LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 septembre 2021
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 868 F-D
Pourvoi n° Q 19-18.788
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 SEPTEMBRE 2021
M. [R] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 19-18.788 contre l'arrêt rendu le 3 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-de-Haute-Provence, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de M. [S], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence, après débats en l'audience publique du 30 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 mai 2019) et les productions, à l'issue d'un contrôle, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence (la caisse) a, le 17 juillet 2014, réclamé à M. [S], chauffeur de taxi conventionné, un indu au titre des prestations payées entre le 6 juillet 2013 et le 9 février 2014, en raison d'une décision d'invalidation de son permis de conduire résultant de la perte de la totalité de ses points.
2. Cette décision d'invalidation a été annulée le 14 mai 2014 par un tribunal administratif, motif pris d'un vice de procédure, le retrait de points n'ayant pas été précédé de l'information prévue par les dispositions du code de la route.
3. Contestant l'indu réclamé par la caisse, M. [S] a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses trois dernières branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le même moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. M. [S] fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que l'annulation par la juridiction administrative d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'avoir jamais existé ; qu'en retenant que M. [S] avait enfreint l'arrêté ministériel d'invalidation de son permis de conduire, tandis qu'elle constatait que cet arrêté avait été annulé, la cour d'appel a violé le principe général de l'effet rétroactif des jugements d'annulation et le principe de l'autorité au civil de la chose jugée par la juridiction administrative. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 322-5, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, les frais d'un transport effectué en taxi ne peuvent donner lieu à remboursement que si l'entreprise de taxi a préalablement conclu, dans les conditions qu'il prévoit, une convention avec un organisme local d'assurance maladie.
7. La caisse est fondée à réclamer un indu à l'entreprise de taxi, sur le fondement de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, en cas de manquement à l'obligation de loyauté dans l'exécution de la convention.
8. L'arrêt retient que M. [S] a, en vertu d'une décision du 19 juillet 2013 exécutoire de plein droit et régulièrement notifiée, vu son permis de conduire invalidé et a dû le remettre à la sous-préfecture de [Localité 1] le 5 août 2013. Il ajoute que l'intéressé reconnaît, voire revendique, le fait d'avoir conduit son taxi pendant toute la période d'invalidation de son permis de conduire, qu'il a ainsi transporté, pendant toute cette période, des personnes malades ou blessées alors qu'il n'était plus titulaire d'un permis de conduire ni couvert par une assurance valable pour son taxi, tout en se faisant rembourser par la caisse.
9. De ces constatations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis aux débats, la cour d'appel, qui a fait ressortir que M. [S] n'avait pas satisfait à son obligation d'exécution loyale de la convention conclue avec la caisse pour la prise en charge de frais de transports au titre de l'assurance maladie, a exactement déduit que l'organisme était fondé à demander à l'intéressé la restitution des sommes qu'il avait indûment perçues.
10. Par ce seul motif, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. M. [S] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en délais de paiement, alors « que si les juridictions saisies des poursuites en recouvrement n'ont pas le pouvoir de modifier les échéances réglementaires quand il s'agit des cotisations ou des majorations de retard, aucune disposition ne s'oppose à ce que, s'agissant de la répétition du montant de prestations indues, elles accordent des délais de grâce ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 133-29-3 du code de la sécurité sociale, par fausse application, et 1343-5 du code civil, par refus d'application. »
Réponse de la Cour
12. Ni l'article 1343-5 du code civil, ni l'article R. 133-29-3 du code de la sécurité sociale, abrogé par le décret n° 2017-864 du 9 mai 2017, qui porte sur le recouvrement des cotisations et contributions sociales, majorations et pénalités dues par les travailleurs indépendants, ne s'appliquent aux créances des caisses nées sur le fondement de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale.
13. Le moyen est, dès lors, inopérant.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. [S]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR rejeté le recours de M. [S], de l'AVOIR condamné à verser a la CPAM des Alpes-de-Haute-Provence la somme de 32 762,56 euros et de l'AVOIR débouté de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il convient au préalable de relever que J.-T. [S] tente de manière hardie de réécrire une situation passée en sa faveur à la lumière d'une décision de justice postérieure aux faits concernés ; qu'en effet, il y a lieu de rappeler qu'il a, en vertu d'une décision du 19 juillet 2013 exécutoire de plein droit et à lui régulièrement notifiée vu son permis de conduire invalidé et a dû remettre à la sous-préfecture de [Localité 1] le 5 août 2013 ; que J.-T. [S] reconnaît voire même revendique le fait d'avoir conduit son taxi pendant toute la période d'invalidation de son permis de conduire, soit du 6 juillet 2013 au 9 février 2014 ; qu'ainsi, il a transporté pendant toute cette période des personnes malades et/ou blessées alors qu'il n'était plus titulaire d'un permis de conduire et couvert par une assurance valable pour son véhicule taxi et ce, en se faisant rembourser par la CPAM des Alpes de Haute-Provence ; qu'en agissant ainsi, il a délibérément enfreint les dispositions légales et réglementaires relatives à la conduite d'un véhicule automobile ainsi que l'arrêté ministériel d'invalidation de son permis de conduire, mais il a également violé les stipulations de la convention applicable aux taxis le liant à la CPAM ; que cette convention stipule en son article 4 que « seul ouvre droit à remboursement de l'assurance maladie le transport effectué avec un conducteur et un véhicule déclarés dans l'année I de la présente convention » ; qu'elle impose également en son article 3 aux entreprises employant des salariés de produire à la caisse une photocopie de chaque contrat de travail même pour une période de courte activité ; que ce n'est que par courrier du 20 août 2014 qu'il a communiqué à la CPAM les documents relatifs à l'embauche de [T] [Y] en qualité de chauffeur de taxi salarié pour la période du 1er août 2013 au 5 février 2014, le justificatif de la remise de son permis de conduire le justificatif de la remise de son permis de conduire le 5 août 2013 et son certificat d'examen dudit permis de conduire à compter du 6 février 2014 ; que cependant l'article 4 de la convention impose de fournir à la CPAM une information écrite de toutes modifications pour une durée supérieure à 10 jours des éléments déclarés et ce dans les 15 jours calendaire suivant le 1er jour du changement effectif ; qu'en outre, il n'a jamais envoyé pendant la période concernée, la déclaration du véhicule utilisé par ce salarié ; qu'il n'a pas plus mentionné ces modifications dans les états récapitulatifs des années 2013 et 2014 ; que c'est donc par des motifs pertinents que la cour adopte que le jugement déféré a constaté le bien-fondé de l'indu de J.-T. [S] envers la CPAM des Alpes de Haute-Provence à hauteur de 32 762,56 euros ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE M. [S] [R] fait grief à la Caisse de lui réclamer le paiement d'un indu alors que compte tenu du caractère rétroactif du jugement annulant n'invalidation de son permis de conduire les factures réclamées étaient justifiées ainsi que leur prise en charge par la Caisse ; que, la convention applicable aux taxis signée avec la CPAM obligé l'entreprise de taxis à respecter la législation et la réglementation (article 2) ; que l'article 4 stipule que « seul ouvre droit à remboursement de l'assurance maladie le transport effectué avec un conducteur et un véhicule déclarés dans l'année I de la présente convention » ; que toute modification des éléments figurant dans l'état récapitulatif figurant en annexe I fait l'objet d'une information écrite adressée à la Caisse dans les 15 jours calendaires suivant le 1er jour du changement effectif ; que toutefois si la modification ne porte que sur un changement provisoire de conducteur ou de véhicule pour une durée continue inférieure ou égale à 10 jours ouvrés, l'entreprise tient ces informations à disposition ; que le 31 janvier de chaque année civile, l'entreprise signataire adresse à la Caisse signataire un nouvel état récapitulatif daté et signé en remplacement du précédent ; qu'en l'espèce, M. [S] [R] n'a pas informé la Caisse qu'il était sous le coup d'un retrait de permis, ni qu'il avait embauché M. [T] [Y] le 1er août 2013 par un CDD à temps partiel pour le remplacer pendant son indisponibilité pour retrait du permis (article 2 du Contrat à Durée Déterminée) ; que dans les états récapitulatifs des années 2013 et 2014, il n'a pas mentionné ces modifications ; que même s'il ne peut être retenu aucune infraction, compte tenu de l'annulation du retrait de permis, force est de constater que M. [S] [R] n'a pas respecté la convention signée avec la Caisse mais de plus il a établi des factures erronées en se portant comme chauffeur alors qu'il avait embauché M. [Y] pour pallier à son retrait de permis ; que les attestations produites et l'avenant au CDD de M. [Y] du 1er octobre 2013 ne sont pas de nature à apporter la preuve des affirmations de M. [S] [R] alors que celui-ci n'a pas date certaine dès lors qu'il n'a pas été communiqué à la Caisse et alors que dans son attestation du 28 avril 2015 M. [S] [R] ne prétend pas avoir conduit mais se borne à déclarer : « Je soussigné M. [S] [R], agissant en qualité de chef d'entreprise du « Taxi [S] », sise [Adresse 1], atteste un surcroît d'activité pendant la période allant du 7 juillet 2013 au 9 février 2014. Le chiffre d'affaires pour cette période est de 62 025,89 HT contre 33 741,18 euros pour la période précédente allant du 7 juillet 2012 au 9 février 2013. Ce surcroît d'activité m'a conduit à embaucher un salarié pendant la période du 1er octobre 2013 au 5 février 2014 » ; que le jugement du 21 décembre 2016 rendu au profit de la MSA Alpes Vaucluse ne saurait s'imposer dès lors que celui-ci a constaté le désistement de la MSA et alors que les conclusions de la MSA ne permettent pas de connaître le contenu exact de la procédure et notamment de la possible transposition de celle-ci avec les faits objet du présent litige ; que le recours de M. [S] [R] sera donc rejeté et il sera condamné à payer à la CPAM la somme de 32 762,56 euros ;
1°) ALORS QUE l'annulation par la juridiction administrative d'un acte administratif implique que cet acte est réputé n'avoir jamais existé ; qu'en retenant que M. [S] avait enfreint l'arrêté ministériel d'invalidation de son permis de conduire, tandis qu'elle constatait que cet arrêté avait été annulé, la cour d'appel a violé le principe général de l'effet rétroactif des jugements d'annulation et le principe de l'autorité au civil de la chose jugée par la juridiction administrative ;
2°) ALORS QUE M. [S] faisait valoir que son salarié, M. [Y], n'avait pas exécuté de prestations relevant du conventionnement qu'il avait seul assumé ; qu'en lui reprochant néanmoins un défaut de déclaration de ce chauffeur auprès de la CPAM, sans s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE M. [S] faisait également valoir que la sanction de l'article 4 de la convention n'était pas le remboursement, mais la suspension provisoire du paiement des sommes dues par la CPAM ; qu'en laissant sans réponse ses conclusions opérantes, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en se fondant, pour condamner l'exposant au paiement de l'indu, sur la méconnaissance de l'article 3 de la convention applicable aux taxis conclue avec la CPAM, tandis que cette dernière n'invoquait pas le non-respect de cette stipulation, sans inviter préalablement les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR débouté M. [S] de sa demande de se voir accorder un délai de 24 mois pour s'acquitter de sa dette ;
AUX MOTIFS PROPRE QU'il convient de rappeler qu'il n'appartient pas à la cour statuant sur le contentieux du redressement initié par la caisse de sécurité sociale de procéder à des remises gracieuses ou d'accorder le bénéfice de délais de paiement ;
ALORS QUE, si les juridictions saisies des poursuites en recouvrement n'ont pas le pouvoir de modifier les échéances réglementaires quand il s'agit des cotisations ou des majorations de retard, aucune disposition ne s'oppose à ce que, s'agissant de la répétition du montant de prestations indues, elles accordent des délais de grâce ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles R. 133-29-3 du code de la sécurité sociale, par fausse application, et 1343-5 du code civil, par refus d'application.