LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 10 juin 2021
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 569 F-D
Pourvoi n° T 20-15.506
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021
1°/ Mme [U] [V],
2°/ Mme [L] [T], épouse [F],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
3°/ M. [S] [T], domicilié [Adresse 2] (Portugal),
ont formé le pourvoi n° T 20-15.506 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [P] [W], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société La Médicale de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [V], Mme [F] et M. [T], de la SCP Richard, avocat de M. [W] et de la société La Médicale de France, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2020), un arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 février 2010, devenu irrévocable par l'effet du rejet du pourvoi formé à son encontre (1re Civ., 5 février 2014, pourvoi n° 12-25.859), a déclaré M. [W], cardiologue, responsable de la prescription fautive d'un médicament à son patient, [V]-[I] [T], né en 1928, et de s'être abstenu de préconiser son hospitalisation en urgence le 1er février 2007, et l'a condamné à payer certaines sommes à Mme [V], Mme [F] et M. [T], respectivement épouse et enfants de [V]-[I] [T] (les consorts [T]), en réparation de leurs préjudices résultant de son décès, à l'hôpital, le [Date décès 1] 2007, des suites d'une infection nosocomiale.
2. Cet arrêt a débouté les consorts [T] de leurs demandes de condamnation de M. [W] à leur payer certaines sommes au titre d'un préjudice fiscal né du paiement des droits de succession, pris de ce qu'en raison du décès de [V]-[I] [T] cinq mois et vingt jours avant le vote de la loi dite TEPA du 21 août 2007, sa veuve et ses enfants n'avaient pas bénéficié du dispositif instaurant une exonération de droits de succession des transmissions aux conjoints survivants ainsi qu'une augmentation des abattements en ligne directe.
3. Le 7 novembre 2016, les consorts [T] ont assigné M. [W] et la société La Médicale de France, son assureur, devant un tribunal de grande instance à fins de les voir solidairement condamnés au paiement de certaines sommes à chacun d'eux, en réparation de leur préjudice né de la perte de la chance de se voir appliquer, pour le paiement des droits de succession, un dispositif fiscal plus favorable.
4. Les consorts [T] ont interjeté appel du jugement ayant déclaré leurs demandes irrecevables.
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Les consorts [T] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes d'indemnisation au titre de leur préjudice fiscal, alors « que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement soumise au juge ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation des consorts [T] au titre de leur préjudice fiscal comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 22 juin 2012, devenu définitif avec l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2014, que le défaut d'abrogation de la loi TEPA du 21 août 2007 à la date de l'assignation du 7 novembre 2016 ne constituait pas un élément nouveau, aux motifs inopérants qu'il ne peut être retenu comme certain que le décès serait survenu en période d'exonération fiscale dès lors que la date à laquelle [V] [T] serait décédé en l'absence de faute du docteur [W] reste indéterminée, cependant que l'existence d'une situation juridique nouvelle était au contraire caractérisée par la pérennité des dispositions fiscales plus avantageuses toujours en vigueur et la disparition de l'aléa tenant à leur caractère provisoire qui avait fait obstacle à la prise en considération de ces dispositions dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 5 février 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil, devenu 1355. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de l'article 1355 du code civil que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
8. Ayant estimé que la date à laquelle [V]-[I] [T] serait décédé s'il n'était pas mort le [Date décès 1] 2007 restait, en dépit des nouveaux rapports médicaux produits devant elle, indéterminée, la cour d'appel en a exactement déduit que, même s'il était constant que la loi du 21 août 2007 était en vigueur à la date de l'assignation du 7 novembre 2016, cette circonstance ne modifiait pas la situation antérieurement reconnue en justice et que les demandes formées par les consorts [T] se heurtaient à l'autorité de la chose jugée.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [V], Mme [F] et M. [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [V], Mme [F] et M. [T] et les condamne in solidum à payer à M. [W] et à la société La Médicale de France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme [V], Mme [F] et M. [T]
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes d'indemnisation de Mme [U] [V] veuve [T], Mme [L] [T] épouse [F] et de M. [S] [T] au titre de leur préjudice fiscal ;
AUX MOTIFS QUE « [V] [T], né le [Date naissance 1] 1928, a été suivi pendant plusieurs années par le docteur [P] [W], cardiologue, qui lui a prescrit de la cordarone, en 2005 et au début de l'année 2006 ; qu'à compter du printemps de l'année 2006, [V] [T] a présenté d'importantes difficultés respiratoires et a consulté un pneumologue, le docteur [H] qui, après divers examens, a diagnostiqué au mois de juin 2006, une pneumopathie interstitielle imputable "sans certitude" à la prise médicamenteuse de cordarone, ce qu'elle a écrit dans un courrier adressé au cardiologue, lequel a arrêté la prescription du médicament ; que le 26 octobre 2006, M. [T] a revu le docteur [H] qui a préconisé une diminution très progressive du traitement par corticoïdes et qui a diagnostiqué une arythmie complète le 8 décembre 2006 ; que du 24 au 28 décembre 2006, [V] [T] a été hospitalisé à la suite d'un infarctus et a subi une angioplastie ventriculaire avec pose d'un stent ; qu'à compter du 9 janvier 2007, le docteur [W] a, de nouveau, prescrit de la cordarone à [V] [T] qui a rapidement ressenti de graves troubles ; que le 7 février 2007, M. [T], a été hospitalisé en urgence à l'hôpital [Établissement 1], puis est décédé le [Date décès 1] 2007 ; que suivant ordonnance de référé en date du 5 octobre 2007, le président du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise médicale et désigné les docteurs [Q] [S] et [B] [I], lesquels ont déposé leur rapport en janvier 2008 et ont conclu notamment "il existe un lien de causalité directe et certain entre la réintroductionet la cordarone et la survenue du décès de M. [T] ; les soins du docteur [W] ont été attentifs et diligents mais non conformes aux données acquises de la science médicale en raison des manquements suivants : - réintroduction fautive de la cordarone, - non prise en compte de l'aggravation régulière, devenant majeure, du syndrome inflammatoire, - absence d'hospitalisation en urgence au vu de la radiographie catastrophique ; qu'il existait d'autres possibilités thérapeutiques à mettre en oeuvre faisant intervenir notamment diurétiques et bétabloquants à doses adaptées" ; que suivant jugement du 8 février 2010, le tribunal de grande instance de Paris a : - déclaré le docteur [P] [W] responsable de la réintroduction fautive de la cordarone dans le traitement de M. [V] [I] [T] et de s'être abstenu de préconiser son hospitalisation en urgence le 1er février 2007 ; - déclaré le docteur [P] [W] irrecevable à solliciter la condamnation de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale ; - condamné le docteur [P] [W] à réparer les conséquences dommageables en indemnisant intégralement les consorts [T] de leurs préjudices consécutifs au décès de M. [V] [I] [T] ; - condamné le docteur [P] [W] à payer les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de décision : à Mme [U] [V] veuve [T] (30 000 + 3 834,38 =) 33 834,38 euros, à Mme [L] [T] épouse [F] 12 000 euros, à M. [S] [T] 12 000 euros, à M. [I] [T] 12 000 euros, à [K] [F] 6 000 euros, à [Z] [F] 6 000 euros, à [D] [F] 6 000 euros, à [F] [T] 6 000 euros, à [N] [T] 6 000 euros, à Mme [U] [V] veuve [T], à Mme [L] [T] épouse [F], à M. [S] [T] et à M. [I] [T] en leurs qualités d'héritiers : (600 + 40 000 =) 40 600 euros ; - condamné le docteur [P] [W] à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] la somme de 54 348,46 euros au taux légal à compter du 19 mars 2009 ; - débouté Mme [U] [V] veuve [T] de sa demande au titre du préjudice économique et du préjudice fiscal ; - débouté Mme [L] [T] épouse [F], M. [S] [T] et M. [I] [T] de leurs demandes au titre du préjudice fiscal ; - débouté les parties de toute autre demandes ; - ordonné l'exécution provisoire de décision ; - condamné le docteur [P] [W] à payer la somme de 4 500 euros aux consorts [T] et la somme de 1 000 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] en application de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamné le docteur [P] [W] aux dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire ; que suivant arrêt du 22 juin 2012, la cour d'appel [Localité 1] a : - confirmé le jugement entrepris, Y ajoutant, - condamné le docteur [P] [W] à rembourser à Mme [U] [T], sur justificatif du règlement intervenu, les frais d'expertise judiciaire avancés par celle-ci, et payer à la caisse primaire d'assurance-maladie [Localité 1] l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L376 -1 du code de la sécurité sociale au montant tel qu'il sera fixé au dernier arrêté publié à la date de l'arrêt ; que par arrêt en date du 5 février 2014, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rejeté les pourvois des requérants et a condamné Mme [V] Veuve [T], M. [S] [T], et Mme [L] [T] à une amende civile d'un montant de 3 000 euros, outre des indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que selon acte en date du 7 novembre 2016, Mme [U] [V] veuve [T], M. [S] [T] et Mme [L] [T] épouse [F] ont saisi le tribunal de grande instance de Paris aux fins que soient constatées l'aggravation des préjudices subis depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2014 et l'existence d'un préjudice fiscal nouveau et que le docteur [W] et la Médicale de France soient condamnés solidairement à leur régler, au titre des droits de succession, les sommes suivantes : à Mme Veuve [T] : 3.125.070 euros, à Mme [L] [T] : 35.000 euros, à M. [S] [T] : 35.000 euros ; que selon ordonnance du 29 janvier 2018, le juge de la mise en état a : - dit qu'il n'y a pas lieu de faire trancher au préalable l'exception et la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée évoquées par M. le procureur de la République, - dit que la question prioritaire de constitutionnalité est recevable en la forme, - dit que la question prioritaire de constitutionnalité n'est pas sérieuse, - dit qu'il n'y a pas lieu de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation aux fins de transmission au conseil constitutionnel, - dit qu'il y a lieu d'allouer une somme de 2 500 ? au docteur [W] et à son assureur la SA la Médicale de France, en application de l'article 700 du code de procédure civile, - dit qu'il y a lieu de rejeter la demande de condamnation des consorts [T] pour procédure abusive, - dit que les dépens de l'incident sont réservés et suivront le sort des dépens au fond, - rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires ; que par le jugement entrepris, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré les demandes irrecevables sur le fondement de l'autorité de la chose jugée et a condamné les consorts [T] pour procédure abusive ; que les appelants soutiennent qu'ils ne sollicitent pas l'indemnisation d'un préjudice fiscal en raison du règlement des frais de succession mais qu'ils fondent leur demande sur la perte de chance de n'avoir aucun droit de succession à régler s'agissant de l'épouse et de bénéficier d'abattements supplémentaires et d'une diminution des droits à payer s'agissant des enfants du défunt ; qu'ils font valoir le principe de la réparation intégrale de leur préjudice et affirment que le décès prématuré de [V] [T] le [Date décès 1] 2007 leur a causé un important préjudice matériel non indemnisé à ce jour ; qu'ils rappellent que cinq mois et vingt jours après le décès de [V] [T], le parlement a voté la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (dite loi TEPA) qui a réformé les droits de succession permettant notamment d'exonérer de droits de succession les transmissions aux conjoints survivants (CGI article 796-0 bis nouveau ) et d'augmenter les abattements en ligne directe pour les porter de 50.000 à 150.000 euros (CGI article 779) ; qu'ils indiquent que les successions des personnes décédées avant le 22 août 2007 ont été exclues de ce nouveau dispositif et qu'ils n'ont pas bénéficié de la réforme votée le 21 août 2007 et publiée au Journal Officiel le 22 août 2007 ; qu'ils font valoir que si [V] [T] avait même seulement vécu six mois de plus, son décès serait intervenu postérieurement au 22 août 2007, et sa veuve se serait alors trouvée exonérée de droits de succession, c'est-à-dire dispensée de verser au Trésor Public la somme de 3.125.070 euros tandis que ses enfants n'ont pu solliciter l'application du nouvel abattement de 150.000 euros et ont dû se contenter de celui de 50.000 euros ; qu'ils exposent que chacun des enfants s'étant vu attribuer chacun un actif de 1.657.351 euros, la perte s'élève à 70.000 euros ; qu'ils affirment que les dispositifs des décisions rendues précédemment excluent toute possibilité de leur opposer l'autorité de chose jugée puisque les dispositifs du jugement du 8 février 2010, de l'arrêt du 22 juin 2012, et de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2014, n'ont pas statué sur la perte de chance dont ils sollicitent l'indemnisation ; qu'ils allèguent d'un élément nouveau faisant échec à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ; qu'ils observent que la loi TEPA n'a pas été abrogée et qu'il n'existe plus d'aléa à propos de la législation fiscale applicable ; qu'ils invoquent deux rapports d'expertise selon lesquels les chances de survie du de cujus s'établissaient en mars 2007 à 90% si le docteur [W] n'avait pas commis de faute et en déduisent que de façon quasi-certaine [V] [T] aurait été en vie en août 2007, date d'entrée en vigueur de la loi TEPA ; qu'ils concluent que le préjudice de Mme veuve [T], consécutif à la perte de chance de n'avoir aucun droit de succession à régler est donc 90% de la somme versée par elle soit 2.812.563 euros (3.125.070 euros x 90) / 100), et que celui de chacun des enfants est de 31.500 euros (35.000 euros x 90) / 100) ; que M. [P] [W] et la société médicale de France concluent à la confirmation du jugement sur l'irrecevabilité des demandes des consorts [T] en vertu de l'autorité de la chose jugée ; qu'ils font valoir que la Cour de cassation s'est prononcée sur la même chose, à savoir l'indemnisation d'un préjudice fiscal qu'auraient subi les consorts [T] du fait du décès de [V] [T] le [Date décès 1] 2007, fondé sur la même cause c'est-à-dire les manquements reprochés au docteur [W], et dans un litige entre les mêmes parties agissant avec les mêmes qualités ; qu' ils soulignent que nul ne peut dire que [V] [T] serait décédé sous le régime de la loi TEPA et qu'il n'existe aucune certitude à ce sujet ; qu'ils relèvent que l'arrêt de la Cour de cassation se réfère expressément à la notion de perte de chance et que la juridiction a précisé que les consorts [T] n'établissaient pas que la faute du médecin leur avait fait perdre une chance que le décès se produise sous l'empire d'un régime fiscal plus favorable ; qu'ils invoquent la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur le rejet des demandes d'indemnisation au titre des droits de succession ; qu'aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; que l'autorité de la chose jugée ne peut être écartée que lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'il est constant que les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l'indemnisation de la victime ; que dans le cadre de la présente instance, les consorts [T] réclament réparation de la perte de chance de pouvoir bénéficier des dispositions fiscales plus favorables au titre des droits de succession ; qu'il convient de rappeler qu'ils ont formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt du 22 juin 2012 ayant statué sur la responsabilité du docteur [W] et la réparation des préjudices ; que leur moyen unique visait à contester le rejet de leur demande relative à l'indemnisation du préjudice fiscal ; que l'arrêt en date du 5 février 2014 prononcé par la Cour de cassation mentionne que "la cour d'appel, retenant à juste titre que, quels que soient les abattements et exonérations résultant de la loi fiscale entrée en vigueur postérieurement au décès, le paiement des droits de succession ne constitue pas un préjudice indemnisable, a fait en répondant aux écritures prétendument omises, une exacte application des principes de la responsabilité civile, dès lors que la date précise à laquelle [V] [T] serait décédé s'il n'avait pas été victime de la faute du docteur [W] ne pouvait, en dépit d'une espérance de vie purement théorique, que demeurer indéterminée, de sorte que ses héritiers n 'établissaient pas que cette faute leur avait fait perdre une chance que ce décès se traduise sous l'empire d'un régime fiscal plus favorable ; que le moyen n 'est fondé en aucune de ses branches" ; qu'ainsi, l'arrêt se réfère expressément à la notion de perte de chance, qui ne saurait dès lors être invoquée à nouveau par les appelants, parties à l'instance ayant donné lieu à la décision dans le cadre d'un litige ayant le même objet et la même cause ; que Mme [V] Veuve [T], M. [S] [T], et Mme [L] [T] épouse [F] excipent vainement des rapports établis les 19 novembre 2014 et 23 mai 2019 par les docteurs [A] et [D], concernant l'espérance de vie et les chances de survie de [V] [T] alors qu'il ne peut être retenu comme certain que le décès serait survenu en période d'exonération fiscale contrairement à leur argumentation ; qu'en effet, la date à laquelle [V] [T] serait décédé en l'absence de faute du docteur [W] reste indéterminée comme l'a rappelé la Cour de cassation ; que les appelants ne démontrent ni un élément nouveau ni une aggravation de leurs préjudices, et par suite, que des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; que les conditions prévues par l'article 1355 précité étant réunies eu égard à l'arrêt du 5 février 2014, leurs demandes se heurtent à l'autorité de la chose jugée ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur l'irrecevabilité des demandes » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « SUR LA FIN DE NON RECEVOIR FONDÉE SUR L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE, l'article 1355 du code civil dispose : "L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité." ; que les demandes formées dans le cadre de la présente instance par Madame [U] [V] veuve [T], Monsieur [S] [T] et Madame [L] [T] épouse [F] le sont en la même qualité que les demandes sur lesquelles les juridictions du fond puis la Cour de Cassation ont statué dans les décisions précitées à savoir celle d'ayants-droit de Monsieur [V]-[I] [T] ; que ces demandes sont, par ailleurs, formées à l'encontre des mêmes parties à savoir le Docteur [P] [W] et la SA LA MÉDICALE DE France ; qu'enfin, ces demandes tendant à obtenir réparation du préjudice causé par leur exclusion du droit au bénéfice de la loi dite "TEPA" du 21 août 2007 entraînant un préjudice fiscal consistant en la perte de chance de ne pas avoir à régler de droit de succession pour l'épouse de Monsieur [V]-[I] [T] et la perte de chance de bénéficier d'abattements supplémentaires pour ses enfants portent sur un poste de préjudice qui a déjà été examiné et tranché par les décisions précitées ayant autorité de chose jugée ; qu'en effet, le pourvoi de Madame [U] [V] veuve [T], Monsieur [S] [T] et Madame [L] [T] épouse [F] était fondé sur le moyen suivant : "1°/ qu'en application de l'article L. 1142-1 1 du code de la santé publique, les héritiers du défunt dont la cause du décès résulte de la faute commise par le médecin traitant ont droit à la réparation de l'intégralité du préjudice directement et certainement subi en conséquence de la faute incriminée ; que constitue un tel préjudice la perte de chance avérée chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable ; qu'en l'espèce, les consorts [T].. avaient subi un préjudice fiscal résultant du décès prématuré de [V]-[I] [T].. cinq mois et 20 jours avant le vote de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et de la recherche, entrée en vigueur le 22 août 2007, dont l'article 8-XI a inséré dans le code général des impôts l'article 796-01 bis aux termes duquel Sont exonérés de droits de mutation par décès le conjoint survivant et le partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité » et dont l'article 8-1V a remplacé les trois premiers alinéas du I de l'article 779 du même code par un alinéa ainsi rédigé : « Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 150 000 ? sur la part de chacun des ascendants et sur la part de chacun des enfants vivants ou représentés par suite de prédécès ou de renonciation » ; que le décès prématuré de [V] [T]... a donc privé les consorts [T].., soit au titre de veuve, soit à celui d'enfants du défunt, du bénéfice de l'événement favorable constitué par la réforme fiscale précitée ; qu'en outre, ils avaient fait valoir dans leurs conclusions d'appel que la note technique rédigée, le 1er juillet 2008, par M Z.., qui était présent lors des opérations d'expertise, affirmait successivement que « l'espérance de vie de [V] [T].. était tout à fait normale et « superposable » à celle d'un homme âgé en bonne santé », que, s'agissant de l'insuffisance cardiaque modérée dont souffrait l'intéressé, « la mortalité ne survient qu'à la phase début de l'infarctus au cours de la première semaine (moins de 5 %). Au-delà, la courbe s'aplatit pour permettre un taux de survie à 80 % », et que « donc en l'absence de la réintroduction fautive de Cordarone, [V] [T].. serait de manière hautement probable toujours en vie en 2008 » ; qu'ainsi en refusant, par une pure pétition de principe, d'accorder l'indemnisation du préjudice fiscal certain et direct ainsi subi par les consorts X.., la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique ; 3°/ qu'en écartant péremptoirement les demandes d'indemnisation des consorts [T].. au titre de leur préjudice fiscal, sans examiner les arguments de droit et de fait avancés par eux, dans leurs écritures d'appel, notamment, en ce qui concerne, d'une part, le caractère de disparition d'une éventualité favorable que constituait la possibilité pour les héritiers de [V] [T]... de bénéficier de l'exonération ou de l'atténuation des droits de succession prévue par la loi du 21 août 2007 susvisée compte-tenu de son décès prématuré résultant directement de la faute commise par M. Y ..., et, d'autre part, de la bonne espérance de vie dont aurait certainement bénéficié M X.., s'il n'avait pas été la victime de la faute de son médecin traitant, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile." ; que par un arrêt en date du 5 février 2014, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi pour le motif suivant : "la cour d'appel, retenant à juste titre que, quel que soient les abattements et exonérations résultant de la loi fiscale entrée en vigueur postérieurement au décès, le paiement des droits de succession ne constitue pas un préjudice indemnisable, a fait, répondant aux écritures prétendument omises, une exacte application des principes de la responsabilité civile, dès lors que la date précise à laquelle [V] [T] serait décédé s'il n'avait pas été victime de la faute de M [W] ne pouvait, en dépit d'une espérance de vie purement théorique, que demeurer indéterminée, de sorte que ses héritiers n'établissaient pas que cette faute leur avait fait perdre une chance que ce décès se produise sous l'empire d'un régime fiscal plus favorable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;" ; que les demandes de Madame [U] [V] veuve [T], Monsieur [S] [T] et Madame [L] [T] épouse [F] dans la présente procédure ont dès lors le même objet et la même cause que celles soumises dans le cadre de la procédure d'indemnisation des dommages causés par la faute du Dr [P] [W] sous l'intitulé "préjudice fiscal" au tribunal de grande instance de Paris, à la cour d'appel de Paris puis à la Cour de cassation et fondé sur l'impossibilité de bénéficier de la loi dite "TEPA" du 21 août 2007 en raison du décès de ce dernier avant l'entrée en vigueur de ce texte ; qu'en effet, le défaut d'abrogation de la loi dite "TEPA" du 21 août 2007 à la date de l'assignation délivrée dans le cadre de la présente procédure et de l'audience de plaidoiries ne constitue pas un élément nouveau ou une aggravation des préjudices subis du fait de la faute du D. [P] [W] ; que comme précédemment relevé par la Cour de cassation, la date précise à laquelle [V] [T] serait décédé s'il n'avait pas été victime de la faute du Dr [W] ne peut que demeurer indéterminée ; que dès lors les espérances de vie évoquées dans les rapports médicaux produits ne constituent pas non plus un élément nouveau susceptible de permettre la caractérisation d'une perte de chance que ce décès se produise sous l'empire d'un régime fiscal plus favorable ; qu'il ne peut, par ailleurs, qu'être relevé que les sommes réclamées sont les mêmes ; que ces demandes sont dès lors irrecevables » ;
1°) ALORS QUE l'l'intérêt à agir du demandeur n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action, mais de son succès ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation des consorts [T] au titre de leur préjudice fiscal comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 5 février 2014, que le défaut d'abrogation de la loi TEPA du 21 août 2007 à la date de l'assignation du 7 novembre 2016 ne constituait pas un élément nouveau (p.8§2 jugt.), motifs pris qu'il ne peut être retenu comme certain que le décès serait survenu en période d'exonération fiscale dès lors que la date à laquelle [V] [T] serait décédé en l'absence de faute du docteur [W] reste indéterminée (p.8§2 jugt et p.7§4 arrêt), cependant que le degré de certitude ou de probabilité d'un décès de [V] [T] après le 21 août 2007, date de la loi TEPA, qui tenait à l'existence d'un préjudice consistant dans une perte de chance, n'était pas une condition de recevabilité de l'action des consorts [T] mais de son succès, la cour d'appel a violé les articles 30 et 31 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du code civil, devenu l'article 1355 ;
2°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement soumise au juge ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevables les demandes d'indemnisation des consorts [T] au titre de leur préjudice fiscal comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 22 juin 2012, devenu définitif avec l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2014, que le défaut d'abrogation de la loi TEPA du 21 août 2007 à la date de l'assignation du 7 novembre 2016 ne constituait pas un élément nouveau (p.8§2 jugement), aux motifs inopérants qu'il ne peut être retenu comme certain que le décès serait survenu en période d'exonération fiscale dès lors que la date à laquelle [V] [T] serait décédé en l'absence de faute du docteur [W] reste indéterminée (p.8§2 jugement et p.7§4 arrêt), cependant que l'existence d'une situation juridique nouvelle était au contraire caractérisée par la pérennité des dispositions fiscales plus avantageuses toujours en vigueur et la disparition de l'aléa tenant à leur caractère provisoire qui avait fait obstacle à la prise en considération de ces dispositions dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 5 février 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1351 du code civil, devenu 1355.