LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
NL4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 juin 2021
Cassation
Mme BATUT, président
Arrêt n° 454 F-D
Pourvoi n° E 19-23.609
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2021
1°/ l'association Cercle athlétique [Établissement 1], dont le siège est [Adresse 1],
2°/ M. [L] [O], domicilié [Adresse 2], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de l'association Cercle athlétique [Établissement 1],
ont formé le pourvoi n° E 19-23.609 contre l'arrêt rendu le 19 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant à la société BNP Paribas Lease Group, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de l'association Cercle athlétique [Établissement 1], de M. [O], de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société BNP Paribas Lease Group, après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juillet 2019), le 18 décembre 2012, l'association Cercle athlétique [Établissement 1] (l'association) a conclu avec la société Holding Lease France, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Lease Group (la société), un contrat de location de longue durée de matériel de reprographie prévoyant, en cas de résiliation, le paiement d'une indemnité. A la suite de la défaillance de l'association dans le règlement des loyers, la société a résilié le contrat, mis en demeure l'association de restituer le matériel et l'a assignée en paiement. L'association s'est prévalue du caractère abusif de la clause relative à l'indemnité de résiliation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. L'association fait grief à l'arrêt de constater la résiliation de plein droit du contrat de location et de fixer la créance de la société à son passif à la somme de 44 562,38 euros au titre de l'indemnité de résiliation, alors « qu'une association qui agit à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole n'a pas la qualité de professionnel au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; qu'en jugeant, pour écarter l'application de ce texte, que l'association n'a pas conclu en qualité de consommateur puisque cette qualité s'entend d'une personne physique", qu' en prenant un matériel de reprographie pour les nécessités de son activité, elle a agi à des fins qui entrent dans son activité professionnelle" et qu'il importait peu que l'objet de l'association, en l'espèce la pratique d'activités sportives, soit étrangère à la conclusion du contrat de location longue durée", sans rechercher, comme elle y était invitée , si, en l'absence de ressources autres que celles tirées des cotisations de ses membres, l'activité de l'association revêtait un caractère professionnel, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
3. Pour écarter la qualité de non-professionnel de l'association et fixer à la somme de 44 562,38 euros la créance de la société à son passif, l'arrêt retient notamment qu'en prenant en location un matériel de reprographie pour les nécessités de son activité, l'association a agi à des fins qui entrent dans son activité professionnelle et qu'il importe peu que son objet, en l'espèce la pratique d'activités sportives, soit étranger à la conclusion du contrat de longue durée.
4. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en l'absence de ressources autres que celles tirées des cotisations de ses membres, l'activité de l'association revêtait un caractère professionnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas Lease Group aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Lease Group et la condamne à payer à l'association Cercle athlétique [Établissement 1] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Baraduc Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour l'association Cercle athlétique [Établissement 1], M. [O]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir constaté la résiliation de plein droit du contrat de location au 4 septembre 2013, d'avoir fixé la créance de la société BNP Paribas Lease Group au passif de l'association CAP [Établissement 1] à hauteur de la somme de 44.562,38 ? au titre de l'indemnité de résiliation et d'avoir rappelé que le jugement suspendait le cours des intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'association CAP [Établissement 1] demande à la cour de confirmer le jugement qui a retenu sa qualité de consommateur et a dites abusives les clauses 7 et des conditions générales du contrat de location en application de l'article L.132-1 du code de la consommation ; que l'article 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ; que l'association CAP [Établissement 1] n'a pas conclu en qualité de consommateur puisque cette qualité s'entend d'une personne physique ; qu'en prenant en location un matériel de reprographie pour les nécessités de son activité elle a agi à des fins qui entrent dans son activité professionnelle ; que contrairement à ce que soutient l'intimée, il importe peu que l'objet de l'association, en l'espèce la pratique d'activités sportives, soit étrangère à la conclusion d'un contrat de location longue durée ; que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a dit que l'association présentait la qualité de personne morale non professionnelle ; qu'en sa qualité de professionnelle elle n'est pas éligible aux dispositions protectrices de l'article 132-1 du code de la consommation dont le contenu a été ci-dessus rappelé ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de se prononcer sur le grief se rapportant au caractère abusif des stipulations du contrat relatives à l'indemnité de résiliation ;
1°) ALORS QU' une association qui agit à des fins n'entrant pas dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole n'a pas la qualité de professionnel au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; qu'en jugeant, pour écarter l'application de ce texte, que « l'association CAP [Établissement 1] n'a pas conclu en qualité de consommateur puisque cette qualité s'entend d'une personne physique », qu'« en prenant un matériel de reprographie pour les nécessités de son activité, elle a agi à des fins qui entrent dans son activité professionnelle » et qu'il importait peu « que l'objet de l'association, en l'espèce la pratique d'activités sportives, soit étrangère à la conclusion du contrat de location longue durée » (arrêt, p. 6 § 1), sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 10 § 5), si, en l'absence de ressources autres que celles tirées des cotisations de ses membres, l'activité de l'association revêtait un caractère professionnel, ce qui n'était pas le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation s'appliquent aux contrats qui n'ont pas de rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; qu'en jugeant, pour écarter l'application de ce texte, qu'« en prenant un matériel de reprographie pour les nécessités de son activité, [l'association CAP [Établissement 1]] a agi à des fins qui entrent dans son activité professionnelle » et qu'il importait peu « que l'objet de l'association, en l'espèce la pratique d'activités sportives, soit étrangère à la conclusion du contrat de location longue durée » (arrêt, p. 6 § 1), tandis qu'il n'existait pas de rapport direct entre la pratique d'activités sportives et le contrat de location du matériel de reprographie, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE) :IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté la résiliation de plein droit du contrat de location au 4 septembre 2013, d'avoir fixé la créance de la société BNP Paribas Lease Group au passif de l'association CAP [Établissement 1] à hauteur de la somme de 44.562,38 ? au titre de l'indemnité de résiliation, d'avoir rappelé que le jugement suspendait le cours des intérêts et d'avoir rejeté sa demande formée sur le fondement de l'article L 442-6, I, 2° du code de commerce ;
AUX MOTIFS QUE, à titre subsidiaire, l'association demande à la cour de constater le caractère abusif de la clause 11 [en réalité 14] du contrat afférente à l'indemnité de résiliation sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce ; que cet article, relatif au déséquilibre significatif subi par « un partenaire commercial », est inapplicable à la relation commerciale ponctuelle qui a été conclue entre l'association CAP [Établissement 1] et la société HLF, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Lease Group, en décembre 2015 [en réalité 2011] ;
ALORS QU' engage la responsabilité de son auteur le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; que l'article L 442-6, I, 2° du code de commerce n'exige pas la conclusion de contrats successifs ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué qu'en décembre 2011 l'association CAP [Établissement 1] a conclu un « contrat de location longue durée » avec la société Holding Lease France (ci-après HLF) « portant sur du matériel de reprographie dont elle a pris livraison le 15 décembre 2011 » et que ce « contrat prévoyait le règlement de 21 loyers trimestriels d'un montant de 2.380 ? HT » (arrêt, p. 2 § 1) ; qu'en jugeant que l'article L 442-6, I, 2°du code de commerce, « relatif au déséquilibre significatif subi par « un partenaire commercial », est inapplicable à la relation commerciale ponctuelle qui a été conclue entre l'association CAP [Établissement 1] et la société HLF, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Lease Group » (arrêt, p. 6 § 3), tandis que le contrat de location longue durée s'inscrivait dans le cadre d'une relation suivie, de sorte que l'association CAP [Établissement 1] et la société HLF, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Lease Group, constituaient des partenaires commerciaux, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010.