LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juillet 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 698 F-D
Pourvoi n° K 19-25.569
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUILLET 2021
M. [I] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 19-25.569 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Fonds d'investissement Versailles III,
2°/ à la société Versailles III,
ayant toutes deux leur siège [Adresse 2] Luxembourg,
3°/ à M. [L] [L], domicilié [Adresse 3] (Luxembourg), pris en qualité de liquidateur de la société Versailles III, agissant pour la société Fonds d'investissement Versailles III,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [H], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat des sociétés Fonds d'investissement Versailles III et Versailles III et de M. [L], es qualités, après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte de la reprise d'instance par M. [L], en sa qualité de liquidateur du fonds d'investissement spécialisé constitué sous forme d'une société d'investissement à capital variable Versailles III SCA.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 octobre 2019), sur le fondement d'un acte du 30 avril 2014, par lequel M. [H] s'était porté caution solidaire d'un prêt consenti à l'EARL Vergers [H] par la société en commandite par actions Versailles III, agissant pour la société d'investissement Versailles III, sociétés de droit luxembourgeois, la société Fonds d'investissement Versailles III a fait procéder, le 5 juillet 2018, à la saisie des droits d'associé de M. [H] dans la SCI Agri [H].
3. Cette saisie a été dénoncée à M. [H] le 11 juillet 2018.
4. Le 13 août 2018, M. [H] a assigné la société Versailles III devant un juge de l'exécution en contestation de saisie.
5. Par jugement du 24 janvier 2019, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable l'action engagée par M. [H] en contestation de la saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières signifiée à la SCI Agri [H] le 5 juillet 2018.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. [H] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en contestation engagée par lui à l'encontre de la saisie des droits d'associé ou de valeurs mobilières du 5 juillet 2018 pratiquée par le fonds d'investissement Versailles III sur les fonds détenus par la SCI Agri [H] pour le compte de M. [H], en sa qualité de caution, pour obtenir le paiement de la somme de 1 01 991,02 euros alors «que la recevabilité de la contestation du débiteur faisant l'objet d'une saisie de droits incorporels n'est soumise qu'à la signification, avant l'expiration du délai d'un mois suivant la dénonciation au débiteur de la saisie des droits sociaux, d'une assignation au créancier saisissant, et à l'envoi à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie, le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, d'une copie de cette assignation ; qu'en retenant que la contestation par M. [H] de la saisie de ses droits d'associés était irrecevable dès lors que l'assignation du 13 août 2018 n'avait pas été enrôlée au greffe de la juridiction, seul un « avenir d'audience » pour une date d'audience ultérieure à celle visée dans cet acte ayant été remis, après avoir pourtant constaté que l'assignation avait été délivrée au créancier saisissant dans le délai d'un mois suivant la dénonciation de la saisie et que l'huissier de justice ayant procédé à la saisie en avait été informé le jour même de la contestation, de sorte que la contestation était recevable, la cour d'appel a violé l'article R. 232-6 et R. 232-7 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. Le défendeur soulève l'irrecevabilité de la première branche du moyen en ce qu'elle serait contraire à la thèse soutenue devant la cour d'appel, M. [H] ayant affirmé que l'«avenir d'audience» avait prorogé les effets de l'assignation.
8. Cependant, M. [H] a fait valoir, en page 4 de ses conclusions devant la cour d'appel, que «la seule condition est la délivrance d'une assignation dans le mois de la signification, condition réalisée, comme l'a retenu le jugement querellé», de sorte que le moyen n'apparaît pas contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles R. 232-6 et R. 232-7 du code des procédures civiles d'exécution :
9. Il résulte de ces textes que la recevabilité de la contestation du débiteur n'est soumise qu'à la signification, avant l'expiration du délai d'un mois suivant la dénonciation au débiteur de la saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières, d'une assignation au créancier saisissant, et à l'envoi le même jour, ou le jour ouvrable suivant, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'une copie de cette assignation.
10. Pour confirmer le jugement ayant déclaré irrecevable la contestation de M. [H], l'arrêt retient, après avoir constaté que l'assignation avait été délivrée dans le délai d'un mois, que celle-ci n'a toutefois pas été enrôlée.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. [L], en qualité de liquidateur du fonds d'investissement spécialisé constitué sous forme d'une société d'investissement à capital variable Versailles III SCA aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Versailles III, la société Fonds d'investissement Versailles III et M. [L], en qualité de liquidateur de la société en commandite par actions Versailles III, agissant pour la société Fonds d'investissement Versailles III et condamne ce dernier, es qualités, à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [H]
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'action en contestation engagée par M. [H] à l'encontre de la saisie des droits d'associé ou valeurs mobilières du 5 juillet 2018 pratiquée par la société en commandite Versailles III sur les fonds détenus par la Sci Agri [H] pour le compte de M. [H], en sa qualité de caution, pour obtenir le paiement de la somme de 1 014 991,02 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article R. 232-6 du code des procédures civiles d'exécution, la saisie des droits incorporels est portée à la connaissance du débiteur par acte d'huissier de justice ; l'acte doit contenir, à peine de nullité : « 2°) l'indication en caractères très apparents, que les contestations sont soulevées, à peine d'irrecevabilité, par une assignation qui doit être dénoncée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'huissier de justice ayant procédé à la saisie dans le délai d'un mois qui suit la signification de l'acte avec la date à laquelle expire ce délai » ; en l'espèce, la saisie des droits d'associé de [I] [H] dans la Sci Agri [H] a été dénoncée au débiteur par acte du 11 juillet 2018 ; l'acte mentionne, en caractère gras, que les contestations doivent être soulevées, à peine d'irrecevabilité, par assignation dans le délai d'un mois de la signification et que le délai expire le 13 août 2018 ; par acte du 13 août 2018, [I] [H] a assigné la société Versailles III devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Valence pour l'audience du 25 octobre 2018 ; l'assignation n'a toutefois pas été enrôlée au greffe de la juridiction ; or seule la remise au greffe d'une copie de l'assignation vaut saisine de la juridiction ; la remise au greffe d'un « avenir d'audience » pour une date d'audience ultérieure à celle visée dans l'acte de contestation de la saisie, n'a pas pour effet de régulariser la procédure ; le jugement qui a constaté l'irrecevabilité de l'action de [I] [H] doit donc être confirmé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article R. 311-11 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution : « A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience » ; en l'espèce, M. [I] [H] justifie de l'envoi à l'huissier instrumentaire par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 août 2018 ; la première condition de recevabilité est acquise ; s'agissant de la seconde condition de recevabilité : la contestation engagée par [I] [H] n'est recevable qu'à la condition que la signification de l'assignation au créancier poursuivant, la société Versailles III, soit intervenue avant l'expiration du délai de un mois suivant la dénonciation de la saisie et à la condition que l'assignation soit ensuite régulièrement enrôlée ; en l'espèce, la Scp [A]-[T], huissier de justice à Montélimar, mandatée par Monsieur [I] [H], a transmis, par acte du 13 août 2018, envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 20 août 2018, une demande de signification de l'assignation à maître [B], huissier de justice au Luxembourg, l'assignation a été signifiée le 27 août 2018 suivant procès-verbal de Maître [B] ; par acte du 6 novembre 2018 a signifié à la société Versailles III un « avenir d'audience devant la juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Valence » comprenant en pièce jointe copie de l'assignation ; cet acte a été enrôlé le 28 novembre 2018 ; sur quoi M. [H] ne justifie pas avoir enrôlé l'assignation ; il est mal fondé à soutenir que l'avenir d'audience, qui n'est admis que pour compléter un acte régulièrement délivré, puisse régulariser la procédure ; en conséquence, l'action en contestation engagée par M. [H] est irrecevable ;
1) ALORS QUE la recevabilité de la contestation du débiteur faisant l'objet d'une saisie de droits incorporels n'est soumise qu'à la signification, avant l'expiration du délai d'un mois suivant la dénonciation au débiteur de la saisie des droits sociaux, d'une assignation au créancier saisissant, et à l'envoi à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie, le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, d'une copie de cette assignation ; qu'en retenant que la contestation par M. [H] de la saisie de ses droits d'associés était irrecevable dès lors que l'assignation du 13 août 2018 n'avait pas été enrôlée au greffe de la juridiction, seul un « avenir d'audience » pour une date d'audience ultérieure à celle visée dans cet acte ayant été remis, après avoir pourtant constaté que l'assignation avait été délivrée au créancier saisissant dans le délai d'un mois suivant la dénonciation de la saisie et que l'huissier de justice ayant procédé à la saisie en avait été informé le jour même de la contestation, de sorte que la contestation était recevable, la cour d'appel a violé l'article R. 232-6 et R. 232-7 du code des procédures civiles d'exécution ;
2) ALORS QUE les dispositions de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution relatives à la contestation d'une saisie-attribution ne sont pas applicables en matière de saisie de droits incorporels ; qu'en se fondant sur les dispositions de l'article R. 211-11 du code de procédures civiles d'exécution pour déclarer irrecevable la contestation de la saisie-vente de droits d'associé ou valeurs mobilières détenus par la Sci Agri [H] pour le compte de M. [H], la cour d'appel a violé l'article R. 211-11, ensemble les articles R. 232-6 et R. 232-7 du code des procédures civiles d'exécution.