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26/05/2021 | FRANCE | N°19-23723

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 mai 2021, 19-23723


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 mai 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 385 FS-P

Pourvoi n° D 19-23.723

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021

M. [N] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-23.723 co

ntre l'arrêt rendu le 6 août 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 2), dans le litige l'opposant à Mme [F] [T], domiciliée [...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 mai 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 385 FS-P

Pourvoi n° D 19-23.723

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021

M. [N] [U], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-23.723 contre l'arrêt rendu le 6 août 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 2), dans le litige l'opposant à Mme [F] [T], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [U], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mme [T], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mme Antoine, M. Vigneau, Mmes Bozzi, Poinseaux, Guihal, M. Fulchiron, Mme Dard, conseillers, Mmes Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 6 août 2019), M. [U] et Mme [T] ont vécu en concubinage jusqu'à leur mariage, le [Date mariage 1] 1991, sans contrat préalable.

2. Un jugement du 20 janvier 2000 a prononcé leur divorce et ordonné le partage de leurs intérêts patrimoniaux. Le 9 avril 2008, le notaire désigné a dressé un procès-verbal de difficultés. Le juge commis a constaté la non-conciliation des parties et les a renvoyées devant le tribunal qui, par un jugement du 6 avril 2010, a statué sur les désaccords persistants. Le 24 septembre 2010, les parties ont signé l'acte de partage établi par le notaire.

3. Le 27 octobre 2015, M. [U] a assigné Mme [T] aux fins d'obtenir une indemnité sur le fondement de l'enrichissement sans cause, pour avoir financé, avant le mariage, la maison dont celle-ci est seule propriétaire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. [U] fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables, alors :

« 1°/ que d'une part, en matière de partage judiciaire, l'irrecevabilité des demandes formulées pour la première fois devant le tribunal n'est encourue que si le notaire en charge du projet d'état liquidatif a établi un procès-verbal de difficultés et si le juge commis a transmis un rapport au tribunal ; qu'en retenant qu'en s'abstenant de faire état, tant devant le notaire que devant le tribunal ayant statué le 6 avril 2010, de la créance objet du présent litige, alors même qu'il ne soutient ni ne démontre que le fondement de ses prétentions aurait été révélé postérieurement à la saisine du tribunal, M. [U] n'est plus recevable à agir dans le cadre d'une demande distincte postérieure au partage, en application du principe de concentration des demandes prévu à l'article 1374 du code de procédure civile, pour en déduire que par conséquent, il sera déclaré irrecevable dans ses demandes, la cour d'appel qui n'a pas constaté que le notaire commis avait établi un procès-verbal de dires et de difficultés ni qu'un juge avait été commis et qu'il aurait, après réception du procès-verbal de difficultés, établi un rapport au tribunal des points de désaccords subsistant entre les parties, a violé les articles 1373 et 1374 du code de procédure civile ;

2°/ que d'autre part et subsidiairement, en matière de partage judiciaire, l'irrecevabilité des demandes formulées pour la première fois devant le tribunal n'est encourue que si le notaire en charge du projet d'état liquidatif a établi un procès-verbal de difficultés et si le juge commis a transmis un rapport au tribunal ; qu'en retenant qu'en s'abstenant de faire état, tant devant le notaire que devant le tribunal ayant statué le 6 avril 2010, de la créance objet du présent litige, alors même qu'il ne soutient ni ne démontre que le fondement de ses prétentions aurait été révélé postérieurement à la saisine du tribunal, M. [U] n'est plus recevable à agir dans le cadre d'une demande distincte postérieure au partage, en application du principe de concentration des demandes prévu à l'article 1374 du code de procédure civile, pour en déduire que par conséquent, il sera déclaré irrecevable dans ses demandes, quand seule l'existence d'un procès-verbal de dires et de difficulté établi par le notaire commis et transmis au juge commis en vue de l'établissement d'un rapport au tribunal des points de désaccords subsistant entre les parties, était susceptible de rendre irrecevables les demandes de l'exposant, la cour d'appel qui oppose à l'exposant le fait de s'être abstenu de faire état, tant devant le notaire que devant le tribunal ayant statué le 6 avril 2010, de la créance objet du présent litige, a violé les articles 1373 et 1374 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Lorsque la liquidation des intérêts pécuniaires d'époux a été ordonnée par une décision de divorce passée en force de chose jugée, la liquidation à laquelle il est procédé englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties, y compris les créances nées avant le mariage. Il appartient dès lors à l'époux qui se prétend créancier de l'autre de faire valoir sa créance contre son conjoint lors de l'établissement des comptes s'y rapportant.

6. Après avoir relevé que le jugement de divorce du 20 janvier 2000 avait fait application de l'article 264-1 du code civil, alors en vigueur, selon lequel, en prononçant le divorce, le juge aux affaires familiales ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux et énoncé, à bon droit, que la liquidation, à laquelle il est procédé à la suite du divorce, englobe tous les rapports pécuniaires existant entre les époux et qu'il appartient à celui qui se prétend créancier de son conjoint de faire valoir sa créance lors de l'établissement des opérations de comptes et liquidation, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par le moyen, que M. [U] n'était plus recevable à agir postérieurement au jugement du 6 avril 2010 et à l'acte de partage.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [U] et le condamne à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. [U].

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR confirmé le jugement ayant déclaré M. [U] irrecevable en toutes ses demandes,

AUX MOTIFS QUE l'action de Monsieur [N] [U] est fondée sur l'enrichissement sans cause pour la période antérieure à son mariage avec Madame [F] [T] ; que le premier juge a déclaré son action irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée par le jugement en date du 6 avril 2010 ; qu'il rappelle que cette décision a statué sur l'existence et le montant des créances susceptibles d'être nées entre Monsieur [N] [U] et Madame [F] [T] antérieurement à leur mariage ; que le jugement déféré en conclut que Monsieur [N] [U] qui s'est abstenu de soulever une demande au titre de ses éventuelles créances sur Madame [F] [T] pour la période antérieure au mariage est irrecevable à le faire du fait de l'autorité de la chose jugée par la décision du 6 avril 2010 ; que Monsieur [N] [U], appelant, expose que le jugement du 6 avril 2010 ne peut avoir autorité de la chose jugée quant aux créances de Monsieur [N] [U] antérieures au mariage au motif qu'il n'avait pas formé de demande à ce titre et que par conséquent la décision considérée n'a pas statué sur cet aspect du litige ; que Madame [F] [T], intimée, répond que les demandes de Monsieur [N] [U] sont irrecevables sur le fondement de l'article 1374 du code de procédure civile, en application du principe de la concentration des demandes en matière de partage ; que suivant les dispositions de l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; qu'il est constant que dans la procédure qui a donné lieu au jugement du 6 avril 2010, Monsieur [N] [U] n'a pas formé de demandes relatives aux créances qu'il aurait, quel qu'en soit le fondement juridique, au titre de la période antérieure au mariage ; que par suite, le jugement du 6 avril 2010 ne saurait avoir autorité de la chose jugé relativement à ces créances puisque n'étant saisi d'aucune demande, il n'a pas statué de ce chef ; que cependant, suivant les dispositions de l'article 1374 du code de procédure civile issues de la loi du 23 juin 2006, applicables aux indivisions existantes non encore partagées au 1er janvier 2017, toutes les demandes faites en application de l'article 1373 entre les mêmes parties, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, ne constituent qu'une seule instance ; que toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l'établissement du rapport par le juge commis ; que ces dispositions sont applicables au litige opposant les parties, qui n'avaient pas procédé au partage le 1er janvier 2007 ; que les dispositions de l'article 1373 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au présent litige prévoient les conditions de saisine du tribunal en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux ; que par ailleurs, le divorce a été prononcé le 20 janvier 2000, faisant application des dispositions de l'article 264-1 du code civil alors en vigueur, suivant lesquelles, en prononçant le divorce, le juge aux affaires familiales ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux ; qu'ainsi, la liquidation à laquelle il est procédé à la suite du divorce englobe tous les rapports pécuniaires entre les époux ; qu'il appartient dès lors à l'époux qui se prétend créancier de l'autre de faire valoir sa créance lors de l'établissement des opérations de comptes et liquidation, l'article 1374 ci-dessus instituant une obligation de concentration des demandes en matière de liquidation et partage ; que c'est d'ailleurs en application de ces dispositions que Madame [F] [T] a fait valoir les créances dont elle se disait créancière dans l'instance ayant donné lieu au jugement rendu le 6 avril 2010 ; qu'en s'abstenant de faire état, tant devant le notaire que devant le tribunal ayant statué le 6 avril 2010, de la créance objet du présent litige, alors même qu'il ne soutient ni ne démontre que le fondement de ses prétentions aurait été révélé postérieurement à la saisine du tribunal , Monsieur [N] [U] n'est plus recevable à agir dans le cadre d'une demande distincte postérieure au partage, en application du principe de concentration des demandes prévu à l'article 1374 du code civil ; que par conséquent, il sera déclaré irrecevable dans ses demandes ; que la décision déférée sera confirmée mais par substitution de motifs ;

ALORS D'UNE PART QU' en matière de partage judiciaire, l'irrecevabilité des demandes formulées pour la première fois devant le tribunal n'est encourue que si le notaire en charge du projet d'état liquidatif a établi un procès-verbal de difficultés et si le juge commis a transmis un rapport au tribunal ; qu'en retenant qu'en s'abstenant de faire état, tant devant le notaire que devant le tribunal ayant statué le 6 avril 2010, de la créance objet du présent litige, alors même qu'il ne soutient ni ne démontre que le fondement de ses prétentions aurait été révélé postérieurement à la saisine du tribunal , Monsieur [N] [U] n'est plus recevable à agir dans le cadre d'une demande distincte postérieure au partage, en application du principe de concentration des demandes prévu à l'article 1374 du code (de procédure) civil(e), pour en déduire que par conséquent, il sera déclaré irrecevable dans ses demandes, la cour d'appel qui n'a pas constaté que le notaire commis avait établi un procès-verbal de dires et de difficultés ni qu'un juge avait été commis et qu'il aurait, après réception du procès-verbal de difficultés, établi un rapport au tribunal des points de désaccords subsistant entre les parties, a violé les articles 1373 et 1374 du code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART et subsidiairement QU' en matière de partage judiciaire, l'irrecevabilité des demandes formulées pour la première fois devant le tribunal n'est encourue que si le notaire en charge du projet d'état liquidatif a établi un procès-verbal de difficultés et si le juge commis a transmis un rapport au tribunal ; qu'en retenant qu'en s'abstenant de faire état, tant devant le notaire que devant le tribunal ayant statué le 6 avril 2010, de la créance objet du présent litige, alors même qu'il ne soutient ni ne démontre que le fondement de ses prétentions aurait été révélé postérieurement à la saisine du tribunal, Monsieur [N] [U] n'est plus recevable à agir dans le cadre d'une demande distincte postérieure au partage, en application du principe de concentration des demandes prévu à l'article 1374 du code (de procédure) civil(e), pour en déduire que par conséquent, il sera déclaré irrecevable dans ses demandes, quand seule l'existence d'un procès-verbal de dires et de difficulté établi par le notaire commis et transmis au juge commis en vue de l'établissement d'un rapport au tribunal des points de désaccords subsistant entre les parties, était susceptible de rendre irrecevables les demandes de l'exposant, la cour d'appel qui oppose à l'exposant le fait de s'être abstenu de faire état, tant devant le notaire que devant le tribunal ayant statué le 6 avril 2010, de la créance objet du présent litige, a violé les articles 1373 et 1374 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-23723
Date de la décision : 26/05/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Effets - Liquidation du régime matrimonial - Créance d'un époux contre l'autre - Demande - Moment - Détermination - Portée

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Créance d'un époux contre l'autre - Demande formée après le jugement ayant statué sur les intérêts patrimoniaux et après l'acte de partage - Recevabilité (non) DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Règles spécifiques au divorce - Effets du divorce - Effets à l'égard des époux - Effets quant aux biens - Point de départ - Détermination - Portée

Lorsque la liquidation des intérêts pécuniaires d'époux a été ordonnée par une décision de divorce passée en force de chose jugée, la liquidation à laquelle il est procédé englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties, y compris les créances nées avant le mariage. Il appartient dès lors à l'époux qui se prétend créancier de l'autre de faire valoir sa créance contre son conjoint lors de l'établissement des comptes s'y rapportant. Après avoir relevé que le jugement de divorce avait fait application de l'ancien article 264-1 du code civil, applicable du 1er février 1994 au 31 décembre 2004, selon lequel, en prononçant le divorce le juge aux affaires familiales ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux, et énoncé à bon droit que cette liquidation englobe tous les rapports pécuniaires existant entre les époux et qu'il appartient à l'époux qui se prétend créancier de son ancien conjoint de faire valoir sa créance lors de l'établissement des opérations de comptes et liquidation, une cour d'appel en a déduit exactement que l'ancien époux n'était plus recevable à agir après le jugement ayant statué sur les intérêts patrimoniaux et après la signature de l'acte de partage


Références :

article 264-1 du code civil, dans sa rédaction applicable du 1er février 1994 au 31 décembre 2004.

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 06 août 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 mai. 2021, pourvoi n°19-23723, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.23723
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