LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 juin 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 543 F-D
Pourvoi n° M 20-13.246
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [U] [X].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 1er septembre 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021
La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-13.246 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2019 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale), dans le litige l'opposant à Mme [U] [X], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1], de Me Le Prado, avocat de Mme [X], et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 25 novembre 2019), la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] (la caisse) a refusé de verser à Mme [X] (l'assurée) les indemnités journalières de l'assurance-maladie pour la période du 21 août au 4 septembre 2016, au motif que l'avis de prolongation d'arrêt de travail lui était parvenu tardivement.
2. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] fait grief à l'arrêt de faire droit au recours, alors, selon le moyen, « que le refus de versement des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle le contrôle de la caisse a été rendu impossible, faute pour l'assuré de lui avoir adressé son arrêt de travail, ne constitue pas une sanction à caractère de punition, de sorte qu'elle est exclusive de tout contrôle de l'adéquation du montant des sommes refusées à la gravité des manquements de l'assurée ; qu'en s'arrogeant toutefois au cas d'espèce le pouvoir de procéder à un tel contrôle, les juges du fond ont violé les articles L. 321-2, R. 321-2 et R. 323-12 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 323-12 du code de la sécurité sociale :
4. Selon ce texte, la caisse primaire d'assurance maladie est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible.
5. Pour faire droit au recours, l'arrêt, après avoir relevé que l'assurée ne rapportait pas la preuve lui incombant de l'envoi de sa feuille de prolongation d'arrêt de travail, énonce que le refus de versement des indemnités journalières motivé par l'envoi tardif de l'arrêt de travail constitue, cependant, une sanction dont il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, par application de l'article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'apprécier l'adéquation à la gravité de l'infraction commise. Enonçant ensuite que l'assurée a dûment adressé le volet de l'arrêt de travail destiné à son employeur, que son médecin, dès qu'il en a été sollicité, a établi un duplicata de cet arrêt de travail et qu'elle n'avait aucun intérêt à ne pas transmettre celui-ci, justifié par une grossesse difficile, l'arrêt retient qu'il y a lieu de limiter la sanction à cinq jours d'indemnités journalières.
6. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses constatations que l'assurée n'établissait pas avoir remis à la caisse l'avis de prolongation de l'arrêt de travail avant la fin de la période d'interruption de travail, de sorte que la caisse n'avait pas pu exercer son contrôle pendant cette période, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée ;
Condamne Mme [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1]
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a, confirmant le jugement, infirmé la décision de la commission de recours amiable du 7 octobre 2016, limité la sanction appliquée par la Caisse à 5 jours d'indemnités journalières et dit que la Caisse devait verser à Mme [X] les indemnités journalières correspondant à la période du 21 août 2016 au 4 septembre 2016 en y soustrayant 5 jours, puis, y ajoutant, débouté la Caisse de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Selon les dispositions de l'article R 321-2 du code de la sécurité sociale, en cas d'interruption du travail, l'assuré doit envoyer à la caisse primaire, dans les deux jours suivants l'arrêt de travail, sous peine de sanction, un avis d'arrêt de travail les sanctions étant la déchéance en totalité ou partie du droit aux indemnités journalières pendant la période durant laquelle le contrôle de la caisse a été rendu impossible. En vertu de l'article R 323-12 du code de la sécurité sociale, la caisse est fondée à refuser· le bénéficie des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible. Il appartient à l'assurée de justifier autrement que par ses seules affirmations de l'accomplissement des formalités destinées à permettre à la caisse d'exercer son contrôle. En l'espèce, Mme [X] devait envoyer son arrêt de travail prescrit du 21 août 2016 au 4 septembre 2016 dans un délai de 48 heures. Elle a adressé un duplicata de son arrêt de travail le 15 septembre 2016. Mme [X] soutient avoir adressé son avis d'arrêt de travail dans les délais, et en veut pour preuve que le volet destiné à son employeur a bien été expédié dans.les délais. Pour autant, cet élément est insuffisant pour prouver le respect de ses obligations. Elle a précisé avoir envoyé le même jour la prolongation de son arrêt de travail ainsi qu'une feuille de soins prodigués à son époux, qui aurait été remboursée en temps et en heure, mais interrogée sur le point de savoir si elle pouvait en justifier, elle a indiqué ne pas avoir emporté ce document. Dès lors, Mme [X] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'envoi de sa feuille de la prolongation de son arrêt de travail. C'est à bon droit que les premiers juges ont dit que le refus de versement des indemnités journalières motivé par l'envoi tardif de l'arrêt de travail constitue une sanction, et qu'il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale par application de· l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'en apprécier l'adéquation à la gravité de l'infraction commise. En l'espèce, il apparaît que Mme [X] a dûment adressé le volet destiné à son employeur, que son médecin dès qu'il en a été sollicité a établi un duplicata de son arrêt; et il est exact; comme le soutient Mme [X] qu'elle n'avait aucun intérêt à ne pas transmettre son arrêt, justifié par une grossesse difficile. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions. » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « En application des dispositions combinées des articles L.321-2 et R.321-2 du code de la sécurité sociale, en cas d'interruption de travail, l'assuré doit envoyer à la caisse dans les deux jours suivant la date d'interruption de travail, une lettre d'avis d'interruption de travail dont le modèle est fixé par arrêté ministériel, qui doit comporter la signature du médecin, indiquant la durée probable de l'incapacité de travail. En cas de prolongation de l'arrêt de travail initial, la même formalité doit être observée dans les deux jours suivant la prescription de prolongation. Selon l'article D.323-2 du même code, en cas d'envoi à la caisse primaire d'assurance maladie de l'avis d'interruption de travail ou de prolongation d'arrêt de travail au-delà du délai prévu à l'article R.321-2, la caisse informe l'assuré du retard constaté et de la sanction à laquelle il s'expose en cas de nouvel envoi tardif dans les vingt-quatre mois suivant la date de prescription de l'arrêt considéré. En cas de nouvel envoi tardif, sauf si l'assuré est hospitalisé ou s'il établit l'impossibilité d'envoyer son avis d'arrêt de travail en temps utile, le montant des indemnités journalières afférentes à la période écoulée entre la date de prescription de l'arrêt et la date d'envoi est réduit de 50 %. En outre, aux termes de l'article R.323-12 du code de la sécurité sociale, la caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible. Il résulte de l'ensemble de ses dispositions législatives et réglementaires que l'organisme de sécurité sociale est en droit de refuser le bénéfice des indemnités journalières à l'assuré qui ne lui a pas transmis l'arrêt de travail avant l'expiration du congé pour maladie. Il appartient à l'assuré d'établir qu'il a envoyé dans les délais l'avis d'interruption de travail. Cette preuve peut être apportée par tous moyens, y compris par présomptions. Cependant, dès lors que le refus de versement des indemnités journalières motivé par l'envoi tardif de l'avis d'arrêt de travail constitue une sanction, il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, par application de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'en apprécier l'adéquation à la gravité de l'infraction commise (cour de cassation 2ème ch civile arrêt du 28 novembre 2013 n° pourvoi 12-26926). En l'espèce, il ressort du certificat médical établi le 20 août 2016 par le Docteur [O] qu'il a prescrit à Mme [U] [X] la prolongation de son arrêt de travail en raison de sa grossesse motivée par des nausées et des vomissements. Lorsqu'elle a appris la raison de l'absence de versement par la Caisse de ses indemnités journalières, Mme [X], dont l'arrêt litigieux s'est terminé le 4 septembre 2016, a agi sans délai pour tenter de rectifier sa situation auprès de l'organisme social.Elle a écrit aux services de la Caisse en ces termes: « En date du 21 août 2016, je vous ai envoyé ma prolongation d'arrêt. Il y a une semaine (. ..) une conseillère m'apprend que cette prolongation du 21 août au 4 septembre n'a jamais été reçue voir perdue !! Elle me conseille alors de demander à mon médecin un duplicata pour cette période et de vous l'envoyer au plus vite. Chose que j'ai faite le jour même. Dans le doute, j'ai contacté mon employeur et ma prévoyance santé qui m'ont tout deux confirmé la réception de mon arrêt le 25 août 2016 ». Or, le Docteur [O] a accepté l'édition d'un duplicata de ce certificat médical, qui a été enregistré par les services administratifs de la CPAM le 15 septembre 2016, démontrant ainsi l'envoi immédiat par Mme [X]. De plus, eu égard à son état de grossesse débutant, ayant nécessité l'arrêt du travail à compter du 15 juillet 2016, il apparaît exclu toute volonté de l'assurée de se soustraire au contrôle du service médical. Enfin, la caisse ne démontre pas que l'assurée serait de mauvaise foi. En conséquence, la sanction apparaît disproportionnée et doit être limitée à cinq jours ; la décision de la commission de recours amiable du 07 octobre 2016 doit être infirmée. »
ALORS QUE, le refus de versement des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle le contrôle de la Caisse a été rendu impossible, faute pour l'assuré de lui avoir adressé son arrêt de travail, ne constitue pas une sanction à caractère de punition, de sorte qu'elle est exclusive de tout contrôle de l'adéquation du montant des sommes refusées à la gravité des manquements de l'assuré ; qu'en s'arrogeant toutefois au cas d'espèce le pouvoir de procéder à un tel contrôle, les juges du fond ont violé les articles L. 321-2, R. 321-2 et R. 323-12 du code de la sécurité sociale.