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30/06/2021 | FRANCE | N°18-22978

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 juin 2021, 18-22978


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 juin 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 495 F-D

Pourvoi n° Y 18-22.978

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2021

La société William Porge, Jacques Berthier, Cathy Bitbol et Corinne Per

otto, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 18-22.978 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2018 par ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 juin 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 495 F-D

Pourvoi n° Y 18-22.978

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 JUIN 2021

La société William Porge, Jacques Berthier, Cathy Bitbol et Corinne Perotto, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 18-22.978 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2018 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [T] [Z], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société William Porge, Jacques Berthier, Cathy Bitbol et Corinne Perotto, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 juin 2018), suivant acte authentique reçu le 22 avril 1993 par M. [D], notaire membre de la société civile professionnelle William Porge, Jacques Berthier, Cathy Bitbol et Corinne Perotto (la SCP), la commune de [Localité 1] a, par voie d'expropriation, acquis un immeuble dans lequel était exploité un fonds de commerce dont étaient propriétaires indivis, M. [Z] d'une part, et Mme [E] et son fils, M. [G] (les consorts [G]), d'autre part. L'acte prévoyait la mise sous séquestre de l'indemnité d'éviction versée par la commune entre les mains de l'office notarial, et son placement jusqu'au règlement définitif d'un litige opposant M. [Z] et les consorts [G] sur la répartition des bénéfices et charges d'exploitation du fonds de commerce.

2. Le 25 janvier 2007, les consorts [G] ont fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la SCP en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 février 2005, condamnant M. [Z] à leur payer la somme de 135 000 euros.

3. Reprochant à la SCP d'avoir libéré les fonds objet du séquestre au seul profit des consorts [G], alors que le litige était toujours en cours, M. [Z] a assigné la SCP en responsabilité et indemnisation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La SCP fait grief à l'arrêt de dire qu'en libérant les fonds séquestrés à la suite de la saisie-attribution du 25 janvier 2007, elle a commis une faute et de la condamner en conséquence à payer à M. [Z] une certaine somme, alors « que le séquestre ne commet pas de faute en remettant la chose contentieuse déposée entre ses mains à la personne désignée pour la recevoir par une décision de justice exécutoire, dont l'exécution forcée en est poursuivie, et en se conformant ainsi à une décision exécutoire ; qu'en imputant à faute à la SCP désignée séquestre des sommes versées par la commune de [Localité 1] à l'indivision [Z] - [G] « jusqu'au règlement définitif du litige opposant actuellement M. [Z] et les consorts [G] », de s'en être dessaisie au profit des consorts [G] en exécution de la saisie-attribution diligentée par ces derniers sur le fondement de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 18 février 2005 condamnant M. [Z] à leur payer certaines sommes, au motif que cette décision avait été frappée de pourvoi et que les sommes séquestrées n'étaient pas disponibles tant qu'une décision définitive n'était pas intervenue dans le litige opposant les consorts [G] à M. [Z], quand le notaire devait se conformer à l'arrêt exécutoire rendu par la cour d'appel de Versailles le 18 février 2005 et sur le fondement duquel une saisie attribution avait été pratiquée entre ses mains, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 1956 du code civil, le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir.

6. Il résulte de l'article 24 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, applicable au présent litige, que le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie ne peut être condamné au paiement des causes de la saisie que s'il s'y oppose sans motif légitime.

7. L'arrêt retient qu'à la date de la remise des fonds, la SCP avait connaissance du pourvoi formé contre l'arrêt du 18 février 2005 et les sommes séquestrées n'étaient pas disponibles dès lors que la convention prévoyait leur placement jusqu'au règlement définitif du litige opposant les indivisaires, lequel ne s'est dénoué qu'avec l'arrêt du 12 mai 2011, à l'issue du renvoi de cassation de l'arrêt du 18 février 2005, et qu'elle était débitrice d'une obligation de restitution des fonds restant séquestrés après extinction des causes des différentes sûretés et oppositions.

8. De ses constatations et énonciations, faisant ressortir que la SCP tiers saisi avait un motif légitime de s'opposer à la remise des fonds en l'absence d'achèvement de la procédure et de certitude sur les sommes dues entre les indivisaires, la cour d'appel a pu déduire qu'elle avait commis une faute en les libérant au profit des consorts [G].

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile professionnelle William Porge, Jacques Berthier, Cathy Bitbol et Corinne Perotto, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société William Porge, Jacques Berthier, Cathy Bitbol et Corinne Perotto

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit qu'en libérant les fonds séquestrés à hauteur de 170 892 euros à la suite de la saisie du 25 janvier 2007, la SCP Porge, Berthier, Bitbol et Perotto avait commis une faute et d'AVOIR en conséquence condamné la SCP Porge, Berthier, Bitbol et Perotto à payer à M. [Z] la somme de 63 215,51 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 9 mai 2016, et capitalisation des intérêts ;

AUX MOTIFS QUE Sur la faute : (?) en application de l'article 1956 du code civil, le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes, d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige de la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir ; que suite à la création d'une zone d'aménagement concerté, la commune de [Localité 1] a exproprié d'une part M. [T] [Z] et d'autre part Mme [E] et son fils mineur, ces derniers venant aux droits de M. [I] [G], décédé, du fonds de commerce détenu par M. [T] [Z] et l'indivision successorale de M. [G], chacun par moitié ; que le 28 avril 1998, Maître [E] [D] a rédigé une quittance d'éviction commerciale suite à expropriation, l'indemnité versée par la commune de [Localité 1] étant fixée à la somme de 1 619 000 francs ; qu'aux termes de cet acte, les parties ont convenu d'affecter l'indemnité à titre de gage et nantissement conformément à l'article 2071 et suivants du code civil, au profit de la ville de [Localité 1] ès qualités ; qu'il était ainsi convenu que la somme de 1 619 000 francs soit remise entre les mains de Mademoiselle [H] [N] de l'office notarial et que le tiers dépositaire ne pourra remettre la somme qu'après extinction des causes des inscriptions, et oppositions et règlement des impôts et salaires dus par M. [T] [Z] et les consorts [G] ; que les parties ont également requis le séquestre de placer les fonds à la BICS à un compte à terme indivis qui fonctionnera sur la seule signature de l'un des notaires de la SCP « jusqu'au règlement définitif du litige opposant actuellement M. [T] [Z] et les consorts [G] » ; qu'en effet les consorts [G] revendiquaient une partie des bénéfices réalisés par M. [T] [Z] dans le fonds de commerce qu'il exploitait ; que par jugement du 13 octobre 1999, le tribunal de grande instance de Nanterre a ainsi condamné M. [T] [Z] à payer aux consorts [G] la somme de 1 012 427,50 francs ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 février 2005, la cour ramenant toutefois le quantum à la somme de 135 000 euros ; que forts de ce titre exécutoire, les consorts [G] ont fait pratiquer entre les mains du séquestre une saisie le 25 janvier 2007 ; que comme l'a relevé le premier juge, il n'est pas discuté que l'étude notariale avait parfaitement connaissance du pourvoi inscrit par M. [T] [Z] à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 18 février 2005 ; que le notaire par courrier du 29 janvier 2007 a transmis copie du procès-verbal de saisie attribution à M. [T] [Z] et à son avocat ainsi que copie de la réponse adressée à l'huissier ; qu'en effet, par courrier du 29 janvier 2007, le notaire a répondu qu'il détenait sur le compte de l'indivision [G]/[D] la somme de 11 260 euros compte tenu des oppositions réglées en son temps aux créanciers privilégiés et que la somme de 236 135,35 euros représentant le montant de l'indemnité d'éviction commerciale avec les intérêts cumulés était consignée auprès de la Banque Populaire ; qu'il ajoutait enfin être détenteur de diverses oppositions pour un montant total de 85 000 euros ; qu'ensuite le 14 mars 2007, suite au certificat de non contestation qui lui avait été signifié le 9 mars 2007, le notaire a avisé M. [T] [Z] de ce qu'il était tenu d'adresser à l'huissier de justice l'ensemble des sommes détenues pour le compte de l'indivision [G]/[D] ; qu'il a ensuite écrit à l'avocat de M. [T] [Z] pour lui demander de lui donner toute information quant à l'avancement de la procédure opposant les consorts [G] à M. [T] [Z] ; qu'en définitive le 27 juillet 2007, le notaire a adressé à l'huissier la somme de 170 892,71 euros représentant le montant disponible en l'office notarial ; que la SCP Porge Berthier Bitbol et Perotto fait valoir que si le notaire ne s'était pas exécuté, il se serait exposé à devoir régler les causes de la saisie, l'article 24 de la loi 9 juillet 1991 applicable au présent litige dispose que le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut être condamné au paiement des causes de la saisie s'il s'y oppose sans motif légitime ; que toutefois les sommes séquestrées n'étaient pas disponibles dès lors que la convention de séquestre prévoyait le placement des fonds jusqu'au règlement définitif du litige opposant les consorts [G] à M. [T] [Z], lequel ne s'est dénoué qu'en suite de l'arrêt du 12 mai 2011 de la cour d'appel de Versailles, saisie sur renvoi de cassation de l'arrêt du 18 février 2005 ; que le notaire séquestre était débiteur d'une obligation de restitution des fonds restant séquestrés après extinction des causes des différentes sûretés et oppositions ; qu'ayant néanmoins déféré à la saisie-attribution, il a donc failli à cette obligation contractuelle ; que l'absence de contestation par M. [T] [Z] de la saisie n'est pas de nature à exonérer le notaire de sa responsabilité ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a décidé que le notaire n'avait pas commis de faute ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur la validité du certificat de non contestation ;

Sur le préjudice et le lien de causalité : la SCP Porge Berthier Bitbol et Perotto fait valoir que faute pour M. [Z] d'avoir diligenté des poursuites en recouvrement à l'encontre de sa débitrice Mme [E], il ne peut rechercher la responsabilité du notaire dès lors qu'il ne justifie pas de l'existence d'un préjudice réel et certain ; que toutefois le notaire doit répondre des conséquences dommageables de sa propre faute ; que sa responsabilité ne présente donc pas un caractère subsidiaire ; que la SCP est donc mal fondée à soutenir que M. [T] [Z] ne justifie pas n'avoir pas pu obtenir le reversement par les consorts [G] des sommes versées en exécution de l'arrêt cassé de la cour d'appel de Versailles du 18 février 2005 ; que M. [T] [Z] rappelle que le montant de l'indemnité d'éviction était de 245 135,58 euros ; que les règlements à différents créanciers se sont élevés à 36 204,56 euros ; que le montant des oppositions cumulées s'élève à 106 828,25 euros ; que sans le versement de 170 892,71 euros suite à la saisie, les fonds séquestrés se seraient élevés à 102 102,77 euros sans compter les intérêts ; qu'il aurait donc dû toucher la moitié de cette somme, soit 51 051,39 euros ; que, compte tenu de la saisie, ne subsiste plus que 82 500 euros ; que l'indivision reste donc débitrice de 24 328,25 euros ; que M. [T] [Z] doit donc personnellement la somme de 12 164,12 euros ; qu'il demande donc que la SCP Porge Berthier Bitbol et Perotto soit condamnée à lui payer la somme de 63 215,51 euros ; que si la SCP Porge Berthier Bitbol et Perotto observe que M. [T] [Z] présente de savants calculs, ceux-ci ne sont toutefois pas contestés ; qu'en tout état de cause, les sommes sont clairement justifiées et correspondent au préjudice subi par M. [T] [Z] du fait du règlement fautif des sommes suite à la saisie-attribution ; que la SCP Porge Berthier Bitbol et Perotto sera donc condamnée à payer la somme de 63 215,51 euros à M. [T] [Z] avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 9 mai 2016 ; qu'il n'y a pas lieu au vu des éléments précités de mettre à sa charge les intérêts réclamés ; que les intérêts dus sur une année entière seront capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil ;

ALORS QUE le séquestre ne commet pas de faute en remettant la chose contentieuse déposée entre ses mains à la personne désignée pour la recevoir par une décision de justice exécutoire, dont l'exécution forcée en est poursuivie, et en se conformant ainsi à une décision exécutoire ; qu'en imputant à faute à la SCP Porge, Berthier, Bitbol et Perotto désignée séquestre des sommes versées par commune de [Localité 1] à l'indivision [Z] - [G] « jusqu'au règlement définitif du litige opposant actuellement M. [T] [Z] et les consorts [G] », de s'en être dessaisie au profit des consorts [G] en exécution de la saisie-attribution diligentée par ces derniers sur le fondement de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 18 février 2005 condamnant M. [Z] à leur payer certaines sommes, au motif que cette décision avait été frappée de pourvoi et que les sommes séquestrées n'étaient pas disponibles tant qu'une décision définitive n'était pas intervenue dans le litige opposant les consorts [G] à M. [Z], quand le notaire devait se conformer à l'arrêt exécutoire rendu par la cour d'appel de Versailles le 18 février 2005 et sur le fondement duquel une saisieattribution avait été pratiquée entre ses mains, la cour d'appel a violé l'article 1382 (devenu 1240) du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-22978
Date de la décision : 30/06/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 29 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 jui. 2021, pourvoi n°18-22978


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.22978
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