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08/09/2021 | FRANCE | N°20-13933

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 septembre 2021, 20-13933


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 septembre 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 944 F-D

Pourvoi n° G 20-13.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

M. [K] [B], domicilié [Adre

sse 1], a formé le pourvoi n° G 20-13.933 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litig...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 septembre 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 944 F-D

Pourvoi n° G 20-13.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021

M. [K] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-13.933 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société C2IP, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société C2IP a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [B], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société C2IP, après débats en l'audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société C2IP du désistement de son pourvoi incident.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 19 décembre 2019), suivant contrat de travail du 28 septembre 2008, M. [B] a été engagé par la société C2IP en qualité d'ingénieur informaticien.

3. Par lettre recommandée du 26 mai 2014, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

4. Le 26 décembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires pour la période du 1er avril 2013 au 28 février 2014, de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, en requalification de la prise d'acte du 23 mai 2014 en une démission et, en conséquence, de le débouter de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et de le condamner à payer à son employeur une indemnité compensatrice de préavis, alors :

« 1°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en considérant que le décompte communiqué par le salarié ne permettait pas d'étayer suffisamment et sérieusement sa demande, après avoir pourtant constaté que ce décompte mentionnait, pour chaque jour travaillé, ses heures de début et de fin de travail, ses temps de trajet quotidiens et son temps de pause déjeuner de sorte qu'il était suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en considérant qu'il ressort de la lecture de l'agenda du salarié que la charge de travail confiée ne nécessitait pas l'accomplissement d'heures supplémentaires, après avoir pourtant constaté que cet agenda avait pour unique fonction de permettre à l'employeur de visualiser la disponibilité du salarié pour lui fixer des rendez-vous et n'avait pas vocation à servir de comptes rendus journaliers des heures effectuées, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

6. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

7. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

8. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

9. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées au cours de la période du 1er avril 2013 au 28 février 2014 et des congés payés afférents, l'arrêt relève qu'il communique uniquement un décompte sur lequel il a reporté, pour chaque jour travaillé, ses heures de début et de fin de travail, ses temps de trajet quotidiens et son temps de pause déjeuner. L'arrêt ajoute qu'il ressort de la lecture de son agenda que la charge de travail confiée ne nécessitait pas l'accomplissement d'heures supplémentaires.

10. L'arrêt retient que, dès lors, le décompte communiqué, qui n'est corroboré par aucun témoignage de clients ou de salarié de la société, ne permet pas d'étayer suffisamment et sérieusement sa demande.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies afin de permettre à l'employeur de répondre, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [B] de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents au titre de la période du 1er avril 2013 au 28 février 2014 et d'indemnité pour travail dissimulé, en ce qu'il requalifie la prise d'acte du 23 mai 2014 en une démission et déboute M. [B] de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il le condamne à payer à la société C2IP la somme de 8 245,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et en ce qu'il laisse à sa charge ses dépens de première instance et d'appel et le déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société C2IP aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société C2IP et la condamne à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [B], demandeur au pourvoi principal

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, D'AVOIR débouté M. [B] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires pour la période du 1er avril 2013 au 28 février 2014, de congés payés y afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, D'AVOIR requalifié la prise d'acte du 23 mai 2014 en une démission et, en conséquence, D'AVOIR débouté M. [B] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail et de L'AVOIR condamné à payer à son employeur une indemnité compensatrice de préavis ;

AUX MOTIFS QUE sur les heures supplémentaires, M. [B] a signé un avenant à son contrat le 22 mars 2013 modifiant notamment la durée de travail ; que l'article 4 « durée du travail, horaires, congés payés » est rédigé comme suit : « la durée hebdomadaire de travail de M. [B] est de trente-cinq heures, à laquelle s'ajoutent quatre heures supplémentaires, soit cent soixante-neuf heures par mois. Du fait de la fréquence des interventions hors site de M. [B], la répartition de l'horaire s'avère impossible, M. [B] s'engage expressément à communiquer mensuellement à son employeur la fiche de mission pour le mois écoulé, sur laquelle il aura indiqué le détail de ses heures de travail ; ce relevé sera signé du salarié. M. [B] pourra être amené à effectuer des heures supplémentaires sur demande de l'employeur, selon les conditions légales et conventionnelles en vigueur. M. [B] aura droit aux congés payés prévus par les articles L. 3141-1 et suivants du code du travail et par la convention collective applicable dans l'entreprise » ; qu'il convient de distinguer la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'avenant du 22 mars 2013 de la période postérieure ; que, pour la période du 1er avril 2013 au 28 février 2014, le salarié communique, pour étayer sa demande, uniquement un décompte sur lequel il a reporté, pour chaque jour travaillé, ses heures de début et de fin de travail, ses temps de trajet quotidiens et son temps de pause déjeuner ; que cependant, il n'est pas contesté que M. [B] n'a jamais remis à son employeur son relevé d'heures mensuelles comme prescrit dans son avenant de contrat de travail ; que le salarié justifie cette absence de remise par l'injonction qui lui était faite de remplir des relevés d'heures erronés, basés sur les temps de travail théoriques ; que l'employeur conteste avoir demandé à M. [B] de réaliser des heures supplémentaires ; que l'avenant du 22 mars 2013 précise que « M. [B] pourra être amené à effectuer des heures supplémentaires sur demande de l''employeur, selon les conditions légales et conventionnelles en vigueur » ; qu'il ressort de la lecture de l'agenda du salarié que la charge de travail confiée ne nécessitait pas l'accomplissement d'heures supplémentaires ; que dès lors, le décompte communiqué, qui n'est corroboré par aucun témoignage de clients ou de salariés de la société, ne permet pas d'étayer suffisamment et sérieusement la demande de M. [B] ;

ALORS, 1°), QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en considérant que le décompte communiqué par le salarié ne permettait pas d'étayer suffisamment et sérieusement la demande de M. [B], après avoir pourtant constaté que ce décompte mentionnait, pour chaque jour travaillé, ses heures de début et de fin de travail, ses temps de trajet quotidiens et son temps de pause déjeuner de sorte qu'il était suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

ALORS, 2°), QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en considérant qu'il ressort de la lecture de l'agenda du salarié que la charge de travail confiée ne nécessitait pas l'accomplissement d'heures supplémentaires, après avoir pourtant constaté que cet agenda avait pour unique fonction de permettre à l'employeur de visualiser la disponibilité du salarié pour lui fixer des rendez-vous et n'avait pas vocation à servir de comptes rendus journaliers des heures effectuées, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-13933
Date de la décision : 08/09/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 19 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 sep. 2021, pourvoi n°20-13933


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.13933
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