LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
NL4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 juin 2021
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 491 F-D
Pourvoi n° K 19-26.305
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2021
1°/ M. [G] [T],
2°/ Mme [I] [W], épouse [T],
domiciliés tous deux [Adresse 1]),
ont formé le pourvoi n° K 19-26.305 contre l'arrêt rendu le 22 août 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre commerciale, économique et financière), dans le litige les opposant à la société Financo, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. [T], de Mme [W], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Financo, après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 22 août 2019), M. [T] et Mme [W] (les emprunteurs) ont conclu le 10 juin 2013 avec la société Rev'solaire un contrat portant sur l'achat et l'installation de douze panneaux photovoltaïques entièrement financé par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Financo (le prêteur).
2. Diverses échéances du prêt étant demeurées impayées, le prêteur a assigné les emprunteurs en paiement du solde de l'emprunt restant dû. Par jugement du 28 avril 2017, le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'examen de l'affaire devant le tribunal de commerce d'Orléans.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de dire que les dispositions du code de la consommation n'ont pas lieu de s'appliquer au contrat, de rejeter leurs demandes fondées sur ces dispositions et de suspension de l'exécution du contrat de crédit, de les condamner solidairement à payer au prêteur la somme de 27 436,46 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 5,52 % à compter du 23 février 2015, avec capitalisation annuelle des intérêts, et de rejeter leur demande d'expertise, alors que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'il résulte des articles 77 et 95, devenus l'article 79, du code de procédure civile que c'est seulement lorsque le juge a, en se prononçant sur la compétence, tranché dans le dispositif du jugement la question de fond dont dépend cette compétence, que sa décision a autorité de la chose jugée sur la question de fond ; que le jugement du tribunal d'instance d'Orléans du 28 avril 2017, qui avait statué exclusivement sur la compétence, n'avait pas tranché dans son dispositif la question de la nature du contrat principal d'achat et de pose de panneaux photovoltaïques et de l'application, au crédit affecté à cette vente, des dispositions du code de la consommation ; qu'en déclarant, pour dire que les emprunteurs ne pouvaient se prévaloir des dispositions de ce code, que la qualification d'acte de commerce du contrat principal avait été définitivement jugée par le jugement rendu le 28 avril 2017 se déclarant incompétent au profit du tribunal de commerce, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses constatations au regard des textes précités, ensemble les articles 455, alinéa 2 et 480 du code de procédure civile et 1351, devenu 1355, du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Si c'est à tort que la cour d'appel a retenu que les emprunteurs ne pouvaient plus se prévaloir des dispositions du code de la consommation bien que le jugement du 28 avril 2017 n'ait statué que sur la compétence, cette erreur n'a pas eu d'incidence sur la solution du litige, dès lors, d'abord, qu'elle a constaté que le dernier impayé non régularisé datait du 19 septembre 2014 et que les assignations avaient été délivrées le 3 août 2016, excluant ainsi l'acquisition de la prescription biennale, ensuite, qu'en l'absence de mise en cause du liquidateur du vendeur, elle n'était pas saisie de la contestation sur l'exécution du contrat principal et ne pouvait donc pas suspendre l'exécution du contrat de crédit affecté, et enfin, que le montant réclamé par le prêteur n'était pas contesté.
5. Le moyen est donc inopérant.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer au prêteur la somme de 27 436,46 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 5, 52% à compter du 23 février 2015, avec capitalisation annuelle des intérêts, et de rejeter leur demande d'expertise, alors :
« 1°/ que, lorsque la partie à qui on oppose un acte sous seing privé, déclare ne pas reconnaître la signature qui lui est attribuée, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté et de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer ; que, sauf à inverser la charge de la preuve, il ne peut statuer au fond qu'après avoir retenu que l'acte émane bien de la partie qui l'a désavoué ; qu'en l'espèce, les emprunteurs contestaient avoir signé le procès-verbal de réception de travaux transmis par la société Rev'Solaire au prêteur pour obtenir le déblocage des fonds ; que pour condamner les emprunteurs à exécuter le contrat de crédit, la cour d'appel, qui n'a pas écarté l'acte contesté sans lequel elle ne pouvait statuer, a considéré que la banque pouvait se satisfaire de l'attestation de fin de travaux laquelle comportait une signature « bien imitée », celle-ci n'ayant pas à procéder à une vérification plus poussée des signatures en l'absence de faux grossier ; qu'en statuant par de tels motifs, sans ordonner la vérification d'écriture sollicitée, la cour d'appel a violé les articles 1373 du code civil, 287 et 288 du code de procédure civile ;
2°/ que si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte, peu important que l'auteur de la falsification soit présent à l'instance ; que pour condamner les emprunteurs à exécuter le contrat de crédit, la cour d'appel a considéré qu'en l'absence de la société Rev'Solaire à qui un faux aurait pu être opposé à faute, la vérification d'écriture était dépourvue d'intérêt dès lors que la fausseté de la signature ne pouvait être opposée au prêteur, établissement de crédit ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui n'a pas écarté l'acte contesté sans lequel elle ne pouvait statuer et qui ne pouvait opposer aux emprunteurs un écrit qu'ils déniaient avoir signé sans procéder à la vérification de l'écrit contesté, a violé l'article 287 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. Dès lors qu'elle constatait que les emprunteurs établissaient qu'ils n'avaient pas signé eux-mêmes le procès-verbal de réception des travaux, que ce faux ne pouvait qu'avoir été commis par un préposé de la société Rev'solaire, dont le liquidateur n'avait pas été mis en cause, qu'il ne pouvait être opposé au prêteur dès lors que la signature était bien imitée et que celui-ci n'avait pas l'obligation de procéder à une vérification d'écritures avant de débloquer les fonds, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une vérification d'écritures.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [T] et Mme [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. [T], Mme [W]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a dit que les dispositions du code de code de la consommation n'ont pas lieu de s'appliquer au contrat et d'avoir débouté Monsieur et Madame [T] de toutes leurs demandes fondées sur les dispositions de ce code, d'AVOIR débouté les époux [T] de leur demande de suspension de l'exécution du contrat de crédit et de les AVOIR solidairement condamnés à payer à la SA Financo la somme de 27 436, 46 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 5, 52% à compter du 23 février 2015, d'AVOIR ordonné la capitalisation annuelle des intérêts et d'AVOIR débouté les époux [T] de leur demande d'expertise et de toutes demandes plus amples ou contraires ;
AUX MOTIFS QUE « par jugement en date du 28 avril 2017 le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce d'Orléans en retenant que les demandeurs qui revendaient à EDF la totalité de l'énergie produite par l'installation photovoltaïque avaient fait acte de commerce en acquérant les panneaux photovoltaïques litigieux ; qu'aucun contredit n'ayant été formé à l'encontre de cette décision, elle est devenue définitive ; que le seul motif du renvoi de Monsieur et Madame [T] devant le tribunal de commerce est la qualification d'acte de commerce du contrat principal qu'ils ont conclu ; que, bien que cette décision de renvoi d'un tel litige devant le tribunal de commerce soit contraire à la jurisprudence habituelle de cette cour lorsqu'elle doit connaître de la conclusion d'un contrat concernant l'achat et la pose de panneaux photovoltaïques, le jugement rendu le 28 avril 2017 est désormais devenu irrévocable du fait de l'absence de contredit formé par les appelants et s'impose désormais à la cour comme aux époux [T] ; que ces derniers ne peuvent dès lors soutenir que le code de la consommation est applicable alors que cette argumentation est contraire à une décision définitive qui a expressément écarté les dispositions de ce code pour dire le tribunal de commerce compétent ; que la cour est investie, par l'effet dévolutif de l'appel, des seuls pouvoirs du tribunal de commerce et ne peut statuer comme si elle disposait des pouvoirs du tribunal d'instance et comme si le litige ne concernait pas un acte de commerce ; que les dispositions du code de la consommation sont dès lors inapplicables » (cf. arrêt p. 3, 3 derniers § - p. 4, § 4) ;
ALORS QUE, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'il résulte des articles 77 et 95 [devenus l'article 79] du code de procédure civile que c'est seulement lorsque le juge a, en se prononçant sur la compétence, tranché dans le dispositif du jugement la question de fond dont dépend cette compétence, que sa décision a autorité de la chose jugée sur la question de fond ; que le jugement du tribunal d'instance d'Orléans en date du 28 avril 2017, qui avait statué exclusivement sur la compétence, n'avait pas tranché dans son dispositif la question de la nature du contrat principal d'achat et de pose de panneaux photovoltaïques et de l'application, au crédit affecté à cette vente, des dispositions du code de la consommation ; qu'en déclarant, pour dire que M. et Mme [T] ne pouvaient se prévaloir des dispositions de ce code, que la qualification d'acte de commerce du contrat principal avait été définitivement jugée par le jugement rendu le 28 avril 2017 se déclarant incompétent au profit du tribunal de commerce, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses constatations au regard des textes précités, ensemble les articles 455, alinéa 2 et 480 du code de procédure civile et 1351 [devenu 1355] du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement les consorts [T] à payer à la SA Financo la somme de 27 436, 46 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 5, 52% à compter du 23 février 2015, d'AVOIR ordonné la capitalisation annuelle des intérêts et d'AVOIR débouté les époux [T] de leur demande d'expertise et de toutes demandes plus amples ou contraires ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur et Madame [T] affirment ensuite ne pas avoir signé le procès-verbal de réception des travaux et la demande de déblocage des fonds ; qu'ils n'ont pas mis en cause le liquidateur judiciaire de la société REV SOLAIRE alors que le faux dont ils se plaignent ne pourrait, s'il était avéré, qu'avoir été commis par l'un des préposés de cette société ; qu'ils soutiennent ne pas avoir à opérer une telle mise en cause au motif qu'ils demandent exclusivement la suspension de l'exécution du contrat en se fondant sur la fausseté de cette attestation ; mais attendu que s'ils produisent aujourd'hui devant la cour un rapport d'expertise graphologique en date du 29 mars 2019 établissant qu'ils n'ont pas signé ce document, il ne peut cependant qu'être retenu que l'établissement prêteur, qui n'avait pas l'obligation de procéder à une vérification d'écritures, a pu se satisfaire sans faute de l'attestation de fin de travaux qui lui avait été adressée, dès lors que la signature qui y figurait, même si elle n'était pas celle de Monsieur ou Madame [T], comme ceux-ci le prétendent, était en tout cas bien imitée ; que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, FINANCO, en l'absence de faux grossier, n'avait pas à procéder à une vérification plus poussée des signatures ; qu'en l'absence de mise en cause de REV'SOLAIRE à laquelle un éventuel faux aurait pu être opposé à faute, l'organisation d'une expertise graphologique contradictoire ou d'une vérification d'écritures, qui est un moyen nouveau en cause d'appel mais non une demande nouvelle et qui est donc une prétention recevable, n'offrirait aucun intérêt pour la solution du litige puisqu'à supposer qu'elle confirme la fausseté de la signature portée sur l'attestation de livraison, cette fausseté ne pourrait être opposée à FINANCO qui, n'étant pas expert, ne pouvait la connaître et a régulièrement délivré les fonds entre les mains de la prestataire au regard d'une pièce dont elle ne pouvait soupçonner l'éventuelle absence d'authenticité ; que le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté toutes les demandes des époux [T] et les a condamnés à verser les sommes restant dues à FINANCO dont ils ne contestent pas subsidiairement le montant » (cf. arrêt p.4, § 6 ? p. 5, § 1) ;
1°/ ALORS QUE, d'une part, lorsque la partie, à qui on oppose un acte sous seing privé, déclare ne pas reconnaître la signature qui lui est attribuée, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté et de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer ; que, sauf à inverser la charge de la preuve, il ne peut statuer au fond qu'après avoir retenu que l'acte émane bien de la partie qui l'a désavoué ; qu'en l'espèce, M. et Mme [T] contestaient avoir signé le procès-verbal de réception de travaux transmis par la société Rev'Solaire à la Sa Financo pour obtenir le déblocage des fonds ; que pour condamner les exposants à exécuter le contrat de crédit, la cour d'appel, qui n'a pas écarté l'acte contesté sans lequel elle ne pouvait statuer, a considéré que la banque pouvait se satisfaire de l'attestation de fin de travaux laquelle comportait une signature « bien imitée », celle-ci n'ayant pas à procéder à une vérification plus poussée des signatures en l'absence de faux grossier ; qu'en statuant par de tels motifs, sans ordonner la vérification d'écriture sollicitée, la cour d'appel a violé les articles 1373 du code civil, 287 et 288 du code de procédure civile ;
2 °/ ALORS QUE, d'autre part, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte, peu important que l'auteur de la falsification soit présent à l'instance ; que pour condamner les époux [T] à exécuter le contrat de crédit, la cour d'appel a considéré qu'en l'absence de la société Rev'Solaire à qui un faux aurait pu être opposé à faute, la vérification d'écriture était dépourvue d'intérêt dès lors que la fausseté de la signature ne pouvait être opposée à la SA Financo, établissement de crédit ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui n'a pas écarté l'acte contesté sans lequel elle ne pouvait statuer et qui ne pouvait opposer aux consorts [T] un écrit qu'ils déniaient avoir signé sans procéder à la vérification de l'écrit contesté, a violé l'article 287 du code de procédure civile.