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09/06/2021 | FRANCE | N°19-14481

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 juin 2021, 19-14481


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2021

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 566 FS-D

Pourvoi n° G 19-14.481

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUIN 2021

La société MF Global UK Limited, société de droit

anglais, dont le siège est [Adresse 1] (Royaume-Uni), a formé le pourvoi n° G 19-14.481 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018 par la cour d'app...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2021

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 566 FS-D

Pourvoi n° G 19-14.481

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUIN 2021

La société MF Global UK Limited, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 1] (Royaume-Uni), a formé le pourvoi n° G 19-14.481 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Banque centrale de compensation, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], ayant pour nom commercial LCH SA, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société MF Global UK Limited, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Banque centrale de compensation, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, Bellino, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2018), la société Banque centrale de compensation, exerçant son activité sous son nom commercial LCH SA, anciennement LCH Clearnet SA (la société LCH), est une chambre de compensation au sens de l'article L. 440-1 du code monétaire et financier. Le 14 février 2003, la société de droit anglais MF Global UK Limited (la société MFG UK) a conclu avec la société LCH une convention d'adhésion afin d'intervenir, notamment pour compte propre, sur le marché des pensions livrées portant sur des obligations d'État européennes.

2. En octobre 2011, dans le contexte de la crise de la dette souveraine italienne sur laquelle elle détenait des positions très significatives, et en raison de la dégradation de sa propre notation, la société MFG UK a fait l'objet d'appels de marges auxquels elle n'a pu faire entièrement face, ce qui a conduit à sa mise sous administration judiciaire par un juge anglais. Des « joint special administrators » ont été désignés, en la personne d'associés de la société KPMG.

3. En application des règles de compensation qu'elle avait édictées et auxquelles son adhérente avait accepté de se soumettre, la société LCH a procédé à la liquidation d'office des positions de la société MFG UK les 2 et 3 novembre 2011, cédant un bloc de 2,2 milliards d'euros de dette italienne à un prix correspondant à 88,636 % de sa valeur nominale et un bloc résiduel de 600 millions d'euros à 94,15 % le lendemain, cependant que les écrans de l'agence Bloomberg affichaient aux mêmes dates des prix de transactions s'établissant entre 94,335 % et 94,580 %, pour des volumes unitaires de 25 millions d'euros.

4. Estimant que la société LCH avait manqué à ses obligations, les administrateurs de la société MFG UK lui ont adressé, le 3 juillet 2014, une lettre de réclamation, avant de l'assigner, le 2 juillet 2015, en responsabilité. La société LCH a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la forclusion, en application de l'article 1.3.6.2 de ses règles de compensation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa septième branche, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches

6. La société MFG UK fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes, alors :

« 1°/ que la chambre de compensation est tenue de se doter d'une procédure de liquidation des positions des adhérents compensateurs défaillants la plus efficace possible, de nature à optimiser les chances de cession au meilleur prix desdites positions ; que l'adhérent compensateur défaillant qui découvre que le médiocre résultat de la liquidation de ses positions est dû à l'absence de procédure pertinente, au sein de la chambre de compensation, n'est pas tenu par la clause des Règles de la compensation selon laquelle toute réclamation doit être notifiée dans les 12 mois de la découverte d'un événement dommageable ; qu'en pareille hypothèse, le manquement grave commis par la chambre de compensation dans l'exécution d'une obligation essentielle la liant à son adhérent fait échec à la clause ; qu'au cas présent, il ressort des débats en appel que la société LCH.Clearnet n'était pas dotée, à l'époque des faits, d'une procédure formelle de liquidation des positions de l'adhérent défaillant sur le marché des repos, ses conclusions d'appel comportant l'aveu de ce qu'elle n'était pas préparée à cet événement considéré par elle comme "exceptionnel", de sorte qu'elle avait ici procédé par "contacts par emails et par téléphone" ; qu'en considérant malgré tout que l'action indemnitaire de la société MFG UK et de ses administrateurs aurait été enfermée dans la clause de forclusion précitée, prévue par les Règles de la compensation approuvées par l'Autorité des marchés financiers, la cour d'appel, qui a fait application d'une clause manifestement inapplicable à ce cas de figure, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1135 du code civil, L. 440-1 du code monétaire et financier et 541-4 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que, indépendamment du point de savoir si la procédure suivie avait été préétablie, ou si elle a été improvisée, constitue également une obligation essentielle de la chambre de compensation, à l'égard de tout adhérent compensateur, la mise en ?uvre, en cas de défaillance, d'un processus de dénouement des positions le plus efficace possible ; qu'au cas présent, ainsi que la société MFG UK et ses administrateurs le soulignaient dans leurs conclusions d'appel, le processus (improvisé, on l'a dit) mis en ?uvre les 1er et 2 novembre 2011 par LCH.Clearnet avait été défectueux à plusieurs égards : absence de contact d'un nombre suffisant d'acquéreurs potentiels, organisation de la première tentative de dénouement un jour de fermeture des marchés d'Europe continentale, taille des blocs trop importante, contact des mêmes opérateurs que le 1er novembre pour la procédure mise en ?uvre le 2 novembre, cession d'une large fraction des titres sous-jacents à un opérateur contacté hors procédure, qui avait décidé de ne pas enchérir ; qu'en faisant application, dans ce cas de figure où la gravité du manquement de la chambre de compensation à l'une de ses obligations fondamentales interdisait à celle-ci de se prévaloir d'une quelconque clause limitative de responsabilité, de l'article 1.3.6.2. des Règles de la compensation, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1135 du code civil, L. 440-1 du code monétaire et financier et 541-4 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers dans leur rédaction applicable en la cause ;

5°/ qu'une clause qui contredit la portée d'une obligation essentielle ne saurait recevoir application ; que tel serait le cas d'une clause de forclusion stipulée dans un contrat d'adhésion qui obligerait l'adhérent d'une chambre de compensation à accomplir, à peine de déchéance de son droit d'agir en justice, une "réclamation" dans un délai de douze mois courant à compter de la date de la connaissance d'une simple moins-value ; qu'au cas présent, la société MFG UK et ses administrateurs avaient expliqué qu'au regard de la complexité du domaine d'activité de MFG UK, de l'opacité entretenue par la société LCH.Clearnet et du total décalage, par rapport aux règles communément suivies, du processus improvisé par la chambre de compensation pour la liquidation d'office des positions de MFG UK, il aurait été parfaitement illusoire pour MFG UK et ses administrateurs de procéder à une "réclamation" complète dans les douze mois qui ont suivi la révélation de la moins-value ; qu'en considérant néanmoins, pour faire application de cette clause, que le point de départ du délai de forclusion devait être fixé à la date à laquelle l'adhérent avait connu l'existence d'une moins-value, cependant qu'ainsi lue, cette clause privait les adhérents de la chambre de compensation de toute possibilité effective de contestation et avait ainsi pour effet de contredire la portée des obligations essentielles attendues d'une chambre de compensation par ses adhérents et, en l'espèce, par la société MFG UK, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 440-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause, et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

7. Il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société MFG UK ait soutenu devant la cour d'appel le moyen tiré de l'inapplicabilité de la clause de forclusion au motif que la société LCH aurait manqué à l'une de ses obligations essentielles.

8. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est donc irrecevable.

Et sur le moyen, pris en ses troisième, quatrième et sixième branches

9. La société MFG UK fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes, alors :

« 3°/ que la clause des Règles de la compensation d'une chambre de compensation qui fixe le point de départ d'un délai de forclusion pour présenter une réclamation à la date à laquelle "l'adhérent compensateur a connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, de la survenance d'un événement dommageable", se réfère à la date à laquelle ledit adhérent a pu avoir connaissance, non pas du dommage proprement dit, au sens, ici, de la perte ou de la moins-value constatée à l'issue du processus de liquidation, mais de la circonstance que cette perte était un dommage fruit d'un événement dommageable, autrement dit d'un fait générateur de responsabilité ; que la notion d'événement dommageable se distingue ainsi nettement de celle de perte, et, même, de dommage, le dommage se situant "en aval", dans la chaîne des faits, par rapport à l'événement qui le cause, appelé "événement dommageable" ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu, au contraire, que l'événement dommageable dont la connaissance déclenchait le délai de forclusion dans lequel une réclamation devait être introduite, était assimilable au "constat de la différence entre" le prix de la liquidation et le prix de marché de l'époque, tel qu'il apparaissait sur les écrans Bloomberg ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas pris la mesure de l'expression ici employée, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles L. 440-1 du code monétaire et financier et 541-4 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, dans leur rédaction applicable en la cause, ainsi que l'article 1.3.6.2 des Règles de la compensation approuvées par l'Autorité des marchés financiers ;

4°/ qu'il en va d'autant plus ainsi que l'action requise de l'adhérent compensateur dans le délai de forclusion consiste en la formulation d'une réclamation, laquelle, ainsi que l'ont souligné les juges du fond, se distingue de la simple réserve, en ce qu'elle suppose l'articulation d'une véritable demande caractérisée par l'allégation du triptyque "faute, lien de causalité, préjudice" ; que pareille réclamation ne pouvant être formulée au simple visa du constat d'une perte ou d'une moins-value, mais nécessitant la découverte, par son auteur, d'un droit de créance indemnitaire, le délai dans lequel doit être introduite cette réclamation ne peut lui-même commencer à courir avant que les éléments du triptyque, et en particulier la faute, ne soient connus ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré, au contraire, que le point de départ du délai de forclusion courant inexorablement contre MFG UK devrait être situé à la date d'apparition du différentiel entre le cours Bloomberg du jour et le prix de la transaction, la cour soulignant que, selon elle, "les termes "événement dommageable" renvoient nécessairement (?) à la seule notion de préjudice excluant toute idée de faute" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la définition de l'action requise de l'adhérent (une réclamation et non une réserve) rendait impossible que le délai ait pu commencer à courir à une date à laquelle cette action, faute de connaissance de la faute, était d'accomplissement impossible, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

6°/ que, lorsqu'un contrat stipule un délai de forclusion courant à compter de la date à laquelle le créancier potentiel de dommages-intérêts a connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, d'un "événement dommageable", le créancier de l'obligation de réclamation ne saurait se prévaloir de la forclusion la sanctionnant cependant qu'il n'a pas mis le débiteur de cette obligation en mesure de formuler une réclamation dans le délai imparti ; qu'au cas présent, la société MFG UK et ses administrateurs faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que la société LCH.Clearnet avait tout fait pour qu'ils ne connaissent rien du processus utilisé par la chambre de compensation pour liquider les positions de MFG UK, entravant ainsi la possibilité pour la société MFG UK de formuler une véritable réclamation ; qu'en réponse, la cour d'appel a considéré que "le délai de forclusion ou préfix n'est pas susceptible de suspension ou d'interruption" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la société LCH.Clearnet, créancière de l'obligation de réclamation inexécutée, ne pouvait se prévaloir des conséquences de cette inexécution faute d'avoir mis la société MFG UK en mesure de la respecter dans le délai imparti, la cour d'appel a violé l'articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article L. 440-1 du code monétaire et financier et l'article 541-4 du règlement du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, dans leur rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

10. Ayant relevé que les règles de compensation de la société LCH stipulaient qu'à peine de forclusion, toute réclamation devrait être notifiée dans un délai maximal de douze mois à compter du jour de compensation où l'adhérent avait connaissance de la survenance de l'événement dommageable, c'est par une interprétation souveraine que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a considéré que les termes « événement dommageable » excluaient toute idée de faute et renvoyaient au fait générateur du dommage, c'est-à-dire, en l'occurrence, aux opérations de liquidation d'office des positions prises sur le marché par la société MFG UK défaillante, et qu'elle en a déduit, sans méconnaître la loi des parties ni les dispositions conventionnelles invoquées, que le point de départ du délai de réclamation prévu par cet article se situait à la date à laquelle les administrateurs de la société MFG UK avaient été renseignés de façon détaillée par la société LCH sur les conditions financières dans lesquelles le portefeuille de ses positions avait été liquidé et sur les pertes subies, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger à ce stade sur le caractère fautif ou non de ces opérations.

11. Ayant en outre constaté que la société LCH avait, dès le 7 novembre 2011, transmis aux administrateurs la liste des transactions qu'elle avait effectuées, avec, pour chacune d'elles, la nature de la transaction, la valeur nominale du bloc d'obligations d'État transféré, son prix et le décaissement ou encaissement opéré, que, le 16 suivant, répondant à une nouvelle demande, elle leur avait adressé un document justifiant des prélèvements opérés sur la couverture au titre des pertes enregistrées, et que ceux-ci avaient admis, à plusieurs reprises, notamment dans une lettre du 12 mars 2012, avoir déjà obtenu un certain nombre d'informations, la cour d'appel a estimé que la société LCH s'était employée à répondre à toutes leurs interrogations et à leur communiquer les éléments demandés.

12. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, faisant ressortir que la société LCH avait mis son adhérent compensateur en mesure de former sa réclamation dans le délai qui lui était conventionnellement imparti, c'est à bon droit que la cour d'appel a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la forclusion.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société MF Global UK Limited aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société MF Global UK Limited.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, et d'avoir ainsi « déclaré irrecevable l'intégralité des demandes de la société de droit anglais MF Global UK Limited, représentée par ses administrateurs judiciaires MM. [M] [G], [M] [C] et [S] [T] » ;

Aux motifs propres que « sur la fin de non-recevoir soulevée : que pour conclure à la nullité de l'article 1.3.6.2 des règles de la compensation, MF Global soutient en premier lieu que la loi du 17 juin 2008 modifiant les règles de la prescription a interdit la prescription d'une forclusion conventionnelle au motif que l'article 2254 du code civil permettant aux parties d'aménager les règles de prescription excluait de son champ d'application la forclusion ; qu'ils ajoutent que toute autre interprétation permettrait de contourner l'interdiction faite aux parties de prévoir une prescription d'une durée inférieure à un an en instaurant un délai de forclusion ne respectant pas cette disposition ; mais que la loi précitée n'a pas eu pour objet d'interdire aux parties d'insérer une clause de forclusion, l'article 2220 du code civil se bornant à préciser que le titre XX sur la prescription extinctive ne régit pas ? sauf exceptions ? les délais de forclusion de sorte que la liberté contractuelle, qui reste le principe en droit des affaires, ne peut être remise en cause par le silence du législateur ; qu'il sera ajouté que la clause contractuelle a pour principal objet ? même si sa violation est sanctionnée par une déchéance d'agir en justice ? d'exiger de l'adhérent compensateur l'accomplissement d'un acte extra-judiciaire, une simple réclamation, laquelle trouve sa raison d'être dans la nécessité d'une instruction rapide ? la procédure anglaise démontrant le coût considérable (de l'ordre de 6 millions d'euros) des mesures d'investigation sollicitées trois ans après les faits reprochés ? de sorte qu'elle ne peut être soumise aux règles régissant la prescription, les deux régimes se superposant, étant enfin observé qu'en toute hypothèse, l'interdiction posée par l'article 2254 précité ne serait pas violée, l'adhérent ayant une année pour se manifester ; que MF Global soutient en second lieu que le point de départ du délai de forclusion se situe à la date à laquelle ses administrateurs ont obtenu des informations pertinentes sur le processus de liquidation d'office, soit les 4 juillet et 9 août 2013 ; que les administrateurs précisent avoir été informés le 4 juillet du fait que toutes les offres ont été reçues après l'heure limite fixée dans les term sheets adressés aux contreparties et le 9 août de la vente d'un bloc de la dette italienne de 2,225 milliards d'euros pour une perte que l'expert qu'ils ont consulté a chiffré à 114 millions d'euros ; que, pour démontrer la pertinence de leur thèse, ils exposent que l'événement dommageable visé par la clause litigieuse doit s'entendre du dommage qui fait naître chez la victime un droit à réparation, lequel suppose une faute de la BCC qu'ils distinguent d'un contexte de crise qui aurait pu être à l'origine d'une perte ; qu'ils déduisent cette interprétation des stipulations qui entourent la clause litigieuse rappelant les termes de l'article 1161 (devenu 1189) du code civil et observant qu'elle débute par ces mots : « En conformité avec les dispositions des articles 1.3.3.4 et suivants » et que l'article 1.3.3.4 est le premier des articles régissant la responsabilité de BCC ; mais que la règle posée par l'article 1189 du code civil suppose une ambiguïté du contrat, aucune disposition claire n'ayant à être interprétée par le juge ; que les termes « événement dommageable » renvoient nécessairement, comme l'a justement souligné le tribunal, à la seule notion de préjudice excluant toute idée de faute, de sorte qu'il se trouvait caractérisé à la date à laquelle les administrateurs ont été informés de la lourde perte enregistrée au titre de la vente des options de la société MF Global ; qu'il sera d'ailleurs observé que si le juge de la High Court, saisi le 4 novembre 2014 d'une demande de communication de pièces à l'encontre de BCC en rapport avec les opérations de liquidation litigieuses, a hésité sur le sens que peut avoir, en droit français, la notion de « négligence caractérisée », il a écrit : « L'évènement dommageable était clairement la liquidation des obligations concernées en novembre 2011. MF Global (en) a eu connaissance ? aux dates auxquelles elles sont intervenues ou peu après, confortant, en tant que de besoin, la commune acception de l'expression employée ; que la société MF Global prétend encore qu'en toute hypothèse, ses administrateurs n'ont pu obtenir que tardivement les informations qu'ils n'ont eu de cesse de réclamer faisant état des réticences de la BCC et de l'opacité qu'elle entretenait ; mais que, outre que les pièces produites permettent de se convaincre que BCC s'est employée à répondre à toutes les interrogations des administrateurs et à communiquer les éléments demandés jusqu'au dépôt de la réclamation, date à laquelle elle a changé d'attitude, estimant que ces derniers s'employaient à rechercher une faute dont elle niait l'existence, que selon la définition retenue, l'événement dommageable, à savoir le constat de la différence entre prix de cession et prix du marché, a été porté à la connaissance de l'appelante les 7 et 16 novembre 2011 ; que, comme il vient d'être précisé, le dommage était alors caractérisé, la circonstance qu'il soit imputable à une faute de BCC ou aux conditions de marché étant, contrairement à ce qu'ils soutiennent, indifférente ; que la position adoptée par l'appelante dans le cadre de cette instance est d'ailleurs surprenante au regard des termes de son courrier de réclamation selon lesquels : « cette notification est remise à des fins de protection, pour veiller à ce que les droits de MF Global en lien avec toute réclamation qu'elle pourrait faire valoir soient préservés », soulignant ainsi que la lettre de réclamation n'a pas pour objet de caractériser une faute de la BCC mais lui permet de préserver ses droits et de procéder aux investigations nécessaires pour juger de l'opportunité d'agir en justice, action ouverte jusqu'à l'expiration du délai de prescription ; que MF Global soutient, en troisième lieu, avoir en toute hypothèse formulé une réclamation par courrier du 11 octobre 2012 ; qu'il s'agit d'un courrier entre avocats, les conseils de MF Global s'adressant au cabinet Clifford Chance représentant BCC au sujet d'une procédure ouverte au Royaume-Uni devant le tribunal de la faillite, les points en débat concernant, comme relevé avec pertinence par le juge consulaire, des risques de revendication en propriété de bons du trésor américain, la filiale américaine du groupe Global étant partie à ce litige ; qu'il en résulte que le paragraphe dont MF Global soutient qu'il vaudrait réclamation au sens du contrat : « Pour éviter toute ambiguïté, ces confirmations ne constituent pas l'admission que vos clients ont appliqué leurs règles correctement, en particulier concernant la manière dont ils ont liquidé les positions de MFG UK, MFG UK et les administrateurs réservent expressément leur position à ce sujet », n'a pas cette nature comme se rapportant à un autre litige, étant encore observé que l'avocat rédacteur qui connaît le sens des termes juridiques qu'il emploie n'aurait pu faire état de simples réserves s'il avait reçu mandat de déposer un courrier de réclamation au sens de la convention conclue entre les parties, ne permettant pas d'admettre l'argumentation de MF Global au seul motif que la réclamation ne serait soumise à aucun formalisme ? les conduisant d'ailleurs à faire état d'une réclamation potentielle qui ne répond pas aux exigences contractuelles ; que le courrier du 3 mai 2012 encore évoqué dans les conclusions de l'appelante au titre des interpellations répétées pouvant valoir réclamation encourt les mêmes observations, se bornant à formuler des questions complémentaires précises ; que, en dernier lieu, MF Global soutient qu'en toute hypothèse, BCC serait déchue de son droit à se prévaloir de la forclusion des réclamations, imputable à son seul manque de coopération, évoquant encore sa mauvaise foi ; mais que le délai de forclusion ou préfix n'est pas susceptible de suspension ou d'interruption et que, comme la cour l'a déjà précisé, BCC s'est toujours employée à répondre aux interrogations des administrateurs qui ont admis à plusieurs reprises avoir déjà obtenu un certain nombre d'informations, un courrier du 12 mars 2012 précisant ainsi que certaines de ces informations (objets de la demande) ont été communiquées ; qu'il résulte ainsi des pièces introduites que, dès le 7 novembre 2011, BCC a transmis aux administrateurs la liste des transactions avec, pour chacune d'elles, la nature de la transaction, la valeur nominale du bloc d'obligations d'Etat transféré, son prix et le décaissement ou encaissement opéré et que, le 16 suivant, répondant à une nouvelle demande, elle leur a adressé un fichier Excel justifiant des prélèvements opérés sur la couverture au titre des pertes enregistrées ; que c'est en conséquence à bon droit que le tribunal a retenu la tardiveté de la réclamation et accueilli la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action ; qu'il sera confirmé en toutes ses dispositions » (arrêt p. 4 à 6) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « à son audience du 18 novembre 2015, puis à celle du 18 février 2016, le tribunal a confié l'affaire au juge chargé de l'instruire afin qu'il entende les parties sur la seule question de l'irrecevabilité de l'action de MFG UK pour cause de forclusion ; qu'au vu des écritures des parties et des pièces versées aux débats, le tribunal constate que cette question peut être tranchée sans qu'il soit nécessaire de débattre de la problématique de fond ; que la convention d'adhésion signée le 14 février 2003 entre les parties stipule en son préambule que « CLEARNET, en tant qu'établissement de crédit dûment agréé par l'autorité française compétente à cet effet, est une chambre de compensation pour les instruments financiers. En cette qualité, dans le cadre de ses prérogatives réglementaires et statutaires, CLEARNET a mis en place des règles liées à ses activités de compensation, ci-après dénommées les « Règles de compensation » ; que cette convention stipule en son article 1.1 que « Le présent contrat établit les conditions dans lesquelles CLEARNET mettra à la disposition de l'Adhérent Compensateur les activités présentées dans les Règles de la Compensation et celles en vertu desquelles l'Adhérent compensateur exercera ses activités de compensation » ; que cette convention stipule encore en son article 4 (Principales obligations des parties) que « Les parties s'engagent à respecter constamment les Règles de la Compensation actuellement en vigueur, et telles que modifiées de temps à autre, ainsi que le présent contrat » ; que les Règles de la Compensation tiennent donc lieu de loi entre les parties ; que les Règles de la Compensation en vigueur lors des opérations de liquidation d'office par LCH.CLEARNET des positions de MFG UK, soit les 2 et 3 novembre 2011, étaient celles publiées le 23 septembre 2011, qui ont été versées aux débats ; que l'article 1.3.6.2 de ces Règles de la Compensation stipule que « En conformité avec les dispositions des Articles 1.3.3.4 et suivants, sous peine de forclusion, l'Adhérent Compensateur devra notifier LCH.CLEARNET de toute réclamation dans un délai maximal de douze (12) mois à compter du Jour de la Compensation où l'Adhérent Compensateur a connaissance, ou aurait dû raisonnablement avoir connaissance, de la survenance d'un événement dommageable » ; que les Règles de la Compensation ne définissent pas les termes « événement dommageable », pas plus qu'elles ne précisent la forme et le contenu de la notification d'une réclamation adressée sur le fondement de l'article précité ; que dès lors, pour statuer sur le bien-fondé de la fin de non recevoir pour cause de forclusion, le tribunal aura à se prononcer sur trois sujets : - la définition de l'« événement dommageable », - la date à laquelle l'Adhérent compensateur (MFG UK) « a eu connaissance, ou aurait raisonnablement dû avoir connaissance de la survenance de l'événement dommageable », - la date et la nature de la notification adressée par MFG UK à LCH.CLEARNET ; 1. Sur la définition de l'objet dommageable : que le dictionnaire du vocabulaire juridique du professeur [U] [F] (Association Henri Capitant) définit le terme « dommageable » par « préjudiciable » ; qui cause un dommage ; se dit de l'activité qui est à l'origine du préjudice, du fait générateur du dommage » ; que le terme « dommage » est défini par l'usage courant comme étant synonyme de « préjudice » ; que le Grand Larrousse Encyclopédique donne pour définition de « dommage » : « préjudice subi par une personne » ; que le dictionnaire du vocabulaire juridique susmentionné définit le « dommage » comme « synonyme (dans l'usage régnant) de préjudice. Atteinte subie par une personne dans son corps ?, dans son patrimoine ? ou dans ses droits extrapatrimoniaux ? » ; que toutefois ce même dictionnaire souligne que certaines analyses doctrinales distinguent le « dommage », défini comme « le fait brut originaire de la lésion affectant la personne », du « préjudice », défini comme « la conséquence de cette lésion » ; que la notion de « dommage », comme celle de « préjudice », est séparable de la notion de « faute » qui pourrait être à l'origine du « dommage » ou du « préjudice » ; qu'il existe d'ailleurs des dommages, ou des préjudices, subis sans qu'aucune faute n'ait été commise ; que, dès lors, le tribunal considère que c'est à tort que MFG UK assimile les notions d'« événement dommageable » et de « faute » en soutenant dans ses conclusions : « Il se déduit de la définition du terme « événement dommageable » que celui-ci présuppose l'existence d'une faute de son auteur, qui doit être de nature à ouvrir un droit à réparation », et plus loin : « La personne à qui la forclusion est opposée doit ainsi nécessairement avoir eu connaissance de l'existence d'un dommage ouvrant droit à réparation » ; qu'en l'espèce, le tribunal constate que le « dommage » subi par MFG UK est constitué par les pertes résultant des opérations de liquidation d'office de ses positions, survenues les 2 et 3 novembre 2011 ; qu'ainsi, l'« événement dommageable », à savoir l'événement qui constitue le fait générateur du dommage, consiste clairement en ces opérations de liquidation, sans qu'il ne soit nécessaire de s'interroger à ce stade sur le caractère fautif, ou non, de ces opérations de liquidation, ni sur la question de savoir si le dommage constaté devrait donner lieu, ou non, à réparation ; 2. Sur la date à laquelle l'adhérent compensateur (MFG UK) « a eu connaissance, ou aurait dû raisonnablement avoir connaissance de la survenance de l'événement dommageable » : que LCH CLEARNET a communiqué aux Administrateurs de MFG UK : - par courriel du 7 novembre 2011 (pièce n° 8 de la défenderesse) deux tableaux informant les Administrateurs des conditions de liquidation des positions de MFG UK, pour les « opérations conclues par [Localité 1] les 2 et 3 novembre 2011 », indiquant notamment pour chacune des transactions la valeur nominale des obligations concernées (Nominal), leur prix de vente ou d'achat (Clean price) et le montant résultant de la transaction (Total cash) ? par courriel du 16 novembre 2011 (pièce n° 9 de la défenderesse), en réponse à un courriel des Administrateurs du 14 novembre 2011, un tableau résumant de façon détaillée l'ensemble des transactions exécutées dans le cadre de la liquidation des positions de MFG UK, qui précise en particulier le montant des pertes résultant de la liquidation des obligations gouvernementales détenues par MFG UK ; qu'ainsi, dès le 16 novembre 2911, les administrateurs étaient renseignés de façon détaillée, par LCH Clearnet, sur les conditions financières dans lesquelles le portefeuille de positions MFG UK avait été liquidé et sur les pertes subies ; que, de surcroît, dans la 19ème attestation de [M] [C], l'un des administrateurs, établie dans le cadre de la procédure introduite devant le tribunal des sociétés anglais (pièce n° 1 de la défenderesse), il est indiqué, au paragraphe 9, que « d'après les calculs effectués par les administrateurs, si les entités LCH avaient liquidé les positions de pension livrée de MFG UK à un prix plus ou moins égal au cours indiqué par l'agence Bloomberg (qui enregistre les cours constatés sur le marché) aux dates de liquidation concernées, la décote subie aurait été de 241 millions d'euros par rapport à la valeur des obligations à l'échéance. Les prix auxquels les positions de MFG UK ont été effectivement liquidées ont conduit à une décote d'un montant de 422 millions d'euros, soit une perte de 181 millions d'euros par rapport aux cours Bloomberg. En particulier des pertes de 127,3 millions d'euros ont résulté de la liquidation de la position liée à l'obligation italienne IT000467369, dont 2,2 milliards ont été vendus le 2 novembre 2011 à 5,83 points en dessous du cours correspondant Bloomberg (et 5,51 points en dessous du cours que les entités LCH ont obtenu pour les 625 millions restants de cette position via une vente aux enchères le lendemain). Les administrateurs ne comprennent pas une telle différence entre le cours Bloomberg et le prix auquel les obligations ont été vendues ou encore pourquoi les cours (à la fois en termes absolus et relatifs aux cours Bloomberg) ont varié de manière si significative entre les différentes enchères réunies par les entités LCH » ; que, dans le même document, au paragraphe 39, [M] [C] indique que « ? Le lendemain, les entités LCH ont obtenu (pour l'obligation italienne IT000467369) un cours situé 0,36 points seulement en dessous du cours Bloomberg pour les 625 millions d'obligations restantes (c.-à-d. une différence de 5,51 points pour les mêmes obligations à un jour d'intervalle). Vingt milliards d'euros d'obligations souveraines italiennes ont été négociées sur la seule plateforme MTS en novembre 2011, ce qui indique que le marché pour de telles obligations n'était pas dépourvu de liquidités. Et entre le 14 octobre et le 30 novembre 2011 le cours acheteur pour l'obligation italienne IT000467369 n'est à aucun moment tombé en dessous de 92,57 ? » ; que l'agence Bloomberg est une agence de notation qui publie en temps réel les cours constatés sur les marchés des instruments financiers, dont notamment les obligations d'Etat objets du litige ; que les « cours Bloomberg » sont publics et accessibles en salle de marché ; qu'il n'est pas contesté que les cours Bloomberg sur lesquels se fonde [M] [C] dans sa 19ème attestation étaient connus ou susceptibles d'être connus des administrateurs à l'époque de la liquidation des positions MFG UK par LCH Clearnet ; que les éléments relatifs à l'obligation italienne IT000467369 figurant sur le premier tableau joint au courriel du 7 novembre 2011 (pièce n° 8 de la défenderesse), à savoir le montant nominal des obligations vendues les 2 et 3 novembre 2011, soit respectivement 2,2 milliards d'euros et 625 millions d'euros, et le prix de vente de ces obligations, soit respectivement 88,637% et 94,15% de la valeur nominale, sont ceux qui sont repris dans la 19ème attestation de [M] [C], tant pour les montants nominaux que pour les prix de vente, l'écart de 5,51 points calculé correspondant exactement à la différence entre les prix de liquidation des 2 et 3 novembre 2011 (= 94,15 ? 88,637) ; qu'ainsi, le tribunal constate que, dès le 7 novembre 2011, et au plus tard le 16 novembre 2011, les administrateurs avaient connaissance, ou étaient susceptibles d'avoir connaissance, du dommage subi par MFG UK, à savoir des pertes importantes enregistrées sur les transactions, objets du litige, survenues les 2 et 3 novembre 2011, ainsi que de la différence entre les cours Bloomberg et les prix auxquels les obligations avaient été vendues ; que cette différence significative était susceptible d'entraîner de sérieuses interrogations sur les conditions dans lesquelles les opérations de liquidation étaient effectivement intervenues ; que les administrateurs avaient donc, dès cette date, la possibilité d'initier les analyses de nature à déterminer quelles avaient été les conditions de ces opérations de liquidation, et si elles avaient été, ou non, fautives, et ce même si des éléments complémentaires devaient leur être fournis par la suite, spontanément ou à leur demande ; qu'en conséquence, le tribunal fixe au 16 novembre 2011 la date à laquelle MFG UK « a eu connaissance, ou aurait dû avoir connaissance de la survenance de l'événement dommageable » ; 3. Sur la date et la nature de la notification adressée à LCH. Clearnet : que par lettre en date du 5 octobre 2002, versée aux débats par MFG HK à la demande du tribunal (sa pièce n° 40), le conseil anglais de LCH.CLEARNET et de LCH.CLEARNET Ltd s'adressait au conseil anglais de MFG UK et des Administrateurs ; que, s'inquiétant des positions prises par les parties à une procédure ouverte au Royaume-Uni devant le tribunal de la faillite (« Action 9527 of 2011) opposant MFG UK et MF GLOBAL Inc., une autre entité du groupe MF GLOBAL, et des risques de revendications en propriété de bons du trésor américains (« T-Bills which have been liquidated or have matured since october 2011 ») qui pourraient concerner ses propres clients, il demandait à son confrère de clarifier la position de MFG UK dans le cadre de cette procédure et de lui confirmer son accord sur sept points en débat liés à cette procédure et aux « Treasury-Bills » querellés ; que par lettre en date du 11 octobre 2012, le conseil anglais de MFG UK et des Administrateurs apportait au conseil anglais de LCH.CLEARNET et de LCH.CLEARNET Ltd les confirmations demandées sur les points 1 à 4, 6 et 7, et lui précisait que le point 5 soulevé ne concernait pas MFG UK ; qu'à la fin de cette lettre, le conseil anglais de MFG UK et des Administrateurs précisait que l'accord de ses clients sur les points relatifs à la procédure portant sur les bons du Trésor américains, dont le tribunal constate qu'elle a été engagée dans un contexte étranger au présent litige, ne revenait pas à admettre que LCH.CLEANET et LCH.CLEARNET Ltd avaient appliqué correctement leurs règles de liquidation, et ce dans les termes suivants : « For the avoidance of doubt, these confirmations do not constitute an admission that your client have applied their rules correctly, in particular with regards to the way in which they closed out MFG UK's positions. MFG UK and the Administrator's position is entirely reserved in that regard » (« Pour éviter toute ambiguïté, ces confirmations ne reviennent pas à admettre que vos clients ont appliqué leurs règles correctement, en particulier eu égard à la manière dont ils ont liquidé les positions de MFG UK. La position de MFG UK et des Administrateurs à et égard est entièrement réservée » ; que le tribunal constate que par ces termes MFG UK et les Administrateurs n'ont fait qu'indiquer qu'ils réservaient leurs droits quant aux conditions de la liquidation des positions de MFG UK par LCH.CLEARNET, et qu'ils ne formulaient pas expressément une réclamation (claim) ; que dès lors cette lettre ne saurait constituer la notification d'une « réclamation » au sens de l'article 1.3.6.2 des Règles de la Compensation, relative aux opérations de liquidation des 2 et 3 novembre 2011 ; que cette simple réserve de droits ne saurait avoir un effet sur le délai de forclusion applicable ; que ce n'est que par lettre du 3 juillet 2014 que les Administrateurs ont signifié à LCH.CLEARNET et à LCH.CLEARNET Ltd une notification de réclamation, leur indiquant notamment ; « This letter is a notification of claims against LCH. » (« Cette lettre est une notification de réclamation contre LCH. » ; que les termes utilisés dans cette lettre sont précis, clairs et sans ambiguïté ; que la formulation même de cette lettre établit qu'il n'y avait pas eu précédemment de notification de réclamation ; que le tribunal constate que cette notification de réclamation est intervenue plus de douze mois après le 16 novembre 2011, date qu'il a retenue comme étant celle de la connaissance (par MFG UK) de la survenance de l'événement dommageable ; qu'ainsi le délai de forclusion était dépassé ; qu'en conséquence, le tribunal déclarera irrecevable l'intégralité des demandes de MFG UK, pour cause de forclusion » (jugement p. 6 à 10) ;

1° Alors que la chambre de compensation est tenue de se doter d'une procédure de liquidation des positions des adhérents compensateurs défaillants la plus efficace possible, de nature à optimiser les chances de cession au meilleur prix desdites positions ; que l'adhérent compensateur défaillant qui découvre que le médiocre résultat de la liquidation de ses positions est dû à l'absence de procédure pertinente, au sein de la chambre de compensation, n'est pas tenu par la clause des Règles de la compensation selon laquelle toute réclamation doit être notifiée dans les 12 mois de la découverte d'un événement dommageable ; qu'en pareille hypothèse, le manquement grave commis par la chambre de compensation dans l'exécution d'une obligation essentielle la liant à son adhérent fait échec à la clause ; qu'au cas présent, il ressort des débats en appel que la société LCH.Clearnet n'était pas dotée, à l'époque des faits, d'une procédure formelle de liquidation des positions de l'adhérent défaillant sur le marché des repos, ses conclusions d'appel comportant l'aveu de ce qu'elle n'était pas préparée à cet événement considéré par elle comme « exceptionnel » (conclusions adverses, p. 11, al. 1er, et p. 65, al. 1er), de sorte qu'elle avait ici procédé par « contacts par emails et par téléphone » (ses conclusions p. 10) ; qu'en considérant malgré tout que l'action indemnitaire de la société MFG UK et de ses administrateurs aurait été enfermée dans la clause de forclusion précitée, prévue par les Règles de la compensation approuvées par l'Autorité des marchés financiers, la cour d'appel, qui a fait application d'une clause manifestement inapplicable à ce cas de figure, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1135 du code civil, L. 440-1 du code monétaire et financier et 541-4 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers dans leur rédaction applicable en la cause ;

2° Alors qu'il en va d'autant plus ainsi que, indépendamment du point de savoir si la procédure suivie avait été préétablie, ou si elle a été improvisée, constitue également une obligation essentielle de la chambre de compensation, à l'égard de tout adhérent compensateur, la mise en oeuvre, en cas de défaillance, d'un processus de dénouement des positions le plus efficace possible ; qu'au cas présent, ainsi que la société MFG UK et ses administrateurs le soulignaient dans leurs conclusions d'appel (p. 55-57), le processus (improvisé, on l'a dit) mis en oeuvre les 1er et 2 novembre 2011 par LCH.Clearnet avait été défectueux à plusieurs égards : absence de contact d'un nombre suffisant d'acquéreurs potentiels, organisation de la première tentative de dénouement un jour de fermeture des marchés d'Europe continentale, taille des blocs trop importante, contact des mêmes opérateurs que le 1er novembre pour la procédure mise en oeuvre le 2 novembre, cession d'une large fraction des titres sous-jacents à un opérateur contacté hors procédure, qui avait décidé de ne pas enchérir; qu'en faisant application, dans ce cas de figure où la gravité du manquement de la chambre de compensation à l'une de ses obligations fondamentales interdisait à celle-ci de se prévaloir d'une quelconque clause limitative de responsabilité, de l'article 1.3.6.2. des Règles de compensation, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles 1135 du code civil, L. 440-1 du code monétaire et financier et 541-4 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers dans leur rédaction applicable en la cause ;

3° Alors en tout état de cause que la clause des Règles de la compensation d'une chambre de compensation qui fixe le point de départ d'un délai de forclusion pour présenter une réclamation à la date à laquelle « l'adhérent compensateur a connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, de la survenance d'un événement dommageable », se réfère à la date à laquelle ledit adhérent a pu avoir connaissance, non pas du dommage proprement dit, au sens, ici, de la perte ou de la moins-value constatée à l'issue du processus de liquidation, mais de la circonstance que cette perte était un dommage fruit d'un événement dommageable, autrement dit d'un fait générateur de responsabilité ; que la notion d'évènement dommageable se distingue ainsi nettement de celle de perte, et, même, de dommage, le dommage se situant « en aval », dans la chaîne des faits, par rapport à l'événement qui le cause, appelé « événement dommageable » ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu, au contraire, que l'événement dommageable dont la connaissance déclenchait le délai de forclusion dans lequel une réclamation devait être introduite, était assimilable au « constat de la différence entre » le prix de la liquidation et le prix de marché de l'époque, tel qu'il apparaissait sur les écrans Bloomberg (arrêt p. 5, avant-dernier al. ; et jugement p. 7, dernier al., et p. 9, al. 2) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas pris la mesure de l'expression ici employée, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble les articles L. 440-1 du code monétaire et financier et 541-4 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, dans leur rédaction applicable en la cause, ainsi que l'article 1.3.6.2 des Règles de la compensation approuvées par l'Autorité des marchés financiers ;

4° Alors qu'il en va d'autant plus ainsi que l'action requise de l'adhérent compensateur dans le délai de forclusion consiste en la formulation d'une réclamation, laquelle, ainsi que l'ont souligné les juges du fond (arrêt p. 6, al. 4, et jugement p. 10), se distingue de la simple réserve, en ce qu'elle suppose l'articulation d'une véritable demande caractérisée par l'allégation du triptyque « faute, lien de causalité, préjudice » ; que pareille réclamation ne pouvant être formulée au simple visa du constat d'une perte ou d'une moins-value, mais nécessitant la découverte, par son auteur, d'un droit de créance indemnitaire, le délai dans lequel doit être introduite cette réclamation ne peut lui-même commencer à courir avant que les éléments du triptyque, et en particulier la faute, ne soient connus ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré, au contraire, que le point de départ du délai de forclusion courant inexorablement contre MFG UK devrait être situé à la date d'apparition du différentiel entre le cours Bloomberg du jour et le prix de la transaction, la cour soulignant que, selon elle, « les termes « événement dommageable » renvoient nécessairement (?) à la seule notion de préjudice excluant toute idée de faute » (arrêt p. 5) ; qu'en statuant ainsi, cependant que la définition de l'action requise de l'adhérent (une réclamation et non une réserve) rendait impossible que le délai ait pu commencer à courir à une date à laquelle cette action, faute de connaissance de la faute, était d'accomplissement impossible, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

5° Alors subsidiairement qu'une clause qui contredit la portée d'une obligation essentielle ne saurait recevoir application ; que tel serait le cas d'une clause de forclusion stipulée dans un contrat d'adhésion qui obligerait l'adhérent d'une chambre de compensation à accomplir, à peine de déchéance de son droit d'agir en justice, une « réclamation » dans un délai de douze mois courant à compter de la date de la connaissance d'une simple moins-value ; qu'au cas présent, la société MFG UK et ses administrateurs avaient expliqué (p. 39 à 41, et p. 47 et suiv.) qu'au regard de la complexité du domaine d'activité de MFG UK, de l'opacité entretenue par la société LCH.Clearnet et du total décalage, par rapport aux règles communément suivies, du processus improvisé par la chambre de compensation pour la liquidation d'office des positions de MFG UK, il aurait été parfaitement illusoire pour MFG UK et ses administrateurs de procéder à une « réclamation » complète dans les douze mois qui ont suivi la révélation de la moins-value ; qu'en considérant néanmoins, pour faire application de cette clause, que le point de départ du délai de forclusion devait être fixé à la date à laquelle l'adhérent avait connu l'existence d'une moins-value, cependant qu'ainsi lue, cette clause privait les adhérents de la chambre de compensation de toute possibilité effective de contestation et avait ainsi pour effet de contredire la portée des obligations essentielles attendues d'une chambre de compensation par ses adhérents et, en l'espèce, par la société MFG UK, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 440-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause, et l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

6° Alors que, lorsqu'un contrat stipule un délai de forclusion courant à compter de la date à laquelle le créancier potentiel de dommages-intérêts a connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, d'un « événement dommageable », le créancier de l'obligation de réclamation ne saurait se prévaloir de la forclusion la sanctionnant cependant qu'il n'a pas mis le débiteur de cette obligation en mesure de formuler une réclamation dans le délai imparti ; qu'au cas présent, la société MFG UK et ses administrateurs faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel (p. 16-17-18, p. 47 et suiv.) que la société LCH.Clearnet avait tout fait pour qu'ils ne connaissent rien du processus utilisé par la chambre de compensation pour liquider les positions de MFG UK, entravant ainsi la possibilité pour la société MFG UK de formuler une véritable réclamation ; qu'en réponse, la cour d'appel a considéré que « le délai de forclusion ou préfix n'est pas susceptible de suspension ou d'interruption » (p. 6, al. 6) ; qu'en statuant ainsi, cependant que la société LCH.Clearnet, créancière de l'obligation de réclamation inexécutée, ne pouvait se prévaloir des conséquences de cette inexécution faute d'avoir mis la société MFG UK en mesure de la respecter dans le délai imparti, la cour d'appel a violé l'articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l'article L. 440-1 du code monétaire et financier et l'article 541-4 du règlement du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, dans leur rédaction applicable en la cause ;

7° Alors que le juge de la fin de non-recevoir ne peut, sans méconnaître ses pouvoirs, aborder le fond du litige ni en modifier les termes ; qu'au cas présent, dans leur réclamation du 3 juillet 2014, comme dans leur assignation introductive d'instance du 2 juillet 2015, la société MFG UK et ses administrateurs ne se plaignaient pas de la différence entre le cours Bloomberg des positions liquidées par LCH.Clearnet et le prix obtenu, au début du mois de novembre 2011, lors de la liquidation, mais d'une faute commise par la chambre de compensation dans l'organisation de son processus de liquidation, avec des conséquences d'ailleurs non assimilées, par l'exposante, au différentiel entre le cours Bloomberg et le prix de liquidation ; qu'en s'efforçant de dater la prise de conscience, par MFG UK et ses administrateurs, d'un « dommage » qui ne correspondait pas au « dommage » dont se plaignaient les exposants, et encore moins au « fait générateur » objet de sa réclamation, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-14481
Date de la décision : 09/06/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 jui. 2021, pourvoi n°19-14481


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.14481
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