LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 juin 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 483 F-D
Pourvoi n° X 20-14.498
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021
La société Lav' Machine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-14.498 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Braco, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société L'immobilière européenne des Mousquetaires, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Lav' Machine, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Braco, après débats en l'audience publique du 4 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Lav' Machine du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société L'immobilière européenne des mousquetaires.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 23 janvier 2020), le 28 janvier 1991, la société Lav' Machine, sous-locataire de la société [R], a sous-loué à la société des Espeslugues des locaux commerciaux à usage exclusif de station-service.
3. Le 4 juin 1992, la société des Espelugues a cédé son fonds de commerce de supermarché et de station-service et son droit au bail à la société Braco.
4. Le 30 novembre 1995, la société Lav' Machine et la société Braco sont convenues d'une modification de la destination des lieux loués autorisant toutes activités à l'exception de celle de fonds de commerce alimentaire.
5. Le 8 février 2012, se prévalant de la destruction de la station-service et de sa reconstruction sur une parcelle voisine appartenant à la société Ugo, la société Lav' Machine a délivré à la société Braco un commandement visant la clause résolutoire inscrite au bail commercial, la sommant de reconstruire, sur l'assiette foncière du bien donné à bail, la station service composée de l'ensemble pompe, cuves et tous les accessoires.
6. La société Braco a assigné la société Lav' Machine en annulation du commandement.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en ses quatrième branche et cinquième branches, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen unique, pris en ses première à troisième et sixième et septième branches
Enoncé du moyen
8. La société Lav'machine fait grief à l'arrêt d'annuler le commandement et de rejeter sa demande en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et de remise en état des locaux loués, alors :
« 1°/ que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le bail conclu le 28 janvier 1991 entre la société Lav'machine et la société Les Espelugues, à laquelle s'était substituée la société Braco, portait sur un ensemble immobilier incluant une station-service, et que cette station-service avait été détruite ; qu'en retenant, pour débouter la société Lav'machine de ses demandes, qu'il n'aurait pas été démontré que la société Braco avait participé au processus ayant conduit à la démolition de cette station-service, quand il appartenait, au contraire, à la société Braco, de prouver que la destruction d'une partie de l'immeuble donné à bail avait eu lieu sans sa faute, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1732 du code civil ;
2°/ que le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ; que la société Lav'machine soutenait qu'à supposer qu'il soit considéré que la société Braco n'avait pas participé à la démolition de la station-service, il lui appartenait en tout état de cause, conformément aux stipulations du bail, de prévenir sans retard et par écrit le bailleur de toute atteinte qui serait portée à la propriété et de toute détérioration qui viendrait à se produire dans les lieux et qui rendraient nécessaires des travaux ; qu'en retenant que la société Braco qui, suivant ses propres constatations, n'avait pu ignorer le retrait de la caisse de station de carburant effectuée postérieurement à sa prise de possession des lieux, et dont le gérant avait été nécessairement informé du permis modificatif de construire obtenu le 12 octobre 1993, libellé à son attention, n'aurait pas été à l'origine de la démolition de la station-service, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette société, dont le gérant avait donc été destinataire du permis de construire modificatif demandé par la société Ugo, autorisant le déplacement de la station-service et, dès lors, la destruction de celle prise à bail, et qui avait donc connaissance du projet de démolition, matérialisé par ce permis de construire, et, à tout le moins, de la destruction effective de la station, n'avait pas méconnu ses obligations contractuelles en s'abstenant d'en informer la société Lav'machine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, devenu 1104, et 1732 du code civil ;
3°/ que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le bail conclu le 28 janvier 1991 entre la société Lav'machine et la société Les Espelugues, à laquelle s'était substituée la société Braco, portait sur un ensemble immobilier composé, notamment, d'une station-service, qu'il « ne [pouvait] être contesté » que la société Braco avait pris à bail un ensemble immobilier « comprenant » une station-service, et que « l'auvent, les pompes et le bureau de caisse » figuraient encore sur les plans annexés aux avenants au bail des 16 décembre 1991 et 30 novembre 1995 ; qu'en retenant que la société Lav'machine ne démontrait pas que la station-service existait au jour de la cession du bail au profit de la société Braco et que ses « éléments » étaient « toujours là lors de la prise de possession de la SASU Braco », au mois de juin 1992, quand il appartenait au contraire à la société Braco de prouver que cette station-service, objet du bail, aurait été démolie avant la cession, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil ;
6°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la société Lav'machine faisait valoir qu'aux termes du bail, il était expressément convenu que si le preneur souhaitait modifier le gros oeuvre, il devrait avoir obtenu l'autorisation expresse, par écrit et préalable du bailleur, et qu'une telle autorisation de destruction de la station-service n'avait pas été accordée ; qu'en se bornant à relever que la mention « à démolir », portée sur les plans annexés aux avenants des 16 décembre 1991 et 30 novembre 1995, sur l'auvent, les pompes et le bureau de caisse, aurait démontré « l'intention de la société Lav'machine et de la société Ugo sur le sort de ces éléments du bail commercial, à savoir le déplacement de la station-service, acté avant la prise de possession des lieux par la société Braco », et que la société Braco aurait démontré l'intention des parties de démolir la caisse de la station-service, sans relever aucune autorisation expresse, par écrit et préalable de détruire la station-service et la caisse de cette station, accordée par la société Lav'machine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1104, du code civil ;
7°/ que la renonciation à un droit, qui ne se présume pas, ne peut être déduite que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en retenant que la conclusion de l'avenant du 30 novembre 1995 « élargissant la destination du bail commercial à tous commerces sauf alimentaires » aurait démontré le « renoncement » de la société Lav'machine à maintenir l'exploitation de la station-service, telle qu'elle était à l'origine du bail et l'intégration du supermarché créé à côté, avant de relever au demeurant, exactement, que si l'activité de station-service n'était pas prévue dans l'avenant du 30 novembre 1995, elle n'était pas pour autant exclue, la cour d'appel, qui n'a ainsi relevé aucun acte manifestant sans équivoque la volonté de la société Lav'machine d'accepter la destruction de la station-service, a violé l'article 1134, devenu 1104, du code civil. »
Réponse de la Cour
9. De première part, la cour d'appel a retenu souverainement qu'il était établi, en considération des permis de démolir et de construire versés aux débats, que la démolition de la station-service s'était opérée en deux temps, l'auvent, les pompes et la cuve ayant été démolis en premier avant la cession intervenue au profit de la société Braco, puis le retrait de la caisse de station de carburant étant intervenue à l'initiative de la société Ugo postérieurement à la prise de possession des lieux par la société Braco, et, sans inverser la charge de la preuve, que celle-ci n'avait pas commis de faute dans la survenance de la dégradation.
10. De seconde part, ayant souverainement retenu qu'il résultait des mentions portées sur les plans annexés aux avenants des 16 décembre 1991 et 30 novembre 1995 « à démolir » sur l'auvent, les pompes et le bureau de caisse et de l'accord de la société Lav'machine pour un élargissement de la destination du bail commercial que celle-ci s'était entendue avec la société Ugo sur le déplacement de la station service avant la prise de possession des lieux par la société Braco, et que, si cette dernière avait été négligente dans la prévenance de son bailleur quant à la destruction de la caisse intervenue lors de sa jouissance des lieux, elle démontrait que la commune intention des parties était de démolir cet élément et qu'en outre, cette destruction ne nécessitait aucun travaux, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que la société Braco n'avait pas commis de faute contractuelle.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lav' machine aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lav' machine et la condamne à payer à la société Braco la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Lav' Machine.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement sauf en ce qu'il avait dit qu'il n'était pas établi que la destination des lieux loués, telle que modifiée dans l'avenant en date du 30 novembre 1995 au contrat de sous-bail, n'avait pas été respecté, et donc, de l'AVOIR confirmé en ce qu'il avait dit nulle et de nul effet pour défaut de cause la sommation délivrée par la société Lav'machine en date du 8 février 2012, prononcé son annulation, et débouté la société Lav'machine de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la société Lav'machine, premier sous-locataire du bail commercial consenti aux établissements [R] par la société Pieranjo, propriétaire des locaux, est à l'initiative d'une procédure en résiliation de bail à l'encontre du dernier sous-locataire, la SASU Braco dont il a approuvé la cession intervenue le 4 juin 1992, par la SA des Espelugues de son fonds de commerce de supermarché et de station-service et son droit au bail ; que selon l'article 1732 du code civil le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ; qu'il est ainsi institué une présomption de responsabilité dispensant le bailleur de démontrer une faute du locataire pouvant être renversée par le preneur en prouvant son absence de faute ; que le point 2 nommé « entretien » du paragraphe « charges et conditions » du bail commercial du janvier 1991 applicable aux parties à l'instance, non modifié par les avenants postérieurs indique que le preneur ne pourra rien faire qui puisse détériorer les lieux loués et devra prévenir sans aucun retard et par écrit le bailleur de toute atteinte qui serait portée à la propriété et de toute détérioration qui viendrait à se produire dans les lieux loués et qui rendrait nécessaire des travaux; que le sous-locataire (Les Espelugues) ayant avec le locataire (Lav'machine) les mêmes rapports que ceux existant entre un locataire et un bailleur, est donc engagé dans les termes de l'article 2 du contrat, suppléant au texte de l'article 1732 du code civil qui n'est pas d'ordre public ; que la cession du bail par le sous-locataire (Les Espelugues) à la société Braco rend ce dernier débiteur des obligations du cédant, de sorte qu'il est tenu de réparer les dégradations qu'il aurait commises, dans les limites de l'article 2 du contrat, tandis que le cédant doit garantir l'existence du contrat au temps du transport ; que par ailleurs, la cession emporte transfert au cessionnaire (société Braco) du droit d'agir à l'encontre du bailleur cédé (société Lav'machine) ; que la société Lav machine a fait délivrer à la SASU Braco, conformément à la clause résolutoire du bail commercial du 28 janvier 1991, par acte d'huissier du 8 février 2012 une sommation de faire ainsi rédigée : « il est apparu que la SASU Braco avait profité de l'accord qui lui avait été donné par la SARL Lav machine pour rénover intégralement l'installation du carburant, pour déplacer celle-ci hors de l'emprise du bail? .il ressort de ces éléments que le bail donné initialement en 1991 n'est plus respecté et que le locataire a entrepris de vider de sa substance la location de station-service, en déplaçant la cuve et les pompes hors du périmètre de l'assiette foncière du bien donné à bail?En conséquence de tout ce qui précède, il est donc fait sommation dans le délai d'un mois à la SASU Braco d'avoir à reconstruire sur l'assiette foncière du bien donné à bail, la station-service composée de l'ensemble pompe, cuves et tous les accessoires » ; que ce n'est pas la non exploitation de la station-service qui est reprochée au preneur, comme l'ont relevé les premiers juges, mais la détérioration de la chose louée en n'ayant pas respecté sa conservation ; qu'il ne peut être contesté que la SASU Braco a pris à bail commercial, cédé par acte du 4 juin 1992 par la SA des Espelugues (acte non produit à la procédure) un ensemble immobilier devenu par avenant du 16 décembre 1991 en son paragraphe désignation, un ensemble immobilier comprenant : - un local à usage commercial de 600 m² environ, un local à usage d'habitation de 120 m² environ, une parcelle de terrain de 280 m², une station-service comprenant un auvent, une cuve de stockage de carburant, des pompes, le tout sur un terrain de 1500 m² environ, avec accès à la route nationale (et à destination exclusive de station-service conformément au bail cédé du 28 janvier 1991), et à destination, modifiée par avenant du 30 novembre 1995, de toute activité commerciale, industrielle ou artisanale, à l'exception de l'activité de fonds de commerce alimentaire sous toutes ses formes, et notamment traditionnelle et moderne telle que le hard discount ; que ces deux avenants précités comportent un plan annexé où sont dessinés l'auvent, les pompes et le bureau de caisse avec la mention « à démolir » ; que l'avenant du 16 décembre 1991 indique que « le paragraphe désignation sera désormais rédigé comme suit » ; que l'avenant du 30 novembre 95 indique « les parties décident d'un commun accord de modifier l'article relatif à la destination des lieux loués et de le remplacer par les dispositions suivantes » ; qu'il est donc indiscutable que la SASU Braco a pris à bail commercial, au mieux le 4 juin 1992, un ensemble immobilier comprenant notamment une station-service à usage exclusif de stationservice puis au 30 novembre 1995 à usage non exclusif de station-service à l'exception d'un fonds de commerce alimentaire sous toutes ses formes; qu'il est établi que la démolition de la station-service ne s'est pas effectuée en une fois ; qu'en effet, sont versés au débat : - un permis de démolir tacitement obtenu par la SARL Lav machine représentée par M. [M] dont la demande a été déposée le 7 mars 1991 dont accusé réception est intervenu le 13 mars 1991 ; - un permis de construire modificatif accordé le 12 octobre 1993 à la SNC Ugo représentée par M. [C] pour le retrait de la caisse de station de carburant; - un permis de construire accordé à la SNC Ugo représentée par M. [C] le 23 novembre 1993 pour la modification de façades et transformation d'un centre auto en bâtiment commun ; qu'ainsi, il apparaît que la démolition de la station-service s'est faite en deux temps ; que l'auvent, les pompes et la cuve de stockage ont été démolis en premier selon l'historique des permis de construire puis s'en est suivi le retrait de la caisse de station de carburant, intervenue à l'initiative de la SNC Ugo, postérieurement à la prise de possession des lieux par la SASU Braco de sorte que cette dernière n'a pu l'ignorer ; que c'est vainement que la SARL Lav machine affirme démontrer que la station-service existait au jour de la cession intervenue au profit de la SASU Braco ; qu'en effet, l'attestation de [R] [I], ancien pompiste de la SA des Espelugues, indiquant avoir travaillé jusqu'à mai 1992 est trop imprécise tenant la durée des travaux effectués en deux phases et la cession signée le 4 juin 1992, enregistrée le 11 juin 1992 pour prouver que les éléments de la station-service étaient toujours là lors de la prise de possession de la SASU Braco ; qu'en outre, les mentions portées sur les plans annexés aux avenants des 16 décembre 1991 et 30 novembre 1995 « à démolir » sur 1'auvent les pompes et le bureau de caisse démontrent l'intention de Lav'machine et de la société Ugo sur le sort de ces éléments du bail commercial, à savoir le déplacement de la station-service, acté avant la prise de possession des lieux par la société Braco ; que de même, la signature du dernier avenant du 30 novembre 1995 par la SARL Lav'machine élargissant la destination du bail commercial à tous commerces sauf alimentaires démontre encore le renoncement de la société Lav'machine à maintenir l'exploitation de la station-service telle qu'elle était à l'origine du bail et l'intégration du supermarché créé à côté ; que la destruction de la caisse de la station-service reste une détérioration d'un élément existant du bail commercial intervenu lors de la jouissance des lieux par la société Braco ; qu'elle ne résulte pas d'un agissement actif de cette dernière mais plutôt de négligence dans la prévenance de son bailleur ; que l'article 1732 et l'article 2 du contrat sont cependant soumis à une présomption réfragable et la SASU Braco démontre que la commune intention des parties étaient bien de démolir cet élément ; que surabondamment, les parties ont entendu ajouter que la présomption de responsabilité du preneur implique une détérioration qui rendrait nécessaire des travaux ; qu'il n'y a aucune nécessité à travaux démontré et ce d'autant qu'un rétablissement de la seule caisse de la station-service n'aurait strictement aucun intérêt eu égard à la destruction des autres éléments ayant constitué la station-service, décidée antérieurement à l'entrée dans les lieux de la SASU Braco, par suite de l'intervention active de la SARL Lav machine qui a obtenu tacitement un permis de démolir suite à sa demande déposée le 13 mars 1991 ; qu'ainsi, la SASU Braco qui a acquis un fonds de commerce avec droit au bail commercial de la SA des Espelugues avec le consentement de la SARL Lav'machine, n'a pas commis de faute dans la survenance de la dégradation et la sommation de faire est dès lors dépourvu d'effet sur ce point ; qu'il est définitivement jugé, tenant le certificat de non-pourvoi du avril 2015, aux termes d'un jugement du 2 septembre 2013 rendu par le juge des loyers commerciaux et confirmé par arrêt du 11 décembre 2014 de la cour d'appel de Nîmes, que la station-service reconstruite et exploitée n'est plus dans l'assiette du bail ; que la SASU Braco ne conteste pas exploiter depuis le 1er avril 1993 la station-service reconstruite hors de l'assiette du bail, soutenant néanmoins que depuis l'avenant du 30 novembre 1995 le bail commercial ne prévoit plus l'exploitation de la station-service ; que sur ce point, si l'activité de station-service n'est pas prévue dans l' avenant du 30 novembre 1995, elle n'est pas exclue ; que les documents versés au débat démontrent la réalisation d'un centre commercial Intermarché à l'Isle sur la Sorgue à l'initiative de M. [C] [M] gérant de la SNC Ugo (promoteur de l'opération de construction et propriétaire sur la commune de l'Isle sur la Sorgue des section BV 301,104 et 375 par acquisition des 2 mars 1992) et gérant de la SARL Lav'machine (sous-locataire d'origine et bailleur de l'espèce) et associé de son épouse dans la SA des Espelugues (sous-locataire et cédant du droit au bail à la SASU Braco ) ; que l'instigateur de la réalisation du projet est incontestablement [C] [M], ayant cumulé plusieurs qualités et ayant déposé les premiers actes tant de démolition que de construction, ainsi: - permis de construire initial obtenu le 6 décembre 1990 par la SNC Ugo représentée par M. [M] pour un centre commercial hypermarché d'une surface de 7620 m², - permis de construire "FD124" obtenu par la SARL Lav machine représentée par M. [M] (demande déposée le 7 mars 1991) le 6 juin 1991 pour la construction d'un centre auto avec aire de lavage et zone de distribution de carburants, - permis de construire du 5 août 1991 ( demande déposée le 8 juillet 1991), transférant l'autorisation de bâtir du permis "FD124" avec les mêmes prescriptions à M. [M] gérant de la SNC Ugo; - permis modificatif de construire obtenu le 6 septembre 1991 par la SNC Ugo représentée par [C] [M] (demande déposée le 17 juillet 1991) pour la création d'un centre auto de 493m² et de surface de vente et stationservice de 150m², soit 643m² venant en déduction des 762 m² initiaux; que M. [U], gérant de la SASU Braco a été nécessairement informé du permis modificatif de construire obtenu le 12 octobre 1993 (demande déposée le 30 juillet 1993 par la SNC Ugo dont l'adresse est [Adresse 3]) et obtenu par la SNC Ugo représentée par M. [C] demeurant à Intermarché, libellé à l'attention de M. [U] pour une surface de 7620 m² dont 150m² de station-service et 368, 72 m² de centre auto; que M. [U], gérant de la SASU Braco, a acquis tant le fonds de commerce que le droit au bail par acte du 4 juin 1992 ; que ces différents permis de construire, qui font état d'une surface identique, ne contiennent aucun élément permettant d'identifier les parcelles dont s'agit ; qu'aucun des permis de construire n'a été sollicité ou obtenu par la société Braco ; que la SARL Lav'machine, n'a jamais sous loué l'intégralité de son bail d'origine qui porte sur 6000 m² selon acte du 28 janvier 1991 versé au débat ; qu'il s'ensuit que la faute de la société Braco qui aurait consisté à déplacer la cuve et les pompes hors du périmètre de 1' assiette foncière du bien donné à bail n'est pas établie ; que la sommation de faire est dès lors dépourvue d'effet sur ce deuxième point ; qu'en conséquence, la SARL Lav'machine est déboutée de l'intégralité de ses demandes ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU'il est constant et non contesté, ressort des pièces produites et de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 11 décembre 2014 que la station-service se trouvant autrefois sur le terrain cadastré BV n° [Cadastre 1]/[Cadastre 2], faisant l'objet du bail commercial du 28 janvier 1991 liant les partis, n'existe plus sur ce terrain et qu'une autre station-service a été édifiée à proximité ; que si les locaux de la station-service étaient compris initialement dans l'assiette du bail, ils ne le sont plus désormais ; que par avenant du 30 novembre 1995 les parties ont convenu de modifier l'article du bail relatif à la destination remplacé par les dispositions suivants : « toutes activités, commerciales ou artisanales, à l'exception de l'activité de fonds de commerce alimentaire sous toutes ses formes » ; cette nouvelle clause donnait au locataire toute liberté pour exercer toute activité commerciale, en dehors de celles interdites, interprétation corroborée par le fait qu'à la date de l'avenant du 30 novembre 1995, la station-service située sur le terrain objet du bail avait été démolie en vertu d'un permis de démolir tacite obtenu en 1991 par la société Lav'machine et n'avait pas été reconstruite et qu'une nouvelle station-service était exploitée par la société Braco depuis avril 1993 hors du périmètre du bien donné à bail ; que la situation actuelle est le résultat de plusieurs demandes de permis de construire et modifications faites tant par la société Lav'machine que la SNC Ugo et de décisions du maire y faisant droit ; qu'il résulte de ces éléments et de cette chronologie qu'il n'est nullement démontré que la société Braco a participé, de quelque manière que ce soit, au processus ayant conduit à la démolition de l'ancienne station-service et à la reconstruction d'une autre station-service sur la propriété de la société Ugo ; que l'argumentation de la société Lav'machine n'apporte nulle démonstration du rôle joué par la société Braco dans ce processus ; qu'il n'est pas démontré que la société Braco est à l'origine de la construction de la nouvelle station qu'elle exploite désormais ; qu'il n'est pas établi que la société Braco connaissait la situation dénoncée par la bailleresse avant qu'une expertise soit ordonnée par le juge des loyers commerciaux ; qu'il ressort de ce qui précède que la locataire n'est pas à l'origine de la démolition de l'ancienne station-service et de la construction de la nouvelle station ; qu'au vu de ce qui précède, il ne peut être retenu que, par sa faute, la société Braco a causé un préjudice à la société Lav'machine ;
1°) ALORS QUE le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le bail conclu le 28 janvier 1991 entre la société Lav'machine et la société Les Espelugues, à laquelle s'était substituée la société Braco, portait sur un ensemble immobilier incluant une station-service, et que cette station-service avait été détruite ; qu'en retenant, pour débouter la société Lav'machine de ses demandes, qu'il n'aurait pas été démontré que la société Braco avait participé au processus ayant conduit à la démolition de cette station-service, quand il appartenait, au contraire, à la société Braco, de prouver que la destruction d'une partie de l'immeuble donné à bail avait eu lieu sans sa faute, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1732 du code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute ; que la société Lav'machine soutenait qu'à supposer qu'il soit considéré que la société Braco n'avait pas participé à la démolition de la station-service, il lui appartenait en tout état de cause, conformément aux stipulations du bail, de prévenir sans retard et par écrit le bailleur de toute atteinte qui serait portée à la propriété et de toute détérioration qui viendrait à se produire dans les lieux et qui rendraient nécessaires des travaux ; qu'en retenant que la société Braco qui, suivant ses propres constatations, n'avait pu ignorer le retrait de la caisse de station de carburant effectuée postérieurement à sa prise de possession des lieux, et dont le gérant avait été nécessairement informé du permis modificatif de construire obtenu le 12 octobre 1993, libellé à son attention, n'aurait pas été à l'origine de la démolition de la station-service, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si cette société, dont le gérant avait donc été destinataire du permis de construire modificatif demandé par la société Ugo, autorisant le déplacement de la station-service et, dès lors, la destruction de celle prise à bail, et qui avait donc connaissance du projet de démolition, matérialisé par ce permis de construire, et, à tout le moins, de la destruction effective de la station, n'avait pas méconnu ses obligations contractuelles en s'abstenant d'en informer la société Lav'machine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, devenu 1104, et 1732 du code civil ;
3°) ALORS QUE celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le bail conclu le 28 janvier 1991 entre la société Lav'machine et la société Les Espelugues, à laquelle s'était substituée la société Braco, portait sur un ensemble immobilier composé, notamment, d'une station-service, qu'il « ne [pouvait] être contesté » que la société Braco avait pris à bail un ensemble immobilier « comprenant » une station-service, et que « l'auvent, les pompes et le bureau de caisse » figuraient encore sur les plans annexés aux avenants au bail des 16 décembre 1991 et 30 novembre 1995 ; qu'en retenant que la société Lav'machine ne démontrait pas que la station-service existait au jour de la cession du bail au profit de la société Braco et que ses « éléments » étaient « toujours là lors de la prise de possession de la SASU Braco », au mois de juin 1992, quand il appartenait au contraire à la société Braco de prouver que cette station-service, objet du bail, aurait été démolie avant la cession, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la société Lav'machine ne démontrait pas que la station-service existait au jour de la cession du bail, que l'attestation de M. [I], ancien pompiste de la société des Espelugues, indiquant avoir travaillé jusqu'au mois de mai 1992, aurait été « trop imprécise tenant la durée des travaux effectués en deux phases et la cession signée le 4 juin 1992, enregistrée le 11 juin 1992 » pour prouver que les éléments de la station-service étaient « toujours là » lors de la prise de possession de la société Braco, sans examiner l'attestation, régulièrement produite, et invoquée à ce sujet par la société Lav'machine, aux termes de laquelle M. [F] indiquait avoir suivi, en qualité d'architecte, la réalisation de la totalité des travaux de création du centre commercial « d'octobre 1992 à avril 1993 », réalisation dans le cadre de laquelle la démolition de l'ancienne station de carburant avait été effectuée, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'en tout état de cause, la cession d'un bail commercial opère transmission des obligations en découlant au cessionnaire, qui répond donc envers le bailleur des dégradations et pertes survenues durant l'entière période d'exécution du contrat ; qu'en retenant, pour débouter la société Lav'machine de ses demandes de condamnation de la société Braco à reconstruire la station-service détruite et à réparer le préjudice subi du fait de cette destruction, qu'elle n'aurait pas démontré que la station-service existait encore au jour de la cession du bail et de la prise de possession des lieux par la cessionnaire, la cour d'appel, qui a ainsi statué par un motif inopérant, a violé l'article L. 145-16, alinéa 1er, du code de commerce, ensemble les articles 1730 et 1732 du code civil ;
6°) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la société Lav'machine faisait valoir qu'aux termes du bail, il était expressément convenu que si le preneur souhaitait modifier le gros oeuvre, il devrait avoir obtenu l'autorisation expresse, par écrit et préalable du bailleur, et qu'une telle autorisation de destruction de la station-service n'avait pas été accordée ; qu'en se bornant à relever que la mention « à démolir », portée sur les plans annexés aux avenants des 16 décembre 1991 et 30 novembre 1995, sur l'auvent, les pompes et le bureau de caisse, aurait démontré « l'intention de la société Lav'machine et de la société Ugo sur le sort de ces éléments du bail commercial, à savoir le déplacement de la station-service, acté avant la prise de possession des lieux par la société Braco », et que la société Braco aurait démontré l'intention des parties de démolir la caisse de la station-service, sans relever aucune autorisation expresse, par écrit et préalable de détruire la station-service et la caisse de cette station, accordée par la société Lav'machine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1104, du code civil ;
7°) ALORS QUE la renonciation à un droit, qui ne se présume pas, ne peut être déduite que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en retenant que la conclusion de l'avenant du 30 novembre 1995 « élargissant la destination du bail commercial à tous commerces sauf alimentaires » aurait démontré le « renoncement » de la société Lav'machine à maintenir l'exploitation de la station-service, telle qu'elle était à l'origine du bail et l'intégration du supermarché créé à côté, avant de relever au demeurant, exactement, que si l'activité de station-service n'était pas prévue dans l'avenant du 30 novembre 1995, elle n'était pas pour autant exclue, la cour d'appel, qui n'a ainsi relevé aucun acte manifestant sans équivoque la volonté de la société Lav'machine d'accepter la destruction de la station-service, a violé l'article 1134, devenu 1104, du code civil.