LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 mai 2021
Cassation sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 639 FS-P
Pourvoi n° H 19-10.041
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 MAI 2021
La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 19-10.041 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant au Syndicat pour la défense des postiers (SDP), dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du Syndicat pour la défense des postiers, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 2018), statuant en référé, le syndicat pour la défense des postiers (le syndicat) a revendiqué auprès de la société La Poste (la société) la mise en oeuvre en sa faveur de dispositions résultant de l'accord-cadre du 4 décembre 1998 et de l'instruction du 26 janvier 1999 relatifs à l'exercice du droit syndical au sein de La Poste. La société a procédé, par note de service valant décision unilatérale du 5 avril 2017, à l'abrogation de l'accord-cadre de 1998 et de l'instruction de 1999.
2. Le syndicat a contesté la licéité de cette abrogation devant le juge des référés. La société a soulevé l'incompétence du juge judiciaire au profit de la juridiction administrative.
Examen des moyens
Sur les deux moyens réunis
Enoncé des moyens
3. Par son premier moyen, la société fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence au profit des juridictions de l'ordre administratif et de dire que l'accord collectif du 4 décembre 1998 doit être maintenu jusqu'à son abrogation éventuelle par dénonciation conventionnelle en bonne et due forme, alors :
« 1°/ qu'aux termes des articles 29 et 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, dans leur rédaction applicable au litige, la conclusion à La Poste d'un accord collectif concernant ses personnels de droit public et de droit privé est soumise aux règles de droit public de la négociation collective et non aux règles du droit du travail ; qu'il s'en suit que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître de sa légalité, de son exécution et de son abrogation ; qu'en retenant la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de la légalité de l'abrogation d'un accord collectif conclu à La Poste le 4 décembre 1998 en application de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 et de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et non pas de l'article L. 2233-1 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 33 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III ;
2°/ en outre que l'exercice du droit syndical à La Poste n'est pas soumis aux dispositions du code du travail, mais aux dispositions spécifiques de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée et, s'agissant des fonctionnaires, de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; qu'il s'ensuit qu'un accord collectif destiné à régir l'exercice du droit syndical à La Poste, et ayant vocation à s'appliquer indifféremment aux agents de droit public et de droit privé, a la nature d'un acte administratif ; que les litiges élevés sur la conclusion, la mise en oeuvre et l'abrogation d'un tel accord relèvent de la compétence de la juridiction administrative, peu important l'auteur de l'acte abrogatif ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
3°/ que la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ;
qu'en se fondant, pour retenir la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de la légalité de l'abrogation par La Poste d'un accord collectif du 4 décembre 1998, ayant la nature d'un acte administratif, sur la circonstance que "depuis le 1er mars 2010, l'entreprise est devenue une société anonyme", la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil. »
4. Par son second moyen, la société fait grief à l'arrêt de dire que l'accord collectif du 4 décembre 1998 relatif à l'exercice du droit syndical au sein de la SA La Poste doit être maintenu jusqu'à son abrogation éventuelle par dénonciation conventionnelle en bonne et due forme ou à l'issue, le cas échéant, d'une procédure contentieuse de fond, alors :
« 1°/ qu'est dépourvue d'objet la requête tendant à obtenir le maintien d'un accord dépourvu de force exécutoire, l'acte abrogeant un tel accord dépourvu, par lui-même, de tout effet juridique ne pouvant créer aucun trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, l'accord collectif conclu le 4 décembre 1998 sur le droit syndical à La Poste étant en lui-même dépourvu de force obligatoire et n'ayant acquis une telle force que par le seul effet de l'instruction du 26 janvier 1999, son abrogation par la décision du 5 avril 2017 ne pouvait créer aucun trouble manifestement illicite ; que par ailleurs, cette décision n'était pas critiquée en ce qu'elle avait abrogé l'instruction du 26 janvier 1999 ayant repris les stipulations de l'accord du 4 décembre 1998 afin de leur conférer une valeur réglementaire ; qu'en retenant néanmoins à l'appui de sa décision que la "dénonciation de l'accord du 4 décembre 1998 constituait un trouble manifestement illicite", la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990" ;
2°/ en toute hypothèse que constitue un acte administratif dont l'abrogation est soumise aux règles de forme et de compétences prévues par le droit administratif, un accord collectif du 4 décembre 1998 gouvernant l'exercice du droit syndical à La Poste, conclu à La Poste non en application de l'article L. 2233-1 du code du travail, mais de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 réglant le droit syndical dans la fonction publique, et destiné à s'appliquer tant aux agents publics qu'aux personnels de droit privé ; qu'en énonçant, pour considérer que l'abrogation de cet accord par décision unilatérale de La Poste caractérisait un trouble manifestement illicite, que "? la dénonciation de l'accord du 4 décembre 1998 est soumise aux dispositions 4 104 du code du travail des articles L. 2261-9 et suivants qui organisent une procédure spécifique, et notamment la mise en oeuvre d'une nouvelle négociation pour remplacer l'accord dénoncé", que La Poste n'avait pas respectée, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 2261-9 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :
5. Saisi par la Cour de cassation (Soc., 22 janv. 2020, pourvoi n° 19-10.041, publié), en application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le Tribunal des conflits a, par arrêt du 6 juillet 2020 (n° 4188), énoncé :
« (...) Pour ce qui concerne spécialement la définition des règles relatives aux conditions matérielles d'exercice du droit syndical au sein de La Poste, faisant l'objet du présent litige, il résulte des dispositions des articles 29 et 31 de la loi du 2 juillet 1990, qui ont été initialement adoptées en 1990 alors que le personnel de La Poste était composé de fonctionnaires et n'ont pas été remises en cause par la suite, notamment pas par la loi du 9 février 2010, que le législateur a entendu écarter l'application à La Poste des dispositions du code du travail relatives aux institutions représentatives du personnel et aux délégués syndicaux ainsi que de celles qui, relatives aux conditions matérielles de l'exercice du droit syndical, n'en sont pas séparables. Il s'ensuit que, en l'état de la législation applicable, la définition des conditions matérielles de l'exercice du droit syndical à La Poste, qui demeurent régies par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et le décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, relève de la compétence administrative, hors le cas où elle ferait l'objet d'un accord conclu sur le fondement de l'article 31-2 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée. Il résulte de ce qui précède que le litige relève de la compétence de la juridiction administrative » (§13 et 14).
6. Conformément à l'article 11 de la loi du 24 mai 1872 relative au Tribunal des conflits, cette décision s'impose à toutes les juridictions judiciaires et administratives.
7. Il s'ensuit qu'en retenant sa compétence pour connaître du litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. Il y a lieu de déclarer la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige ;
RENVOIE les parties à mieux se pourvoir ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens, en ce compris ceux exposés devant les juridictions du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, en ce compris celles formées devant les juridictions du fond ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société La Poste
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence au profit des juridictions de l'ordre administratif soulevée par La Poste ;
AUX MOTIFS propres QUE " La société La Poste soutient que le litige relève de la compétence de la juridiction administrative au motif que les textes qui régissent l'exercice du droit syndical, à savoir la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et l'accord-cadre du 4 décembre 1998 dont le syndicat demande l'application, sont antérieurs à la loi de privatisation de la société de 2010 ;
QUE Le Syndicat pour la Défense des Postiers s'oppose au moyen en faisant valoir que la juridiction administrative reste compétente uniquement pour les questions relatives aux droits et obligations des fonctionnaires et aux litiges relevant de l'organisation du service public, alors que ses demandes sont étrangères à ces questions ;
QU'il ressort en effet des éléments du litige que les parties sont en désaccord sur l'application de l'accord-cadre du 4 décembre 1998 portant Instruction du 26 janvier 1999 relative à l'exercice du droit syndical au sein de La Poste, au titre duquel le Syndicat pour la Défense réclame le bénéfice d'une aide à l'acheminement de ses correspondances, en application de l'annexe A qui définit les droits reconnus aux organisations syndicales ;
QU'afin de mettre un terme au litige qui avait donné lieu à une précédente ordonnance du 27 février 2017 du juge des référés de Paris, La Poste a diffusé le 5 avril 2017 une note de service valant décision unilatérale pour abroger l'accord du 4 décembre 1998 et l'Instruction du 26 janvier 1999 relatifs à l'exercice du droit syndical au sein de l'entreprise, avec effet immédiat ;
QUE cette décision a motivé de la part du SDP une nouvelle saisine de la juridiction de référé du tribunal de grande instance de Paris, dont la compétence est déniée par la société La Poste ;
QU'il sera rappelé que depuis le 1er mars 2010, l'entreprise a changé de statut et est devenue une société anonyme, ce qui signifie qu'elle est désormais soumise à l'application des règles de droit privé sauf en ce qui concerne les questions relatives aux droits et obligations des fonctionnaires et celles relatives à l'organisation du service public, questions qui relèvent seules de la compétence de la juridiction administrative ;
QUE la demande du SDP porte d'une part sur les conditions d'application de l'accord du 4 décembre 1998 définissant les droits des organisations syndicales et d'autre part sur la décision unilatérale du 5 avril 2017 de la société d'abroger l'accord du 4 décembre 1998 avec effet immédiat ;
QUE dès lors que La Poste dispose de la forme juridique de la société anonyme, les litiges portant sur les conditions d'exercice du droit collectif relèvent des dispositions du code du travail sauf à appliquer les règles propres à l'entreprise issues de la période précédant son changement de statut ;
QUE par suite, l'accord du 4 décembre 1998 reste applicable depuis le 1er mars 2010 pour définir les règles spécifiques plus favorables que celles organisées par le code du travail ; que les dispositions du code du travail sont devenues applicables pour régler les questions non fixées par cet accord d'entreprise, et en particulier pour organiser les conditions de la dénonciation de l'accord, les litiges susceptibles de s'élever à cette occasion relevant par suite des juridictions de l'ordre judiciaire ;
QUE La Poste ne précise pas en quoi le litige qui porte sur les droits réclamés par le SDP serait relatif aux droits et obligations des fonctionnaires ou à l'organisation du service public, alors au contraire que l'exercice des droits collectifs des salariés est défini par l'accord du 4 décembre 1998, complété depuis le 1er mars 2010 par les dispositions du code du travail ;
QUE le premier juge a par suite exactement considéré qu'il était compétent pour examiner les demandes du syndicat ;
QUE l'ordonnance du 3 novembre 2017 sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Poste ;
QU'en l'absence d'une difficulté sérieuse, il convient de rejeter la demande de transmission de la question au Tribunal des Conflits" ;
ET AUX MOTIFS adoptés QUE " postérieurement au décret n° 82-447 du 28 mai 1982, relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, la société La Poste est devenue à compter du 1er mars 2010 une société anonyme employant des salariés de droit privé, par application de la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, ayant modifié la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des établissements La Poste et France Télécom ; qu'ainsi transformée depuis le 1er mars 2010 en une personne morale de droit privé, la SA La Poste constitue avec ses filiales « (?) un groupe public qui remplit des missions de service public et d'intérêt général et exerce d'autres activités dans les conditions qui sont définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d'activité » ;
QUE par ailleurs, il n'est pas contestable que l'accord-cadre du 4 décembre 1998 sur l'exercice du droit syndical au sein de la société La Poste, dont la société La Poste a ordonné la suppression et dont le SDP demande le maintien en application, avait vocation à s'appliquer de manière indifférenciée à l'ensemble des personnels de la société La Poste, qu'il s'agisse des agents publics recrutés avant la privatisation et continuant de relever du statut de la fonction publique ou des agents contractuels de droit privé recrutés depuis lors et relevant du domaine des conventions collectives ;
QU'enfin, si l'application du décret précité du 28 mai 1982 peut le cas échéant relever du contrôle contentieux des juridictions de l'ordre administratif, il n'est pas contestable que les décisions accordant ou refusant d'accorder à une organisation syndicale les droits et moyens auxquels elle estime être en droit de prétendre ne constituent que des décisions individuelles ne participant aucunement à l'organisation du service public ;
QUE dans ces conditions, l'exception d'incompétence matérielle des juridictions de l'ordre judiciaire au profit de la compétence matérielle des juridictions de l'ordre administratif telle que soulevée par La Poste sera rejetée" ;
1°) ALORS QU'aux termes des articles 29 et 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, dans leur rédaction applicable au litige, la conclusion à La Poste d'un accord collectif concernant ses personnels de droit public et de droit privé est soumise aux règles de droit public de la négociation collective et non aux règles du droit du travail ; qu'il s'en suit que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître de sa légalité, de son exécution et de son abrogation ; qu'en retenant la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de la légalité de l'abrogation d'un accord collectif conclu à La Poste le 4 décembre 1998 en application de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 et de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et non pas de l'article L.2233-1 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article 33 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III ;
2°) ALORS en outre QUE l'exercice du droit syndical à La Poste n'est pas soumis aux dispositions du code du travail, mais aux dispositions spécifiques de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée et, s'agissant des fonctionnaires, de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; qu'il s'ensuit qu'un accord collectif destiné à régir l'exercice du droit syndical à La Poste, et ayant vocation à s'appliquer indifféremment aux agents de droit public et de droit privé, a la nature d'un acte administratif ; que les litiges élevés sur la conclusion, la mise en oeuvre et l'abrogation d'un tel accord relèvent de la compétence de la juridiction administrative, peu important l'auteur de l'acte abrogatif ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
3°) ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ; qu'en se fondant, pour retenir la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de la légalité de l'abrogation par La Poste d'un accord collectif du 4 décembre 1998, ayant la nature d'un acte administratif, sur la circonstance que "depuis le 1er mars 2010, l'entreprise? est devenue une société anonyme", la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'accord collectif du 4 décembre 1998 relatif à l'exercice du droit syndical au sein de la SA La Poste doit être maintenu jusqu'à son abrogation éventuelle par dénonciation conventionnelle en bonne et due forme ou à l'issue, le cas échéant, d'une procédure contentieuse de fond ;
AUX MOTIFS QU' " en application de l'article 808 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ;
QU'en application de l'article 809, alinéa 1er, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
QU'en l'espèce, l'atteinte aux droits syndicaux qui résulte du refus de l'employeur de mettre en oeuvre les textes régissant le droit collectif de l'entreprise, constitue un trouble manifestement illicite qui justifie la compétence du juge des référés ;
QU'à titre liminaire, il sera constaté que les demandes du SDP, présentées devant la cour, ne portent pas sur l'application de l'accord du 27 janvier 2006 mais sur la dénonciation de l'accord du 4 décembre 1998, de sorte que ces demandes n'ont pas été modifiées et sont recevables ;
QUE les explications développées par La Poste pour justifier l'abrogation immédiate de l'accord du 4 décembre 1998, sont identiques à celles développées pour justifier la compétence de la juridiction administrative, invoquant l'existence d'un acte administratif ;
QUE la dénonciation de l'accord du 4 décembre 1998 est soumise aux dispositions du code du travail des articles L.2261-9 et suivants qui organisent une procédure spécifique, et notamment la mise en oeuvre d'une nouvelle négociation pour remplacer l'accord dénoncé ;
QUE le non-respect de cette procédure étant reconnu par La Poste, le trouble manifestement illicite résultant de la dénonciation irrégulière est établi et l'ordonnance du premier juge doit être confirmée en ce qu'il a considéré que l'accord du 4 décembre 1998 restait applicable (?)" ;
1°) ALORS QU'est dépourvue d'objet la requête tendant à obtenir le maintien d'un accord dépourvu de force exécutoire, l'acte abrogeant un tel accord dépourvu, par luimême, de tout effet juridique ne pouvant créer aucun trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, l'accord collectif conclu le 4 décembre 1998 sur le droit syndical à La Poste étant en lui-même dépourvu de force obligatoire et n'ayant acquis une telle force que par le seul effet de l'instruction du 26 janvier 1999, son abrogation par la décision du 5 avril 2017 ne pouvait créer aucun trouble manifestement illicite ; que par ailleurs, cette décision n'était pas critiquée en ce qu'elle avait abrogé l'instruction du 26 janvier 1999 ayant repris les stipulations de l'accord du 4 décembre 1998 afin de leur conférer une valeur règlementaire ; qu'en retenant néanmoins à l'appui de sa décision que la "dénonciation de l'accord du 4 décembre 1998 constituait un trouble manifestement illicite", la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile, ensemble l'article 31 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
2°) ALORS en toute hypothèse QUE constitue un acte administratif dont l'abrogation est soumise aux règles de forme et de compétences prévues par le droit administratif, un accord collectif du 4 décembre 1998 gouvernant l'exercice du droit syndical à La Poste, conclu à La Poste non en application de l'article L.2233-1 du code du travail, mais de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 réglant le droit syndical dans la fonction publique, et destiné à s'appliquer tant aux agents publics qu'aux personnels de droit privé ; qu'en énonçant, pour considérer que l'abrogation de cet accord par décision unilatérale de La Poste, caractérisait un trouble manifestement illicite, que "?la dénonciation de l'accord du 4 décembre 1998 est soumise aux dispositions du code du travail des articles L.2261-9 et suivants qui organisent une procédure spécifique, et notamment la mise en oeuvre d'une nouvelle négociation pour remplacer l'accord dénoncé", que La Poste n'avait pas respectée, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L.2261-9 du code du travail, ensemble l'article 809 du code de procédure civile.