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03/05/2019 | FRANCE | N°17/18655

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 03 mai 2019, 17/18655


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 03 MAI 2019



N° 2019/ 183













Rôle N° RG 17/18655 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBKSF





[D] [H]





C/





Syndicat CFDT SDM



SA DCNS devenue SA NAVAL GROUP





















Copie exécutoire délivrée

le : 03 Mai 2019

à :



Me Olivier SINELLE, avocat au barreau de TOULON





Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section E - en date du 13 Avril 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/232.







APPELANT



Monsieur [D] [H...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 03 MAI 2019

N° 2019/ 183

Rôle N° RG 17/18655 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBKSF

[D] [H]

C/

Syndicat CFDT SDM

SA DCNS devenue SA NAVAL GROUP

Copie exécutoire délivrée

le : 03 Mai 2019

à :

Me Olivier SINELLE, avocat au barreau de TOULON

Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS - section E - en date du 13 Avril 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/232.

APPELANT

Monsieur [D] [H], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Olivier SINELLE, avocat au barreau de TOULON,

INTIMES

Syndicat CFDT SDM, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 2]

non comparante, non représenté

SA DCNS devenue NAVAL GROUP

représenté par Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Julien DEVAUX, avocat au barreau de PARIS

(SELARL LUSIS AVOCAT, [Adresse 3])

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Février 2019 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Solange LEBAILE, Conseiller

Madame Béatrice THEILLER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Mai 2019.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Mai 2019.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [D] [H], qui avait auparavant exercé des fonctions en tant qu'ouvrier d'Etat sur le site toulonnais de la Direction des Constructions Navales, devenue la Sa Dcn puis Sa Dcns, a signé avec cette dernière, le 26 avril 2004, un contrat de travail de droit privé à durée indéterminée prévoyant un engagement à compter du 1er mai 2004, avec reprise d'ancienneté depuis le 15 septembre 1971, en tant qu'adjoint SST, cadre niveau 15, coefficient 92 de la Convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, avec un temps de travail sur la base d'un forfait de 210 jours par période de référence moyennant une rémunération annuelle brute de 36000 euros versée en douze mensualités, une rémunération variable pouvant s'y ajouter.

Le 29 avril 2011, Monsieur [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Fréjus afin d'obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et diverses sommes au titre de la rupture, d'une discrimination et d'un harcèlement moral, puis le conseil a, par jugement du 13 avril 2012, dit que Monsieur [H] était classé en position II indice 18 échelon 114, condamné la société Dcns à lui payer les sommes de 40.000 euros à titre de salaire pour reconstitution de carrière et 4000 euros à titre de rappel de salaire 'pour interim du responsable', ordonné à l'employeur de remettre un bulletin de salaire mentionnant ces rappels et faisant apparaître sa nouvelle classification, débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la société Dcns aux dépens.

Le 07 mai 2012, dans le délai légal, Monsieur [H] a relevé appel de ce jugement.

L'instance en appel a été radiée par décision du 21 octobre 2016 puis a été réinscrite suite à la demande de Monsieur [H] reçue par le greffe le 26 septembre 2017. L'audience de plaidoirie s'est tenue le 21 février 2019. La Sa Dcns est devenue Naval Group.

Par des conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Monsieur [H] demande à la cour de :

* dire et juger l'employeur irrecevable et pour le moins infondé en ses demandes, fins et prétentions,

* sur la période de remplacement de Monsieur [T] [K], de dire et juger qu'il a bien pourvu au remplacement de ce dernier du 18 avril au 31 décembre 2005, en conséquence, de condamner l'employeur à lui payer la somme de 6607,69 euros au titre des suppléments mensuels de rémunération sur cette période au titre dudit remplacement, conformément à l'article 25 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadre de la métallurgie du 13 mars 1972,

* sur la rémunération, de dire et juger que son positionnement aurait dû être, à compter du 1er mai 2004, classification K, niveau 22, coefficient 135, position II, de dire et juger qu'avec l'évolution de carrière tous les trois ans, conformément à l'article 21 de la convention collective, il aurait dû être porté à la classification M, niveau 23, coefficient 180, position III B en 2013, en conséquence, de condamner l'employeur à lui payer la somme de 360.596,24 euros bruts à titre de rappels de salaires, outre congés payés afférents à hauteur de 10%, soit 36.059,62 euros bruts, et pour le moins celles de 271.786,34 euros bruts à titre de rappels de salaires, outre congés payés afférents, à hauteur de 10%, soit 27.178,63 euros bruts, de condamner l'employeur à lui remettre les bulletins de salaire rectifiés sur la période du 1er mai 2004 au jour de la décision à intervenir, faisant apparaître la classification et qualification retenues, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

* sur la responsabilité de l'employeur, de dire et juger que celui-ci a failli à ses obligations et ainsi engagé sa responsabilité contractuelle à son égard, de condamner l'employeur à lui

payer:

- indemnité conventionnelle: 141.179,43 - 71.834,07 = 69.345,36 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés: 49.480,03 - 23.860,69 = 25.619,34 euros bruts,

- dommages et intérêts au titre du préjudice subi en conséquence de son harcèlement moral: 94.119,67 euros,

- dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en conséquence de la discrimination: 94.119,67 euros,

* sur les frais, condamner l'employeur à lui payer la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur [H] fait valoir que du fait de son licenciement pour inaptitude du 08 août 2018 puis de sa mise à la retraite obligatoire par la Cpam le 1er novembre 2018, il ne sollicite plus le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat mais, outre des rappels de salaires, la réparation de ses préjudices résultant de la violation par l'employeur de ses obligations:

- que les manquements de l'employeur en matière de rémunération sont:

* le non-versement de la somme de 6607,69 euros bruts correspondant au supplément temporaire de rémunération prévu par l'article 25 de la convention collective pour avoir remplacé son supérieur hiérarchique, absent, du 18 avril 2005 au 31 décembre 2005,

* le non-respect à compter du mois de mai 2006 des seuils d'appointements bruts annuels garantis prévus pour les anciens de la Dcn/Scn par l'accord d'entreprise du 11 mai 2014, le tout devant donner lieu à la réévaluation des indemnités perçues lors du licenciement calculées sur le salaire contesté,

* la non-attribution de la qualification et de la classification conventionnelles à compter du 1er mai 2004 dès lors que soumis à un forfait jours, il devait être au moins classé à l'indice 16 position II échelon 100 et non pas au niveau 15 coefficient 92, qu'au vu des fonctions qui ont évolué et qu'en tant que cadre confirmé par promotion, il aurait dû bénéficier, malgré l'absence de diplôme, de la classification K, niveau 22, coefficient 135, position II, puis avec l'évolution conventionnelle de carrière tous les trois ans, de la classification M, niveau 23, coefficient 180, position III B en 2013, alors que Monsieur [K], à cette époque chef de service SST, était classé K, niveau 22, coefficient 135 position IIIA, et que la plupart des chargés de prévention sont passés de 2004 à 2011 de chef de service SST à chef de département SST puis à directeur HSE et étaient en 2011 en position IIIB classe L, ce qui entraîne qu'en application de la convention collective comme du principe ' à travail égal salaire égal', il a droit au paiement des rappels de salaires et de congés payés afférents réclamés, a minima à l'indemnisation de son préjudice eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l'entreprise et correspondant à sa classification en application de l'article L 3121-47 du code du travail puisque soumis à un forfait jours, il ne percevait pas une rémunération en rapport avec les sujétions qui lui étaient imposées,

- qu'il présente des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral dès lors qu'il a été mis au placard, isolé, et a subi le comportement vexatoire de son employeur visant à le discréditer; dès le départ, la classification n'était pas conforme à l'accord d'entreprise bloquant ainsi toute évolution de carrière prévisible, depuis 2004, il a conservé le même salaire, le même statut et la même classification, son salaire minimum garanti a diminué à compter de mai 2006, les autres salariés affectés à un poste similaire ont tous bénéficié d'une évolution de carrière et de salaire important, sur la même période, conformément aux dispositions de l'article 3.3.8 de l'accord d'entreprise, il a même été rétrogradé de manière injustifiée puisqu' il était second dans la hiérarchie du service de santé sécurité au travail en 2004 en tant qu'adjoint SST, soit adjoint au chef du service santé sécurité au travail, a remplacé Monsieur [K] durant son arrêt maladie au pied levé au poste de chargé de prévention du site Dcn de [Localité 1], sans percevoir la rémunération mensuelle de remplacement, n'a pas été nommé à ce même poste lors du départ en retraite de Monsieur [K] le 31 décembre 2005, a occupé ce poste en 2006 puis a été rétrogradé au poste d' animateur SST entre 2007 et 2009 puis de chargé de mission en 2010 et conseiller en prévention début 2011, ses subordonnés en 2004 occupent 'aujourd'hui' des plus importants que lui, ainsi, Madame [Q] occupe un poste égal en 2011 puis supérieur en 2014, Monsieur [O] occupait un rang hiérarchique inférieur en 2006 et 2007; l'employeur a cherché à le remplacer en 2006 en proposant des offres d'emplois sur les fonctions qu'il occupait et qu'il assurait, puis a progressivement confié ses fonctions à d'autres cadres, notamment à Monsieur [V] recruté en 2006 à cette fin; en 2008, il n'a pas bénéficié de l'entretien annuel obligatoire dans les délais et cet entretien, le dernier en date, qui s'est tenu à sa demande, n'a pas donné lieu à appréciation sur son travail en 2007 et n'a pas fixé d'objectifs à atteindre en 2009; il a disparu de certains organigrammes, de l'organigramme du site en 2009, et n'est plus informatiquement renseigné; sur la fiche de circulation du mensuel 'travail sécurité', un espace blanc figure au lieu et place de son nom alors que les noms et prénoms de ses collègues y figurent; ses tâches n'ont plus été clairement définies au fur et à mesure de la suppression de ses fonctions si bien que lors de la réunion du Chsct du 26 septembre 2008, le médecin du travail a déploré cette situation toujours d'actualité; il n'a pas fait l'objet d'une visite médicale de reprise en 2010 après un arrêt de travail de quinze mois puis a été rémunéré ' pour rester chez lui' contre son gré, à son retour, le 15 novembre 2010, il a été placé dans un bureau de 12m2, un autre salarié occupant désormais son ancien bureau de 36m2, depuis cette date, son employeur a cessé de lui fournir du travail; il a ainsi souffert d'insomnies, de pertes de connaissance avec fracture du nez, d'une irritabilité, de prostration, d'apathie, d'addictions, de repli sur soi, de mutisme, d'angoisses et de pertes de mémoire, d'un état dépressif l'obligeant à suivre un traitement de longue durée, le lien entre la dégradation de ses conditions de travail et la détérioration de son état de santé résultant du certificat médical d'un psychiatre, de la déclaration par le médecin du travail destinée à la Direccte aux fins de signalement de maladie à caractère professionnel, du certificat médical du même médecin du travail, du compte rendu du Chsct du 26 septembre 2008, puis du 30 août 2010, d'autres certificats médicaux et d'attestations de témoins; le préjudice en résultant doit comprendre les pertes de rémunération fixe et variable découlant de ses arrêts de travail,

- qu'en application de l'article L 1132-1 du code du travail, il a subi une discrimination syndicale dès lors qu'il a mis fin à ses mandats d'élu Chsct et de responsable syndical le 30 avril 2004 pour se consacrer à ses fonctions, devait bénéficier de la période de protection de six mois jusqu'au 30 octobre 2004, a toujours été syndiqué, s'est présenté aux élections prud'homales fin 2008 et est conseiller prud'homal depuis lors, que c'est à partir de cette date que l'employeur a cessé de lui fournir du travail et que son poste a été modifié de manière arbitraire; que les mesures discriminatoires indirectes ont débuté dès la signature du contrat de par son statut de salarié protégé qui courait jusque fin octobre 2004 caractérisées par une classification initiale empêchant toute évolution de carrière, un positionnement inadéquat dans la grille de salaire, un positionnement, un niveau et un coefficient qui n'ont pas été modifiés depuis 2004 contrairement aux autres salariés qui ont tous bénéficié au minimum d'une évolution de carrière normale et dont les modalités sont de surcroît clairement spécifiées dans l'accord d'entreprise, alors que ses évaluations annuelles sont positives et ascendantes jusqu'en 2007; ses convictions syndicales ont fait l'objet d'oppositions au vu des propos tenus par ses supérieurs hiérarchiques, notamment lors de réunions du Chsct; que son préjudice, qui comprend la perte de salaire résultant de la discrimination, soit consécutive à la classification irrégulière, à l'impossibilité de réaliser des objectifs ouvrant droit aux bonus, à du non-versement d'intéressement et de participation, doit englober la perte de droits à retraite.

Par des conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, l'employeur demande à la cour de débouter Monsieur [H] de l'intégralité de ses demandes, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné au paiement des sommes de 40.000 euros à titre de salaire pour reconstitution de carrière et 4000 euros à titre de rappel de salaire 'pour interim du responsable', lui a ordonné de remettre un bulletin de salaire mentionnant ces rappels et faisant apparaître sa nouvelle classification, de confirmer le jugement pour le surplus et de condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'employeur fait valoir:

- qu'il a attribué au salarié une classification et une rémunération conformes aux fonctions exercées par son salarié: en concluant un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié a bénéficié d'une rémunération plus élevée, passant de 1722,05 euros nets à 2300,79 euros nets; celui-ci ne peut prétendre à une classification automatique en position II et position III dès lors que si l'application volontaire de l'accord non étendu du 29 janvier 2000 portant révision provisoire des classifications lui a permis de bénéficier de la position I de la classification des ingénieurs et cadres de la métallurgie en raison du bénéfice de l'indice 92, étant non diplômé, Monsieur [H] ne pouvait accéder aux positions supérieures que par promotion en application de l'article 21 B de la convention collective, et le salarié a même refusé sa proposition du 28 janvier 2009 de le faire passer en position II en accédant au niveau 16; le salarié n'a pas bénéficié d'une promotion dès lors qu'il n'a fait qu'exercer des fonctions relevant de son poste de d'adjoint SST au regard de l'organisation du domaine de santé sécurité en ayant secondé le chef de service SST pour ses fonctions de chargé de prévention et reçu en copie aux fins d'actions de prévention des correspondances dont était destinataire également le chef de service; la comparaison avec Monsieur [K] et Monsieur [A], placés dans une position différente, n'est pas pertinente; le salarié a bénéficié de la grille de rémunération ' des nouveaux embauchés' sans modification d'un élément déterminant de son contrat de travail puisqu'elle était applicable à ses fonctions et à sa situation dans l'entreprise en conformité avec l'accord du 11 mai 2004 et de ses annexes I et II dès lors que la grille de transposition de rémunération des personnels issus de la Direction des constructions navales ne s'appliquant que dans le contexte de la conclusions d'un contrat de travail de droit privé sur le même poste que celui occupé avant la conclusion du contrat, il a été appliqué à Monsieur [H] cette grille des ' nouveaux embauchés' en ce que, à l'occasion son passage au statut de droit privé, il bénéficiait d'une modification importante de ses fonctions en passant d'ouvrier d'Etat au statut de droit privé et des fonctions d'agent qualité à celles d'adjoint SST,

- que le salarié n'a pas subi un harcèlement moral, que celui-ci n'apporte aucun élément susceptible de caractériser un tel harcèlement: la Cpam a refusé de reconnaître au salarié le bénéfice de la législation sur les accidents et maladies professionnelles, s'agissant de ses troubles anxiodépressif; le salarié invoque une souffrance au travail quant pourtant celui-ci ne se rend pas aux visites médicales des 12 mars 2009, pour vérifier son aptitude à occuper un poste qu'il avait demandé, ce qui a placé le médecin du travail dans l'incapacité de pouvoir mesurer sa situation exacte, et 9 janvier 2012, alors qu'en 2008 et 2011, il a été déclaré apte à l'exercice de ses fonctions; le salarié a bénéficié de la classification correspondant à ses fonctions; il était attendu de Monsieur [H] une exécution de qualité de ses fonctions alors que celui-ci à plusieurs reprises a demandé à d'autres collaborateurs de réaliser des tâches qui lui étaient normalement dévolues, que des opérationnels se sont montrés insatisfaits de son travail par exemple lors de visites sur le terrain, que son travail a parfois dû être repris par son supérieur hiérarchique; le salaire de Monsieur [H] n'a pas diminué pour passer en deçà du salaire minimum garanti à compter de mai 2006 dès lors qu' en tenant compte de tous éléments bruts du salaire, celui-ci a augmenté en passant de 3142 euros au mois de mai 2006 à 3409 euros en juin 2011; il est contradictoire de se plaindre d'avoir été dépourvu de ses fonctions et en même temps d'invoquer une tentative de remplacement aux mêmes fonctions qui n'est pas avérée puisque les offres d'emploi n'avaient pas cet objectif; à l'issue de son arrêt de travail en 2010, le salarié a demandé à pouvoir bénéficier de l'intégralité des jours acquis de son compte épargne temps à compter du 26 juillet 2010 pendant une période de médiation et de négociations en vue d'une éventuelle rupture conventionnelle, ce qui est contradictoire avec une prétendue volonté de son employeur de le priver de son travail,

- que Monsieur [H] n'a subi aucune discrimination syndicale, que celui-ci ne fournit aucun élément suffisant permettant de laisser supposer l'existence d'une telle discrimination: Monsieur [H] n'occupe aucun mandat syndical au sein de la Dcns [Localité 1], il est adhérent à la Cfdt; au moment de la saisine du conseil de prud'hommes, l'établissement de [Localité 1] compte une représentation syndicale importante et le salarié n'a pas été différemment traité; les observations dont il se plaint de la part de sa hiérarchie ne lui ont pas été faites en raison de ses convictions syndicales mais de la manifestation d'un parti pris de sa part,

- que c'est le salarié qui a adopté un comportement d'opposition et de défiance vis à vis de sa Direction et a ainsi abandonné ou refusé diverses mesures en vue de son évolution professionnelles avec en point d'orgue le rejet de toutes les solutions envisagées dans le cadre d'une médiation à la fin de l'année 2009 puis fin 2010, à son retour d'arrêt maladie, le rejet du contenu d'une fiche de poste de référent SST pour toutes les interventions des entreprises extérieures sur le site de Dcns [Localité 1] alors que cette proposition visait à répondre une nouvelle fois à une demande d' évolution professionnelle,

- que le montant des demandes est disproportionné, que le salarié a rompu des négociations le 27 octobre 2010 en vue d'une rupture conventionnelle qui prévoyait le versement à son profit d'une somme conséquente de 163.000 euros uniquement en raison du fait qu'il était redevable de charges sociales et de l'impôt sur le revenu sur ce montant, qu'il a ainsi annulé sa demande de fin de congé sans salaire auprès de son corps d'origine pour prolonger de deux années ce congé à compter du 31 octobre 2010 ' pour poursuivre son activité au sein de DCNS [Localité 1]' et a renoncé à son départ en cessation d'activité des travailleurs de l'amiante.

MOTIFS :

Sur la classification et la rémunération:

Il ressort des éléments, notamment contractuels, fournis de part et d'autre, que Monsieur [H], qui exerçait auparavant un emploi d'agent qualité, est devenu à compter du 1er mai 2004, avec reprise d'ancienneté, adjoint SST statut cadre sur le site de [Localité 1], ce qui consistait essentiellement à, placé sous la hiérarchie du chef de service SST, encadrer du personnel cadre et non cadre en charge du système sécurité, de l'application de la sécurité, des accidents du travail, du secrétariat, contribuer à la politique, l'organisation et la gestion du service SST, assurer la fonction de chargé de prévention lui conférant des attributions et responsabilités au profit de toute la chaîne organique de l'établissement en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail avec un rôle d'animation, de coordination, de conseil et de surveillance en priorité dans le domaine santé sécurité.

En application des dispositions en matière de classification et de rémunération de l'accord d'entreprise du 11 mai 2004, qui complétaient la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, tous les deux applicables à la relation contractuelle, Monsieur [H], ouvrier d'Etat ayant opté pour la conclusion d'un contrat de droit privé tel qu'envisagé par le décret 2002-832 du 3 mai 2002, devait se voir reconnaître la classification prévue par la convention collective précitée en tant que cadre tel que défini dans l'esprit de l'accord national de la métallurgie du 29 janvier 2000, suivant un positionnement tenant compte de son ancien statut et de ses fonctions auparavant exercées au sein de la Dcn.

Il ressort des éléments contractuels que la classification prévue par le contrat de travail résulte de l'application de l'accord non étendu du 29 janvier 2000, notamment de ses articles 3 et 4, suivant lesquels aux articles 1er, 21 et 22, ce dernier prévoyant notamment une position I englobant les indices 60 à 76 dépendant de l'âge du début des fonctions et de l'ancienneté, de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, il est ajouté parallèlement à la position I et sans condition d'âge ou d'ancienneté, les six coefficients de classement suivants: 60, 68, 76, 80, 86, 92, ce dernier coefficient ayant été attribué au salarié , ce qui le plaçait au niveau 15 de la grille de transposition, alors que ne possédant pas le diplôme requis, ce n'est qu'en tant que cadre confirmé par promotion que ce dernier pouvait bénéficier d'une position supérieure en application de l'article 21 de la convention collective.

Or, au vu des éléments fournis, Monsieur [H], qui d'ailleurs invoque le non-respect des grilles de seuils d'appointements bruts annuels garantis prévus par l'accord du 11 mai 2004 par simple déduction de mentions portées sur les bulletins de paie d'avril, mai et juin 2006, seuls versés aux débats, ne justifie en rien d'une perte de rémunération à ce titre. De surcroît, le salarié ne pouvait prétendre à une position supérieure à la position I et à une rémunération plus élevée ni en application de la convention collective, faute de pouvoir bénéficier d'une position II ou III, ni suivant des seuils d'appointement bruts annuels garantis correspondant à la grille de rémunération qui lui était applicable, soit la grille de rémunération ' des nouveaux embauchés' correspondant à sa situation dans l'entreprise en conformité avec l'accord du 11 mai 2004 et de ses annexes I et II , puisqu'auparavant ouvrier d'Etat affecté au poste d'agent qualité, et indépendamment d'une simple reprise d'ancienneté, il ne devait pas bénéficier d'une grille de transposition des personnels issus de la Dcn/ Scn, ayant opté pour un contrat de travail de droit privé sur un poste sensiblement différent du précédent moyennant une rémunération significativement plus élevée.

Par ailleurs, c'est à tort que le premier juge a considéré qu'en application de l'article 3.2.4.2 de l'accord du 11 mai 2004, le salarié devait bénéficier de l'indice 16 position II de la convention collective dès le mois de mai 2004 en raison de sa soumission à un forfait jours, alors qu'il se déduit uniquement de cet article que les personnels issus de Dcn Scn dont le niveau est 17 à 22 de la position II de la convention collective doivent se voir proposer de préférence un contrat en forfait jours, et que ceux placés à partir du niveau 22 position III A et les cadres autonomes nouveaux embauchés doivent se voir proposer des contrats en forfait jours.

De même, le salarié, qui prétend pouvoir obtenir l'indemnisation d'un préjudice en application de l'article L 3121-47 du code du travail dans sa version applicable au litige, invoque des sujétions dont il ne justifie pas puisqu'il s'agit de l'exécution de tâches, y compris à l'extérieur de l'établissement, relevant de ses fonctions contractuellement définies , notamment d'animation, de formation, de coordination, de gestion, préparation, participation et suivi de réunions du Chsct, de contribution à la politique de prévention de santé sécurité de l'établissement.

Monsieur [H] sera donc débouté de toutes ses demandes, notamment pécuniaires, formées à ces divers titres.

En revanche, il résulte des éléments d'appréciation, notamment de commentaires portés sur les entretiens annuels d'appréciation par le directeur fonctionnel SST groupe qui avait recueilli des informations à cette fin provenant de la hiérarchie de l'établissement de [Localité 1], de l'attestation d'un ancien responsable en matière de santé sécurité qui confirme ainsi l'attestation de Monsieur [K] qui affirme avoir été remplacé par Monsieur [H] pendant son absence, d'échanges de courriels entre Monsieur [H] et d'autres membres de l'entreprise ou entre ces derniers, que, déjà fortement impliqué, compte tenu de ses qualités, notamment de communiquant, le salarié a, du 18 avril 2005 au 31 décembre 2005, remplacé le chef de service SST, absent suite à un accident domestique, notamment en ayant assuré le traitement de tâches normalement dévolues au chef de service en coordination avec d'autres services dont il est devenu l'interlocuteur en cette qualité, réceptionnant et traitant le courrier du chef de service SST.

Il s'en suit que le salarié peut prétendre au bénéfice du supplément temporaire de rémunération prévu par l'article 25 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 qui énonce:'Dans le cas où un ingénieur ou cadre assurerait pendant une période qui s'étendrait au-delà de trois mois l'intérim d'un poste de classification supérieure entraînant pour lui un surcroît de travail ou de responsabilité, il bénéficiera, à partir du quatrième mois et pour les trois mois écoulés, d'un supplément temporaire de rémunération. Ce supplément mensuel sera égal aux trois quarts de la différence entre les appointements minima garantis applicables pour sa position repère et les appointements minima garantis applicables pour la position repère du cadre dont il assure l'intérim; les appointements minima garantis sont ceux fixés par le barème national en vigueur pour le mois considéré.'

Au vu des éléments d'appréciation, et seulement à titre de rappel de salaire à titre provisoire indépendamment de toute reclassification, de toute autre incidence sur des indemnités et de toute rectification de bulletins de paie que le salarié ne sollicite pas en conséquence de l'application de l'article 25 de la convention collective, il sera alloué à Monsieur [H] la somme de 6607,69 euros bruts, ce montant n'étant pas sérieusement contesté.

Sur la discrimination:

Monsieur [H] fait valoir qu'en raison de ses anciens mandats électifs, de son appartenance au syndicat Cfdt et de son élection en tant que conseiller prud'homal à compter de la fin de l'année 2008,

- en premier lieu, il n'aurait pas bénéficié d'une classification lui permettant d'évoluer professionnellement et aurait été sous positionné dans une grille de salaire inadéquat, alors que la non application de la classification et de la grille de salaire revendiquées ne résultaient que de l'application, suivant des critères objectifs, de la convention collective et de l'accord d'entreprise auxquels était soumise la relation de travail;

- en second lieu, il n'aurait pas bénéficié de l'évolution de carrière en rapport avec son travail de qualité et les appréciations positives de sa hiérarchie, alors que rien ne permet de relier une absence de progression à son appartenance syndicale,

* dès lors, d'une part, qu'aucun lien suffisant ne peut être établi entre cette appartenance et:

. le comportement reproché à Monsieur [B], son supérieur hiérarchique dans les derniers temps, auquel il est plutôt globalement reproché des carences managériales, puisqu'il s'agit de mettre en exergue un seul événement ponctuel survenu à l'occasion de la visite d'un navire au cours du mois de mai 2008 qui se résume à une altercation générée par des positions divergentes entre les membres du Chsct, l'inspecteur du travail des armées et les représentants de la Direction sur la nécessité ou non de porter un masque de protection dans un lieu exploré à la suite du signalement de travaux susceptibles de libérer des fibres d'amiante,

. un comportement de l'ensemble de sa hiérarchie qui aurait tenu des propos ou adopté une attitude laissant transparaître la prise en compte négative de son appartenance syndicale qui ne se déduit d'aucun élément suffisamment sérieux et probant, ce que ne peut permettre d'établir ni l'attestation d'un délégué syndical ayant assisté à une rencontre entre le salarié et le directeur des ressources humaines et Monsieur [B] le 28 janvier 2009 au cours de laquelle, selon le responsable syndical témoin, notamment, le salarié ' a évoqué devant le DRH M [F] [W] le fait d'être accusé de comportements ne correspondant pas à sa fonction de cadre, de ne pas tenir son poste, d'agir en syndicaliste, de ne pas faire corps avec la direction en particulier sur les questions relatives au port d'équipement de protection individuel sur un navire de la Marine Nationale contenant de l'amiante. Propos que la DRH n'a pas démenti.', ni l'extrait d'un compte-rendu de réunion du Chsct du 26 septembre 2008 qui mentionne que Monsieur [B] a indiqué, à propos de Monsieur [H] : ' Je pense que les personnes qui l'ont embauché à l'époque lui ont fait beaucoup de promesses qui n'ont pas été tenues. Il est arrivé au constat qu'on ne faisait pas appel à lui. D'autre part, en certaines circonstances, j'ai considéré qu'il n'était pas dans le rôle d'un délégué de la direction et je le lui ai dit. Lorsque je suis rentré de vacances, on m'a informé qu'il était en maladie depuis le lendemain du jour ou nous avions eu cet entretien. Il a été reçu par la fonction RH, assisté d'un délégué syndical qui a fait une analyse extrêmement pertinente de la situation et a conclu en disant que la décision était prise de sortir d'une fonction dans laquelle la personne qu'il représentait se sentait en porte à faux entre sa sensibilité profonde de protéger les gens et son appartenance à la direction. Pour ma part, je comprends très bien qu'il vive mal cette situation et je considère qu'il a fait preuve de beaucoup de résistance en n'ayant pas 'craqué' plus tôt.', ni des écrits du salarié aux fins notamment de revendication d' une meilleure considération dans l'entreprise au sein lesquels celui-ci livre sa propre interprétation de divers échanges et situations, par ailleurs non établis dans leur exacte consistance et circonstances, à l'occasion desquels son engagement syndical aurait pu être évoqué,

* dès lors, d'autre part, que si l'appréciation de ses qualités professionnelles par sa hiérarchie sont plutôt positives et si son expérience et ses aptitudes de communiquant ont même été prises en considération par l'employeur afin, dans les premiers temps, de seconder et remplacer son supérieur hiérarchique direct à l'époque, aucun élément ne permet de supposer qu'il n'aurait pas profité de mesures, d'un statut, de promotions ou d'une rémunération reconnus à des salariés alors qu'il aurait été placé dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, ce que ne font pas ressortir, au cours de la relation contractuelle concernée, ayant débuté le 1er mai 2004, ainsi d'une durée relativement modeste pour apprécier une 'évolution de carrière', une classification et une rémunération conformes à sa situation objective dans l'entreprise, au contrat de travail et aux textes applicables à la relation contractuelle, Monsieur [H] ne se comparant précisément à aucun panel de salariés entrés en fonction dans l'entreprise à peu près à la même date que lui, au même niveau ou très voisin, et avec une formation et une expérience équivalentes, et se prétendant par ailleurs moins bien traité que d'autres salariés qui pourtant, soit n'étaient pas placés dans une situation comparable à la sienne dès lors qu'ils occupaient à l'origine des postes supérieurs conformément à leur situation dans l'entreprise et aux textes applicables, soit, s'agissant d'autres chargés de prévention, et en l'absence de tout élément précis sur ce point, ne bénéficiaient pas dans une proportion significative d'un positionnement supérieur au sien, étant ajouté qu'encore faudrait-il relier un tel positionnement s'il existait à l'exercice de mêmes fonctions, soit, encore, s'agissant de Madame [Q], agent de prévention sécurité, était seulement placée dans un organigramme de juin 2014 juste au-dessus de lui dans le domaine SST sans autre élément sur la situation réelle de celle-ci et les conditions dans lesquelles elle a accédé à un poste dont les avantages par rapport à la situation de Monsieur [H] ne sont pas définis, soit, enfin, s'agissant de Monsieur [O], était situé au sein de ce même organigramme dans un autre domaine que le sien, et serait passé a priori en au moins huit ans d'un emploi de conseiller environnement à un poste de responsable ' domaine incendie', manifestement plus étroit et moins transversal que celui occupé par Monsieur [H] qui n'allègue ni ne justifie qu'un tel poste aurait toutefois été concrètement plus avantageux ou même s'être porté candidat pour l'exercer.

Ainsi, au vu des éléments fournis de part et d'autre, considérés ensemble, Monsieur [H] sera débouté de ses demandes fondées sur l'existence d'une discrimination syndicale en application de l'article L 1132-1 du code du travail comme sur une entorse au principe ' à travail égal salaire égal'.

Sur le harcèlement moral:

En application des dispositions de l'article L 1152-1 du code de travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

En vertu de l'article L 1154-1 du même code, la salariée doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les éléments de fait présentés par le salarié qui sont matériellement établis au vu des éléments qu'il fournit et qui, considérés ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral dès lors qu'il ont eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel, ont débuté en 2008, date à compter de laquelle son employeur a montré une volonté manifeste de ne plus l'évaluer, de ne plus le questionner sur ses choix d'évolution professionnelle et de ne plus lui fixer des objectifs; lors de la réunion du Chsct du 26 septembre 2008, le supérieur hiérarchique direct de Monsieur [H] a tenu des propos qui mettent en évidence qu'il avait lui-même perçu et compris un état de souffrance exprimé par son subordonné qu'il reliait au contexte professionnel en évoquant même un entretien qu'il avait eu avec Monsieur [H] à la suite duquel celui-ci avait été placé en arrêt maladie; cette même réunion a été l'occasion pour le médecin du travail de rappeler avoir constaté que l'arrêt de travail pour maladie du salarié durant plusieurs semaines était en relation directe avec sa situation professionnelle et que s'il avait autorisé une reprise du poste d'adjoint SST, il avait toutefois constaté et mentionné sur la fiche d'aptitude ' le flou du contour de ce poste' en ajoutant qu'il serait ' très attentif à ce que cette situation ne perdure pas dans le temps'; un ancien responsable de l'entreprise en matière de santé et de sécurité au travail atteste de l'isolement dans lequel l'employeur a placé Monsieur [H] qu'il croisait parfois en errance dans les rues de l'arsenal et qu'il devait réconforter, dont la fiche de poste a été demandée en vain par le médecin du travail avec lequel il a collaboré pour venir en aide à son collègue; cette mise à l'écart du service et de ses collègues, notamment en raison de l'absence de fourniture de travail qui explique la réticence de l'employeur à définir précisément le poste occupé, telle que décrite par l'auteur de l'attestation et qui est même suggérée par le médecin du travail, a donné lieu à plusieurs alertes de la part du salarié qui s'en est ouvert tant auprès de sa hiérarchie que de l'inspecteur du travail des armées, essentiellement à compter de l'année 2009; l'employeur n'y a répondu qu'en proposant une réaffectation du salarié et en mettant, en vain, tout en oeuvre pour parvenir à ce que ce-dernier s'y résolve, puis, à défaut d'être parvenu à la solution qu'il envisageait, a imaginé une sortie par rupture conventionnelle qui n'a pas abouti en raison d'un désaccord manifesté par le salarié sur le montant d'une indemnisation qui comprenait notamment le dédommagement d'un harcèlement moral à hauteur de 20.000 euros; ce n'est qu'en considération de cet échec que le salarié a indiqué par courrier d'octobre 2010 qu'il reprendrait son travail à la fin de ce même mois, ce qui ne s'est accompagné d'aucune visite médicale; or, la détérioration de l'état de santé du salarié a bien été observée par un collègue de travail particulièrement expérimenté et oeuvrant à un poste de responsabilité en matière de santé et sécurité au travail, puis le salarié a été en arrêt de travail de manière récurrente à compter de l'année 2008, le médecin du travail a diagnostiqué un syndrome anxiodépressif avec l'évocation d'une ' sous-charge' de travail et d'un 'manque de reconnaissance'.

L'employeur ne prouve pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il réplique que Monsieur [H] n'aurait pas toujours accompli ses fonctions de manière satisfaisantes suivant les constatations de son supérieur hiérarchique, alors qu'un tel constat, à le supposer légitime, ce que le parcours professionnel du salarié ne met pas en évidence, ne justifie pourtant pas des évaluations lui permettant de l'étayer, alors qu'il avait lui-même relevé que la solution à la situation de son subordonné, dont il avait perçu manifestement la position inconfortable au sein de son service et compris la souffrance qui pouvait en résulter, devait passer notamment par une réaffectation à la suite de désaccords portant essentiellement sur la posture à adopter dans certaines circonstances. L'employeur observe en outre que le salarié aurait manifesté une opposition systématique dans le cadre de l'exercice de ses fonctions et à toutes les solutions qu'il a recherchées pour son évolution professionnelle au sein de l'entreprise et qu'il aurait finalement opté pour un maintien dans l'entreprise en dépit de ce qu'il disait avoir vécu, quand pourtant les démarches constructives que l'employeur s'attribue ne sont pas exclusives d'une situation de harcèlement moral subie par son salarié auquel il reproche une volte face alors que la durée, le nombre et le contenu des échanges avec celui-ci, comme la diversité des solutions imaginées dans l'unique objectif d'une réaffectation ou sortie des effectifs, mettent plutôt en évidence l'absence de points de convergence sur l'évolution professionnelle de Monsieur [H] qui avait à coeur de voir indemniser à hauteur de ce qu'il estimait être à juste proportion les divers préjudices en lien partiel avec un état de souffrance dont il se plaignait, notamment au titre d'un harcèlement moral, depuis plusieurs années, un tel contexte ne devant pas pour autant le contraindre à quitter son emploi, ce qui aurait pu être l'aveu, notamment au regard de sa culture syndicale, d'une fin de résistance mentalement plus dommageable.

Au vu des éléments fournis de part et d'autre, pris ensemble, est établie l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il y a donc lieu d'allouer en réparation du préjudice subi par le salarié, en considération notamment de la nature et de la durée des faits établis de harcèlement, la somme de 20.000 euros nets à titre de dommages et intérêts.

Sur la réparation de préjudices distincts:

Le salarié ne justifie pas de l'existence et de l'étendue de préjudices distincts qui découleraient de l'inexécution d'obligations contractuelles ou d'une exécution déloyale du contrat de travail. Il sera débouté du surplus de ses demandes indemnitaires.

Sur les frais irrépétibles:

En équité, il sera alloué au salarié la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens:

Les entiers dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'employeur, qui succombe partiellement.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société DCNS devenue Naval Group à payer à Monsieur [D] [H] les sommes suivantes:

- 6.607,69 euros bruts à titre de rappel de salaire,

- 20.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la société DCNS devenue Naval Group aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierM.Thierry CABALE, conseiller faisant fonction de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-6
Numéro d'arrêt : 17/18655
Date de la décision : 03/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°17/18655 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-03;17.18655 ?
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