LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 juin 2021
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 410 F-D
Pourvoi n° Z 19-22.730
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUIN 2021
M. [A] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 19-22.730 contre l'arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [H] [M] [W], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société Mutuelles du Mans assurances IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à M. [B] [G], domicilié [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Darret-Courgeon, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. [V], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [F] [W], de la société Mutuelles du Mans assurances IARD, après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Darret-Courgeon, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juin 2019), par acte sous seing privé du 29 janvier 2005, rédigé par Mme [M] [W], notaire, M. [V], promoteur immobilier, s'est porté acquéreur d'un ensemble immobilier appartenant à la société civile immobilière Chalet hôtel (la SCI), qui l'avait acquis en 1992 de [V] [Y] et Mme [N], son épouse (les époux [Y]) et qui avait appartenu auparavant à M. [N] [Y].
2. La vente n'a pas été réitérée en raison de la découverte tardive d'une servitude grevant ce bien, remettant en cause le projet de construction de M. [V].
3. Soutenant qu'un examen approfondi des états hypothécaires aurait permis de révéler, à plus bref délai, l'existence de cette servitude qui figurait dans un acte de vente du 16 juillet 1963, M. [V] a assigné en responsabilité et indemnisation Mme [F] [W], M. [G], son successeur, qui devait assurer la réitération de l'acte, et leur assureur, la société Mutuelle du Mans assurances IARD (l'assureur).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. [V] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre Mme [M] [W] et l'assureur, alors :
« 1°/ qu'en retenant que le notaire, Mme [M] [W], n'avait demandé, le 22 février 2005, que les états hypothécaires aux noms de la SCI et de ses auteurs, [V] et [I] [Y], de sorte que l'absence de la fiche au nom de M. [N] [Y] sur laquelle était mentionnée la servitude litigieuse ne pouvait lui être imputée à faute, tandis qu'il résultait de la page 2 de ladite demande, produite devant elle, qu'un état hypothécaire avait bien été demandé par le notaire au nom de M. [N] [Y], la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
2°/ qu'en retenant que le notaire, Mme [M] [W], avait rempli son obligation de vérifier l'origine de propriété sur trente ans en réclamant, le 22 février 2005, les états hypothécaires aux noms de la SCI et de ses auteurs, [V] et [I] [Y], dès lors que ces derniers avaient fait l'acquisition du bien immobilier par acte de 1963, tandis qu'il résultait de l'acte de vente de 1963, produit devant elle, que c'est M. [N] [Y] qui avait acquis l'ensemble immobilier à cette date, et des fiches hypothécaires obtenues aux noms d'[V] et [I] [Y], également produites, que ces derniers n'étaient devenus propriétaires qu'en 1989, à la suite du décès de M. [N] [Y], soit moins de trente ans auparavant, la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
5. Pour rejeter les demandes de M. [V], l'arrêt retient, d'une part, que les états hypothécaires obtenus successivement les 23 février 2005, 12 mai 2005, 4 janvier 2006 et 8 mars 2006, qui n'ont révélé aucune servitude, ont été demandés par Mme [F] [W] aux noms de la SCI et des époux [Y], qui avaient acquis le bien en 1963, d'autre part, que le notaire n'était pas tenu de vérifier l'origine de propriété au delà de trente ans.
6. En statuant ainsi, alors, d'une part, que le nom de [N] [Y] apparaissait sur la demande adressée le 22 février 2005 à la conservation des hypothèques par Mme [M] [W], d'autre part, qu'il résultait de l'acte de vente du 16 juillet 1963 que le bien avait été acquis par [N] [Y], décédé en 1989, et non par les époux [Y], la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces documents et violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'action en responsabilité professionnelle formée par M. [V] contre Mme [F] [W] et ses demandes de dommages-intérêts à l'encontre de celle-ci et de la société Mutuelles du Mans assurances IARD, l'arrêt rendu le 4 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme [F] [W] et la société Mutuelles du Mans assurances IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [F] [W] et la société Mutuelles du Mans assurances IARD et les condamne in solidum à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. [V].
Il est fait grief à la décision attaquée, infirmative sur ce point, d'AVOIR débouté M. [V] de son action en responsabilité professionnelle à l'encontre de Me [H] [M] [W] et de toutes ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre de cette dernière et de son assureur, la SA Mutuelles du Mans ;
AUX MOTIFS QUE « M. [A] [V] considère que Me [H] [M] [W] puis Me [P] [G] ont commis des négligences dans l'analyse des états hypothécaires obtenus successivement le 22 février 2005, le 12 mai 2005, le 4 janvier 2006 et le 8 mars 2006 ; que les états hypothécaires ont été demandés aux noms de la SCI Chalet Hôtel et de ses auteurs, M. [V] [Y] et Mme [I] [N] veuve [Y] et qu'ils n'ont révélé aucune servitude ; que, certes, l'état hypothécaire obtenu par M. [A] [V] en 2009 indique l'existence de « servitudes et conventions diverses » sur la fiche au nom de [N] [Y], auteur des consorts [Y], décédé en 1989, fiche non jointe aux états demandés par les notaires ; qu'en sollicitant la fiche au nom du vendeur et de ses auteurs, les notaires, qui n'avaient aucune raison particulière de soupçonner qu'il pouvait exister une servitude qui n'était pas mentionnée dans le titre du vendeur, n'ont pas commis de faute, étant à cet égard rappelé que l'acte d'acquisition des consorts [Y] était un acte de 1963 et que le notaire n'est pas tenu de vérifier l'origine de propriété au-delà de trente ans » ;
1) ALORS QU'en retenant que le notaire, Mme [H] [M] [W], n'avait demandé, le 22 février 2005, que les états hypothécaires aux noms de la SCI Chalet Hôtel et de ses auteurs, [V] et [I] [Y], de sorte que l'absence de la fiche au nom de M. [N] [Y] sur laquelle était mentionnée la servitude litigieuse ne pouvait lui être imputée à faute, tandis qu'il résultait de la page 2 de ladite demande, produite devant elle, qu'un état hypothécaire avait bien été demandé par le notaire au nom de M. [N] [Y], la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
2) ALORS QU'en retenant que le notaire, Mme [H] [M] [W], avait rempli son obligation de vérifier l'origine de propriété sur trente ans en réclamant, le 22 février 2005, les états hypothécaires aux noms de la SCI Chalet Hôtel et de ses auteurs, [V] et [I] [Y], dès lors que ces derniers avaient fait l'acquisition du bien immobilier par acte de 1963, tandis qu'il résultait de l'acte de vente de 1963, produit devant elle, que c'est M. [N] [Y] qui avait acquis l'ensemble immobilier à cette date, et des fiches hypothécaires obtenues aux noms d'[V] et [I] [Y], également produites, que ces derniers n'étaient devenus propriétaires qu'en 1989, à la suite du décès de M. [N] [Y], soit moins de trente ans auparavant, la cour d'appel a violé le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.