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16/06/2021 | FRANCE | N°20-14645

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 juin 2021, 20-14645


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 728 F-D

Pourvoi n° H 20-14.645

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 JUIN 2021

La société Aude Agrégats,

société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 20-14.645 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 728 F-D

Pourvoi n° H 20-14.645

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 JUIN 2021

La société Aude Agrégats, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 20-14.645 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (4e B chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [T] [N], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

M. [N] a formé un pourvoi incident éventuel et subsidiaire contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident éventuel et subsidiaire invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Aude Agrégats, de la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 décembre 2019), M. [N] a été engagé le 22 juin 1976 par la société Aude Agrégats (la société) en qualité de secrétaire aide-comptable.

2. En dernier lieu il exerçait les fonctions d'agent bascule, conducteur d'engin.

3. Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 23 janvier 2014, il a saisi la juridiction prud'homale le 27 octobre 2014 de différentes demandes au titre de l'exécution et de la rupture de la relation de travail.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième moyens et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à lui verser des sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, alors « que, en allouant au salarié au titre d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, outre des dommages-intérêts, des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents, quand le salarié se contentait de demander le versement de dommages-intérêts, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

7. Après avoir dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt alloue au salarié, outre des dommages-intérêts, des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés afférents.

8. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, dont l'arrêt énonce qu'elles ont été reprises oralement à l'audience, le salarié demandait, à titre subsidiaire, de dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement et le versement de dommages-intérêts, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

La cassation prononcée n'atteint pas les chefs du dispositif relatifs à la condamnation de la société à payer au salarié une somme au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ni les chefs du dispositif relatifs à la condamnation de la société aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile justifiée par les condamnations prononcées par ailleurs.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il condamne la société Aude Agrégats à payer à M. [N] les sommes de 4 903,02 euros à titre d'indemnité de préavis outre 490,30 euros à titre de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 18 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Aude Agrégats

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir réformé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, notamment en celle ayant dit que la demande de modification unilatérale du contrat de travail de M. [N] devait être déclaré irrecevable pour cause de prescription et, statuant à nouveau, d'Avoir dit le licenciement de M. [N] sans cause réelle et sérieuse, d'Avoir condamné la société Aude agrégats à lui verser 50 000 ? à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4 903,02 ? à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 490,30 ? au titre des congés payés afférents, enfin de l'Avoir condamnée à paiement de 1 500 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Aux motifs que, sur la rupture du contrat de travail, M. [N] soutient à titre principal que son licenciement pour inaptitude est nul en raison des comportements fautifs de l'employeur résultant d'une modification unilatérale de son contrat de travail, entrant par ailleurs dans le cadre d'agissements de harcèlement moral ; qu'il fait valoir que l'employeur a modifié unilatéralement son contrat de travail en s'affranchissant de son accord explicite dès lors qu'il n'a signé aucun avenant à son contrat de travail et qu'il n'a eu connaissance de la modification de celui-ci que le 31 janvier 2010, à réception de son bulletin de paie de janvier 2010 sur lequel étaient mentionnées ses nouvelles fonctions d'agent de bascule/conducteur d'engins ; qu'il expose que l'inaptitude est directement liée au changement de ses fonctions dans l'entreprise ce qui justifie à tout le moins que le licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse ; qu'il soutient en outre avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral résultant d'un accroissement considérable des tâches non administratives à compter de fin 2008, l'employeur ne tenant pas compte des certificats médicaux contre-indiquant la conduite d'engins de type chargeur ; qu'il fait valoir à cet égard que des agissements insidieux de l'employeur avaient pour but de le détruire, qu'ainsi une attestation de M. [G] établie au profit de l'employeur l'accusait faussement de harcèlement sexuel, que par ailleurs il a subi une rétrogradation dissimulée du statut d'ETAM à celui d'ouvrier si bien que l'ensemble de ces éléments qui se sont traduits par une dégradation de son état de santé psychique constitue un harcèlement moral ; que la SAS Aude Agregats soutient que M. [N] est irrecevable en sa demande tendant à voir reconnaître une modification unilatérale du contrat de travail en raison de la prescription ; qu'elle ajoute que celui-ci ne peut davantage se prévaloir d'un quelconque harcèlement moral et que sa demande aux fins de nullité du licenciement en raison d'un harcèlement moral serait en tout état de cause prescrite car formée pour la première fois en juin 2019 ; qu'elle fait valoir qu'en réalité M. [N] exerçait dès le mois d'avril 1996 la double fonction d'agent administratif et de conducteur d'engins dans la mesure où il ne souhaitait pas de mutation géographique consécutivement à une réorganisation de l'entreprise liée à de mauvais résultats économiques et passant par la fusion de certains services administratifs ; qu'elle ajoute, sans que cela ne soit contesté, que pour ces motifs, et par LRAR du 18 mars 1996, elle a proposé au salarié « une mutation dans l'Est de l'Hérault et éventuellement dans les Bouches du Rhône » et que le 23 mars 1996 le salarié a répondu à ce courrier ; qu'elle soutient qu'il a ainsi exercé depuis cette date la double fonction d'agent administratif et de conducteur en accord avec l'employeur ; qu'elle observe enfin que consécutivement à la révision, le 10 juillet 2008, des grilles de classification professionnelle de la convention collective des industries de carrières et de matériaux de construction, le salarié avait été informé par courrier du 10 septembre 2009 d'une confirmation dans les fonctions d'agent de bascule/conducteur d'engins au niveau 4, échelon 2, et que bien que disposant de la faculté de contester cette classification dans le délai de 30 jours il n'avait pas usé de ce droit ; qu'elle fait ensuite valoir que le salarié n'a subi aucun déclassement et ne justifie d'aucun préjudice à cet égard contrairement à ce qu'il prétend, que les certificats médicaux qu'il produit sont tous postérieurs à son licenciement, que l'attestation de M. [G] ne traduit pas davantage l'existence d'un quelconque harcèlement moral de l'employeur ; que la SAS Aude Agregats ne conteste pas que le salarié ait été embauché en qualité de comptable et affecté à des fonctions exclusivement administratives pendant ses vingt premières années dans l'entreprise ; qu'elle ne justifie cependant d'aucune acceptation expresse du salarié de la modification de son contrat de travail résultant d'un changement de qualification, celui-ci passant de la fonction d'agent administratif à celle d'agent de bascule/conducteur d'engins ; qu'en effet, si le salarié a répondu le 23 mars 1996 au courrier de proposition de mutation que lui avait adressé la société le 18 mars 1996, il sollicitait des précisions sur les postes susceptibles d'être proposés et interrogeait l'employeur sur les modalités qu'il entendait mettre en oeuvre pour pallier sur le site la suppression du poste qu'il occupait ; que ce courrier ne justifiant dès lors en aucune manière d'une quelconque acceptation du salarié relative à la modification de son contrat de travail ; qu'à cet égard, l'employeur ne peut utilement se prévaloir du silence du salarié et du fait qu'il aurait en réalité occupé la double fonction d'agent administratif et de conducteur depuis 1996, dès lors que quand bien même fût-il de longue durée, ce silence ne pouvait valoir acceptation ; qu'il ne pouvait non plus se prévaloir utilement du silence du salarié consécutivement à l'entrée en vigueur de l'accord du 10 juillet 2008 relatif à la révision des classifications professionnelles de la convention collective des industries de carrières et de matériaux de construction dès lors que la grille de classification des emplois repères qu'elle contenait maintenait au niveau IV des fonctions d'assistant administratif comptable, et que, dans ces conditions, l'employeur, en dépit du maintien du salaire, ne pouvait modifier le contenu des fonctions du salarié sans son accord, nonobstant une absence de contestation de la classification dans le délai de 30 jours ; que c'est pourquoi, et alors que le bulletin de salaire édité le 31 décembre 2009 mentionnait toujours un emploi d'agent administratif, le point de départ de la prescription de la demande fondée sur l'existence d'une modification unilatérale du contrat de travail ne pouvait être antérieur au 31 janvier 2010, date à laquelle le salarié avait effectivement connaissance de son changement de fonction à réception du bulletin de salaire portant la mention de l'emploi d'« agent de bascule/conducteur d'engins » ; que le fait que M. [N] ait été informé de l'entrée en vigueur de l'accord du 10 juillet 2008, le 11 septembre 2009, et de la possibilité de contester sous 30 jours, sa classification et sa « confirmation dans la fonction d'agent bascule/conducteur d'engins de niveau 4, échelon 2 à compter du 1er janvier 2010 », ne caractérisant pas à ce stade, la manifestation de la modification unilatérale du contrat de travail intervenue postérieurement, si bien qu'à cette date le salarié ne pouvait connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que les dispositions de la loi du 14 juin 2013, réduisant de cinq à deux ans les délais de prescription des actions portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail s'appliquent à celles qui sont en cours à compter de la promulgation de la loi, soit le 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, la prescription quinquennale a commencé à courir à compter du 31 janvier 2010, mais à compter du 17 juin 2013 un nouveau délai de deux ans s'est appliqué ; que toutefois, la durée totale de la prescription ne pouvait excéder cinq ans (durée prévue par la loi antérieure) ; que pour autant, au 27 octobre 2014, date de saisine du conseil de prud'hommes interrompant la prescription pour les demandes initiales mais également pour l'ensemble des demandes reconventionnelles ou nouvelles qui seraient présentées tout au long de l'instance, la demande tendant à voir déclarée la rupture du contrat de travail imputable à une modification unilatérale du contrat de travail ne pouvait être prescrite (?) qu'en définitive, le salarié produit plusieurs certificats médicaux établissant un lien direct et certain entre la conduite d'engins et la pathologie d'origine physiologique dont il souffrait ; qu'il justifie ensuite de plusieurs certificats médicaux établissant, à compter de l'automne 2013, l'existence de cervicalgies sur fond d'état dépressif ainsi qu'une souffrance psychique ayant nécessité la mise en place d'un suivi psychiatrique en décembre 2013 ; que le 29 octobre 2013, à l'issue de la 2e visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [N] « définitivement inapte à son poste de travail de conducteur d'engin lourd de manutention » que l'avis précisait : « un reclassement est à prévoir sur un poste de travail sans manutention de poids au-delà de 10 kg et sans conduite d'engins. Un poste administratif sédentaire serait conseillé » ; qu'interrogé par l'employeur sur les aptitudes restantes du salarié le médecin du travail ajoutait le 2 janvier 2014 : « Je vois ce jour à votre demande Mr [N] [T] suite à son inaptitude et aux efforts de votre entreprise pour le reclassement. Un poste d'agent de bascule a été proposé à Mr [N] [T]. Vous m'avez fait part de la fiche de poste par courrier. Notre ergonome s'est rendue sur place pour faire une étude de poste. J'ai ensuite émis un avis favorable au poste de reclassement (courrier du 17/12/2013). Suite à la visite médicale de ce jour et à la prise de connaissance d'éléments nouveaux concernant la santé physique et mentale de ce salarié, mon avis est donc différent de celui du 17/12/2013. Mr [N] [T] n'est plus apte à ce poste de travail ni à aucun autre poste de travail dans votre entreprise ou ailleurs. Les pathologies en cours ainsi que leurs traitements sont incompatibles avec un retour au travail, quel qu'il soit... » ; qu'il résulte de ce qui précède que l'inaptitude de M. [N] ayant occasionné la perte de son emploi trouve au moins partiellement son origine dans la modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur, si bien que le licenciement intervenu pour inaptitude et impossibilité de reclassement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1°) Alors que, le point de départ du délai de prescription d'une action visant à contester les conditions d'exécution d'un contrat de travail est fixé au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en relevant, pour écarter le moyen de prescription invoqué par la société Aude agrégats, qu'elle ne justifiait d'aucune acceptation expresse par M. [N] de la modification de son contrat de travail et que le silence du salarié ne pouvait valoir acceptation, la cour d'appel, qui a statué à la faveur d'une motivation totalement inopérante au regard du point de départ de la prescription, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et L. 1471-1 du code du travail ;

2°) Alors que, le point de départ du délai de prescription d'une action visant à contester les conditions d'exécution d'un contrat de travail est fixé au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en considérant que le point de départ du délai de prescription des demandes de M. [N] dénonçant l'existence d'une modification unilatérale de son contrat de travail ne pouvait être antérieur au 31 janvier 2010, date à laquelle le salarié aurait eu effectivement connaissance de son changement de fonction à réception de son bulletin de salaires portant la mention de l'emploi « d'agent de bascule./conducteur d'engins » sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de la société Aude agrégats, p.4), s'il ne résultait pas des fiches médicales d'aptitude en date des 3 décembre 2001, 2 novembre 2005 et 2 juillet 2012, que le salarié avait déclaré occuper le poste « d'emploi administratif/Conducteur engins », en sorte que dès le mois de décembre 2001, il avait connaissance de ses nouvelles fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et L. 1471-1 du code du travail ;

3°) Alors que, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour établir la connaissance par M. [N] de la modification de son contrat de travail avant le 31 janvier 2010, la société Aude agrégats produisait régulièrement aux débats, d'une part, le certificat d'aptitude à la conduite en toute sécurité (CACES) obtenu par M. [N] le 23 octobre 1997, afin d'occuper une de ses fonctions de conducteur d'engins (pièce n°29), d'autre part, une attestation de M. [G] témoignant de ce que M. [N] effectuait en 2000 la pesée à la bascule et le chargement des camion (pièce n°23) ; qu'en délaissant ces moyens de preuve qui étaient de nature à établir que M. [N] avait eu connaissance de la modification de son contrat de travail des années avant la date du 31 janvier 2010 qu'elle retenait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) Alors que, sous couvert d'interprétation, les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents ; que, par un courrier du 11 septembre 2009, la société Aude agrégats, a informé M. [N] de ce que « En application de cet accord national professionnel du 10 juillet 2008 portant révision des classifications professionnelles, nous vous confirmons que la fonction d'AGENT BASCULE / COND. D'ENGINS que vous exercez dans notre entreprise relève du Niveau 4/ Echelon 2. Nous vous invitons à trouver ci-joint la fiche d'emploi pour votre poste, ainsi que le positionnement de l'emploi. Cette nouvelle classification professionnelle vous sera applicable à compter du 1er janvier 2010, date d'entrée en vigueur de l'accord » ; qu'en retenant que ce document indiquait la « confirmation dans la fonction d?agent bascule / conducteur d'engins de niveau 4, échelon 2 à compter du 1er janvier 2010 », pour en déduire « qu'il ne pouvait caractériser à ce stade la modification unilatérale du contrat de travail intervenue postérieurement, si bien qu'à cette date le salarié ne pouvait connaitre les faits lui permettant d'exercer son droit », la cour d'appel, qui a dénaturé ce courrier qui énonçait clairement que M. [N] occupait déjà la fonction d'agent bascule/ conducteur d'engins et que c'est la nouvelle classification qui entrerait en vigueur à compter du 1er janvier 2010, a méconnu le principe faisant interdiction aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 ancien du code civil ;

5°) Alors que, sous couvert d'interprétation, les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en jugeant que M. [N] n'avait eu connaissance de son changement de fonction qu'à compter du 31 janvier 2010, quand il résultait des attestations communiquées par ce dernier que Messieurs [S], [L], [T], [O], [D], [E], [A], [I], [H], [F], [K], [V] et [Y] avaient été témoins de ce que M. [N] avait exercé les nouvelles fonctions d'agent bascule/ conducteur d'engins dès 1997 selon certains témoins, au plus tard en 2007, ce qu'il ne pouvait à l'évidence ignorer, la cour d'appel, qui a dénaturé ces attestations, a derechef méconnu le principe faisant interdiction aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 ancien du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir dit le licenciement de M. [N] sans cause réelle et sérieuse, d'Avoir condamné la société Aude agrégats à lui verser 50 000 ? à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4 903,02 ? à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 490,30 ? au titre des congés payés afférents, enfin, de l'Avoir condamnée à paiement de 1 500 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Aux motifs que, sur la rupture du contrat de travail, M. [N] soutient à titre principal que son licenciement pour inaptitude est nul en raison des comportements fautifs de l'employeur résultant d'une modification unilatérale de son contrat de travail, entrant par ailleurs dans le cadre d'agissements de harcèlement moral ; qu'il fait valoir que l'employeur a modifié unilatéralement son contrat de travail en s'affranchissant de son accord explicite dès lors qu'il n'a signé aucun avenant à son contrat de travail et qu'il n'a eu connaissance de la modification de celui-ci que le 31 janvier 2010, à réception de son bulletin de paie de janvier 2010 sur lequel étaient mentionnées ses nouvelles fonctions d'agent de bascule/conducteur d'engins ; qu'il expose que l'inaptitude est directement liée au changement de ses fonctions dans l'entreprise ce qui justifie à tout le moins que le licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse ; qu'il soutient en outre avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral résultant d'un accroissement considérable des tâches non administratives à compter de fin 2008, l'employeur ne tenant pas compte des certificats médicaux contre-indiquant la conduite d'engins de type chargeur ; qu'il fait valoir à cet égard que des agissements insidieux de l'employeur avaient pour but de le détruire, qu'ainsi une attestation de M. [G] établie au profit de l'employeur l'accusait faussement de harcèlement sexuel, que par ailleurs il a subi une rétrogradation dissimulée du statut d'ETAM à celui d'ouvrier si bien que l'ensemble de ces éléments qui se sont traduits par une dégradation de son état de santé psychique constitue un harcèlement moral ; que la SAS Aude Agregats soutient que M. [N] est irrecevable en sa demande tendant à voir reconnaître une modification unilatérale du contrat de travail en raison de la prescription ; qu'elle ajoute que celui-ci ne peut davantage se prévaloir d'un quelconque harcèlement moral et que sa demande aux fins de nullité du licenciement en raison d'un harcèlement moral serait en tout état de cause prescrite car formée pour la première fois en juin 2019 ; qu'elle fait valoir qu'en réalité M. [N] exerçait dès le mois d'avril 1996 la double fonction d'agent administratif et de conducteur d'engins dans la mesure où il ne souhaitait pas de mutation géographique consécutivement à une réorganisation de l'entreprise liée à de mauvais résultats économiques et passant par la fusion de certains services administratifs ; qu'elle ajoute, sans que cela ne soit contesté, que pour ces motifs, et par LRAR du 18 mars 1996, elle a proposé au salarié « une mutation dans l'Est de l'Hérault et éventuellement dans les Bouches du Rhône » et que le 23 mars 1996 le salarié a répondu à ce courrier ; qu'elle soutient qu'il a ainsi exercé depuis cette date la double fonction d'agent administratif et de conducteur en accord avec l'employeur ; qu'elle observe enfin que consécutivement à la révision, le 10 juillet 2008, des grilles de classification professionnelle de la convention collective des industries de carrières et de matériaux de construction, le salarié avait été informé par courrier du 10 septembre 2009 d'une confirmation dans les fonctions d'agent de bascule/conducteur d'engins au niveau 4, échelon 2, et que bien que disposant de la faculté de contester cette classification dans le délai de 30 jours il n'avait pas usé de ce droit ; qu'elle fait ensuite valoir que le salarié n'a subi aucun déclassement et ne justifie d'aucun préjudice à cet égard contrairement à ce qu'il prétend, que les certificats médicaux qu'il produit sont tous postérieurs à son licenciement, que l'attestation de M. [G] ne traduit pas davantage l'existence d'un quelconque harcèlement moral de l'employeur ; que la SAS Aude Agregats ne conteste pas que le salarié ait été embauché en qualité de comptable et affecté à des fonctions exclusivement administratives pendant ses vingt premières années dans l'entreprise ; qu'elle ne justifie cependant d'aucune acceptation expresse du salarié de la modification de son contrat de travail résultant d'un changement de qualification, celui-ci passant de la fonction d'agent administratif à celle d'agent de bascule/conducteur d'engins ; qu'en effet, si le salarié a répondu le 23 mars 1996 au courrier de proposition de mutation que lui avait adressé la société le 18 mars 1996, il sollicitait des précisions sur les postes susceptibles d'être proposés et interrogeait l'employeur sur les modalités qu'il entendait mettre en oeuvre pour pallier sur le site la suppression du poste qu'il occupait ; que ce courrier ne justifiant dès lors en aucune manière d'une quelconque acceptation du salarié relative à la modification de son contrat de travail ; qu'à cet égard, l'employeur ne peut utilement se prévaloir du silence du salarié et du fait qu'il aurait en réalité occupé la double fonction d'agent administratif et de conducteur depuis 1996, dès lors que quand bien même fût-il de longue durée, ce silence ne pouvait valoir acceptation ; qu'il ne pouvait non plus se prévaloir utilement du silence du salarié consécutivement à l'entrée en vigueur de l'accord du 10 juillet 2008 relatif à la révision des classifications professionnelles de la convention collective des industries de carrières et de matériaux de construction dès lors que la grille de classification des emplois repères qu'elle contenait maintenait au niveau IV des fonctions d'assistant administratif comptable, et que, dans ces conditions, l'employeur, en dépit du maintien du salaire, ne pouvait modifier le contenu des fonctions du salarié sans son accord, nonobstant une absence de contestation de la classification dans le délai de 30 jours ; que c'est pourquoi, et alors que le bulletin de salaire édité le 31 décembre 2009 mentionnait toujours un emploi d'agent administratif, le point de départ de la prescription de la demande fondée sur l'existence d'une modification unilatérale du contrat de travail ne pouvait être antérieur au 31 janvier 2010, date à laquelle le salarié avait effectivement connaissance de son changement de fonction à réception du bulletin de salaire portant la mention de l'emploi d'« agent de bascule/conducteur d'engins » ; que le fait que M. [N] ait été informé de l'entrée en vigueur de l'accord du 10 juillet 2008, le 11 septembre 2009, et de la possibilité de contester sous 30 jours, sa classification et sa « confirmation dans la fonction d'agent bascule/conducteur d'engins de niveau 4, échelon 2 à compter du 1er janvier 2010 », ne caractérisant pas à ce stade, la manifestation de la modification unilatérale du contrat de travail intervenue postérieurement, si bien qu'à cette date le salarié ne pouvait connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que les dispositions de la loi du 14 juin 2013, réduisant de cinq à deux ans les délais de prescription des actions portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail s'appliquent à celles qui sont en cours à compter de la promulgation de la loi, soit le 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, la prescription quinquennale a commencé à courir à compter du 31 janvier 2010, mais à compter du 17 juin 2013 un nouveau délai de deux ans s'est appliqué ; que toutefois, la durée totale de la prescription ne pouvait excéder cinq ans (durée prévue par la loi antérieure) ; que pour autant, au 27 octobre 2014, date de saisine du conseil de prud'hommes interrompant la prescription pour les demandes initiales mais également pour l'ensemble des demandes reconventionnelles ou nouvelles qui seraient présentées tout au long de l'instance, la demande tendant à voir déclarée la rupture du contrat de travail imputable à une modification unilatérale du contrat de travail ne pouvait être prescrite (?) qu'en définitive, le salarié produit plusieurs certificats médicaux établissant un lien direct et certain entre la conduite d'engins et la pathologie d'origine physiologique dont il souffrait ; qu'il justifie ensuite de plusieurs certificats médicaux établissant, à compter de l'automne 2013, l'existence de cervicalgies sur fond d'état dépressif ainsi qu'une souffrance psychique ayant nécessité la mise en place d'un suivi psychiatrique en décembre 2013 ; que le 29 octobre 2013, à l'issue de la 2e visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [N] « définitivement inapte à son poste de travail de conducteur d'engin lourd de manutention » que l'avis précisait : « un reclassement est à prévoir sur un poste de travail sans manutention de poids au-delà de 10 kg et sans conduite d'engins. Un poste administratif sédentaire serait conseillé » ; qu'interrogé par l'employeur sur les aptitudes restantes du salarié le médecin du travail ajoutait le 2 janvier 2014 : « Je vois ce jour à votre demande Mr [N] [T] suite à son inaptitude et aux efforts de votre entreprise pour le reclassement. Un poste d'agent de bascule a été proposé à Mr [N] [T]. Vous m'avez fait part de la fiche de poste par courrier. Notre ergonome s'est rendue sur place pour faire une étude de poste. J'ai ensuite émis un avis favorable au poste de reclassement (courrier du 17/12/2013). Suite à la visite médicale de ce jour et à la prise de connaissance d'éléments nouveaux concernant la santé physique et mentale de ce salarié, mon avis est donc différent de celui du 17/12/2013. Mr [N] [T] n'est plus apte à ce poste de travail ni à aucun autre poste de travail dans votre entreprise ou ailleurs. Les pathologies en cours ainsi que leurs traitements sont incompatibles avec un retour au travail, quel qu'il soit... » ; qu'il résulte de ce qui précède que l'inaptitude de M. [N] ayant occasionné la perte de son emploi trouve au moins partiellement son origine dans la modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur, si bien que le licenciement intervenu pour inaptitude et impossibilité de reclassement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1°) Alors que, l'exercice de nouvelles fonctions par le salarié pendant près de dix-neuf ans, sans contestation ni réserve, vaut accord à la modification apportée à son contrat de travail ; qu'en décidant que le silence de M. [N] ne pouvait valoir acceptation du changement de ses fonctions, quand le salarié, embauché en qualité de comptable et affecté à des fonctions exclusivement administratives pendant ses vingt premières années dans l'entreprise, avait ensuite partagé pendant près de dix-neuf ans ses fonctions administratives avec celles d'agent bascule / conducteur d'engins sans aucune contestation ni réserve, ce dont il résultait l'existence d'un accord à la modification de son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1221-1 du code du travail ;

2°) Alors que, en se fondant exclusivement sur les mentions du bulletin de salaire du mois de janvier 2010 pour en déduire que M. [N] n'avait pas occupé avant cette date les fonctions d'agent bascule / conducteur d'engin, sans caractériser les fonctions qu'il occupait jusqu'en décembre 2009 ni réunir aucun élément de fait de nature à caractériser l'emploi prétendument occupé entre 1976 et 1996, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1221-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'Avoir dit le licenciement de M. [N] sans cause réelle et sérieuse, d'Avoir condamné la société Aude agrégats à lui verser 50 000 ? à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4 903,02 ? à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 490,30 ? au titre des congés payés afférents, enfin de l'Avoir condamnée à paiement de 1 500 ? au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Aux motifs que, en définitive, le salarié produit plusieurs certificats médicaux établissant un lien direct et certain entre la conduite d'engins et la pathologie d'origine physiologique dont il souffrait ; qu'il justifie ensuite de plusieurs certificats médicaux établissant, à compter de l'automne 2013, l'existence de cervicalgies sur fond d'état dépressif ainsi qu'une souffrance psychique ayant nécessité la mise en place d'un suivi psychiatrique en décembre 2013 ; que le 29 octobre 2013, à l'issue de la 2e visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [N] « définitivement inapte à son poste de travail de conducteur d'engin lourd de manutention » que l'avis précisait : « un reclassement est à prévoir sur un poste de travail sans manutention de poids au-delà de 10 kg et sans conduite d'engins. Un poste administratif sédentaire serait conseillé » ; qu'interrogé par l'employeur sur les aptitudes restantes du salarié le médecin du travail ajoutait le 2 janvier 2014 : « Je vois ce jour à votre demande Mr [N] [T] suite à son inaptitude et aux efforts de votre entreprise pour le reclassement. Un poste d'agent de bascule a été proposé à Mr [N] [T]. Vous m'avez fait part de la fiche de poste par courrier. Notre ergonome s'est rendue sur place pour faire une étude de poste. J'ai ensuite émis un avis favorable au poste de reclassement (courrier du 17/12/2013). Suite à la visite médicale de ce jour et à la prise de connaissance d'éléments nouveaux concernant la santé physique et mentale de ce salarié, mon avis est donc différent de celui du 17/12/2013. Mr [N] [T] n'est plus apte à ce poste de travail ni à aucun autre poste de travail dans votre entreprise ou ailleurs. Les pathologies en cours ainsi que leurs traitements sont incompatibles avec un retour au travail, quel qu'il soit... » ; qu'il résulte de ce qui précède que l'inaptitude de M. [N] ayant occasionné la perte de son emploi trouve au moins partiellement son origine dans la modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur, si bien que le licenciement intervenu pour inaptitude et impossibilité de reclassement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1°) Alors que, en allouant à M. [N], au titre d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, outre des dommages-intérêts, 4 903,02 ? à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 490,30 ? au titre des congés payés afférents, quand le salarié se contentait de demander le versement de dommages-intérêts, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) Alors que, en condamnant la société Aude agrégats au titre d'un licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse après avoir retenu que l'inaptitude de M. [N] ayant occasionné la perte de son emploi trouvait seulement partiellement son origine dans la modification unilatérale du contrat de travail par l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 1232-1 du code du travail. Moyen produit au pourvoi incident éventuel et subsidiaire par la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. [N]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [N] de sa demande tendant à voir juger nul son licenciement prononcé pour inaptitude et trouvant sa cause directe et certaine dans des actes de harcèlement moral commis par l'employeur outre ses manquements graves et de l'avoir débouté ses demandes tendant à la condamnation de la société Aude agrégats à lui verser les sommes de 58 836,24 ? à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et 58 000 ? à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QU'au soutien de ses allégations, M. [N] produit de nombreuses pièces établissant qu'après vingt ans d'exercice professionnel dans des fonctions administratives conformes à son contrat de travail il a par la suite, à compter de 1996, été appelé à exercer corrélativement des fonctions de conducteur d'engin ; que si une modification unilatérale du contrat de travail de M. [N], résultant d'un changement de qualification, a été établie à compter du 31 janvier 2010, le salarié passant de la fonction d'agent administratif à celle d'agent de bascule/conducteur d'engins, il ne résulte cependant pas des pièces qu'il verse aux débats la preuve d'un quelconque déclassement dès lors qu'il ressort de la carte des emplois repères annexée à la convention collective qu'il était classé au niveau IV, niveau auquel sont classés les assistants administratifs et comptables, et qu'il ne justifie par aucun élément avoir effectivement exercé des fonctions susceptibles de relever du niveau V, que les pièces qu'il produit n'établissent pas davantage l'existence d'un quelconque préjudice financier, et qu'il ressort de ses propres documents que la prévoyance ne reconnaissait que les statuts cadre ou non-cadre, la qualification ETAM lui étant inconnue ; qu'ensuite, l'attestation de M. [G], établie le 29 septembre 2015, dont l'objet essentiel est de décrire l'activité du salarié, contient la phrase : « un jour j'ai dû intervenir pour lui éviter de gros soucis avec la factrice qui voulait porter plainte contre M. [N] pour harcèlement moral », sans que cette déclaration, qui n'engage que l'attestant, traduise la volonté de l'employeur de détruire M. [N] comme il le prétend ; qu'enfin, les éléments médicaux qu'il produit sont relatifs à un état dépressif consécutif à la pathologie d'ordre physiologique à l'origine de son inaptitude ; que c'est pourquoi, alors que le salarié n'établit pas les faits qu'il allègue à l'exception de la modification unilatérale de son contrat de travail par l'employeur dans les conditions rappelées ci-avant, les éléments qu'il verse aux débats, pris dans leur ensemble ne permettent pas de présumer l'existence d'agissements répétés de harcèlement ;

1°) ALORS QU'il appartient aux juges du fond, saisis d'une demande fondée sur l'existence d'un harcèlement moral, de se prononcer sur chaque fait allégué par le salarié, pris isolément, et de rechercher si les faits dont la matérialité est établie, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et, dans l'affirmative, si l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que les faits réitérés consistants à retirer au salarié ses responsabilités administratives et à faire pression sur lui pour qu'il les abandonne sont de nature à constituer des faits de harcèlement moral ; qu'en déboutant M. [N] de sa demande de nullité du licenciement, sans se prononcer sur les faits invoqués par M. [N] à l'appui de celle-ci ayant consisté en une rétrogradation unilatérale, un retrait progressif des tâches administratives et des responsabilités, un déclassement et des pressions exercées par M. [G] qui avait recueilli certaines de ses responsabilités sans son accord et sans examiner les éléments de preuve produits afin de démontrer la réalité de ces agissements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction applicable, du code du travail ;

2°) ALORS QUE M. [N] avait découvert avoir perdu le statut d'employé, technicien et agent de maîtrise (ETAM), à l'initiative de son employeur, depuis le 1er janvier 2006, tandis que ses bulletins de paie jusqu'à décembre 2009 mentionnaient faussement la catégorie « ETAM » ; qu'à la suite de la modification unilatérale de son contrat de travail en 2010, M. [N] ne bénéficiait pas non plus de la catégorie ETAM ; qu'il avait ainsi établi l'existence d'un déclassement non consenti par le fait de la société Aude agrégats susceptible de relever d'un harcèlement moral ; qu'en se bornant à retenir qu'il ressortait des documents de M. [N] que « la prévoyance ne reconnaissait que les statuts cadre ou non-cadre, la qualification ETAM lui étant inconnue », sans rechercher, comme il le lui était demandé (p. 16 à 19 et 22), si le régime applicable aux ETAM n'était pas différent de celui des ouvriers à divers titres, impliquant un régime différent en matière d'absences, de mutuelle et de retraite complémentaire, outre des taux de cotisations patronales et salariales différents, et sans se prononcer sur les éléments produits à l'appui de ces affirmations, la cour d'appel a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction applicable, du code du travail ;

3°) ALORS QUE le bulletin de paie de novembre 2013 produit par M. [N] mentionnait, au titre de la prévoyance, « Prév. NC T1 AG2R » avec un taux de charges patronales de « 1,358% » ; que le bulletin de paie de novembre 2013 de Mme [X], assistante administrative ETAM de la société Mauri, faisant partie du même groupe que la société Aude agrégats, mentionnait au titre de la prévoyance « Prév. Etam T1 AG2R » avec un taux de charges patronales de « 0,858% » ; qu'en affirmant qu'il ressortait des documents de M. [N] que « la prévoyance ne reconnaissait que les statuts cadre ou non-cadre, la qualification ETAM lui étant inconnue », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des bulletins de paie soumis à son appréciation et violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ;

4°) ALORS QU'en retenant, pour débouter M. [N] de sa demande aux fins de nullité du licenciement en raison d'un harcèlement moral, que « les pièces qu'il produit n'établissent pas davantage l'existence d'un quelconque préjudice financier », la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif radicalement inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction applicable, du code du travail ;

5°) ALORS QUE le fait pour l'employeur d'imposer de manière répétée à son salarié, par une modification unilatérale de son contrat de travail, la conduite d'engins, lui occasionnant une pathologie d'origine physiologique altérant ainsi sa santé et le rendant inapte à l'emploi, est de nature à caractériser un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que la société Aude agrégats avait modifié unilatéralement le contrat de travail de M. [N] en 2010, celui-ci passant de la fonction d'agent administratif à celle d'agent de bascule/conducteur d'engins et, d'autre part, qu'« en définitive, le salarié produit plusieurs certificats médicaux établissant un lien direct et certain entre la conduite d'engins et la pathologie d'origine physiologique dont il souffrait » ; qu'en se bornant à retenir, pour débouter M. [N], que « les éléments médicaux qu'il produit sont relatifs à un état dépressif consécutif à la pathologie d'ordre physiologique à l'origine de son inaptitude », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction applicable, du code du travail ;

6°) ALORS QUE si une pathologie d'ordre physiologique trouve sa cause dans les agissements répétés de l'employeur, l'état dépressif accompagnant cette pathologie présente nécessairement un lien direct et certain avec les agissements dudit employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. [N] « produit plusieurs certificats médicaux établissant un lien direct et certain entre la conduite d'engins et la pathologie d'origine physiologique dont il souffrait » ; qu'en retenant que « les éléments médicaux qu'il produit sont relatifs à un état dépressif consécutif à la pathologie d'ordre physiologique à l'origine de son inaptitude », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction applicable, du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-14645
Date de la décision : 16/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 18 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 jui. 2021, pourvoi n°20-14645


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Cabinet Colin - Stoclet, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14645
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