LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 juin 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 586 F-D
Pourvoi n° V 20-13.737
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021
La société Défi Retraite, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-13.737 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Néovia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société AJ Partenaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Néovia,
3°/ à la société MJ Synergie-Mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Néovia,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Défi Retraite, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Néovia et de la société AJ Partenaires, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Intervention
1. Il est donné acte aux sociétés AJ Partenaires, en qualité de commissaire à l'exécution du plan et d'administrateur judiciaire de la société Néovia, et MJ Synergie-mandataires judiciaires, en qualité de mandataire judiciaire de la société Néovia, de leur intervention volontaire.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 décembre 2019), se plaignant de faits de concurrence déloyale et de dénigrement sur internet, la société Néovia a saisi le président d'un tribunal de commerce de sept requêtes identiques sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile à fin de voir ordonner des mesures d'instruction au siège social de plusieurs sociétés, dont celui de la société Défi retraite.
3. Cette requête a été accueillie par une ordonnance du 28 septembre 2018, qui a constitué l'huissier de justice séquestre des documents appréhendés et prévu qu'il ne pourra être mis fin au séquestre que par une décision de justice contradictoire l'autorisant à remettre les documents saisis. Les mesures d'instruction ont été exécutées le 8 octobre 2018.
4. La société Défi retraite a saisi un juge des référés d'une demande en rétractation, laquelle a été rejetée par une ordonnance du 20 février 2019.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
5. La société Défi retraite fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de référé du 20 février 2019 en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 28 septembre 2018, de confirmer en tous ses points cette ordonnance et de la débouter de sa demande de non divulgation des pièces séquestrées, alors :
« 3°/ que, si le droit au respect de la vie privée ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'article 145 du code de procédure civile, est illégale une mesure d'instruction in futurum qui lui porte une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que lorsque l'atteinte au droit au respect de la vie privée est invoquée, le juge ne peut conclure à la légalité de la mesure d'instruction sans procéder à une balance des intérêts en présence, et expliquer précisément en quoi l'atteinte n'est pas disproportionnée ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 28 septembre 2018 autorisait les huissiers désignés à « prendre connaissance et se faire communiquer par tous moyens et le cas échéant prendre copie en 2 exemplaires sur support informatique, les études de droits à la retraite réalisée par la SAS Défi Retraite, quel que soit le format, notamment PDF, Word et Excel » ; qu'en se contentant d'énoncer « qu'eu égard aux faits de la cause et aux preuves que la société Néovia entend établir ou conserver, les mesures ordonnées par l'ordonnance sur requête du 28 septembre 2018 apparaissent nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la partie requérante », sans s'expliquer précisément sur la circonstance, invoquée par la société Défi retraite, que l'accès aux études de droit à la retraite emportait par hypothèse l'appréhension des données personnelles des clients (état civil, nombre d'enfants, situation familiale, enfants en situation de handicap) nécessaires à la réalisation de ces études, et sur la proportionnalité de l'atteinte cependant que la mesure n'était aucunement cantonnée aux études portant sur des clients ou prospects communs aux sociétés Néovia et Defi retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;
4°/ que si le droit au respect de la vie privée ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'article 145 du code de procédure civile, est illégale une mesure d'instruction in futurum qui lui porte une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que lorsque l'atteinte au droit au respect de la vie privée est invoquée, le juge ne peut conclure à la légalité de la mesure d'instruction sans procéder à une balance des intérêts en présence, et expliquer précisément en quoi l'atteinte n'est pas disproportionnée ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 28 septembre 2018 autorisait les huissiers désignés à « prendre connaissance et se faire communiquer par tous moyens et le cas échéant prendre copie en 2 exemplaires sur support informatique, les études de droits à la retraite réalisée par la société Défi Retraite, quel que soit le format, notamment PDF, Word et Excel » ; qu'en se contentant d'énoncer « qu'eu égard aux faits de la cause et aux preuves que la société Néovia entend établir ou conserver, les mesures ordonnées par l'ordonnance sur requête du 28 septembre 2018 apparaissent nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la partie requérante », sans s'expliquer précisément sur la circonstance, invoquée par la société Défi retraite, que l'accès aux études de droit à la retraite emportait par hypothèse l'appréhension des données personnelles des clients (état civil, nombre d'enfants, situation familiale, enfants en situation de handicap) nécessaires à la réalisation de ces études, et sur la proportionnalité de l'atteinte cependant que la mesure n'était aucunement cantonnée aux études portant sur des clients ou prospects communs aux sociétés Néovia et Défi retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;
5°/ que, si le droit au secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'article 145 du code de procédure civile, est illégale une mesure d'instruction in futurum qui lui porte une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que lorsque l'atteinte au secret des affaires est invoquée, le juge ne peut conclure à la légalité de la mesure d'instruction sans procéder à une balance des intérêts en présence et expliquer précisément en quoi l'atteinte n'est pas disproportionnée ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 28 septembre 2018 autorisait les huissiers désignés à appréhender tous documents mentionnant le nom de la société Défi retraite ainsi que toutes les études de droit à la retraite de la société Défi retraite ; qu'en se contentant d'énoncer « qu'eu égard aux faits de la cause et aux preuves que la société Néovia entend établir ou conserver, les mesures ordonnées par l'ordonnance sur requête du 28 septembre 2018 apparaissent nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la partie requérante », sans s'expliquer précisément sur la circonstance, invoquée par la société Défi retraite, que ces mesures permettaient d'appréhender l'intégralité du travail et des données de la société Défi retraite, et sur la proportionnalité de l'atteinte cependant que les mesures n'étaient aucunement cantonnées aux données portant sur des clients ou prospects communs aux sociétés Néovia et Défi retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 145 du code de procédure civile :
6. Si le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, c'est à la condition que le juge constate que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime, sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées, et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l'autre partie au regard de l'objectif poursuivi.
7. Pour confirmer les ordonnances du 20 février 2019 ayant rejeté la demande de rétractation partielle des ordonnances du 28 septembre 2018, l'arrêt retient que les ordonnances ne ciblent pas des documents couverts par un secret d'ordre professionnel et qu'eu égard aux faits de la cause et aux preuves que la société Néovia entend établir ou conserver, les mesures ordonnées apparaissent nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la partie requérante.
8. Il retient, ensuite, par motifs adoptés, que l'ordonnance sur requête ne cible ni des documents personnels, ni des documents couverts par un secret d'ordre professionnel ou médical et s'en tient à des mots-clés pour découvrir l'identité des auteurs des messages dénigrants, l'écosystème concurrentiel quant aux liens pouvant unir les différentes sociétés cibles, ces dernières niant toute osmose, la recherche d'une utilisation frauduleuse des logiciels développés par la société Néovia, voire, par acronymie, donnée auxdits logiciels, et la preuve de débauchage de salariés de la société Néovia, y compris par l'utilisation des prénoms desdits salariés.
9. Il ajoute, enfin, que l'ordonnance présidentielle du 20 septembre 2019 cible de façon précise une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents et correspondances, tous en rapport avec les faits litigieux et que ladite ordonnance ne se rapporte qu'à des mots-clés précisément énumérés et en rapport avec l'activité de concurrence déloyale dénoncée.
10. L'arrêt en déduit que les mesures ordonnées dans l'ordonnance du 28 septembre 2018 sont circonscrites dans leur objet et donc légalement admissibles.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les mesures d'instruction demandées étaient nécessaires à la détermination de la preuve des faits allégués et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au secret des affaires de la société Défi retraite au regard de l'objectif poursuivi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit l'exception d'incompétence ratione loci soulevée par la société Défi retraite et la déclare mal fondée, l'arrêt rendu le 3 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Néovia et la société AJ Partenaires, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Néovia, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Défi Retraite
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance de référé du 20 février 2019 en ce qu'elle a débouté la société Défi Retraite de sa demande de rétractation de l'ordonnance du 28 septembre 2018, confirmé en tous ses points l'ordonnance du 28 septembre 2018 et débouté la société Défi Retraite de sa demande de non divulgation des pièces séquestrées ;
AUX MOTIFS QUE « 3) Sur le motif légitime : qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ;qu'en application de ces dispositions, il incombe au demandeur à la mesure d'instruction d'apporter des éléments suffisamment plausibles pour qu'il lui soit permis d'envisager un procès sur le fond et la mesure sollicitée doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire à la protection de ses intérêts ;qu'en l'espèce, la société Néovia entend conserver ou établir la preuve que les sociétés visées dans sa requête ont monté, en commun, un projet concurrent, en réunissant leurs forces et en s'appropriant son savoir-faire et ses ressources, au moyen notamment :
- de la tentative de démarchage de sa clientèle, -- du débauchage de ses salariés,
- du parasitisme de présentation,
- du dénigrement de son entreprise sur Internet ;
qu'il ressort des éléments fournis devant la cour par la société Néovia, abstraction devant être faite des éléments obtenus lors des opérations de constat et de saisie qui ne peuvent être pris en considération par le juge de la rétractation :
- que la société Défi Retraite, dirigée par M. [R] et qui a résilié le mandat exclusif qui la liait à la société Néovia, exerce une activité similaire à celle de la société Néovia dans la même zone géographique qu'elle,
- que dans les mois suivants le départ de Mme [T], salariée de Néovia, et la constitution par elle de la société Origami et Co., 4 des 5 mandataires exclusifs de la société Néovia ont résilié leur mandat,
-que M. [R], comme les autres anciens mandataires de la société Néovia, est demeuré en relation avec Mme [T] et sa société Origami,
- que la société Défi Retraite et la société Origami et Co. ont des prestataires identiques (fournisseur de bases de données),
- que si la société Défi Retraite dit aujourd'hui posséder un bureau d'études en matière d'optimisation de départ à la retraite, il est aussi probable que pour commercialiser ses prestations, elle a eu recours, comme les sociétés Origami et Co. et [L], aux services d'analyses des sociétés Trajectoire et Astuti, lesquelles utilisent un logiciel de calcul de droits similaire au logiciel Ocre développé par la société Néovia
- que M. [R] a démarché 1 1 personnes de la région antérieurement confiée à la société Défi Retraite par la société Néovia,
- qu'après la résiliation de son mandat et pendant la durée du préavis non exécuté, M. [R] a reporté des entretiens avec des clients de Néovia qui avaient été planifiés pendant le mandat,
-que M. [R] aurait utilisé l'identité d'un salarié de Néovia pour vendre une suite de mission,
--qu'il existe de nombreuses similitudes de présentation dans certains mailings de la société Défi Retraite et ceux de la société Néovia, pouvant, avec les faits ci-dessus, entraîner une confusion dans li'esprit de la clientèle,
- que la société Néovia a fait l'objet d'un grand nombre d'avis défavorables ou dénigrants postés sur Google Maps et Google Business, par des internautes qui n'ont jamais été ses clients ;
que la société Défi Retraite conteste l'interprétation faite de ces circonstances par l'intimée et toute attitude fautive de son entreprise en faisant valoir qu'elle a financé en interne le recrutement de salariés et de ses experts, le développement de son propre logiciel et l'achat de prospects, que le captage de la clientèle n'est pas fautif en raison du principe de la liberté du commerce et en l'absence, en l'espèce, d'une obligation de non-concurrence et qu'elle n'a commis aucun acte de dénigrement ni de parasitisme ; que les éléments apportés par la société Néovia constituent, nonobstant les contestations de la société Défi Retraite, des indices suffisamment graves et concordants, pouvant faire supposer des agissements de concurrence déloyale commis par elle, de concert avec autres sociétés visées par la requête, dans le cadre d'un réseau d'entreprises liées par des intérêts communs ; que la société Néovia, justifie dans ces conditions d'un motif légitime, au sens de l'article 145 précité du code de procédure civile, d'obtenir des mesures d'investigation et de constat au siège social de la société Défi Retraite par un huissier de justice, assisté d'un expert informatique ; que la société Défi Retraite fait valoir que les mesures autorisées sur requête procèdent d'une autorisation de portée trop générale qui permet de saisir n'importe quel document et comportent des mots-clés sans aucun lien avec litige, ce qui constitue une atteinte insupportable à la vie privée et aux données personnelles et corrélativement, un avantage concurrentiel injustifié pour la requérante ; que la société Néovia répond que les documents à caractère personnel couverts par un quelconque secret, professionnel ou médical, ont été expressément écartés des mesures de constat par le juge des requêtes et que les mots-clés incriminés sont justifiés par la nécessité de mettre en lumière le système mis en place par les sociétés appelantes, notamment pour détourner sa clientèle, l'utilisation frauduleuse de son logiciel pour établir les documents d'étude, la dissimulation intentionnelle de leur véritable employeur par ses anciens salariés et l'origine des actes de dénigrement dont elle est victime ;qu'eu égard aux faits de la cause et aux preuves que la société Néovia entend établir ou conserver, les mesures ordonnées par l'ordonnance sur requête du 28 septembre 2018 apparaissent nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la partie requérante ;que la société Défi Retraite fait aussi valoir que l'ordonnance sur requête ne désigne pas nommément l'huissier instrumentaire ni le technicien informatique, contrairement aux exigences de l'article 233 du code de procédure civile, mais que ce texte n'a pas pour objet d'imposer une telle désignation, comme le fait justement remarquer la société Néovia ; qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer l'ordonnance de référé du 20 février 2019 en ce qu'elle a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance sur requête du 28 septembre 2018 et rejeté la demande de rétractation de cette ordonnance sur requête, formée par la société Défi Retraite » (arrêt p. 4-7) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur le caractère des mesures sollicitées par la société Néovia SAS : que la motivation de la requête de la société Néovia SAS, faisait valoir que les défendeurs avaient mis en place des manoeuvres de dissimulation afin que les éléments susceptibles de révéler leurs agissements ne soient pas présents et/ou accessibles sur les équipements informatiques de la société ; que la même motivation de la requête de la société Néovia SAS faisait tout autant valoir que les mêmes éléments pouvaient être sur les équipements personnels des personnes physiques ; qu'il est constaté que l'ordonnance querellée : - ne cible pas des documents personnels, - ne cible pas des documents couverts par un secret d'ordre professionnel, - s'en tient à des mots-clés pour découvrir : l'identité des auteurs des messages dénigrants, l'écosystème concurrentiel quant aux liens pouvant unir les différentes sociétés cibles alors que ces dernières nient toute osmose, la recherche d'une utilisation frauduleuse des logiciels développés par la société Néovia SAS, voire, par acronymie, donnée auxdits logiciels, la preuve de débauchage de salariés de la société Néovia SAS, y compris par l'utilisation des prénoms desdits salariés ; que le respect de la vie privée ne constitue pas un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile ; que dès lors, il convient de dire que la mesure ordonnée repose sur un motif légitime, qu'elle est nécessaire et proportionnée à la protection des droits des requérants ; que de surcroît, la mission confiée à l'huissier de justice en la présente instance vise à constater la présence, sur la messagerie personnelle de la société ainsi que des personnes physiques présentes, de courriels ou de messages en rapport avec l'activité de concurrence déloyale dénoncée ; que l'ordonnance présidentielle du 20 septembre 2019 cible de façon précise une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents et correspondances, tous en rapport avec les faits litigieux et que ladite ordonnance ne se rapporte qu'à des mots-clés précisément énumérés et en rapport avec l'activité de concurrence déloyale dénoncée ; qu'il convient alors de constater que les mesures ordonnées dans l'ordonnance querellée du 28 septembre 2018 sont circonscrites dans leur objet et donc légalement admissibles ; que dans ces conditions, la société Defi Retraite sera déboutée de sa demande de rétractation de l'ordonnance présidentielle du 28 septembre 2018 ; que ce faisant, il convient de dire que l'ordonnance du 28 septembre 2018 doit être maintenue dans son intégralité ; qu'aucun élément probant n'est apporté au regard de la demande de non divulgation des pièces séquestrées, qu'il convient de rejeter la demande de non divulgation desdites pièces » (ordonnance du 20 février 2019, p.4) ;
ALORS QUE 1°), les mesures d'instruction in futurum doivent avoir un objet circonscrit, et ne permettre que l'appréhension d'éléments portant sur les faits allégués par le requérant ; que n'est pas légalement admissible une mesure d'instruction in futurum permettant à l'huissier d'appréhender des documents sans lien avec les faits litigieux ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 28 septembre 2018, rendue sur requête de la société Néovia qui alléguait à l'encontre de la société Defi Retraite des faits de concurrence déloyale par débauchage de salariés et de clientèle, démarchage de ses mandataires, prestataires et fournisseurs et dénigrement sur internet, autorisait les huissiers désignés notamment à « prendre connaissance, se faire communiquer par tous moyens et le cas échéant prendre copie en 2 exemplaires sur tout support » des « documents commerciaux [de la société Defi Retraite] », de tous documents contenant « l'un ou plusieurs noms, prénoms et adresse courriel de clients de la requérante », tels que listés ensuite, de tous documents contenant « l'un ou plusieurs noms et/ou prénoms et/ou dénomination sociale des anciens salariés et mandataires de la Requérante depuis le 2 mars 2017 », listés ensuite, et parmi lesquels figurait la société Defi Retraite, ainsi que le nom de « [S] [R] », son dirigeant, de tous documents contenant « l'un ou plusieurs noms et/ou prénoms et/ou pseudonymes des Utilisateurs Google ayant déposé des avis dénigrants depuis le 2 mars 2017 jusqu'au jour du constat » tels que listés ensuite ; qu'ainsi, la seule mention dans un document du nom de la société Defi Retraite, de son dirigeant, ou encore du prénom d'un salarié, client, mandataire de la société Néovia, ou utilisateur Google ayant déposé un avis dénigrant, permettait d'appréhender ledit document ; que l'ordonnance permettait ainsi l'appréhension de tous types de documents, pouvant n'avoir aucun lien avec les faits de concurrence déloyale allégués par la société Néovia ; qu'en jugeant néanmoins que les mesures ordonnées étaient nécessaires et proportionnées, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
ALORS QUE 2°), le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; que l'ordonnance du 28 septembre 2018 autorisait les huissiers désignés notamment à « prendre connaissance, se faire communiquer par tous moyens et le cas échéant prendre copie en 2 exemplaires sur tout support » des « documents commerciaux [de la société Defi Retraite] », de tous documents contenant « l'un ou plusieurs noms, prénoms et adresse courriel de clients de la requérante », tels que listés ensuite, de tous documents contenant « l'un ou plusieurs noms et/ou prénoms et/ou dénomination sociale des anciens salariés et mandataires de la Requérante depuis le 2 mars 2017 », listés ensuite, et parmi lesquels figurait la société Defi Retraite, de tous documents contenant « l'un ou plusieurs noms et/ou prénoms et/ou pseudonymes des Utilisateurs Google ayant déposé des avis dénigrants depuis le 2 mars 2017 jusqu'au jour du constat » tels que listés ensuite ; qu'en énonçant, par motifs adoptés, que cette ordonnance « cible de façon précise une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents, et correspondances, tous en rapport avec les faits litigieux et (?) ne se rapporte qu'à des mots-clés précisément énumérés et en rapport avec l'activité de concurrence déloyale dénoncée », la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
ALORS QUE 3°), si le droit au respect de la vie privée ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'article 145 du code de procédure civile, est illégale une mesure d'instruction in futurum qui lui porte une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que lorsque l'atteinte au droit au respect de la vie privée est invoquée, le juge ne peut conclure à la légalité de la mesure d'instruction sans procéder à une balance des intérêts en présence, et expliquer précisément en quoi l'atteinte n'est pas disproportionnée ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 28 septembre 2018 autorisait les huissiers désignés à « prendre connaissance et se faire communiquer par tous moyens et le cas échéant prendre copie en 2 exemplaires sur support informatique, les études de droits à la retraite réalisée par la SAS Défi Retraite, quel que soit le format, notamment PDF, Word et Excel » ; qu'en se contentant d'énoncer « qu'eu égard aux faits de la cause et aux preuves que la société Néovia entend établir ou conserver, les mesures ordonnées par l'ordonnance sur requête du 28 septembre 2018 apparaissent nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la partie requérante », sans s'expliquer précisément sur la circonstance, invoquée par l'exposante (conclusions p.37), que l'accès aux études de droit à la retraite emportait par hypothèse l'appréhension des données personnelles des clients (état civil, nombre d'enfants, situation familiale, enfants en situation de handicap) nécessaires à la réalisation de ces études, et sur la proportionnalité de l'atteinte cependant que la mesure n'était aucunement cantonnée aux études portant sur des clients ou prospects communs aux sociétés Néovia et Defi Retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;
ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE 4°), si le droit au respect de la vie privée ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'article 145 du code de procédure civile, est illégale une mesure d'instruction in futurum qui lui porte une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; qu'en retenant, par motifs adoptés que l'ordonnance du 28 septembre 2018 ne « cible pas de document à caractère personnel », sans rechercher, comme elle y était invitée par l'exposante (conclusions p. 37), si, quand bien même les données personnelles n'étaient pas expressément et directement visées par l'ordonnance du 28 septembre 2018, ce n'était pas de telles données qui devaient nécessairement être appréhendées via les documents, eux, expressément visés par l'ordonnance du 28 septembre 2018, qu'étaient les études de droits à la retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
ALORS QUE 5°), si le droit au secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'article 145 du code de procédure civile, est illégale une mesure d'instruction in futurum qui lui porte une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ; que lorsque l'atteinte au secret des affaires est invoquée, le juge ne peut conclure à la légalité de la mesure d'instruction sans procéder à une balance des intérêts en présence et expliquer précisément en quoi l'atteinte n'est pas disproportionnée ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 28 septembre 2018 autorisait les huissiers désignés à appréhender tous documents mentionnant le nom de la société Defi Retraite ainsi que toutes les études de droit à la retraite de la société Defi Retraite ; qu'en se contentant d'énoncer « qu'eu égard aux faits de la cause et aux preuves que la société Néovia entend établir ou conserver, les mesures ordonnées par l'ordonnance sur requête du 28 septembre 2018 apparaissent nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la partie requérante », sans s'expliquer précisément sur la circonstance, invoquée par l'exposant (conclusions p.37-38), que ces mesures permettaient d'appréhender l'intégralité du travail et des données de la société Defi Retraite, et sur la proportionnalité de l'atteinte cependant que les mesures n'étaient aucunement cantonnées aux données portant sur des clients ou prospects communs aux sociétés Néovia et Defi Retraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile.