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07/07/2021 | FRANCE | N°19-15693

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 juillet 2021, 19-15693


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2021

Cassation

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 592 F-D

Pourvoi n° A 19-15.693

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 JUILLET 2021

1°/

la société Atlantique travaux publics (ATP), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société SMABTP, dont le siège est [Adresse 2],...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2021

Cassation

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 592 F-D

Pourvoi n° A 19-15.693

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 JUILLET 2021

1°/ la société Atlantique travaux publics (ATP), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ la société SMABTP, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° A 19-15.693 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige les opposant à la société Réseau de transport d'électricité (RTE), société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat des sociétés Atlantique travaux publics et SMABTP, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Réseau de transport d'électricité, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Mollard, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 31 janvier 2019) et les productions, le 9 juillet 2010, la société Atlantique travaux publics (la société ATP) a endommagé un câble de liaison électrique souterrain faisant partie du réseau public de transport d'électricité géré par la société Réseau de transport d'électricité (la société RTE), entraînant la coupure de l'alimentation électrique du poste source de Montluc appartenant au réseau public de distribution d'électricité géré par la société Electricité réseau distribution France (la société ERDF). L'alimentation du poste source n'a été rétablie que le 26 juillet 2010, après réparation du câble.

2. Aucun des clients de la société ERDF n'a subi de coupures d'électricité, compte tenu du maillage de son réseau, de sorte que cette société n'a pas eu à les indemniser.

3. En application de l'article 9.4 du contrat d'accès au réseau public de transport d'électricité (le CART) conclu entre les sociétés RTE et ERDF, la première a déduit de la facture qu'elle a adressée à la seconde, au mois de juillet 2010, au titre de l'utilisation du réseau public de transport d'électricité, la somme de 388 885 euros correspondant à l'abattement forfaitaire prévu par cet article en cas de coupure d'électricité d'une durée supérieure à six heures.

4. Par jugement du 7 décembre 2015, irrévocable sur ces points, le tribunal de commerce de Nantes a dit que la société ATP était responsable des dommages causés le 9 juillet 2010 à la ligne électrique et a condamné cette société, solidairement avec la société SMABTP, son assureur, à payer à la société RTE une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel. Le tribunal a, en revanche, débouté la société RTE de sa demande en paiement de la somme de 388 885 euros au titre du préjudice financier allégué.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Les sociétés ATP et SMABTP font grief à l'arrêt de les avoir condamnées in solidum à payer à la société RTE la somme de 388 885 euros en réparation de son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2012 et capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil, alors « que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que, pour condamner la société ATP et la SMABTP à indemniser la société RTE au titre du préjudice financier qu'elle aurait subi, en étant contrainte, par la faute de la société, de consentir à la société ERDF l'abattement forfaitaire prévu à l'article 6 du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001, lequel bénéficie à l' "utilisateur" du réseau de transport d'électricité lorsqu'il subit une interruption de fourniture imputable à une défaillance des réseaux publics de transport et de distribution, la cour d'appel a considéré que la société ERDF était un "utilisateur" du réseau au sens de ce texte ; qu'en statuant ainsi, quand le bénéfice de l'abattement forfaitaire n'était pas ouvert à la société ERDF, en sa qualité de gestionnaire des réseaux publics de distribution de l'électricité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un préjudice souffert par la société RTE et imputable à une faute de la société ATP, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble l'article 6 du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et 6 du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 :

7. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

8. L'article 6 du décret du 26 avril 2001 dispose :

« I. - Les tarifs définis par le présent décret font l'objet d'un abattement forfaitaire lorsqu'un utilisateur subit une interruption de fourniture imputable à une défaillance des réseaux publics de transport et de distribution. Cet abattement porte sur le montant annuel dû au titre de la composante des tarifs d'utilisation des réseaux publics fonction de la puissance souscrite et mentionnée au I de l'article 4 du présent décret.

Pour l'application de l'alinéa précédent, seules les interruptions de fourniture d'une durée supérieure à six heures donnent lieu à un abattement. L'abattement est calculé proportionnellement à la durée de l'interruption de fourniture, à raison de 2 % du montant annuel mentionné à l'alinéa précédent par période de six heures. Toutefois, la somme des abattements consentis à un utilisateur au cours d'une année civile ne peut être supérieure à ce montant annuel.

Les contrats conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution et les utilisateurs de ces réseaux peuvent prévoir des abattements forfaitaires supérieurs à ceux découlant de l'alinéa précédent.

II. - Les reversements et imputations mentionnés au II et au III de l'article 5 tiennent compte des abattements consentis aux utilisateurs raccordés aux réseaux publics de distribution lorsque ces interruptions de fourniture sont imputables à une défaillance d'un autre réseau public. »

9. Selon l'article 5, II, du même décret, dans sa version issue du décret n° 2005-1750 du 30 décembre 2005, chaque gestionnaire de réseau public de distribution reverse la part de ses recettes correspondant à l'utilisation du réseau public de transport au gestionnaire de ce réseau.

10. Pour condamner in solidum les sociétés ATP et SMABTP à payer à la société RTE la somme de 388 885 euros en réparation de son préjudice financier, l'arrêt énonce qu'à la lumière de la proposition de la Commission de régulation de l'énergie (la CRE) concernant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, approuvée par décision ministérielle du 23 septembre 2005, l'article 6 du décret du 26 avril 2001 doit être interprété en ce sens que les utilisateurs y visés incluent les gestionnaires de réseaux publics de distribution et que les dispositions de cet article sont contractualisées dans le CART. Après en avoir déduit que, dès lors que l'alimentation du poste source de Montluc avait été interrompue plus de six heures, la société RTE devait indemniser la société ERDF, quelle que soit la cause de l'interruption et sans considération d'un quelconque préjudice de cette dernière, peu important, par conséquent, que les clients de la société ERDF n'aient subi aucune coupure d'électricité, l'arrêt retient que la somme de 388 885 euros constitue pour la société RTE un préjudice financier en lien direct et certain avec la faute commise par la société ATP.

11. En statuant ainsi alors, d'une part, que le I de l'article 6 du décret du 26 avril 2001, dont la portée n'a pas été modifiée par la décision ministérielle du 23 septembre 2005 approuvant la proposition tarifaire de la CRE pour l'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, réserve le bénéfice de l'abattement forfaitaire aux producteurs et consommateurs d'électricité raccordés à ces réseaux et, d'autre part, qu'aux termes du II du même article, lorsqu'une interruption de fourniture à des utilisateurs raccordés à un réseau public de distribution d'électricité est imputable à une défaillance du réseau public de transport d'électricité, le reversement, au gestionnaire du réseau de transport, de la part des recettes du gestionnaire du réseau de distribution correspondant à l'utilisation du réseau de transport est réduit à concurrence des abattements consentis par ce dernier auxdits utilisateurs, inexistants en l'espèce, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Réseau de transport d'électricité aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Réseau de transport d'électricité et la condamne à payer aux sociétés Atlantique travaux publics et SMABTP la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour les sociétés Atlantique travaux publics et SMABTP.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné in solidum la société ATP et la SMABTP à payer à la société RTE la somme de 388.885 ? en réparation de son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter du 24 août 2012, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

AUX MOTIFS QU'« il a été définitivement jugé que la société ATP était entièrement responsable des dommages causés à la ligne de 63 000 volts le 9 juillet 2010 à COUËRON et qu'elle était condamnée, in solidum avec son assureur, à payer à l'appelante la somme de 67.042, 90 ? en réparation de son préjudice matériel ; pour rejeter la demande au titre du préjudice financier, le tribunal a retenu, d'une part, que l'approvisionnement électrique des usagers n'avait pas été interrompu compte tenu du maillage du réseau de sorte que la société ERDF n'avait pas eu à indemniser ses clients, d'autre part, que cette dernière était gestionnaire de réseau au même titre que RTE et non utilisatrice au sens de l'article 6 du décret du 26 avril 2001, terme réservé par l'article 3 aux producteurs et aux consommateurs, le décret n'ayant donc pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; l'article 6 du décret 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution avait instauré un abattement forfaitaire des tarifs lorsqu'un utilisateur avait subi une interruption de fourniture imputable à une défaillance du réseau d'une durée supérieure à 6 heures. Il a été abrogé par un décret du 11 décembre 2014, abrogation sans incidence sur le litige puisque postérieure à la survenance du sinistre ; en 2001, le décret ne s'appliquait pas aux distributeurs ; cela découle de l'avis de la commission de régulation de l'énergie (la CRE) du 25 juillet 2000 visé dans le décret aux termes duquel la commission demandait au Gouvernement de modifier la définition des utilisateurs à l'article 3 pour ajouter les distributeurs pour se mettre en conformité avec la directive européenne 96/92/CE et l'article 23 de la loi du 10 février 2000 ; l'article 3 mentionnant uniquement les producteurs d'électricité et les consommateurs, cet avis n'ayant pas été suivi ; la situation a cependant évolué puisque, par une décision du 23 septembre 2005 publiée au JO du 6 octobre prise pour l'application de l'article 8 du décret, le pouvoir réglementaire a approuvé la proposition de la CRE concernant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et distribution à compter du 1er janvier 2006 ; dans l'exposé des motifs annexé à la décision, il est fait état des évolutions de la législation européenne et française et du secteur par suite de l'ouverture à la concurrence et du retour d'expérience de la CRE sur la tarification de 2001 ; l'utilisateur y est défini comme « toute personne physique ou tout établissement d'une personne morale, en particulier gestionnaires de réseaux publics, alimentant directement ce réseau public ou directement desservi par ce réseau » ; les utilisateurs sont énumérés au paragraphe IV B 3 comme étant les producteurs, les consommateurs et les distributeurs ; le décret du 26 avril 2001 devant s'interpréter à la lumière de cette décision, il s'ensuit que la société ERDF est un utilisateur du réseau au sens de l'article 6 ; quant au décret 2006-1731 du 23 décembre 2006 approuvant le cahier des charges-type de concession du réseau public de transport d'électricité, il est sans intérêt pour le litige, l'article 17 dont se prévalent les intimées visant l'hypothèse où la société RTE ne respecte pas son engagement de qualité de l'électricité livrée ; les sociétés RTE et ERDF ont contractualisé les dispositions prévues à l'article 6 de sorte que ce sont les stipulations du contrat d'accès au réseau public de transport d'électricité (CART) du 19 octobre 2006 qui ont vocation à s'appliquer au litige conformément à l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; si les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties en application de l'article 1165 du même code, elles constituent néanmoins des faits juridiques dont peuvent être déduites des conséquences de droit à l'égard des tiers, contrairement ce que soutiennent les intimées ; aux termes de l'article 9.4 des conditions générales, « RTE est tenu de consentir un abattement de la part fixe du prix annuel en cas de coupure d'une durée supérieure à 6 heures imputable à la défaillance du réseau public de transport » ; les points 9.4.1 et 9.4.2 détaillent les modalités de calcul de l'abattement, étant précisé que c'est la première option (9.4.1) qui a été retenue par la société ERDF selon l'article 3.5 des conditions particulières ; l'article 9.4 figure dans le chapitre 9 intitulé « responsabilité » ; il n'existe aucune disposition commune aux sept rubriques qu'il contient, la condition du versement d'une indemnité par ERDF au client final n'étant prévue que lorsque RTE a engagé sa responsabilité à son égard (article 9.1) ; les intimées ne peuvent davantage soutenir que les modalités de l'article 9.4.2 n'auraient pas été respectées puisque les sociétés RTE et ERDF sont convenues d'appliquer l'abattement forfaitaire prévu à l'article 9.4.1, ni invoquer les articles 9.5 et 9.7 qui envisagent des hypothèses qui ne sont pas l'objet du présent litige (les modalités de traitement des sinistres et la force majeure) ; force est de constater que le contrat fait obligation à la société RTE d'indemniser son cocontractant quelle que soit la cause de l'interruption de la fourniture d'électricité dès lors que sa durée est supérieure à 6 heures, sans considération d'un quelconque préjudice d'ERDF, peu important par conséquent que les clients de cette dernière n'aient subi aucune coupure d'électricité grâce à son réseau ; une telle clause qui vise à sanctionner le manquement de la société RTE à ses obligations contractuelles s'analyse comme une clause pénale, comme le font valoir justement les intimées ; il ressort des pièces versées aux débats que l'alimentation du poste source de MONTLUC a été interrompue entre le 9 juillet à 10 heures 57 et le 26 juillet à 17 heures 02 ; l'intimée ne saurait arguer de l'absence de travaux une partie du temps alors que les trois jours non travaillés correspondent à un jour férié (14 juillet) et à un week-end (17 et 18 juillet) et qu'il est fait état de nombreuses heures supplémentaires les autres jours ; les modalités de calcul ne sont pas critiquées pour le surplus ; contrairement à ce qui est soutenu, son montant n'est pas excessif au sens de l'article 1152 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; la somme de 388.885 ? déduite de la facture d'ERDF constitue pour l'appelante un préjudice financier en lien direct et certain avec la faute commise par la société ATP ; le jugement sera donc infirmé et les intimées condamnées in solidum à payer cette somme à la société RTE ; la condamnation portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 août 2012, les intérêts étant capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil » (arrêt pp. 4 à 6) ;

1/ALORS QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que, pour condamner la société ATP et la SMABTP à indemniser la société RTE au titre du préjudice financier qu'elle aurait subi, en étant contrainte, par la faute de la société, de consentir à la société ERDF l'abattement forfaitaire prévu à l'article 6 du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001, lequel bénéficie à l'« utilisateur » du réseau de transport d'électricité lorsqu'il subit une interruption de fourniture imputable à une défaillance des réseaux publics de transport et de distribution, la cour d'appel a considéré que la société ERDF était un « utilisateur » du réseau au sens de ce texte ; qu'en statuant ainsi, quand le bénéfice de l'abattement forfaitaire n'était pas ouvert à la société ERDF, en sa qualité de gestionnaire des réseaux publics de distribution de l'électricité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un préjudice souffert par la société RTE et imputable à une faute de la société ATP, a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble l'article 6 du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 ;

2/ ALORS QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que, pour condamner la société ATP et la SMABTP à indemniser la société RTE au titre du préjudice financier qu'elle aurait subi, du fait de la faute de la société ATP, la cour d'appel écarte l'argumentation développée par cette dernière et son assureur (conclusions, pp. 16 et 17), fondée sur les dispositions du décret 2006-1731 du 23 décembre 2006 approuvant le cahier des charges-type de concession du réseau public de transport d'électricité, en affirmant qu'il est « sans intérêt pour le litige, l'article 17 dont se prévalent les intimées visant l'hypothèse où la société RTE ne respecte pas son « engagement de qualité » de l'électricité livrée » (arrêt p. 5) ; qu'en statuant ainsi, quand l'article 17 du cahier des charges énonce, au contraire, que « le concessionnaire prend à l'égard des utilisateurs et des gestionnaires de réseaux publics de distribution, au titre de leur soutirage, des engagements quantitatifs concernant [notamment] les interruptions d'alimentation fortuites », ce dont il résultait que cette disposition était bien applicable au litige, afin de déterminer si la société RTE avait subi un préjudice en relation de causalité avec une faute commise par la société ATP, la cour d'appel a violé l'article 1er du décret n° 2006-1731 du 23 septembre 2006, approuvant le cahier des charges type de concession du réseau public de transport d'électricité, et notamment l'article 17 de ce cahier des charges, ensemble l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

3/ ALORS QU'en toute hypothèse, il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'article 9 du CART organise la mise en cause de la responsabilité des parties au contrat, au travers de sept rubriques successives (art. 9.1 à 9.7), en rappelant, de manière préalable et générale, que « lorsqu'une partie est reconnue responsable vis-à-vis de l'autre, elle est tenue de réparer les dommages directs, actuels et certains causés à l'autre partie » ; qu'en affirmant néanmoins, pour accueillir la demande indemnitaire de la société RTE, qu'il n'existait « aucune disposition commune aux sept rubriques » que contenait l'article 9, et que le contrat faisait obligation à la société RTE d'indemniser son cocontractant, à raison de l'interruption de la fourniture d'électricité pour une durée supérieure à 6 heures (art. 9.4), « sans considération d'un quelconque préjudice d'ERDF », quand il résultait au contraire de l'article 9 de ce contrat que la société RTE ne devait indemniser que les « dommages directs, actuels et certains » causés à la société ERDF, la cour d'appel a dénaturé les dispositions claires et précises de l'article 9 du CART, en méconnaissance de l'interdiction faite au juge interdit de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4/ ALORS QU'au surplus, il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'article 9.4.1 du CART prévoit que « si, en cas de coupure de plus de 6 heures de l'alimentation principale, l'alimentation du PdL est assurée par une autre alimentation », laquelle « relève du même domaine de tension que l'alimentation principale » et que « cette autre alimentation permet l'alimentation totale du pdL : l'abattement de 2% n'est pas dû » ; que, pour condamner la société ATP et la SMABTP, qui se prévalaient expressément de cette exception contractuelle (conclusions, pp. 10, 21 à 24, et 27), à indemniser la société RTE au titre du préjudice financier qu'elle aurait subi, du fait de la faute de la société ATP, la cour d'appel constate que les dispositions de l'article 9.4.1 du CART sont bien applicables au litige, et conclut que le contrat faisait obligation à la société RTE d'indemniser son cocontractant, à raison de l'interruption de la fourniture d'électricité pour une durée supérieure à 6 heures (art. 9.4), « sans considération d'un quelconque préjudice d'ERDF, peu important par conséquent que les clients de cette dernière n'aient subi aucune coupure d'électricité grâce à son réseau » (arrêt p. 5) ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait au contraire de l'article 9.4.1 du CART que, si l'alimentation du point de livraison était assurée par une autre alimentation, du même domaine de tension que l'alimentation principale, permettant l'alimentation totale de ce point de livraison, l'abattement forfaitaire n'était pas dû, la cour d'appel a dénaturé les dispositions claires et précises de l'article 9.4.1 du CART, en méconnaissance de l'interdiction faite au juge interdit de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

5/ ALORS QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que, dans leurs conclusions (pp. 10, 21 à 24, et 27), la SMABTP et la société ATP faisaient valoir qu'aux termes de l'article 9.4.1 du CART, l'abattement forfaitaire n'est pas dû si l'alimentation totale en électricité d'un point de livraison est assurée par une autre alimentation du même domaine de tension que l'alimentation principale ; qu'elles exposaient que, comme l'indiquait l'expert désigné par l'assureur de la société RTE, l'électricité n'avait pas été coupée, compte tenu du basculage de l'alimentation de la zone par une autre ligne, de sorte que l'abattement forfaitaire n'était contractuellement pas dû à la société ERDF par la société RTE, et que cette dernière ne justifiait corrélativement d'aucun préjudice en relation de causalité avec la faute reprochée à la société ATP ; que, pour condamner la société ATP et la SMABTP à indemniser la société RTE au titre du préjudice financier qu'elle aurait subi, du fait de la faute de la société ATP, la cour d'appel constate que les dispositions de l'article 9.4.1 du CART sont bien applicables au litige, et conclut que le contrat faisait obligation à la société RTE d'indemniser son cocontractant, à raison de l'interruption de la fourniture d'électricité pour une durée supérieure à 6 heures (art. 9.4), « sans considération d'un quelconque préjudice d'ERDF, peu important par conséquent que les clients de cette dernière n'aient subi aucune coupure d'électricité grâce à son réseau » (arrêt p. 5) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, conformément aux dispositions de l'article 9.4.1 du CART, l'abattement forfaitaire était exclu du fait qu'une autre alimentation du même domaine de tension que l'alimentation principale avait permis l'alimentation totale du point de livraison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

6/ ALORS QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la cour d'appel énonce qu'« il ressort des pièces versées aux débats que l'alimentation du poste source de MONTLUC a été interrompue entre le 9 juillet à 10 heures 57 et le 26 juillet à 17 heures 02 » (arrêt p. 6) ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, qui ne permettent pas de déterminer si ce « poste source » correspondait à un point de livraison qui, contractuellement, pouvait être alimenté par une autre alimentation, et sans rechercher, comme elle y était invitée par la SMABTP et la société ATP (conclusions pp. 10, 21 à 24, et 27), si, conformément aux dispositions de l'article 9.4.1 du CART, l'abattement forfaitaire litigieux était exclu du fait qu'une autre alimentation du même domaine de tension que l'alimentation principale avait permis l'alimentation totale du point de livraison, de sorte que la société RTE ne justifiait d'aucun préjudice en relation de causalité avec la faute commise par la société ATP, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

7/ ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que, pour condamner la société ATP et la SMABTP à indemniser la société RTE au titre du préjudice financier qu'elle aurait subi, du fait de la faute de la société ATP, la cour d'appel se borne à affirmer, de manière péremptoire, que la SMABTP et la société ATP ne pouvaient invoquer les articles 9.5 et 9.7 « qui envisagent des hypothèses qui ne sont pas l'objet du présent litige (les modalités de traitement des sinistres et la force majeure) » (arrêt p. 5) ; qu'en statuant par cette affirmation péremptoire, sans aucune analyse des éléments de la cause, et sans donner aucun motif à sa décision, quand la SMABTP et la société ATP se prévalaient expressément de ces dispositions (conclusions, pp. 23 et 24), pour établir que la société ATP n'était contractuellement pas tenue de déduire la somme de 388.885 ? de la facture de la société ERDF, de sorte qu'elle ne justifiait pas d'un préjudice en relation de causalité avec la faute commise par la société ATP, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8/ ALORS QUE tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que, pour condamner la société ATP et la SMABTP à indemniser la société RTE au titre du préjudice financier qu'elle aurait subi, du fait de la faute de la société ATP, la cour d'appel affirme que la SMABTP et la société ATP ne pouvaient invoquer l'article 9.5 du CART, qui aurait envisagé une hypothèse qui n'était « pas l'objet du présent litige » (arrêt p. 5) ; qu'en statuant ainsi, quand la circonstance, invoquée par la SMABTP et la société ATP (conclusions, pp. 23 et 24), que la société ERDF n'avait pas respecté les modalités contractuelles de traitement du sinistre prévues par cet article (à savoir l'envoi préalable à la société RTE d'une demande de réparation, accompagnée des justificatifs permettant d'établir la réalité et l'évaluation du dommage, le lien direct entre le fait de la société RTE et le dommage subi, et sa responsabilité), était de nature à établir que la société RTE n'était pas contractuellement tenue de déduire la somme de 388.885 ? de la facture de la société ERDF et, corrélativement, que cette déduction ne constituait pas, pour la société RTE, un préjudice financier en relation de causalité directe et certaine avec la faute commise par la société ATP, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

9/ ALORS QU'enfin tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que, pour condamner la société ATP et la SMABTP à indemniser la société RTE au titre du préjudice financier qu'elle aurait subi, du fait de la faute de la société ATP, la cour d'appel affirme que la SMABTP et la société ATP ne pouvaient invoquer l'article 9.7 du CART, dès lors qu'il aurait envisagé une hypothèse qui n'était « pas l'objet du présent litige » (arrêt p. 5) ; qu'en statuant ainsi, quand l'existence d'un cas de force majeure au sens de ces dispositions était, au contraire, de nature à démontrer que la société RTE n'était pas contractuellement tenue de déduire la somme de 388.885 ? de la facture de la société ERDF et, corrélativement, que cette déduction ne constituait pas, pour la société RTE, un préjudice financier en relation de causalité directe et certaine avec la faute commise par la société ATP, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-15693
Date de la décision : 07/07/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 31 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 jui. 2021, pourvoi n°19-15693


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.15693
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