LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2 / ELECT
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 juillet 2021
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 889 F-D
Pourvoi n° G 21-60.121
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUILLET 2021
M. [Z] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-60.121 contre le jugement rendu le 11 juin 2021 par le tribunal de proximité de [Localité 1] (contentieux des élections politiques), dans le litige l'opposant à Mme [Y] [B], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal de proximité de [Localité 1], 11 juin 2021), rendu en dernier ressort, M. [U], électeur inscrit sur la liste électorale de la commune de [Localité 1], a saisi un tribunal de proximité pour contester la décision de la commission de contrôle d'inscrire sur cette liste Mme [B].
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. M. [U] fait grief au jugement de rejeter sa contestation de l'inscription de Mme [B] sur la liste électorale de la commune de [Localité 1], alors que la règle de la publicité des débats est l'un des principes directeurs du procès ; qu'en l'espèce, la présidente d'audience, après avoir rappelé l'interdiction absolue de procéder à l'enregistrement des débats, a décidé, « sans ordonner le huis clos, ni constater que la publicité de l'audience serait dangereuse pour l'ordre, la sérénité des débats, la dignité de la personne ou les intérêts d'un tiers », de maintenir le public hors de la salle d'audience ; que le tribunal a donc violé l'article 22 du code de procédure civile.
Réponse de la Cour
3. Le jugement, qui fait foi jusqu'à inscription de faux relativement aux faits qui se sont déroulés en la présence du juge, mentionne que l'audience s'est tenue publiquement.
4. Dès lors, le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. Il est fait le même grief au jugement alors que le principe de la contradiction est l'un des principes directeurs du procès ; qu'en l'espèce, le jugement s'est fondé sur le fait que « le 10 mai 2021, Mme [B] était déclarée en qualité de cotitulaire du contrat de fourniture d'électricité auprès d'EDF avec son concubin du logement situé (...) à [Localité 1] » ; que Mme [B] s'est prévalue de cette pièce qui était en possession du représentant de la commune de [Localité 1], le jour de l'audience ; que l'avocat de Mme [B] a sollicité la remise de cette pièce auprès de la représentante de la commune de [Localité 1], qui la détenait, puis l'a remise au tribunal, à la toute fin des débats, sans qu'une copie n'ait été communiquée, ni à M. [U], ni à son conseil, en conséquence de quoi elle n'a pas pu être discutée contradictoirement ; que le tribunal a donc violé l'article 16 du code de procédure civile.
Réponse de la Cour
6. La procédure en matière de contentieux des listes électorales étant orale, les pièces sont présumées, sauf preuve contraire, non rapportée en l'espèce, avoir été communiquées et discutées contradictoirement.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
8. Il est fait le même grief au jugement alors que la commune n'est pas partie au procès, en matière électorale ; qu'en conséquence, le tribunal n'aurait pas dû retenir la pièce produite par la commune de [Localité 1], avant la clôture des débats, qui rendait compte de ce que « le 10 mai 2021, Mme [B] était déclarée en qualité de cotitulaire du contrat de fourniture d'électricité auprès d'EDF avec son concubin du logement situé (...) à [Localité 1] » ; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal a méconnu les articles R. 18 du code électoral et 16 du code de procédure civile.
Réponse de la Cour
9. Il ne résulte des mentions du jugement, ni que la commune de [Localité 1] était partie à l'instance, ni qu'elle avait été invitée à présenter des observations.
10. Le jugement énonce, par ailleurs, que c'est Mme [B] qui a produit la pièce de laquelle il résultait que le 10 mai 2021, elle était déclarée, avec son concubin, en qualité de cotitulaire du contrat de fourniture d'électricité souscrit auprès d'EDF, pour le logement situé à [Localité 1].
11. Dès lors, le moyen manque en fait.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
12. Il est fait le même grief au jugement alors que le critère d'établissement stable et durable ne doit pas être détaché de la condition de domicile réel imposée par l'article L. 11, I, 1°, du code électoral et qu'il est de jurisprudence constante que le domicile réel recouvre le lieu où chaque français a, à la fois, son principal établissement, ainsi que sa résidence stable recouvrant une installation durable ; qu'en l'espèce, M. [U] avait démontré qu'il était impossible que Mme [B] ait fixé son domicile réel dans la commune de [Localité 1] dès lors qu'elle exerce son activité professionnelle à [Localité 2], que ses enfants ne sont pas scolarisés à [Localité 1], que tous ses justificatifs de domicile sont postérieurs à son inscription, à l'exception de l'attestation de cotitularité du contrat souscrit avec EDF, que certains de ses justificatifs de domicile ont été établis par les services de son propre ministère, de sorte qu'ils ne pouvaient pas être retenus, en vertu de l'adage suivant lequel « nul ne peut se faire de preuve à soi-même », que Mme [B] s'est greffée aux contrats auxquels son concubin était déjà partie alors qu'elle est déjà propriétaire de deux immeubles à [Localité 2], ville dans laquelle elle a été, en 2020, candidate aux élections municipales, que son concubinage, déclaré le 9 mai 2021, seulement quelques jours avant la clôture des inscriptions sur les listes électorales, n'apparaît pas vraisemblable, que l'installation de Mme [B], chez son concubin, la veille de son inscription sur les listes électorales, a été faite de mauvaise foi ; que si le jugement a relevé très justement que la domiciliation n'est soumise à aucune condition de durée, encore convient-il que la fixation du domicile s'effectue au lieu d'établissement durable et de fixation des intérêts, notamment professionnels, et, en détachant le critère d'établissement stable et durable ou d'exercice de l'activité professionnelle de la condition de domicile réel, le tribunal a violé l'article L. 11 du code électoral.
Réponse de la Cour
13. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve que le tribunal de proximité, par une décision motivée, a retenu que M. [U] ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, de ce que Mme [B] ne remplissait aucune des conditions exigées par l'article L. 11 du code électoral pour être inscrite sur les listes électorales de la commune de [Localité 1] et, notamment, n'y possédait pas son domicile réel.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juillet deux mille vingt et un.