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10/06/2021 | FRANCE | N°19-16222

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 juin 2021, 19-16222


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juin 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 587 F-P

Pourvoi n° A 19-16.222

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021

La société Incana Cambaie, société civile immobilière, dont le s

iège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 19-16.222 contre l'arrêt rendu le 22 février 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (c...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juin 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 587 F-P

Pourvoi n° A 19-16.222

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021

La société Incana Cambaie, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 19-16.222 contre l'arrêt rendu le 22 février 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre civile, tribunal de grande instance), dans le litige l'opposant à la commune de Saint-Paul, dont le siège est [Adresse 2], représentée par son maire en exercice, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Incana Cambaie, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la commune de Saint-Paul, représentée par son maire en exercice, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 22 février 2019), la commune de Saint-Paul a consenti, les 3 et 7 août 1990, à la société Incana Cambaie (la société) un bail à construction en vue de l'exercice d'une activité de garage.

2. Les conditions de ce bail n'ayant pas été respectées, un tribunal de grande instance a, par jugement du 19 septembre 2007, qui n'était pas assorti de l'exécution provisoire, prononcé la résiliation de celui-ci et ordonné l'expulsion de la société, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de deux mois suivant la signification de ce jugement.

3. La société a relevé appel de ce jugement et par ordonnance du 5 décembre 2008, le conseiller de la mise en état a ordonné le retrait du rôle de l'affaire.

4. Par ordonnance du 3 avril 2018, le conseiller de la mise en état a, à la demande de la société, constaté la péremption de l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de dire que l'arrêt du 19 septembre 2007, ayant ordonné une astreinte de 100 euros par jour à son encontre, signifié le 1er octobre 2007, était définitif depuis le 5 décembre 2010, de liquider l'astreinte ordonnée par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion, le 19 septembre 2007, à la somme de 10 000 euros au vu du comportement des parties, de la condamner à verser à la commune de Saint-Paul la somme de 10 000 euros, de rejeter sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive, et de la condamner à payer la somme de 4 000 euros à la commune de Saint-Paul sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors « qu'un jugement n'est passé en force de chose jugée et, partant, n'est exécutoire qu'à partir du moment où il n'est plus susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ; que dans l'hypothèse où un appel a été interjeté contre un jugement non assorti de l'exécution provisoire et que l'instance d'appel s'est trouvée éteinte par l'effet de la péremption, ledit jugement n'acquiert force de chose jugée qu'au moment où la décision constatant la péremption d'instance acquiert elle-même l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, la péremption de l'instance relative à l'appel interjeté contre le jugement du 19 septembre 2007 rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion prononçant une astreinte à l'encontre de la SCI Incana Cambaie, n'a été constatée que par ordonnance du 3 avril 2018 rendue par le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Saint-Denis, de sorte qu'il n'a pu acquérir force de chose de jugée qu'à compter de la date à laquelle cette ordonnance a elle-même acquis autorité de chose jugée ; qu'en jugeant toutefois que l'action en liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 19 septembre 2007 introduite le 16 décembre 2016 était recevable, dès lors que, en raison de la péremption de l'instance d'appel, ce jugement était définitif depuis le 5 décembre 2010, soit à l'issue du délai de deux ans à compter duquel la péremption de l'instance était susceptible d'être demandée, la cour d'appel a violé les articles 386, 387, 390, 500 et 501 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 386, 387,390, 500 et 501 du code de procédure civile :

6. Selon les trois premiers de ces textes, la péremption de l'instance en cause d'appel, qui peut être demandée par l'une quelconque des parties lorsque aucune d'elles n'accomplit de diligences pendant deux ans, confère au jugement la force de la chose jugée. Selon les deux derniers, un jugement est exécutoire, à partir du moment où il passe en force de chose jugée, c'est à dire qu'il n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution.

7. Pour dire que l'arrêt du 19 septembre 2007 ayant ordonné une astreinte de 100 euros par jour à l'encontre de la société, signifié le 1er octobre 2007, était définitif depuis le 5 décembre 2010, l'arrêt retient que le conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance dans sa dernière ordonnance rendue le 3 avril 2018, motif pris qu'aucune partie n'avait accompli des actes de procédure depuis le 5 décembre 2008, date de l'ordonnance de retrait du rôle, et qu'il était constant que le jugement du 19 septembre 2007, signifié le 1er octobre 2007, était définitif depuis le 5 décembre 2010.

8. En statuant ainsi, alors que le jugement n'avait acquis force de chose jugée qu'au moment où l'ordonnance du 3 avril 2018, constatant la péremption de l'instance en appel, avait elle-même acquis l'autorité de chose jugée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ;

Condamne la commune de Saint-Paul aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la commune de Saint-Paul et la condamne à payer à la société Incana Cambaie la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Incana Cambaie

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que l'arrêt du 19 septembre 2007 ayant ordonné une astreinte de 100 ? par jour à l'encontre de la SCI Incana Cambaie signifié le 1er octobre 2007 était définitif depuis le 5 décembre 2010, d'avoir liquidé l'astreinte ordonnée par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de La Réunion le 19 septembre 2007 à la somme de 10 000 ? au vu du comportement des parties, d'avoir condamné la SCI Incana Cambaie à verser à la commune de Saint-Paul la somme de 10 000 ?, d'avoir rejeté la demande de la SCI Incana Cambaie en dommages-intérêts pour procédure abusive, et d'avoir condamné la SCI Incana Cambaie à payer la somme de 4 000 ? à la commune de Saint-Paul sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que « le premier juge a constaté dans son jugement critiqué rendu le 20 juillet 2017 que le jugement du 19 septembre 2007 n'était pas encore définitif, et que l'instance semblait périmée depuis le 5 décembre 2011, soit deux ans après l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 décembre 2009 ayant retiré l'affaire du rôle en visant l'article 382 du code de procédure civile sur la demande conjointe des parties en raison de pourparlers transactionnels ; qu'il convient de relever l'erreur commise par le tribunal puisque l'ordonnance de radiation a été rendue par le conseiller de la mise en état le 5 décembre 2008 et non le 5 décembre 2009 ce qui porterai la date de péremption au 5 décembre 2010 et non au 5 décembre 2011 ; que le jugement du 19 septembre 2007 (signifié le 1er octobre 2007) servant de base à la liquidation de l'astreinte n'était pas assorti de l'exécution provisoire et n'était pas définitif du fait de l'appel relevé par la SCI Incana Cambaie le 24 septembre 2007 ; que cependant dès lors que le conseiller de la mise en état a constaté la péremption de l'instance dans sa dernière ordonnance rendue le 3 avril 2018 au motif pris qu'aucune partie n'avait accompli des actes de procédure depuis le 5 décembre 2008, date de l'ordonnance de retrait du rôle, il est constant que le jugement du 19 septembre 2007 signifié le 1er octobre 2007 est définitif depuis le 5 septembre 2010 ; que la liquidation de l'astreinte est donc possible en son principe et le jugement sera réformé en toutes ses dispositions ; que sur le montant de la liquidation de l'astreinte provisoire de 100,00 ? par jour de retard qui avait été fixée par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion, il convient de constater qu'il ne peut être reproché à la SCI Incana Cambaie de n'avoir pas exécuté immédiatement la décision dès le 5 décembre 2010 dans la mesure où une discussion a été engagée entre les parties ; qu'en effet, une expertise a d'ailleurs été ordonnée le 11 septembre 2013 pour évaluer la valeur vénale du bâtiment à usage commercial et l'expert a rendu son rapport le 18 mai 2014 ; que la commune de Saint-Paul a présenté le 10 juillet 2015 une lettre de proposition à la SCI Incana Cambaie de régler une somme de 854 361,00 ?, courrier qui a fait l'objet d'une réponse négative de la SCI Incana Cambaie qui se considérait créancière de la somme de 1 436 170 ? provoquant une mise en demeure de la commune de Saint-Paul du 29 décembre 2015 ; que les discussions ont continué avec de nouvelles opérations expertales réalisées le 31 août 2016 ; que compte tenu des circonstances de la cause et du comportement des parties qui ont négocié plusieurs années il convient de modérer l'astreinte et de la liquider à hauteur de 10 000,00 ? ; que la demande de dommages-intérêts de la SCI Incana Cambaie pour procédure abusive de la commune de Saint-Paul sera rejetée en l'absence de démonstration de toute procédure abusive ; que l'équité commande de condamner la SCI Incana Cambaie à verser à la commune de Saint-Paul la somme de 4 000,00 ? au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel » (arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;

Alors qu'un jugement n'est passé en force de chose jugée et, partant, n'est exécutoire qu'à partir du moment où il n'est plus susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ; que dans l'hypothèse où un appel a été interjeté contre un jugement non assorti de l'exécution provisoire et que l'instance d'appel s'est trouvée éteinte par l'effet de la péremption, ledit jugement n'acquiert force de chose jugée qu'au moment où la décision constatant la péremption d'instance acquiert elle-même l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, la péremption de l'instance relative à l'appel interjeté contre le jugement du 19 septembre 2007 rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion prononçant une astreinte à l'encontre de la SCI Incana Cambaie, n'a été constatée que par ordonnance du 3 avril 2018 rendue par le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Saint-Denis, de sorte qu'il n'a pu acquérir force de chose de jugée qu'à compter de la date à laquelle cette ordonnance a elle-même acquis autorité de chose jugée ; qu'en jugeant toutefois que l'action en liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 19 septembre 2007 introduite le 16 décembre 2016 était recevable, dès lors que, en raison de la péremption de l'instance d'appel, ce jugement était définitif depuis le 5 décembre 2010, soit à l'issue du délai de deux ans à compter duquel la péremption de l'instance était susceptible d'être demandée, la cour d'appel a violé les articles 386, 387, 390, 500 et 501 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-16222
Date de la décision : 10/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Effets - Jugement rendu en première instance - Force de chose jugée - Condition - Force de chose jugée de l'ordonnance constatant la péremption d'appel

CHOSE JUGEE - Portée - Décision définitive - Moment - Définition

Selon les articles 386, 387 et 390 du code de procédure civile , la péremption de l'instance en cause d'appel, qui peut être demandée par l'une quelconque des parties lorsque aucune d'elles n'accomplit de diligences pendant deux ans, confère au jugement la force de la chose jugée. Selon les articles 500 et 501 du même code, un jugement est exécutoire , à partir du moment où il passe en force de chose jugée, c'est à dire qu'il n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. En conséquence, un jugement n'acquiert force de chose jugée qu'au moment où l'ordonnance constatant la péremption de l'appel acquiert elle-même force de chose jugée. Encourt dès lors la censure, l'arrêt d'une cour d'appel d'appel qui, pour liquider une astreinte, retient que le jugement ayant prononcé cette astreinte était devenu définitif deux ans après l'ordonnance de retrait du rôle


Références :

Articles 386, 387, 390, 500 et 501 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 22 février 2019

A rapprocher : 3e Civ., 4 mai 2016, pourvoi n° 15-14892, Bull. 2016, III, n° 60 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 jui. 2021, pourvoi n°19-16222, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.16222
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