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16/06/2021 | FRANCE | N°18-16308

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 juin 2021, 18-16308


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 779 F-D

Pourvoi n° Y 18-16.308

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 JUIN 2021

La société Adrexo, société par ac

tions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 18-16.308 contre l'arrêt rendu le 13 mars 2018 par la cour d'appel de Pari...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 779 F-D

Pourvoi n° Y 18-16.308

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 JUIN 2021

La société Adrexo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 18-16.308 contre l'arrêt rendu le 13 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à Mme [F] [N], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Adrexo, de Me Le Prado, avocat de Mme [N], et après débats en l'audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Roucheyrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2018), Mme [N], engagée par contrat à temps partiel modulé en qualité de distributrice de journaux par la société Adrexo, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

2. En cours de procédure, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 3123-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 3123-25 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'article 1315, devenu 1353, du code civil, et les articles 1.2 du chapitre IV de la convention collective des entreprises de la distribution directe du 9 février 2004 et 2.1 de l'accord d'entreprise du 11 mai 2005 :

4. Selon le premier texte conventionnel, la durée du travail pour les salariés à temps partiel modulé peut varier au-delà ou en deçà de la durée stipulée au contrat, à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne cette durée contractuelle. La durée hebdomadaire ou mensuelle du travail peut varier au-dessous ou au dessus de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au contrat dans la limite de 1/3 de cette durée. La durée hebdomadaire du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à un temps plein à l'issue de la période de modulation.

5. Il résulte des textes légaux que, sauf exception résultant de la loi, il appartient au salarié qui demande, en raison de ses conditions d'exécution, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, de démontrer qu'il devait travailler selon des horaires dont il n'avait pas eu préalablement connaissance, de sorte qu'il était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il se trouvait dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

6. Ni le dépassement de la durée contractuelle de travail sur l'année ni le non-respect de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l'accord d'entreprise, ne justifient en eux-mêmes la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, dès lors que la durée du travail du salarié n'a pas été portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement.

7. Pour prononcer la requalification des contrats de travail à temps partiel modulé en contrats à temps complet et condamner l'employeur à payer diverses sommes à ce titre, l'arrêt retient qu'en cas de litige sur les heures de travail, la préquantification conventionnelle du temps de travail ne suffit pas à elle-seule pour satisfaire aux exigences des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail. Il retient encore que la salariée produit une masse de feuilles de route correspondant aux tournées confiées et soutient que le temps de travail a été minoré.

8. L'arrêt ajoute qu'au regard de ces éléments, l'employeur est dans l'incapacité de déterminer de façon fiable le temps de travail imposé à la salariée et de justifier qu'il correspond aux stipulations tant de son contrat de travail que de la convention collective et de l'accord d'entreprise.

9. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l'absence de justification de la correspondance entre la durée de travail réellement exécutée et celle prévue par le contrat de travail, la convention collective et l'accord d'entreprise, sans vérifier si la salariée n'avait pas eu connaissance de ses horaires de travail de sorte qu'elle était placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle se trouvait dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence à payer diverses sommes à la salariée, alors « que la cour d'appel a jugé que l'employeur n'ayant pas procédé au paiement des heures effectivement travaillées et dues au regard de l'emploi, par lui qualifié, à temps partiel, la prise d'acte de la rupture par la salariée devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la cassation de l'arrêt sur le fondement du premier moyen, en ce qu'il a prononcé la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet et octroyé à ce titre diverses sommes à la salariée dont des rappels de salaire, entraînera donc par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

11. La cassation des dispositions de l'arrêt ayant prononcé la requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef du dispositif relatif à la rupture du contrat de travail, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

12. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre des allocations conventionnelles pour maladie, alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, après avoir jugé que la demande de la salariée correspondant aux allocations conventionnelles pour maladie devait être rejetée, la cour d'appel a confirmé dans le dispositif de sa décision le jugement de première instance en ce qu'il avait fait droit à cette demande ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

14. Après avoir dit dans les motifs que la demande de la salariée correspondant aux allocations conventionnelles pour maladie sera rejetée, la cour d'appel a confirmé dans le dispositif le jugement sur cette demande.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation partielle n'atteint par les chefs de dispositif portant sur le rejet de la demande de l'employeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation à payer à la salariée une somme à ce titre, ainsi qu'à supporter les dépens d'appel, justifiés par les autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait de statuer sur le premier moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet, dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail le 11 octobre 2012 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne en conséquence la société Adrexo à payer à Mme [N] les sommes de 56 213 euros à titre de rappel de salaires, outre 4 024,37 euros de rappel de primes d'ancienneté, 4 129,56 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur ces deux rappels, 23 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3 136,47 euros d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, 3 314,68 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement et 2 011,32 euros au titre des allocations conventionnelles pour maladie, dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, soit le 6 mars 2012, et les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement, et ordonne à la société Adrexo la délivrance des bulletins de paie conformes, l'arrêt rendu le 13 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Adrexo

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la requalification du contrat de travail à temps partiel modulé en contrat à temps complet et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Adrexo à payer diverses sommes à ce titre à Mme [N] ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de la convention collective nationale de la distribution directe, il a été conclu un accord collectif d'entreprise au sein d'Adrexo dont le § 2.1 précise la durée du travail d'un distributeur à temps partiel modulé ; que celle-ci est fixée sur une base annuelle ; qu'il est indiqué que « pour lui permettre de planifier l'exercice de son activité, le distributeur bénéficie d'un planning individuel annuel établi par l'employeur » conformément aux stipulations du § 1.15 « qui lui est notifié par écrit 15 jours avant le début de la période de modulation sauf à l'embauche où le planning lui est présenté par écrit avec son contrat de travail. La durée du travail de référence prévue mensuellement ne peut varier chaque mois qu'entre une fourchette haute et une fourchette basse, d'un tiers de la durée moyenne mensuelle de travail calculée sur la période annuelle de modulation. Le distributeur bénéficie d'une garantie de travail minimale par jour, semaine et mois travaillés conformes à celles prévues par la convention collective de branche soit au moins 2 heures par jour, 6 heures hebdomadaires et 26 heures par mois, qui seront respectées pour l'établissement du planning indicatif individuel. Ce planning individuel sera révisable à tout moment par l'employeur moyennant une information donnée au salarié au moins sept jours à l'avance, ou au moins trois jours à l'avance en cas de travaux urgents ou surcroît d'activité, moyennant, en contrepartie, un aménagement de l'horaire de prise des documents si le salarié le souhaite, ou avec un délai inférieur avec l'accord du salarié matérialisé par la signature de la feuille de route, notamment en cas de nécessité impérative de service ou de surcroît exceptionnel d'activité ou de remplacement d'un salarié absent » ; qu'il est prévu en annexe de cet accord, des contrats de travail types dont l'article 7 précise qu'une feuille de route est remise au salarié lequel la signe, cette signature valant acceptation expresse des conditions de réalisation de la distribution, du délai maximum de réalisation, du tarif de la poignée et du temps d'exécution défini correspondant à la distribution et du montant de la rémunération totale de la prestation acceptée ; que l'annexe III de la convention collective fixe des cadences de distribution selon la masse de la poignée et la nature du secteur de distribution classé selon trois catégories : urbain (U), suburbain (S) et rural (R), la cadence étant décroissante au regard de ces secteurs ; que ces secteurs géographiques sont définis, par l'employeur, selon différents critères objectifs, selon le pourcentage des habitats collectifs et individuels plus les commerces et selon deux catégories pour le secteur urbain, trois pour les secteurs suburbains et ruraux ; que la durée du travail dépend donc nécessairement du nombre de secteurs à couvrir et de leur nature ; que la feuille de route remise à chaque salarié par l'employeur et fixant la tâche à accomplir, est établie au regard des secteurs attribués et définis par l'employeur ; que la jurisprudence n'écarte pas la possibilité d'une pré-quantification conventionnelle du temps de travail dans ce secteur d'activité de la distribution de prospectus mais considère, qu'en cas de litige sur les heures de travail, elle ne suffit pas à elle-seule pour satisfaire aux exigences des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail ; qu'en effet, cet article dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre des heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'il appartient donc au salarié d'apporter préalablement des éléments de nature à étayer sa demande et à l'employeur d'y répondre, au besoin, en les contestant par des éléments probants ; que la salariée produit, en l'espèce, une masse de feuilles de route correspondant aux tournées confiées et soutient que le temps de travail a été minoré, notamment, au regard de la cadence réelle ; qu'elle se réfère à l'attestation de M. [P] (pièce n° 43) qui confirme que le temps de travail effectué sur le secteur donné est, le 8 octobre 2012, de 3 heures 55, à des constatations de l'inspection du travail (pièce n° 70) concernant d'autres distributeurs salariés, pour des secteurs comparables, et indiquant un temps de travail effectif supérieur à celui fixé unilatéralement par l'employeur pour la préparation des poignées et la distribution des documents ; que la salariée conteste, également, la qualification du secteur attribué en suburbain 1, en se référant à la description du territoire de la commune de [Localité 1], à son évolution de la population, de la composition des logements (pièces n° 25-2, 54), de plusieurs photographies aériennes montrant des zones bâties (avec immeubles collectifs) et rurales ; qu'au regard de ces éléments, l'employeur ne procède à aucune justification des catégories de secteurs en application de la convention collective ; qu'en effet, la pièce n° 16-2, intitulée « critère classification », ne comporte aucun rattachement à la société Adrexo et l'on ignore qui l'a dressée ; que la pièce n° 16-3, intitulée « Extraits GIBS ? Classification des secteurs », se résume à des captures d'écran inexploitables ; que la pièce n° 14, là encore, associe des captures d'écran à une photo aérienne sans qu'il y ait de corrélation entre le secteur décrit et la photo prise ni d'élément caractérisant les pourcentages requis dans la détermination des secteurs par les textes conventionnels ; qu'il en va de même pour les pièces n° 13 et 15 ; que la pièce n° 12 intitulée « historique des secteurs ADX18 ? Les Ulis » n'est pas plus probante ; que dès lors l'employeur est dans l'incapacité de déterminer de façon fiable le temps de travail imposé au salarié et de justifier qu'il correspond aux stipulations tant du contrat de travail que de la convention collective et de l'accord d'entreprise ; qu'il en résulte que la requalification demandée doit être accordée, ce qui implique confirmation du jugement sur ce point et sur les sommes attribuées au titre du rappel de salaire, des congés payés afférents, des intérêts sur ces sommes et de la délivrance de bulletins de paie conformes ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE si la quantification préalable des missions confiées au distributeur prévue par la convention collective ne peut, à elle seule, constituer la preuve de la durée effective du travail effectué par le distributeur, elle constitue un élément à prendre en compte dans cette démonstration qui n'incombe spécialement à aucune des parties, conformément à ce que prévoit l'article L. 3171-4 du code du travail ; qu'il est constant que la durée du travail inscrite sur les feuilles de route et la liste détaillée des salaires comprend : - le temps d'attente et de chargement : Œ heure d'attente plus tout Œ heure commencé ; - le temps de préparation : comptabilisé en fonction du barème prévu par l'avenant étendu du 16 juin 2004 de la convention collective, soit 1''56 par document pour les 4.600 premiers documents, 1''71 par document du 4.601ème au 6.700ème document, 2'' par document à partir du 6.701ème document et au-delà ; - le temps de déplacement : c'est le temps pour aller du dépôt au secteur desservi ; que cette distance dépend de la typologie du secteur desservi ; que cette distance dépôt/secteur est comptabilisée sur la base du barème prévu à l'annexe III de la CCNDD ; que ce barème dépend de la typologie du secteur desservi (urbain, suburbain ou rural) ; - le temps de distribution : ce temps est décompté en fonction de la grille de cadencements de l'annexe III ; qu'il dépend de la typologie du secteur desservi, du poids de la poignée et du nombre de documents à distribuer ; que pour établir qu'elle a effectué des heures de travail non rémunérées, Mme [F] [N] fournit : - des relevés de temps de travail établis par ses soins au moyen d'un podomètre : qu'il en ressort qu'elle a travaillé 35 heures s'agissant de la semaine du 19 mars 2012, 36 heures pour la semaine du 2 avril 2012, plus de 37 heures en ce qui concerne la semaine du 4 juin 2012 et 17h05 pour la moitié de la semaine du 8 octobre 2012 ; - un relevé établi par M. [P], salarié de la société Adrexo, qui a suivi Mme [F] [N] dans sa distribution du 8 octobre 2012 ; qu'il décompte 3h55 soit 3,98 heures de distribution sur le secteur 901 le 8 octobre 2012, ce qui, outre le temps de distribution sur le secteur 902 de 5,17 heures décompté le lendemain par la salariée, fait un total de 9,15 heures alors que la feuille de route du 8 octobre 2012 évalue le temps de distribution à 3,18 heures ; que par ailleurs, Mme [F] [N] fournit l'analyse de l'INSEE qui montre que la zone de distribution des secteurs S900, S901, S902, S903 et S904, correspondant à la commune de [Localité 1], est composée en très grande majorité de pavillons alors que l'employeur classe ses secteurs en « suburbain 1 », défini par la convention collective comme une majorité d'habitats collectifs (55 à 75%) et une minorité d'habitats individuels (25 à 45%) ; que les éléments produits par l'employeur confirment également la majorité d'habitats individuels composant la zone de distribution de Mme [F] [N] ; qu'il en ressort que la société Adrexo aurait dû classer les secteurs litigieux en « rural 1 », ce qui majore considérablement le temps de distribution ; qu'ainsi Mme [F] [N] démontre, par un décompte effectué par ses soins et confirmé par des éléments objectifs (témoin extérieur, éléments cartographiques) que le temps de distribution est estimé à la moitié du temps de travail réel en raison, notamment, de la mauvaise classification des secteurs de distribution ; que les éléments fournis conduisent à fragiliser le système de quantification préalable de la durée du travail qui fonde, selon la société Adrexo, le décompte de la durée effective de travail ; que pour sa part, la société Adrexo fournit la liste détaillée des salaires établie sur la base des feuilles de route et annexée chaque mois au bulletin de salaire qui constitue le décompte de la durée effective de travail ; que cependant, il a été démontré que ce décompte repose sur des éléments erronés ; qu'ainsi, l'employeur ne rapporte pas la preuve des horaires effectués par le salarié ; qu'en définitive, Mme [F] [N] fournit des éléments qui permettent de retenir qu'elle a effectué des heures de travail qui n'ont pas été payées par l'employeur ; que par ailleurs, le fait que le temps de travail réel soit supérieur à celui estimé dans la feuille de route place le salarié dans l'impossibilité de prévoir à l'avance son temps de travail, ce dernier devant, de ce fait, rester à la disposition de l'employeur et ne pouvant organiser l'exercice d'une activité professionnelle complémentaire ; qu'en conséquence, il convient de prononcer la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet ;

1°) ALORS QUE lorsque le salarié sollicite un rappel d'heures complémentaires ou supplémentaires et qu'il produit aux débats des éléments suffisamment précis pour étayer sa demande, il appartient à l'employeur de justifier des horaires du salarié ; qu'en revanche, lorsque le salarié sollicite la requalification de son contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet et que les conditions de mise en oeuvre de la présomption de temps complet sont réunies, l'employeur, pour renverser ladite présomption de contrat à temps complet, doit seulement rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition ; que la question du renversement de la présomption de temps complet est, ainsi, distincte de celle de la durée précise du travail appelant une rémunération ; qu'en l'espèce, pour requalifier le contrat à temps partiel modulé de la distributrice en contrat à temps complet, la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que si la salariée étayait sa demande en produisant des éléments laissant à penser que son temps de travail avait été minoré, la société Adrexo, de son côté, était dans l'incapacité de déterminer de façon fiable le temps de travail de la salariée ; qu'en exigeant, ce faisant, de l'employeur qu'il justifie de la durée de travail précise de la salariée quand, statuant sur une demande de requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps plein et non sur une demande de rappel d'heures complémentaires ou supplémentaires, il lui appartenait, différemment, de vérifier si l'employeur rapportait la preuve que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition, la cour d'appel a violé les articles L. 3123-25 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable au litige, et le chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe ;

2°) ALORS QU'un distributeur n'est pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler et n'a pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, pour la seule raison que sa durée du travail effective serait supérieure à la durée préquantifiée, dès lors qu'il ne travaille pas en dehors des jours de disponibilité déterminés avec l'employeur ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes, qui s'était lui aussi déterminé essentiellement en considération de ce que la durée réelle de travail excédait la durée préquantifiée mentionnée sur la feuille de route, a à tort inféré par une pétition de principe que cela plaçait automatiquement la salariée dans l'impossibilité de prévoir à l'avance son temps de travail et l'obligeait, de ce fait, à rester à la disposition de l'employeur sans pouvoir organiser l'exercice d'une activité professionnelle complémentaire, sans toutefois faire ressortir en quoi cela aurait en soi empêché la salariée de connaître son rythme de travail dès lors qu'elle travaillait les jours pour lesquels elle avait convenu de sa disponibilité avec l'employeur ; qu'à supposer qu'elle ait entendu adopter cette motivation inopérante, la cour d'appel a violé les articles L. 3123-25 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable au litige, et le chapitre IV de la convention collective nationale de la distribution directe.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail établie le 11 octobre 2012 par Mme [N] produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Adrexo à payer diverses sommes à Mme [N] ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de celui-ci qui empêche la poursuite du contrat de travail ; que si les faits invoqués par le salarié justifient la rupture du contrat de travail, dans ce cas elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut, celui d'une démission ; qu'il en est ainsi quand l'employeur n'a pas procédé au paiement des heures effectivement travaillées et dues au regard de l'emploi, par lui qualifié, à temps partiel ; que c'est le cas en l'espèce au regard de ce qui précède et le jugement sera confirmé sur l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents accordés ; que la salariée demande de porter les dommages et intérêts alloués par le conseil de prud'hommes à la somme de 34.216,08 euros en invoquant son ancienneté de 10 ans et sur la base de deux ans de salaire brut (SMIC en vigueur au second semestre 2012) ; qu'au regard de ces éléments, il sera alloué à la salariée la somme de 23.000 euros, ce qui entraîne infirmation du jugement sur le montant accordé à ce titre ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si des manquements graves de l'employeur peuvent être établis et d'une démission dans le cas inverse ; qu'en l'espèce, au moment où la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail, son employeur lui était redevable d'un montant de salaire de plus de 50.000 euros ; qu'il est donc clairement établi que la rupture du contrat de travail doit être jugée imputable à l'employeur et fautive ;

1°) ALORS QUE la cour d'appel a jugé que l'employeur n'ayant pas procédé au paiement des heures effectivement travaillées et dues au regard de l'emploi, par lui qualifié, à temps partiel, la prise d'acte de la rupture par la salariée devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la cassation de l'arrêt sur le fondement du premier moyen, en ce qu'il a prononcé la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet et octroyé à ce titre diverses sommes à la salariée dont des rappels de salaire, entraînera donc par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE ne peuvent justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié des manquements de l'employeur qui n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant de nombreuses années ; qu'en l'espèce, pour juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a affirmé que le fait que l'employeur n'ait pas procédé au paiement des heures effectivement travaillées et dues au regard de l'emploi, par lui qualifié, à temps partiel était un manquement suffisamment grave qui empêchait la poursuite du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, quand le contrat de travail s'était poursuivi pendant dix ans nonobstant les prétendus manquements de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Adrexo à verser à Mme [N] la somme de 2.011,32 euros au titre des allocations conventionnelles pour maladie ;

AUX MOTIFS QUE la salariée ne reprend pas dans le dispositif de ses conclusions sa demande de 2.011,32 euros correspondant aux allocations conventionnelles pour maladie, mais sollicite la confirmation du jugement qui l'avait allouée ; que cependant le décompte d'indemnités journalières n'est pas établi ce qui ne permet pas de faire application de l'article 10.2 de la convention collective ; que la demande sera rejetée ;

ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, après avoir jugé que la demande de la salariée correspondant aux allocations conventionnelles pour maladie devait être rejetée, la cour d'appel a confirmé dans le dispositif de sa décision le jugement de première instance en ce qu'il avait fait droit à cette demande ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-16308
Date de la décision : 16/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 jui. 2021, pourvoi n°18-16308


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:18.16308
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