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30/06/2021 | FRANCE | N°19-25933

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2021, 19-25933


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 juin 2021

Cassation

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 857 F-D

Pourvoi n° F 19-25.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 JUIN 2021

M. [B] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le

pourvoi n° F 19-25.933 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre civile), dans le litige l'opposant...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 juin 2021

Cassation

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 857 F-D

Pourvoi n° F 19-25.933

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 JUIN 2021

M. [B] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 19-25.933 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Cameron, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. [S], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Cameron, après débats en l'audience publique du 19 mai 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 octobre 2019), M. [S] a été engagé le 19 mars 2009 par la SAS Cameron, filiale française du groupe américain Cameron, en qualité de directeur régional des ventes pour l'Afrique, au statut cadre.

2. Licencié le 13 avril 2011, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de constatation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et de condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de la rupture abusive de son contrat de travail.

Sur le moyen, pris en sa huitième branche

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à faire juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le paiement de diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, procédure de licenciement irrégulière et manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles, alors « que le juge doit tenir pour établi un fait allégué par l'une des parties et reconnu par l'autre ; que dans ses conclusions, la société Cameron justifiait le licenciement de son salarié de par son refus d'utiliser la carte Natexis utilisée dans le cadre de ses procédures de frais ; que pour l'employeur, c'est l'insubordination du salarié, persistant dans son refus d'utiliser cette carte, qui a justifié le licenciement ; qu'en jugeant qu' ''aucune atteinte à la liberté contractuelle n'est caractérisée en l'espèce dès lors que l'utilisation de la carte Natexis n'est pas obligatoire pour le salarié qui peut obtenir le remboursement des frais exposés par l'établissement d'un rapport de dépense, accompagné d'une facture ou d'un ticket de caisse, comme énoncé supra'' quand c'était précisément cette procédure qui était reprochée au salarié à qui l'on imposait l'utilisation de la carte Natexis, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

5. Pour rejeter la contestation par le salarié du bien fondé de son licenciement, l'arrêt retient que le refus persistant par celui-ci de respecter la procédure de remboursement des frais professionnels en vigueur dans l'entreprise caractérise un acte d'insubordination constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, en relevant que l'utilisation de la carte Natexis à débit différé sur le compte bancaire personnel du salarié n'était pas obligatoire pour l'intéressé, qui pouvait obtenir le remboursement des frais exposés par lui par l'établissement d'un rapport de dépense accompagné d'une facture ou d'un ticket de caisse.

6. En statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions d'appel respectives, les deux parties étaient d'accord pour considérer que le grief d'insubordination énoncé par la lettre de licenciement consistait précisément dans le refus réitéré par le salarié d'utiliser cette carte de crédit Natexis fournie par l'employeur pour se faire rembourser ses frais professionnels, la cour d'appel a modifié les termes du litige.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Cameron aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cameron et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. [S]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. [S] de toutes ses demandes tendant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le paiement de diverses sommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, procédure de licenciement irrégulière, manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le bien-fondé, la lettre de licenciement du 13 avril 2011 mentionne deux fautes justifiant la rupture du contrat de travail : - le refus de respecter la procédure de remboursement des frais professionnels malgré un rappel à l'ordre du 5 mars 2010, - un comportement inacceptable avec l'ensemble des interlocuteurs avec lesquels le salarié a eu à échanger sur les questions de la prise en charge des frais professionnels ; que sur le premier grief, l'article 8 du contrat de travail stipule que : « le salarié pourra bénéficier du remboursement des dépenses raisonnables engagées dans l'exercice de ses fonctions à conditions qu'il fournisse à la société, en temps utile, les documents justificatifs indiquant la date, le montant et les motifs de ses dépenses ... » ; que la procédure de remboursement des frais professionnels est précisée dans la note relative aux frais de mission notifiée à M. [S] le 5 mars 2010, à la suite de falsifications par ce dernier de notes de frais relevées par l'employeur ; qu'il en ressort que les frais professionnels sont remboursés à la suite de l'établissement d'un rapport de dépense, auquel doit être joint une facture ou un ticket de caisse ; qu'il est également précisé que certains salariés bénéficient d'une carte de crédit et que des avances pour mission peuvent être accordées ; que contrairement à ce que soutient M. [S], il n'est pas indiqué que certains salariés se voient attribuer une carte de crédit de la société, mais simplement une carte de crédit autorisée par la société ; qu'il s'agit manifestement de la carte Natexis qui a été remise à M. [S] et qui permettait, par un débit différé à soixante jours, d'assurer le remboursement des frais exposés avant leur débit du compte du salarié ; que par ailleurs, la note de procédure précise que les avances pour mission ne sont que ponctuelles : « les avances permanentes ne sont pas autorisées » ; que la revendication persistante de M. [S] concernant l'attribution d'une carte de crédit de la société n'apparaît pas légitime, dès lors qu'il ressort d'un échange de courriels intervenu dès le 6 juillet 2009 avec Mme [Z], salariée de la société Cameron qu'il lui a été clairement indiqué que l'octroi d'une telle carte n'était possible que pour les employés de la filiale anglaise du groupe et non pour les salariés français : « malheureusement, en tant qu'employé français, payé hors de France, il n'est pas possible de vous fournir l'accès pour utiliser ce système [carte de crédit de la société]. Le système est fait pour être utilisé par les employés UK, qui engagent des frais en vertu de la politique de dépenses du Royaume-Uni et qui sont payés in GBP ... » ; que Mme [Z] conclut de manière très claire : « J'ai peur que vous ayez besoin de réclamer vos frais comme n'importe quel autre employé français ... » ; que M. [S] ne peut donc se prévaloir de la situation de ses collègues basés à Londres, qui bénéficiaient d'une carte de la société, ni de l'étonnement de M. [L], employé par la filiale anglaise du groupe Cameron, qui se déclare surpris de la procédure en vigueur au sein de la filiale française ; que l'appelant soutient que ce mode de paiement est inadapté à sa situation, dès lors qu'il réalisait la majorité de ses déplacements en Afrique, où, à l'époque, la carte bancaire était très peu acceptée et où il existait des fraudes massives sur les cartes bancaires ; que cependant, la cour ne peut que constater qu'il se contente de procéder par voie d'affirmation, sans apporter au soutien de ses dires le moindre élément probant ; que par ailleurs, si M. [S] invoque des délais de remboursement excédant les 60 jours du débit différé de la carte Natexis mise à sa disposition, il doit à nouveau être observé que l'appelant ne justifie pas ses dires ; qu'en outre et en tout état de cause, il ne démontre pas que ses demandes de remboursement satisfaisaient à la procédure en vigueur, alors qu'il ressort du courriel que le salarié a adressé à MM. [M] et [L] le 28 mars 2011 qu'il reconnaît avoir commis de nombreuses erreurs dans la manière de remplir ses notes de frais : « ... lorsque j'ai rejoint la société en me trompant à de nombreuses reprises sur la façon de remplir mes notes de frais » ; que s'agissant des avances revendiquées par M. [S], il n'apparaît pas, hormis sa revendication générale, qu'il a formulé la moindre demande préalablement à une mission, étant rappelé que la procédure de remboursement des frais professionnels exclut l'octroi d'avances permanentes ; que cette interdiction ne peut utilement être remise en cause par le salarié, dès lors qu'elle relève du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'aucune atteinte à la liberté contractuelle n'est caractérisée en l'espèce, dès lors que l'utilisation de la carte Natixis n'est pas obligatoire pour le salarié, qui peut obtenir le remboursement des frais exposés par l'établissement d'un rapport de dépense, accompagné d'une facture ou un ticket de caisse, comme énoncé supra ; qu'enfin, la cause économique du licenciement de l'appelant n'est pas démontrée, dès lors qu'elle ne peut se déduire de sa seule coïncidence avec la marée noire consécutive à l'explosion d'une tête de puits sous-marine appartenant à la société Cameron dans le golfe du Mexique ; que le refus persistant de M. [S] de respecter la procédure de remboursement des frais professionnels en vigueur au sein de l'entreprise, alors qu'il avait déjà fait l'objet d'un rappel à l'ordre le 5 mars 2010, accompagné d'un rappel de la procédure à suivre, caractérise un acte d'insubordination constitutif d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'aussi, sans qu'il soit besoin d'examiner le second grief, le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE la cause du licenciement invoquée doit être réelle, ce qui implique à la fois que le motif existe, qu'il soit exact et qu'il présente un caractère d'objectivité, excluant les préjugés et les convenances personnelles ; qu'elle doit également être sérieuse et présenter une gravité suffisante rendant impossible, sans dommage pour l'entreprise, la poursuite du contrat de travail ; que la SAS Cameron a licencié Monsieur [B] [S] pour cause réelle et sérieuse en ces termes : « ... Le 5 mars 2010, à la suite de difficultés relatives à la gestion de vos frais professionnels, nous vous avons rappelé à l'ordre et remis à nouveau les consignes relatives à la procédure de remboursements des frais de la société Cameron France. Depuis cette date cependant vous continuez à refuser d'appliquer les consignes. Plusieurs rappels ont été faits en vain notamment le 17 février 2011. Nous vous rappelons que pour permettre de régler vos frais il a été mis à votre disposition une carte de crédit Natexis à débit différé 60 jours fin de mois. Vous êtes le seul salarié en France à refuser ouvertement de l'utiliser et à réclamer que vos fais vous soit payés d'avance. Cependant, non satisfait de refuser de respecter les procédures internes, vous avez adopté un comportement inacceptable avec l'ensemble des interlocuteurs avec qui vous avez eu à échanger sur les questions de la prise en charge de vos frais professionnels. A titre d'exemple, hélas parmi tant d'autres, le 28 mars 2011, lorsque Madame [B], qui exerçait les fonctions d'Assistante au sein du service comptabilité, vous a contacté pour vous faire part, une nouvelle fois de difficultés (absence de justificatifs et demande de remboursement de vos frais de carte bleue personnelle), vous avez fait preuve de propos grossier, d'un total dédain et d'un profond mépris à son égard et au regard de ce qu'elle vous disait ne lui laissant même pas finir ses phrases. Vous avez également décidé d'adopter une attitude de mépris avec d'autres collaborateurs. Votre comportement et votre refus de respecter les directives de votre employeur sont d'autant plus inacceptables qu'ils émanent d'un salarié ayant le statut de Manager. En conséquence, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute. Votre licenciement prendra effet à réception de la présente. Votre préavis de 3 mois que nous vous dispensons d'effectuer débutera à la date de la première présentation de la présente lettre avec accusé de réception... Par ailleurs, l'avenant n°3 du 18 mai 2009 à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail prévoit le maintien, sous certaines conditions, des garanties Santé et prévoyance au profit des anciens salariés au chômage. Vous pourrez bénéficier du maintien des garanties Prévoyance pour une durée maximale de neuf mois après la fin de votre contrat de travail, si vous justifiez être pris en charge par le régime d'assurance chômage. En cas de cessation du versement des allocations d'assurance chômage intervenant pendant la période de maintien des garanties, vous devrez nous en informer.... » ; que M. [S] est licencié pour non-respect des procédures de remboursement des frais de déplacements et comportement inacceptable envers des collaborateurs ; que M. [S] éprouvait des difficultés à se faire rembourser les frais de déplacements qu'il engageait dans le cadre de son travail depuis son embauche en 2009 et remontait souvent auprès de l'employeur ses difficultés ; que l'employeur a constaté des anomalies sur les justificatifs de remboursements des frais de M. [B] [S], la S.A.S Cameron a fait réaliser une enquête faisant apparaître que des justificatifs ont étés falsifiés par augmentation et transformation des chiffres initialement écrits par l'émetteur dudit justificatif ; M. [S] reconnaît dans ses écritures qu'il rajoutait les montants des pourboires, la prise en charge des bagages ou le café pris en attendant le taxi ou tout autre moyen de transport, qui ne sont pas compris dans le montant du justificatif ; que ces dépenses doivent être remboursées par l'employeur, le déplacement étant fait dans le cadre du travail ; qu'en novembre 2009 M. [S] est convoqué en vue d'une sanction, sur la problématique des frais de déplacements ; que les explications lors de cet entretien n'ont pas donné suite à une sanction de la part de l'employeur, mais furent nécessaires pour recadrer M. [S] afin qu'il applique les procédures en cours, comme tous les collaborateurs dans l'entreprise ; Attendu qu'un rapport graphologique commandé par l'employeur met en évidence la falsification des justificatifs des notes de frais ; que par courriel du 5 mars 2010, la S.A.S Cameron informe M. [S] que malgré les constations faites sur la falsification des justificatifs de notes de fiais, elle considérait que l'affaire était close, malgré les interrogations encore en suspens ; que l'employeur a remis à M. [S] un exemplaire de la procédure de remboursement des frais de missions ; que des courriels échangés avec M. [P] [L] et M. [S] montrent que ce dernier avançait l'argent pour payer les frais de missions, qu'il éprouvait des difficultés à se faire rembourser car il réglait ses frais avec sa carte bleu personnelle en dehors de toute procédure de l'entreprise ; M. [S] ne comprenait pas pourquoi les collaborateurs de Cameron du Royaume Uns avait une carte de paiement d'entreprise prélevé sur un compte de l'entreprise alors que la France imposait un prélèvement sur son compte personnel avec la carte Natexis ; que l'employeur met à la disposition de M. [S] une carte Natexis permettant de payer les frais de déplacements avec un délai de prélèvement de 60 jours fin de mois sur son compte bancaire personnel, cette procédure étant valable pour tous les salariés concernés de l'entreprise ; que la demande de remboursement des frais doit être faite à l'employeur par le collaborateur dans les meilleurs délais afin que le remboursement par l'employeur soit effectué avant le prélèvement de la carte Natexis ; que M. [S] continue de ne pas utiliser la carte de paiement Natexis pour ses déplacements, qu'il demande sans cesse d'avoir une avance de frais permanente, que l'employeur l'informe que l'entreprise ne pratique pas ce procédé et redemande au salarié d'utiliser la procédure en place avec la carte Natexis ; que M. [B] [S] a la fonction de directeur des ventes correspondant à un niveau de cadre supérieur dans l'entreprise, son attitude à ne pas vouloir utiliser la procédure de remboursement de frais de l'entreprise est un acte fautif ; que Mme [B] se plaint de l'attitude méprisante et inamicale de M. [S] chaque fois qu'elle a à faire à lui dans le cadre des demandes de remboursement de ses frais de déplacement;, comme en atteste Mme [N] et M. [G], ce que réfute M. [S] ; qu'il ressort que tous les éléments versés aux débats et l'appréciation souveraine du juge suffisent au Conseil pour dire que le licenciement de M. [B] [S] par la S.A.S Cameron est fondé ; qu'il ne sera pas fait droit à la demande ;

1° ALORS QUE la notice descriptive de la procédure de remboursement des frais professionnels de Cameron France communiquée par l'employeur à M. [S] stipule en son article 7 que « les avances permanentes ne sont pas autorisées, à l'exception des commerciaux après accord du directeur financier » (production n° 10) ; qu'il résulte de ces stipulations que les avances permanentes pouvaient être mises en place pour les commerciaux exerçant des fonctions au sein de Cameron France ; qu'en écartant la revendication de M. [S] s'agissant de la mise en place d'une avance de 5.000 ? aux motifs que « la note de procédure précise que les avances pour mission ne sont que ponctuelles : « les avances permanentes ne sont pas autorisées » », cependant que M. [S], en qualité de directeur régional des ventes, effectuait des déplacements quotidiens à travers le monde et pouvait se prévaloir de la qualité de « commercial » au sens de la notice, la cour d'appel a violé, par refus d'application de la notice, l'article 1134, devenu 1103, du code civil et l'article L 1221-1 du code du travail ;

2° ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 prévoit que les frais de séjour exposés par l'ingénieur ou le cadre au cours de déplacements effectués à la demande de l'employeur « doivent normalement faire l'objet d'une avance suffisante » ; qu'en jugeant que l'interdiction tenant à l'octroi d'avances permanentes au sein de Cameron France ne pouvait être remise en cause par le salarié dès lors qu'elle relève du pouvoir de direction de l'employeur, cependant que cette interdiction allait à l'encontre des principes conventionnels régissant le contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 11, 5° de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 ;

3° ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 prévoient que les frais de séjour exposés par l'ingénieur ou le cadre au cours de déplacements effectués à la demande de l'employeur doivent normalement faire l'objet d'une avance suffisante ; qu'en reprochant au salarié de ne pas avoir formulé de demandes pour l'attribution d'une avance pour chaque mission qu'il effectuait quand l'article 7 de la notice, qui ne prévoyait qu'une avance de 250 ? par semaine pour une mission sur le territoire français et 500 ? pour une mission sur le territoire d'un pays étranger soit un montant largement insuffisant pour couvrir les frais engagés mensuellement par le salarié (entre 4.000 et 5.000 ?), était contraire aux principes conventionnels régissant le contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 11, 5° de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 ;

4° ALORS QU' il est fait interdiction au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour juger illégitime la demande du salarié tendant à ce qu'il lui soit mis à disposition une carte de crédit de la société comme ses collègues du Royaume-Uni, la cour d'appel s'est fondée sur un courriel émis le 6 juillet 2009 par Mme [S] [Z] (production n° 1) ; qu'il résultait de ce courriel que M. [S] ne pouvait avoir accès au service UK destiné à soumettre en ligne ses dépenses pour approbation par son supérieur [P] [L], basé à Londres ; que lui-même étant basé en France, il devait numériser ses notes de frais, les envoyer à [P] [L] pour que ce dernier les signe et les renvoie au service comptable de [Localité 1] ; que ce courriel ne tranchait donc aucunement la question de la délivrance d'une carte de crédit sur le compte de Cameron Corp, UK ou France ; qu'en énonçant pourtant qu'il résultait de ce courriel que « l'octroi d'une telle carte n'était possible que pour les salariés de la filiale anglaise du groupe et non pour les salariés français » pour en déduire que « M. [S] ne peut donc se prévaloir de la situation de ses collègues basés à Londres, qui bénéficiaient d'une carte de la société, ni de l'étonnement de M. [L], employé par la filiale anglaise du groupe Cameron, qui se déclare surpris de la procédure en vigueur au sein de la filiale française », la cour d'appel a dénaturé le courriel envoyé le 6 juillet 2009 par Mme [Z] ;

5° ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, le juge doit analyser, même de manière sommaire, les éléments soumis à son appréciation ; qu'au soutien de ses demandes, M. [S] soutenait que l'usage de la carte à débit différé Natexis n'était pas adaptée à sa situation en raison, notamment, des délais de traitement de ses demandes de remboursement de frais pouvant excéder 60 jours soit le débit de la carte ; qu'il résultait en effet de nombreux courriels échangés entre le salarié, son supérieur hiérarchique et le service comptable de [Localité 1], versés aux débats tant par le salarié que par l'employeur, que M. [S] avait subi des retards dans le remboursement de ses avances de frais pouvant atteindre 14 mois ; qu'en énonçant pourtant que « si M. [S] invoque des délais excédant les 60 jours du débit différé de la carte Natexis mise à sa disposition, il doit à nouveau être observé que l'appelant ne justifie pas ses dires », sans même analyser de manière sommaire les correspondances versées aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6° ALORS QUE le juge, tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir auparavant invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d'appel a imputé au salarié les retards de remboursements de frais professionnels à des erreurs dans l'établissement de ses notes de frais qu'il aurait reconnues dans un courriel adressé à MM. [M] et [L] le 28 mars 2011 (production n° 7) ; qu'en relevant d'office ce moyen de défense, qui n'avait pas été soulevé par l'employeur, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

7° ALORS QU'EN TOUTE HYPOTHESE, il est fait interdiction au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour imputer au salarié, en toute hypothèse, les délais de remboursement excédant les 60 jours du débit différé de la carte Natexis, la cour d'appel s'est fondée sur un courriel adressé par M. [S] à MM. [M] et [L] le 28 mars 2011 (production n° 7) ; qu'aux termes de ce courriel, M. [S] dénonçait un appel de Mme [B] « c'est-à-dire la même secrétaire qui était à l'origine de la plupart des problèmes survenus lorsque j'ai rejoint la société en me trompant à de nombreuses reprises sur la façon de remplir mes notes de frais. Il était clair et entendu qu'après ce qui s'est passé l'année dernière, cette personne ne serait plus impliquée d'une quelconque façon dans la gestion de mes dossiers » ; qu'en imputant les erreurs d'établissement dans les notes de frais à M. [S] cependant qu'il résultait précisément de ce courriel, d'une part, qu'il n'en était pas le responsable pour avoir été trompé par la secrétaire sur la façon de remplir les notes de frais, d'autre part, que ces erreurs étaient anciennes et ne s'étaient pas reproduites depuis 2009 quand les retards de paiement ont persisté jusqu'au licenciement en 2011, la cour d'appel a dénaturé le courriel du 28 mars 2011 ;

8° ALORS QUE le juge doit tenir pour établi un fait allégué par l'une des parties et reconnu par l'autre ; que dans ses conclusions, la société Cameron justifiait le licenciement de son salarié de par son refus d'utiliser la carte Natexis utilisée dans le cadre de ses procédures de frais ; que pour l'employeur, c'est l'insubordination du salarié, persistant dans son refus d'utiliser cette carte, qui a justifié le licenciement ; qu'en jugeant qu'« aucune atteinte à la liberté contractuelle n'est caractérisée en l'espèce dès lors que l'utilisation de la carte Natexis n'est pas obligatoire pour le salarié qui peut obtenir le remboursement des frais exposés par l'établissement d'un rapport de dépense, accompagné d'une facture ou d'un ticket de caisse, comme énoncé supra » quand c'était précisément cette procédure qui était reprochée au salarié à qui l'on imposait l'utilisation de la carte Natexis, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-25933
Date de la décision : 30/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 24 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 jui. 2021, pourvoi n°19-25933


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.25933
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