens d'en acquérir

Les parcelles objets de la reprise sont des terres plantées en arbres fruitiers.
Il résulte des pièces produites que Monsieur [D] [O] dispose du cheptel et du matériel nécessaire a l'exploitation ou à défaut sur les moyens d'en acquérir en ce qu'il :

a reçu le 10 janvier 2018 à titre de don manuel de son père également arboriculteur, [X] [O], une série de matériel nécessaire a l'exploitation, ce qui en fait de lui non le possesseur ainsi que le soutiennent les consorts [S], mais le propriétaire dudit matériel a la date d'effet du conge, ce don antérieure a celle-ci n'étant assorti d'aucune condition suspensive ;

dispose de capitaux mobiliers essentiellement places sur un PEL MOISSON ouvert a la BANQUE POPULAIRE présentant a la date du 09 mai 2013 un solde créditeur de 25.396,28 € dont la clôture est possible, a tout moment rendant les fonds disponibles ainsi qu'en atteste l'organisme bancaire détenteur des fonds.
Ce moyen de nullité sera écarté.

Sur le respect par le bénéficiaire du contrôle des structures

Le projet de Monsieur [D] [O] étant soumis à autorisation d'exploiter au titre de l'article L.331-2 et de l'arrêté préfectoral n°18-091 du 27 mars 2018 portant le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) pour la région AUVERGNE-RHÔNE-ALPES, celui-ci a sollicité suivant demande du 25 juillet 2018 une autorisation d'exploiter.
Cette autorisation lui a été accordée par arrêté préfectoral n° 2018/12-190 en date du 13 décembre 2018, l'autorité administrative ayant considéré que celui-ci était par ailleurs prioritaire sur l'autre candidat, à savoir l'EARL VERGERS [S] qui avait déposé une demande d'autorisation d'exploiter concurrente.
En l'état des pièces contradictoirement versées au dossier, Messieurs [R] et [W] [S] ne justifient d'aucun recours contre cette décision formée par l'EARL VERGERS [S] étant en outre précisé que la saisine du tribunal administratif n'empêche pas en tout état de cause la décision attaquée de produire ses effets sauf décision contraire du juge des référés.
Ce moyen de nullité sera rejeté.

Sur la volonté réelle d'exploiter les terres dont Monsieur [D] [O] entend reprendre l'exploitation sont des terres familiales appartenant précédemment à sa mère [Y] [K], épouse [O], de son vivant arboricultrice, décédée le [Date décès 1] 2009, alors qu'il était encore mineur.

Monsieur [D] [O] justifie avoir à l'âge de 23 ans repris des études pour obtenir le 13 juillet 2017 un brevet professionnel, option responsable d'exploitation agricole (BPREA).

Attestation à l'appui, il justifie avoir engagé des démarches avec l'aide de la chambre d'agriculture de la DROME notamment pour solliciter une dotation jeune agriculteur.

Par ailleurs, comme en atteste sa déclaration de revenus 2017, il a ponctuellement travaillé sur l'exploitation de son père. [X] [O], également arboriculteur.

Il a enfin obtenu une autorisation d'exploiter par arrêté préfectoral du 13 décembre 2018.

Il résulte de ces éléments que Monsieur [D] [O], fils d'un couple d'arboriculteurs, a choisi de se réorienter professionnellement à l'âge de 23 ans pour exploiter les terres reçues en indivision avec son père et ses frère et soeur d'un héritage maternel.

Aucun texte n'exige de plan de développement de l'exploitation, ni du bénéficiaire de la reprise que celui-ci ait effectivement obtenu des prêts ou aides à l'exploitation d'autant plus lorsque celui-ci bénéficie déjà de matériel et d'un capital de départ.

Enfin, les arguments développés par les consorts [S] sur le départ à la retraite de Monsieur [X] [O], père de Monsieur [D] [O], outre qu'ils sont purement spéculatifs, sont totalement inopérants, le choix de Monsieur [D] [O] d'exploiter les terres maternelles plutôt que les terres possédées ou a fortiori louées par son père étant strictement personnel et sans effet sur la validité du congé.
Ce moyen de nullité sera rejeté » ;

1) ALORS QU'une décision d'autorisation d'exploiter frappée d'un recours, non suspensif, ne pouvant être considérée comme définitive dès lors qu'elle est susceptible d'annulation, le juge qui, si la reprise est subordonnée à une autorisation au titre du contrôle des structures des exploitations agricoles, peut surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive, ne peut valider le congé que si une telle autorisation a été accordée ; que la cour d'appel, qui a validé les congés délivrés à MM. [R] [S] et [W] [S], tout en relevant que l'arrêté préfectoral autorisant M. [D] [O], bénéficiaire de la reprise, à exploiter les parcelles louées faisait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Grenoble, et sans constater qu'une décision définitive était intervenue, a violé l'article L.411-58 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QU'il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité et l'opportunité d'une décision administrative faisant l'objet d'un recours devant la juridiction administrative ; que la cour d'appel, qui a validé les congés délivrés à MM. [R] [S] et [W] [S], en relevant que l'arrêté préfectoral autorisant M. [D] [O], bénéficiaire de la reprise, à exploiter les parcelles louées faisait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Grenoble, et en retenant que ce recours vise, au titre des motifs, la circonstance que l'opération compromettrait la viabilité de l'exploitation du preneur en place, sans qu'aucun élément justificatif soit aujourd'hui fourni sur ce point, et alors même que l'autorisation a été donnée à M. [D] [U] au regard des priorités et critères d'appréciation du SDREA, à savoir l'installation d'agriculteur, a méconnu le principe de séparation des pouvoirs et l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

3) ALORS QUE le bénéficiaire de la reprise doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires, ou, à défaut, les moyens de les acquérir ; que les juges du fond, pour valider les congés, ont retenu que M. [D] [O] justifiait de la disposition du matériel nécessaire par une « reconnaissance de don manuel » de son père, M. [X] [O], et de capitaux disponibles de 25 396,28 euros au 9 mai 2018 ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, d'une part si les consorts [O] justifiaient de l'existence du matériel, tandis que M. [X] [O], lui-même arboriculteur, n'entendait pas prendre sa retraite, et d'autre part de la disposition de bâtiments permettant au bénéficiaire de loger tant son matériel que ses récoltes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.411-59 du code rural et de la pêche maritime ;

4) ALORS QUE le bénéficiaire de la reprise doit, à partir de celle-ci, se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans soit à titre individuel, soit au sein d'une société dotée de la personnalité morale, soit au sein d'une société en participation dont les statuts sont établis par un écrit ayant acquis date certaine ; qu'il ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; que la cour d'appel, qui a validé les congés délivrés à MM. [R] et [W] [S] sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [D] [O], bénéficiaire de la reprise, qui avait pris possession des biens au bénéfice de l'exécution provisoire du jugement, en avait effectivement entrepris l'exploitation, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.411-59 du code rural et de la pêche maritime.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-14776
Date de la décision : 09/09/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 21 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 sep. 2021, pourvoi n°20-14776


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14776
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