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30/06/2021 | FRANCE | N°20-11866

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 juin 2021, 20-11866


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 juin 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 475 F-B

Pourvoi n° M 20-11.866

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2021

M. [E] [L], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateu

r judiciaire de la Société polynésienne des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, a formé le pourvoi n° M 20-11.866 contre l'arrêt rendu ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 juin 2021

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 475 F-B

Pourvoi n° M 20-11.866

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2021

M. [E] [L], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Société polynésienne des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, a formé le pourvoi n° M 20-11.866 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Vini, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Onati, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits à titre universel de la société Vini,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. [L], ès qualités, de la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat des sociétés Vini et Onati, après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 21 novembre 2019), par un contrat du 10 avril 1979, la Société polynésienne des auteurs compositeurs de musique (la SPACEM) a été chargée par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (la SACEM) et la société pour l'administration du droit de production mécanique des auteurs (la SDRM), de percevoir auprès des usagers les droits d'auteur leur revenant au titre de l'exploitation en Polynésie française des oeuvres de leur répertoire. A la suite d'une condamnation de la SPACEM à payer diverses sommes à la SACEM et à la SDRM au titre de l'exploitation de ces oeuvres, son liquidateur judiciaire, M. [L], a poursuivi le recouvrement des redevances éludées et assigné à cette fin devant le tribunal mixte de commerce de Papeete la société Tahiti nuit satellite (la société TNS), aux droits de laquelle sont venues la société Vini puis la société Onati, en production du décompte détaillé des sommes dues et en paiement de celles-ci.

2. La société Vini a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie, sur le fondement des articles L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle et L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [L], ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer bien fondée l'exception d'incompétence et de désigner le tribunal judiciaire de Paris comme étant la juridiction compétente, alors « que les actions engagées par un organisme de gestion collective de droits d'auteur tendant à obtenir le paiement de redevances à l'encontre des utilisateurs ou des diffuseurs d'oeuvres dont il gère directement les droits d'auteur ou pour lesquelles il est investi d'une délégation sur le fondement d'un contrat de réciprocité ne relèvent des juridictions spécialement déterminées par voie réglementaire pour connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique que si elles impliquent de se prononcer sur l'existence contestée d'un droit de propriété littéraire et artistique ou sur des règles propres à ce droit ; qu'en retenant, pour juger que l'action engagée par M. [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la SPACEM à l'encontre de la société Onati, venant aux droits de la société Vini, tendant à recouvrer la rémunération d'utilisation d'oeuvres de l'esprit donnant lieu à un droit exclusif de reproduction, était soumise aux dispositions du code de l'organisation judiciaire attribuant compétence au tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris, qu'elle était fondée sur le contrat de réciprocité du 10 avril 1979 ayant pour objet et pour cause des droits d'auteur qui figuraient dans les catalogues de la SACEM, de la SDRM et de la SPACEM et supposait que soient identifiés et reconnus les droits d'auteur exclusifs formant l'assiette des redevances dues par les utilisateurs et les diffuseurs, et partant, l'inclusion desdits droits d'auteur dans les répertoires de ces organismes de gestion, L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle et L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 331-1, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle et L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire :

4. En application de ces textes, les actions engagées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ne relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire, que lorsque la détermination des obligations de chacune des parties contractantes et de leurs éventuels manquements impose à la juridiction saisie de statuer sur des questions mettant en cause les règles spécifiques du droit de la propriété littéraire et artistique.

5. Pour désigner le tribunal judiciaire de Paris comme étant la juridiction compétente, l'arrêt retient que l'action est fondée sur le contrat conclu le 10 avril 1979 par la SPACEM, la SACEM et la SDRM, lequel a pour objet et pour cause des droits d'auteur figurant au répertoire de ces sociétés, et que l'établissement des comptes entre la SPACEM et la société TNS suppose nécessairement que soient identifiés et reconnus les droits d'auteur exclusifs qui forment l'assiette des redevances dues par les utilisateurs et les diffuseurs.

6. En se déterminant ainsi, sans constater que l'existence de ces droits et leur inclusion dans le répertoire des organismes de gestion concernés étaient contestées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ;

Condamne la société Onati venant aux droits de la société Vini, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. [L], ès qualités

Me [E] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société polynésienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Spacem) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable et bien fondée l'exception d'incompétence présentée par les sociétés Vini et Onati et d'avoir désigné le tribunal de grande instance de Paris (tribunal judiciaire de Paris) comme étant la juridiction compétente pour statuer sur l'action qui fait l'objet de la présente instance en application des articles L. 211-10 et D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire ;

AUX MOTIFS QU'il résulte des stipulations claires du contrat de réciprocité du 10 avril 1979 qu'en qualité de délégataire en Polynésie française des sociétés Sacem et Sdrm, la Spacem y a exercé les droits exclusifs de ces dernières « d'autoriser ou d'interdire l'exécution publique des oeuvres qui forment ou formeront » le répertoire de la Sacem et « d'autoriser ou d'interdire l'enregistrement et la reproduction mécanique des oeuvres qui forment ou formeront » le répertoire de la Sdrm ainsi que la mise en circulation des enregistrements réalisés ; que c'est dans l'exercice de cette délégation de la gestion des droits d'auteur et des droits voisins par les organismes de gestion collective Spacem et Sdrm que la Spacem a demandé, par son liquidateur judiciaire, à la société de diffusion Tahiti Nui Satellite de procéder au paiement des redevances d'exploitation de ces droits exclusifs après avoir justifié de leur montant ; qu'au vu des pièces produites (déclarations et justificatifs de paiement 2006 à 2010), la Spacem facturait chaque trimestre la société Tns en justifiant ces factures par un relevé d'un compte-chèque postal de cette dernière ; qu'il n'est pas justifié d'un contrat écrit formalisant leurs relations ; qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 avril 2015, se fondant sur des audits, que la gestion des droits par la Spacem était gravement déficiente (absence de suivi des répartitions, des avances sociétaires et du solde des comptes de perception, non-respect des dispositions statutaires sur plusieurs points, opacité de la comptabilité) ; que l'existence d'un organisme de gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins a pour effet de transférer la protection de ceux-ci et leur effectivité à cet organisme ; que l'exercice par la Spacem de sa délégation à l'égard de la société Tns n'a donc pas été sans effet sur l'effectivité des droits exclusifs des auteurs et artistes-interprètes, non seulement en ce qui concerne leur répartition, mais aussi du point de vue des modalités de leur perception, en ce compris leur définition et leur identification ; que l'établissement des comptes entre la Spacem et la société Tns suppose nécessairement que soient identifiés et reconnus les droits d'auteur exclusifs qui forment l'assiette des redevances dues par les utilisateurs et les diffuseurs ; qu'au demeurant, c'est sur le fondement du contrat de réciprocité du 10 avril 1979 entre la Sacem/Sdrm et la Spacem que le liquidateur judiciaire de cette dernière, à défaut de disposer d'une comptabilité complète ou fiable, demande à la société Tns et à ses ayants-droit de justifier de l'exécution dudit contrat ; qu'or, le contrat de réciprocité a pour objet et pour cause des droits d'auteur qui figurent dans les catalogues de ces organismes ; qu'en effet, la gestion collective ne s'applique qu'aux oeuvres d'un répertoire déterminé ; que celui-ci circonscrit l'étendue des pouvoirs de l'organisme de gestion collective à délivrer des autorisations aux utilisateurs et aux diffuseurs ; que par conséquent, l'inclusion ou non d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin dans le répertoire géré par la Spacem directement ou sur délégation de la Sacem et de la Sdrm est une question qui peut faire l'objet d'une action en matière de propriété littéraire et artistique au sens des articles L. 211-10 et D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire ; qu'au demeurant, ces textes renvoient aux dispositions du code de la propriété intellectuelle, dont l'article L. 331-1 définit cette compétence de manière étendue, comme ayant pour objet les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, en y incluant expressément les questions connexes de concurrence déloyale ; que l'article L. 324-3 (anc. L. 321-2) du code de la propriété intellectuelle dispose que les contrats conclus par les organismes de gestion collective avec les utilisateurs de tout ou partie de leur répertoire sont des actes civils ; que l'article L. 324-5 limite les pouvoirs des organismes de gestion aux termes du mandat donné par ses membres, qui sont les titulaires des droits d'auteur ; que la présente instance en recouvrement de rémunérations d'utilisation d'oeuvres de l'esprit donnant lieu à un droit exclusif de reproduction par un organisme de gestion collective est par conséquent soumise aux dispositions précitées du code de l'organisation judiciaire qui attribuent compétence en la matière au tribunal de Paris ; que les sociétés Vini et Onati sont ainsi recevables en leur exception d'incompétence qui a été présentée conformément aux dispositions des articles 37 et 38 du code de procédure civile de la Polynésie française ; que le tribunal de Paris sera désigné comme étant la juridiction compétente en application des articles L. 211-10 et D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire ;

1°) ALORS QUE les actions engagées par un organisme de gestion collective de droits d'auteur tendant à obtenir le paiement de redevances à l'encontre des utilisateurs ou des diffuseurs d'oeuvres dont il gère directement les droits d'auteur ou pour lesquelles il est investi d'une délégation sur le fondement d'un contrat de réciprocité ne relèvent des juridictions spécialement déterminées par voie réglementaire pour connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique que si elles impliquent de se prononcer sur l'existence contestée d'un droit de propriété littéraire et artistique ou sur des règles propres à ce droit ; qu'en retenant, pour juger que l'action engagée par Me [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Spacem à l'encontre de la société Onati, venant aux droits de la société Vini, tendant à recouvrer la rémunération d'utilisation d'oeuvres de l'esprit donnant lieu à un droit exclusif de reproduction, était soumise aux dispositions du code de l'organisation judiciaire attribuant compétence au tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris, qu'elle était fondée sur le contrat de réciprocité du 10 avril 1979 ayant pour objet et pour cause des droits d'auteur qui figuraient dans les catalogues de la Sacem, de la Sdrm et de la Spacem et supposait que soient identifiés et reconnus les droits d'auteur exclusifs formant l'assiette des redevances dues par les utilisateurs et les diffuseurs, et partant, l'inclusion desdits droits d'auteur dans les répertoires de ces organismes de gestion, sans constater que l'existence desdits droits d'auteur et leur inclusion dans le répertoire des organismes de gestion concernés étaient en l'espèce contestées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle et L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire ;

2°) ALORS subsidiairement QUE Me [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Spacem, et la société Onati, venant aux droits de la société Vini, s'accordaient pour dire que les redevances dont le paiement était sollicité concernaient les oeuvres figurant dans le répertoire de la Sacem et de la Sdrm, et ne contestaient pas ce dernier ; qu'en retenant, pour juger que l'action engagée par Me [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Spacem à l'encontre de la société Onati, venant aux droits de la société Vini, tendant à recouvrer la rémunération d'utilisation d'oeuvres de l'esprit donnant lieu à un droit exclusif de reproduction, était soumise aux dispositions du code de l'organisation judiciaire attribuant compétence au tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris, qu'était débattue l'inclusion des droits d'auteur litigieux dans le répertoire géré par la Spacem directement ou sur délégation de la Sacem et de la Sdrm, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-11866
Date de la décision : 30/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Prévention, procédures et sanctions - Compétence exclusive des tribunaux de grande instance - Domaine d'application - Responsabilité contractuelle de droit commun - Conditions - Questions mettant en cause les règles spécifiques du droit de la propriété littéraire et artistique

Les actions engagées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ne relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires devant lesquels sont portées les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, en application de l'article L. 331-1, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, que lorsque la détermination des obligations de chacune des parties contractantes et de leurs éventuels manquements impose à la juridiction saisie de statuer sur des questions mettant en cause les règles spécifiques du droit de la propriété littéraire et artistique


Références :

article L. 331-1, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle

article L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire.

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 21 novembre 2019

A rapprocher : 1re Civ., 28 juin 2018, pourvoi n° 17-28924, Bull. 2018, I, n° 124 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 jui. 2021, pourvoi n°20-11866, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot, SAS Cabinet Colin - Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.11866
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