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03/06/2021 | FRANCE | N°20-10687

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 juin 2021, 20-10687


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 546 F-P

Pourvoi n° E 20-10.687

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021

Mme [B] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-10.687 c

ontre l'arrêt rendu le 15 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assur...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 juin 2021

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 546 F-P

Pourvoi n° E 20-10.687

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 JUIN 2021

Mme [B] [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-10.687 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1], dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Partie intervenante : Le Défenseur des droits, dont le siège est [Adresse 3].

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le Défenseur des droits a présenté des observations en application de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [P], de la SCP Rousseau et Tapie, avocat du Défenseur des droits, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 avril 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2019), la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1] (la caisse) ayant rejeté, le 30 mars 2016, la demande d'affiliation au régime général de l'assurance maladie formée, le 23 mars 2016, par Mme [P], ressortissante algérienne, l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.

Et sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que l'article L. 160-5 du code de la sécurité sociale prévoit que toute personne peut bénéficier, si elle ne remplit pas les conditions de l'article L. 160-1 du même code, de son affiliation au régime général de la sécurité sociale, dès lors qu'elle justifie d'une résidence stable et régulière en France, l'article D. 160-2 dudit code, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1882 du 30 décembre 2015, précisant que la condition de résidence stable suppose de justifier d'une résidence continue de plus de trois mois sur le territoire français laquelle est réputée acquise pour les personnes résidant en France au titre de la procédure de regroupement familial ; qu'en refusant d'appliquer à Mme [P] la dispense de justification d'une résidence continue de plus de trois mois au motif qu'elle ne résidait pas en France au titre d'une procédure de regroupement familial quand, étant l'épouse de nationalité algérienne d'un ressortissant français elle était nécessairement dispensée d'une telle procédure (dispense qui s'applique à la famille d'un résident régulier de nationalité étrangère en France), la cour d'appel dont l'interprétation du texte litigieux crée une discrimination entre affiliés au regard de la nationalité de leur époux ayant pour effet, dans le cas de Mme [P], de la priver d'un droit à une prise en charge de soins urgents et vitaux liés à sa grossesse et à son accouchement en violation du droit fondamental à la protection de la vie, du droit au respect de sa vie privée et familiale et en la privant de ses biens sans justification, a violé les articles L. 160-5, D. 160-2 du code de la sécurité sociale, l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 et les articles 2, 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la cassation pourra intervenir sans renvoi, la Cour de cassation faisant droit à la demande de Mme [P]. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article D. 160-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1882 du 30 décembre 2015, applicable au litige, les personnes qui demandent à bénéficier de la prise en charge des frais de santé en application des dispositions de l'article L. 160-5 peuvent produire un justificatif démontrant qu'elle résident en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois ou qu'elles relèvent de l'une des catégories qu'il énumère limitativement.

5. Selon l'article 59, XIII, C, de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, sauf demande contraire, la prise en charge des frais de santé des personnes majeures ayant la qualité d'ayant droit au 31 décembre 2015 reste effectuée, tant que ces personnes ne deviennent pas affiliées à un régime de sécurité sociale au titre d'une activité professionnelle, y compris antérieure, par rattachement à l'assuré social dont elles dépendent, et par les organismes dont elles relèvent à cette date, jusqu'au 31 décembre 2019 au plus tard.

6. Ces dispositions, qui s'appliquent sans distinction de nationalité à toute personne qui, n'exerçant pas d'activité professionnelle, peut bénéficier, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé par l'assurance maladie, revêtent un caractère limité et répondent aux exigences de la gestion d'un système d'assurance maladie étendu à l'ensemble de la population active et résidente. Elles n'instituent pas, dès lors, une discrimination selon la nationalité de nature à porter atteinte au droit à la protection de la vie, au droit au respect de la vie privée et familiale et au droit au respect des biens garantis par les articles 2, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n° 1.

7. L'arrêt relève qu'arrivée en France le 10 mars 2016, Mme [P] ne justifiait pas, au 23 mars 2016, d'une résidence en France ininterrompue de plus de trois mois, ni de la qualité d'ayant droit de son mari français au titre de l'année 2015, dès lors que sur cette période, elle résidait en Algérie. Il énonce, par ailleurs, que le regroupement familial est une procédure spécifique et que rien n'interdit au législateur de traiter de façon distincte des situations qui ne sont pas les mêmes, de sorte que la preuve de l'existence d'une discrimination fondée sur la nationalité telle que prohibée par les articles 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 12 de son protocole additionnel n'est pas rapportée. L'arrêt ajoute qu'il n'est pas davantage établi que l'application, par la caisse, des dispositions des articles 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 et D. 160-2 du code de la sécurité sociale aurait porté atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée.

8. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit, sans encourir les griefs du moyen, ni statuer par des motifs susceptibles de constituer, à l'encontre de Mme [P], une discrimination du fait de la nationalité de son conjoint, que l'intéressée ne pouvait, à la date de la demande, prétendre à son affiliation au régime général de l'assurance maladie-maternité.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne Mme [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [P]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme [P] de sa demande d'affiliation à la caisse primaire d'assurance maladie à compter du 23 mars 2016 à titre personnel ;

AUX MOTIFS QU'« en application de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015, toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées par la loi. En application de l'article L. 160-5 du même code, issu de la même loi, toute personne qui déclare ne pas bénéficier de la prise en charge des frais de santé mentionnés au texte précité bénéficie de cette prise en charge par la caisse dès qu'elle justifie de son identité et de sa résidence stable et régulière en France. En application de l'article D. 160-2 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°2015-1882 du 30 décembre 2015, la condition de stabilité de la résidence est satisfaite lorsque la personne concernée présente un justification démontrant qu'elle réside en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. En l'espèce, il est constant que Mme [P] est arrivée en France le 10 mars 2016, et qu'à la date du 23 mars 2016, elle ne justifiait pas d'une résidence en France ininterrompue de plus de trois mois. C'est donc à bon droit qu'en application des textes précités, applicables à l'époque des faits, la caisse a refusé sa demande d'affiliation à titre personnel, et le jugement sera de ce chef confirmé » ;

1°) ALORS QUE l'article L. 160 -5 du code de la sécurité sociale prévoit que toute personne peut bénéficier, si elle ne remplit pas les conditions de l'article L. 160 du même code, de son affiliation au régime général de la sécurité sociale, dès lors qu'elle justifie d'une résidence stable et régulière en France, l'article D. 160-2 dudit code, dans sa rédaction issue du décret n°2015-1882 du 30 décembre 2015, précisant que la condition de résidence stable suppose de justifier d'une résidence continue de plus de trois mois sur le territoire français laquelle est réputée acquise pour les personnes résidant en France au titre de la procédure de regroupement familial ; qu'en refusant d'appliquer à Mme [P] la dispense de justification d'une résidence continue de plus de trois mois au motif qu'elle ne résidait pas en France au titre d'une procédure de regroupement familial quand, étant l'épouse de nationalité algérienne d'un ressortissant français elle était nécessairement dispensée d'une telle procédure (dispense qui s'applique à la famille d'un résident régulier de nationalité étrangère en France) la cour d'appel dont l'interprétation du texte litigieux crée une discrimination entre affiliés au regard de la nationalité de leur époux ayant pour effet, dans la cas de Mme [P], de la priver d'un droit à une prise en charge de soins urgents et vitaux liés à sa grossesse et à son accouchement en violation du droit fondamental à la protection de la vie, du droit au respect de sa vie privée et familiale et en la privant de ses biens sans justification, a violé les articles L. 160-5, D. 160-2 du code de la sécurité sociale, l'article 1er du Protocole additionnel n°1 et les articles 2, 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la cassation pourra intervenir sans renvoi, la Cour de cassation faisant droit à la demande de Mme [P] ;

2°) ALORS que l'article D. 160-2 issu du décret n°2015-1882 du 30 décembre 2015 d'application de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 - lu de manière littérale - ajoute à la condition légale de résidence stable et régulière, une dispense pour les membres d'une même famille qui s'applique suivant un critère de distinction fondé sur la nationalité du conjoint de l'affilié que la loi ne prévoit pas et qui permet aux membres de famille étrangers résidant en France d'en bénéficier lorsque leur conjoint est un résidant étranger en situation régulière en France et dont ils sont en revanche privés lorsque leur conjoint est français, créant ainsi une discrimination illégale à raison de la nationalité du conjoint en matière de protection sociale ; qu'il appartient à la Cour de cassation, juge de la Convention européenne, de renvoyer à la juridiction administrative la question préjudicielle de la légalité du décret n°2015-1882 du 30 décembre 2015 et de l'article D. 160-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction à l'espèce, et de surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction administrative.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-10687
Date de la décision : 03/06/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Assurance personnelle - Affiliation - Conditions - Personnes résidant en France de façon stable et régulière - Personnes n'ayant aucun droit à aucun titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie et maternité - Obligation - Condition

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 14 - Interdiction de discrimination - Compatibilité - Attribution d'indemnités journalières à un assuré séjournant hors de France - Conditions - Détermination - Portée SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Maladie - Bénéficiaires - Personnes ne disposant pas de couverture sociale - Affiliation - Conditions - Détermination SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Protection universelle maladie (PUMA) - Affiliation - Conditions - Détermination

Selon l'article D. 160-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1882 du 30 décembre 2015, applicable au litige, les personnes qui demandent à bénéficier de la prise en charge des frais de santé en application des dispositions de l'article L. 160-5 peuvent produire un justificatif démontrant qu'elle résident en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois ou qu'elles relèvent de l'une des catégories qu'il énumère limitativement. Selon l'article 59, XIII, C, de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, sauf demande contraire, la prise en charge des frais de santé des personnes majeures ayant la qualité d'ayant droit au 31 décembre 2015 reste effectuée, tant que ces personnes ne deviennent pas affiliées à un régime de sécurité sociale au titre d'une activité professionnelle, y compris antérieure, par rattachement à l'assuré social dont elles dépendent, et par les organismes dont elles relèvent à cette date, jusqu'au 31 décembre 2019 au plus tard. Ces dispositions, qui s'appliquent sans distinction de nationalité à toute personne qui, n'exerçant pas d'activité professionnelle, peut bénéficier, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé par l'assurance maladie, revêtent un caractère limité et répondent aux exigences de la gestion d'un système d'assurance maladie étendu à l'ensemble de la population active et résidente. Elles n'instituent pas, dès lors, une discrimination selon la nationalité de nature à porter atteinte au droit à la protection de la vie, au droit au respect de la vie privée et familiale et au droit au respect des biens garantis par les articles 2, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n° 1


Références :

Articles L. 160-5 et D. 160-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-1882 du 30 décembre 2015

article 59, XIII, C, de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015

articles 2, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des dr
oits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n° 1.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 novembre 2019

A rapprocher :2e Civ., 19 juin 2008, pourvoi n° 07-14338, Bull. 2008, II, n° 148 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 jui. 2021, pourvoi n°20-10687, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.10687
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