LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 juin 2021
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 432 FS-B
Pourvoi n° Q 20-14.146
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [I][F][I].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 7 janvier 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2021
Mme [F] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-14.146 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige l'opposant à la Fondation oeuvre de la croix Saint-Simon - Institut de formation en soins infirmiers, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme [I], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fondation oeuvre de la Croix Saint-Simon - Institut de formation en soins infirmiers, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, Mme Darret-Courgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mars 2019), Mme [I] a été admise à l'Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) de [Localité 1], administré par la Fondation oeuvres de la croix Saint-Simon (la fondation), dont elle a suivi la formation à la rentrée 2009 et jusqu'en troisième année.
2. Le 2 mai 2012, à l'issue d'un entretien, elle a été informée par la directrice de l'IFSI de la suspension de son stage du semestre jusqu'à la décision du conseil de discipline fixé au 25 mai, auquel elle a été convoquée par lettre recommandée du 9 mai. Par décision du 25 mai 2012, le conseil pédagogique a prononcé une exclusion définitive de l'IFSI.
3. Le 25 juillet 2012, Mme [I] a assigné la fondation aux fins d'annulation de la décision d'exclusion, de réintégration et d'indemnisation de son préjudice.
4. La décision d'exclusion a été annulée et la fondation condamnée au paiement de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. Mme [I] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réintégration au sein de l'IFSI, alors « que l'annulation, par nature rétroactive, de la décision d'exclusion d'un adhérent d'une fondation entraîne nécessairement l'obligation pour celle-ci de prononcer sa réintégration ; qu'en déboutant Mme [I] de sa demande de réintégration après avoir prononcé l'annulation de la décision ayant prononcé son exclusion en raison de l'article 38 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif à une interruption de formation, bien que cette interruption soit exclusivement imputable à une décision d'exclusion par la suite annulée par le juge, la cour d'appel a violé l'article 38 de l'arrêté du 21 avril 2007 dans sa rédaction applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 38 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'arrêté du 17 avril 2018 :
6. Ce texte, relatif à l'interruption de la formation, quel qu'en soit le motif, limite à trois ans la conservation du bénéfice des notes obtenues et à deux années supplémentaires celles des épreuves de sélection.
7. L'annulation de l'exclusion prononcée à titre de sanction disciplinaire emporte son effacement rétroactif et la réintégration de l'étudiant, sauf impossibilité, nonobstant les dispositions du texte susvisé.
8. Pour rejeter la demande de réintégration formée par Mme [I], l'arrêt retient, par application de ce texte, que l'intéressée n'a pu conserver le bénéfice des années d'enseignement validées.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de réintégration de Mme [I], l'arrêt rendu le 28 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la Fondation oeuvres de la croix Saint-Simon aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Fondation oeuvres de la croix Saint-Simon à payer à la SCP Rousseau et Tapie, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme [I]
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [I] de sa demande tendant à obtenir sa réintégration au sein de l'Institut de formation en soins infirmiers de la Fondation OEuvre de la Croix Saint Simon ;
Aux motifs que les violations des garanties substantielles qui étaient dues à Mme [I] dans le cadre de l'examen de sa situation personnelle dans la perspective d'une décision d'exclusion, tant en application des textes réglementaires que de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, emportaient nullité de la décision prise par la Fondation, la cour devant infirmer la décision déférée en ce qu'elle avait rejeté ce chef de demande, qui serait accueilli, sans qu'il y ait lieu d'examiner le caractère ou non disproportionné de la sanction ; que la nullité de la décision d'exclusion imposait son retrait du dossier pédagogique et scolaire de Mme [I] tenu par la Fondation ; qu'en revanche, la demande de réintégration de Mme [I] ne pouvait pas prospérer, sa présence au sein de L'ISF ne pouvant être envisagée que dans le cadre d'un cursus la menant à l'examen du diplôme d'état d'infirmier ; or, le bénéfice des années d'enseignement validées et surtout, celui des épreuves de sélection n'était conservé, en application de l'article 38 de l'arrêté du 21 avril 2007, que durant trois années pour les premières et cinq années pour les secondes, quel que soit le motif de l'interruption de la formation, ce que Mme [I] invoquait d'ailleurs pour caractériser son préjudice (page 12 de ses conclusions) ;
Alors 1°) que le juge ne peut relever d'office un moyen sans l'avoir préalablement soumis à la discussion contradictoire des parties ; que la Fondation OEuvre de la Croix Saint Simon ne s'était jamais prévalue de l'article 38 de l'arrêté du 21 avril 2007 comme faisant obstacle à la réintégration de Mme [I], celle-ci l'ayant, de son côté, seulement cité à l'appui de sa demande indemnitaire ; qu'en ayant, d'office, considéré que cette disposition faisait obstacle à la réintégration de Mme [I] en dépit de l'annulation, par nature rétroactive, de la décision prononçant son exclusion, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que l'annulation, par nature rétroactive, de la décision d'exclusion d'un adhérent d'une fondation entraîne nécessairement l'obligation pour celle-ci de prononcer sa réintégration ; qu'en déboutant Mme [I] de sa demande de réintégration après avoir prononcé l'annulation de la décision ayant prononcé son exclusion en raison de l'article 38 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif à une interruption de formation, bien que cette interruption soit exclusivement imputable à une décision d'exclusion par la suite annulée par le juge, la cour d'appel a violé l'article 38 de l'arrêté du 21 avril 2007 dans sa rédaction applicable à la cause ;
Alors 3°) que seule une interruption de formation sollicitée par l'étudiant lui-même, quel qu'en soit le motif, ne peut excéder trois ans ; qu'en appliquant cette solution à l'interruption résultant d'une décision d'exclusion fautivement prononcée par la fondation ultérieurement annulée, que l'étudiant avait au surplus contestée dans les deux mois de son prononcé, la cour d'appel a violé les articles 38 et 39 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, dans sa rédaction applicable à la cause.