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26/05/2021 | FRANCE | N°19-22842

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 mai 2021, 19-22842


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 mai 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 395 F-D

Pourvoi n° W 19-22.842

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021

1°/ Mme [D] [V], domiciliée [Adresse 1],

2°/ Mme [R] [V], épouse

[A], domiciliée [Adresse 2],

3°/ Mme [I] [V], épouse [R], domiciliée [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° W 19-22.842 contre l'arrêt rendu le 18 juin...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

NL4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 mai 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 395 F-D

Pourvoi n° W 19-22.842

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021

1°/ Mme [D] [V], domiciliée [Adresse 1],

2°/ Mme [R] [V], épouse [A], domiciliée [Adresse 2],

3°/ Mme [I] [V], épouse [R], domiciliée [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° W 19-22.842 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [A] [V], domiciliée [Adresse 4],

2°/ à M. [N] [V], domicilié [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de Mmes [D], [R] et [I] [V], de Me Le Prado, avocat de Mme [A] [V], de M. [N] [V], après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Mouty-Tardieu, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 juin 2019), [P] [S] est décédée le [Date décès 1] 2010, laissant pour lui succéder trois filles, [D], [R] et [I] [V], et deux petits-enfants venant par représentation de leur père prédécédé, [N] et [A] [V].

2. Des difficultés sont survenues au cours des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mmes [D], [R] et [I] [V] font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en partage et de rejeter leur demande tendant à la condamnation de Mme [A] [V] et de M. [N] [V] à leur payer des dommages-intérêts pour rétractation abusive d'une offre, alors « que la rétractation d'une offre n'est efficace que lorsqu'elle est non équivoque et traduit de façon certaine la volonté de son auteur de ne plus être lié en cas d'acceptation ; qu'en l'espèce, le 16 juillet 2015, M. [N] [V] et Mme [A] [V] ont adressé à Mmes [D] , [R] et [I] [V] une offre de transaction dépourvue de délai d'acceptation, relative au différend les opposant sur la liquidation de la succession de Mme [S] ; qu'aux termes de cette offre, les offrants renonçaient, en cas d'acceptation, « à tout droit, instance, action ou prétention quelle qu'en soit la nature » relatif à la succession de Mme [S] ; que cette offre a été acceptée le 20 août 2015 par Mmes [V] ; qu'en jugeant toutefois que la transaction n'avait pas été formée au motif que le 4 août 2015, avant toute acceptation, M. [N] [V] et Mme [A] [V] avaient rétracté leur offre en assignant Mmes [V] devant le tribunal de grande instance de Brest, tandis que cette assignation ne constituait pas une rétractation de l'offre de transaction du 16 juillet 2015, car elle ne traduisait pas de façon certaine et non équivoque la volonté des offrants de ne plus être liés en cas d'acceptation, la cour d'appel a violé l'article 1101 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 2044 et 2052 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le 16 juillet 2015, M. [N] [V] et Mme [A] [V] avaient adressé à leurs tantes, par l'intermédiaire de leurs conseils, une proposition d'accord transactionnel, en mentionnant expressément que le versement des fonds devait intervenir avant le 25 juillet, la cour d'appel a pu en déduire qu'en les assignant en partage le 4 août 2015, avant toute régularisation du protocole et encaissement de sommes, ils avaient valablement rétracté leur offre.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mmes [D], [R] et [I] [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [D], [R] et [I] [V] et les condamne à payer à M. [N] [V] et Mme [A] [V] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mmes [D] , [R] et [I] [V],

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action en partage introduite par Mme [A] [V] et M. [N] [V], et d'avoir débouté Mmes [D], [R] et [I] [V] de leur demande de dommages et intérêts pour rétractation abusive de l'offre ;

AUX MOTIFS QUE sur l'irrecevabilité des demandes de M. [N] [V] et Mme [A] [V] pour défaut de droit d'agir : aux termes de l'article 2044 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 novembre 2016 : « La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit » ; qu'aux termes de l'article 2052 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 novembre 2016 : « Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. (...) » ; que Mmes [V] considèrent qu'il a été transigé, dès lors que le protocole n'était enfermé dans aucun délai, qu'il n'a pas été rétracté avant sa régularisation le 20 août 2015, et qu'il a reçu exécution ; que M. [N] et Mme [A] [V] soutiennent qu'il n'y a pas eu de transaction dès lors qu'il était prévu que l'encaissement des fonds devait intervenir en CARPA avant le 25 juillet 2015, et qu'en tout état de cause, ils se sont rétractés le 4 août 2015 en assignant avant toute régularisation par l'autre partie ; que ceci étant exposé : par lettre du 16 juillet 2015, le conseil de [N] et [A] [V] a adressé à celui de Mmes [V] un protocole transactionnel qui ne prévoyait aucun moratoire, et pouvait dès lors être rétracté à tout moment tant qu'il n'avait pas été régularisé ; que ce protocole était accompagné d'une lettre qui demandait la confirmation d'un encaissement en CARPA de sommes dues par Mmes [V] et ajoutait qu'à défaut de signatures et encaissement des fonds, [N] et [A] [V] considéreront que la partie adverse n'a pas l'intention de régler les sommes dues et ont donné à leur conseil l'instruction d'assigner sans délai ; qu'en assignant le 4 août 2015, avant tout régularisation du protocole et encaissement de sommes, [N] et [A] [V] se sont rétractés de leur proposition, comme ils en avaient la possibilité ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action recevable après avoir constaté qu'il n'y avait pas eu de transaction antérieure ; que sur la demande indemnitaire au titre de la rupture abusive de pourparlers : M. [N] et [A] [V] ont agi après un délai de quinze jours suivant leur proposition d'accord, ce qui est un délai raisonnable en matière de transaction et alors qu'ils avait annoncé une assignation « sans délai » à défaut de signature et d'encaissement des fonds ; qu'en agissant ainsi, ils n'ont commis aucun abus dans la rupture de pourparlers et Mmes [V] seront déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE par l'intermédiaire de leur conseil, M. [N] [V] et Mme [A] [V] ont fait parvenir le 16 juillet 2015 au conseil des défenderesses une proposition de régularisation d'un protocole transactionnel ; qu'il était expressément mentionné que le versement des fonds devraient être effectués avant le 25 juillet 2015 ; que le conseil des demandeurs précisait en outre qu'à défaut, il était mandaté par ses clients pour engager une procédure judiciaire en délivrant une assignation au fond ; que les défenderesses ont régularisé le protocole d'accord le 20 août 2015 ; que cependant, M. [N] [V] et Mme [A] [V] leur avait fait délivrer une assignation en partage le 4 août 2015, caractérisant ainsi le retrait de leur offre de régularisation du protocole d'accord ; que la proposition des demandeurs ayant été retirée avant la signature du protocole d'accord par les défendeurs, aucune rencontre de volonté n'est intervenue de sorte que la transaction n'a pas été valablement été régularisée ; que la présente action est en conséquence recevable ;

1°) ALORS QUE la rétractation d'une offre n'est efficace que lorsqu'elle est non équivoque et traduit de façon certaine la volonté de son auteur de ne plus être lié en cas d'acceptation ; qu'en l'espèce, le 16 juillet 2015, M. [N] [V] et Mme [A] [V] ont adressé à Mmes [D], [R] et [I] [V] une offre de transaction dépourvue de délai d'acceptation, relative au différend les opposant sur la liquidation de la succession de Mme [S] ; qu'aux termes de cette offre, les offrants renonçaient, en cas d'acceptation, « à tout droit, instance, action ou prétention quelle qu'en soit la nature » relatif à la succession de Mme [S] ; que cette offre a été acceptée le 20 août 2015 par Mmes [V] ; qu'en jugeant toutefois que la transaction n'avait pas été formée au motif que le 4 août 2015, avant toute acceptation, M. [N] [V] et Mme [A] [V] avaient rétracté leur offre en assignant Mmes [V] devant le tribunal de grande instance de Brest, tandis que cette assignation ne constituait pas une rétractation de l'offre de transaction du 16 juillet 2015, car elle ne traduisait pas de façon certaine et non équivoque la volonté des offrants de ne plus être liés en cas d'acceptation, la cour d'appel a violé l'article 1101 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 2044 et 2052 du code civil ;

2°) ALORS SUBSIDIAREMENT QU' une offre dépourvue de délai d'acception ne peut être rétractée qu'à l'issue d'un délai raisonnable, sauf pour son auteur à engager sa responsabilité extracontractuelle ; que la durée de ce délai doit être appréciée en fonction de la nature et de l'importance de l'offre émise par le pollicitant, ainsi que des circonstances factuelles dans lesquelles elle a été adressée à son destinataire ; qu'en l'espèce, à supposer que l'offre de transaction émise le 16 juillet 2015 ait été rétractée le 4 août 2015, Mmes [V], destinataires de l'offre, soutenaient que les offrants n'avaient pas respecté le délai raisonnable nécessairement contenu dans toute offre non assortie d'un délai précis, car l'offre de transaction avait été rétractée seulement dix-neuf jours après son émission, en période de vacances estivales ; qu'en jugeant toutefois abstraitement que « les offrants avaient agi après un délai de quinze jours suivant leur proposition d'accord, ce qui est un délai raisonnable en matière de transaction », sans répondre aux conclusions (p. 21 et 22) les invitant à tenir compte concrètement de l'importance et de la complexité de cette offre transactionnelle, présentée dans un document de sept pages, et du fait que celle-ci avait été adressée à ses destinataires en période de vacances estivales, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du testament olographe de Mme [P] [S] ;

AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article 970 du code civil : « Le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme » ; que Mmes [V] se prévalent d'un testament olographe de Mme [S] les désignant légataires universelles ; qu'il est produit aux débats : *un testament rédigé sur une première feuille pour son contenu et dont la date « le 13 septembre 2005 » se trouve sur la page suivante ; qu'aucun élément ne permet de relier les deux feuilles ; qu'au surplus, il n'est pas signé mais se termine par la formule « Maman qui vous aime très fort » ; qu'ainsi, ce testament ne remplit pas les conditions de validité exigées par l'article 970 du code civil, *le même testament portant le tampon de M. [O] (notaire)
les feuillets étant agrafés ; que pour les motifs précédemment expliqués, le tampon du notaire ne confère pas à ce testament sa validité ; *le même testament, imprimé sur un seul feuillet recto verso, la date figurant au verso, annexé à la minute d'un acte établi par Mme [I] (notaire) le 26 septembre 2017 ; que cet acte relate que le testament a été confié à l'office notarial le 13 septembre 2005, qu'il est rédigé sur une feuille de papier blanc et commençant par les mots « Je soussigné, Mme [W] » et se terminant par les mots « [Localité 1] le 13 septembre 2005 » et la signature ; que force est de constater que la description faite du testament ne correspond pas au testament annexé, en ce que la date ne précède pas la signature mais se trouve isolée au verso et de plus, que l'acte n'est pas signé mais terminé par la formule « Maman qui vous aime très fort » ; qu'en l'absence de signature, il ne peut y être suppléé par des éléments de nature à identifier l'auteur du testament, la signature étant seule la marque de l'approbation personnelle et définitive du contenu de l'acte et de la volonté de s'en approprier les termes ; que par voie de conséquence, la copie annexée à l'acte du notaire ne permet pas, nonobstant la description qui en est faite par Mme [I] de dire que le testament réunit les conditions de validité prévues à l'article 970 du code civil ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a annulé le testament ;

ALORS QUE le testament olographe est valable s'il est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; que le testament est valide lorsque le testateur mentionne ses nom, prénom et domicile sans utiliser sa signature habituelle, dès lors que celle-ci constitue la marque d'une approbation personnelle et définitive du contenu de l'acte par le testateur, et de sa volonté de s'en approprier les termes ; qu'en l'espèce, Mme [S] a légué à ses trois filles, par testament olographe, l'ensemble des biens composant son patrimoine ; que ce testament olographe, entièrement rédigé par Mme [S], remplit l'ensemble des conditions nécessaires à sa validité car il indique le nom du testateur (Mme [W] née [P] [S]), sa date de naissance (28 avril 1929), son domicile ([Adresse 6], et la date à laquelle il a été établi (le 13 septembre 2005) ; que ce testament est en outre signé de la main de Mme [S] par la mention « Maman qui vous aime très fort », laquelle est soulignée par un trait et se situe à la fin de l'acte ; qu'en jugeant toutefois que le testament olographe était nul au motif inopérant que sa date ne précède pas la signature et se trouve isolée au verso de l'acte, et au motif erroné qu'il n'avait pas été signé, tandis que la mention « Maman qui vous aime très fort » constituait la marque d'une approbation personnelle et définitive du contenu de l'acte rédigé par le testateur, et de sa volonté de s'en approprier les termes, la cour d'appel a violé l'article 970 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fait application des règles du recel successoral aux donations en date du 4 mai 2014 et du mois de mars 2008 dont Mme [D] [V] divorcée [U], Mme [R] [V] veuve [A] et Mme [I] [V] épouse [R] ont bénéficié pour un montant total de 72.689 euros chacune, et d'avoir dit que mesdames [V] ne pourraient prétendre à aucune part dans le montant des donations ainsi rapportées pour un total de 218.067 ? ;

AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article 778 du code civil : « Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession » ; que Mmes [D], [R] et [I] [V] ont reçu chacune de leur mère des dons manuels : Le 7 mai 2004, elles ont reçu chacune la somme de 42 689 ? ; qu'en mars 2008, elles ont reçu chacune la somme de 30 000 ? ; qu'elles soutiennent que M. [O] (notaire) chargé initialement du règlement de la succession en avait été avisé en 2010, et que l'ignorance dans laquelle leurs neveux ont été laissés ne résulte que d'une mauvaise information lors de la reprise du dossier de succession par Mme [I] (notaire) ; qu'elles produisent une attestation sur l'honneur de Mme [S] faisant état de ces donations à [D] [V] et portant de la main de cette dernière : « Remis à M. [B] [O] (notaire) pour être rapporté à la succession (...) le 13 décembre 2010 » ; qu'elles contestent avoir menti en disant ignorer ce qu'il était advenu du prix de vente du bien immobilier et produisent une attestation du 22 janvier 2004 dans laquelle le directeur du Crédit Agricole de Plouescat déclare que la banque détenait «dans ses livres différents placements dont l'encours global s'élève à ce jour à la somme de 126 000 euros » ; que [N] et [A] [V] entendent rapporter la preuve d'un recel ; que ceci étant exposé : dans une attestation du 31 mars 2018, M. [O] déclare : « Je soussigné, M. [B] [O], Notaire honoraire, déclare par la présente, alors que j'étais en activité en qualité de notaire à [Adresse 7], comme successeur de M. [B] (notaire), et antérieurement de Maître [H] (notaire) avoir été chargé du règlement de la succession de Mme [P] [S] veuve en deuxième noces de M. [E] [W], décédé le [Date décès 1] 2010. Je confirme que Mme [D] [V] a porté à ma connaissance en date du 13 décembre 2010 l'existence de dons manuels faits à elle-même et à ses soeurs par la défunte et rapportables à la succession ainsi que je lui ai expliqué. Par suite d'un problème de santé début 2011, j'ai dû abandonner ma charge et demander au Président de la Chambre des Notaires du Finistère de faire nommer un Notaire suppléant de mon office, lequel a repris l'intégralité de mes dossiers en cours ce qui a pu expliquer certains retards et défauts de communication dans le traitement ultérieur de ce dossier de succession. J'affirme qu'il n'a pu, à ma connaissance, être dans l'intention des héritières de dissimuler frauduleusement ces libéralités. En foi de quoi, j'ai délivré la présente attestation afin de servir et valoir ce que de droit » ; que dans une attestation sur l'honneur du 13 décembre 2010, produite par Mmes [V], [D] [V] a déclaré renoncer au bénéfice du testament et accepter que sa part soit calculée sur 5% du patrimoine restant, indiquant « les menaces verbales et accusations outrancières de Mme [A] ([R] [V]) dans le bureau de M. [O], m'obligent à prendre cette décision » ; que [N] et [A] [V] produisent aux débats : *une lettre 31 décembre 2010 par laquelle Me B. les informe, quinze jours après qu'il a reçu [D] [V] de l'actif de la succession et du montant de leurs droits, à hauteur de 5 000 ? chacun, sans faire aucunement mention des donations rapportables ; *une lettre du 1er décembre 2011 de M. [O] dans laquelle le notaire répond au conseil de [N] et [A] [V] ; que Me [O] écrit « Concernant la vente de la maison en 2004, il ressort que la défunte avait perçu la somme dont elle a disposé librement, les droits des héritiers n'étant ouverts qu'à compter du décès. Il semble difficile voire impossible de vérifier l'utilisation qu'elle en a faite ; les héritiers n'ont aucun recours sauf à justifier de donation faite en avance sur l'héritage. (..)'Afin de permettre la clôture de cette succession, je vous demanderais d'intervenir auprès de vos clients afin qu'ils ramènent les procurations en leur possession » ; qu'il est joint à cette lettre celles de [D] et [R] [V] qui déclarent toutes deux ne pas connaître la destination des fonds issus de la vente du domicile de leur mère : *la lettre adressée à leur conseil le 25 avril 2013 par le Crédit Agricole du Finistère, qui comprend, « après recherches effectuées » la copie des trois chèques de 42 689 ? rédigés par la défunte à l'ordre de chacune de ses trois filles ; *la lettre du 23 janvier 2014 adressée par le Mme [I] au conseil de [N] et [A] [V] pour l'informer de ce que [I] et [D] [V] lui avaient fait part d'un don à chacune de 30 000 ? et de ce qu'il interrogeait [R] [V] pour savoir si un tel don lui avait aussi était fait ; qu'il ressort de l'attestation sur l'honneur de [D] [V] que lors de l'ouverture des opérations de succession, les relations entre les filles de la défunte étaient, pour le moins, peu propices à la transparence ; qu'en tout état de cause, à supposer que M. [O] ait été effectivement avisé de l'existence des dons manuels, il les a passés sous silence par deux fois dans ses correspondances aux autres héritiers, et a prétendu clôturer ainsi les opérations successorales, ce qu'il ne pouvait faire sans l'accord de ses mandantes ; qu'il importe peu que les donations de 2004 proviennent ou non du produit de la vente du bien immobilier, dès lors que ce n'est qu'en 2014 qu'il a été fait état de toutes les donations à [N] et [A] [V] après qu'ils ont retrouvé la preuve de celles de 2004 auprès de l'établissement bancaire ; que l''intention du recel est démontrée par la succession des faits, qui établissent que ce n'est que par leur pugnacité alors que les opérations de successions étaient ouvertes que [N] et [A] [V] ont eu connaissance de l'existence et du montant de donations rapportables faites à leurs tantes ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné Mmes [D], [R] et [I] [V] à rapporter chacune la somme de 72 689 ? et appliqué à cette somme les dispositions de l'article 778 du code civil ; qu'il résulte des dispositions de l'article 866 du code civil que les sommes rapportables produisent intérêts au taux légal, sauf stipulation contraire ; que ces intérêts courent depuis l'ouverture de la succession lorsque l'héritier en était débiteur envers le défunt et à compter du jour où la dette est exigible, lorsque celle-ci est survenue durant l'indivision ; qu'en l'espèce, les sommes étant exigibles depuis l'ouverture de la succession de Mme [S], le 23 novembre 2010, elle porteront intérêts au taux légal à compter de cette date ; que le jugement qui a omis de statuer sur ce chef de demande sera complété en ce sens ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' en l'espèce, il est établi que Mmes [V] ont bénéficié le 7 mai 2004 de donations de leur mère d'un montant de 42.689 ? chacune à la suite de la vente de sa maison ; qu'elles ont également bénéficié de donations en mars 2008 de 30.000 euros chacune ;

qu'il appartient à Mme [A] [V] et M. [N] [V] de démontrer que les défenderesses ont sciemment entendu dissimuler dans le cadre du règlement de la succession l'existence de ces donations ; qu'à ce titre, il ressort des pièces versées aux débats que, par courrier du 31 août 2011, le conseil des demandeurs a sollicité de M. [O], notaire à [Adresse 7] en charge du règlement de la succession, afin d'obtenir des informations sur la succession de Mme [S] et notamment l'emploi des fonds provenant de la vente de la maison intervenue en 2004 ; que par courrier en réponse du 9 septembre 2011, M. [O] a indiqué interroger Mme [D] [U], Mme [R] [A] et Mme [I] [R], filles de la défunte sur ce point ; que le 1er décembre 2011, M. [O] va par la suite transmettre la réponse écrite de Mme [U] en date du 10 septembre 2011 aux termes de laquelle elle indique : « emploi de fonds vente domicile de Mme [S] en 2004. Maman était légataire universelle de son second époux, [E] [W] et a dirigé seule, la vente de la maison. La signature s'est faite à l'étude de M. [B] » ; que de même, par courrier du 12 septembre 2011, Mme [A] explique que « pour ce qui concerne l'emploi des fonds actifs de maman je ne saurais vous répondre car maman a toujours géré toute seule la vente de sa maison et ses comptes » ; qu'en revanche, aucun courrier de Mme [R] n'est produit ; que M. [O] va ainsi préciser dans son courrier en réponse du 1er décembre 2011 que la défunte a perçu la somme dont elle a disposé librement ; qu'il en résulte qu'interrogée sur ce point, tant Mme [U], Mme [A] que Mme [R], qui ne contestent pas avoir été interrogés par le notaire, se sont tues sur l'existence de ces donations ; qu'elles ne vont en reconnaître que l'existence qu'à la suite de recherches effectuées par les demandeurs qui vont en obtenir le 25 avril 2013 la copie des chèques établis par la défunte le 7 mai 2004 ; que de même, interrogées sur l'actif de la succession, elles n'ont pas mentionné l'existence des donations de 30.000 euros intervenues en mars 2008 à leur profit ; que pour écarter toute intention de dissimuler l'existence de ces donations, elles affirment que M. [O] était informé de l'existence de ces donations, Mme [U]-[V] indiquant notamment lui avoir transmis le 13 décembre 2010 la copie d'un courrier de Mme [P] [W] [S] du 2 avril 2008, confirmant l'existence de ces donations ; qu'elles soutiennent alors qu'une erreur de communication est intervenue dont elles ne peuvent être tenues pour responsables ; que cependant, elles ne rapportent pas la preuve de la communication d'une telle pièce, la simple mention manuscrite de la date de dépôt de ce courrier effectuée par Mme [U]-[V] étant insuffisante pour l'établir ; qu'en outre, la teneur des courriers adressés en réponse à la sollicitation de M. [O] ne prête pas à confusion sur le fait qu'elles se sont gardées de répondre aux interrogations précises des autres héritiers ; qu'il convient alors de considérer que Mme [U]-[V], Mme [A] mais également Mme [R], qui a gardé un silence fautif, ont sciemment cacher l'existence des donations dont elles ont bénéficié et dont elles n'ignoraient pas l'existence ; qu'il convient en conséquence d'appliquer les règles du recel successoral sur les donations que les défenderesses ont dissimulées ; qu'elles seront tenues de rapporter à la succession chacune la somme de 72.689 ? avec intérêts au taux légal à compter de l'ouverture de la succession le 23 novembre 2010 ; qu'elles seront en outre privées de tout part sur ces sommes ;

ALORS QU' un héritier ne peut être frappé des peines du recel successoral que lorsqu'est apportée la preuve de son intention frauduleuse ; que l'intention frauduleuse du recel successoral suppose la conscience du caractère répréhensible de l'acte ; qu'en l'espèce, Mmes [D], [R] et [I] [V] ont bénéficié de dons manuels de leur mère pour un montant total de 72.689 ? chacune ; que peu après l'ouverture de la succession de leur mère, Mmes [V] ont porté à la connaissance du notaire en charge du règlement de cette succession, M. [O], l'existence de ces dons manuels ; que pour en rapporter la preuve, elles ont produit une attestation rédigée par M. [O] aux termes de laquelle il a déclaré : « Je confirme que Mme [D] [V] a porté à ma connaissance en date du 13 décembre 2010 l'existence des dons manuels faits à elle-même et ses soeurs, rapportables à la succession ainsi que je lui ai expliqué » ; que M. [O] a précisé dans cette attestation que le fait que ces donations n'aient pas été mentionnées durant la liquidation de la succession était imputable à son état de santé l'ayant obligé à faire nommer un notaire suppléant au début de l'année 2011 : « Par la suite d'un problème de santé en 2011, j'ai dû demander au président de la chambre des notaires de faire nommer un notaire suppléant de mon office, lequel a repris, l'intégralité de
mes dossiers en cours, ce qui peut expliquer certains retards et défauts de communication dans le traitement ultérieur du dossier » ; qu'en faisant toutefois application des règles du recel successoral à l'égard de Mmes [V], au motif inopérant que « l'intention du recel était démontrée par la succession des faits, qui établissent que ce n'est que par leur pugnacité que [N] et [A] [V] ont eu connaissance de l'existence et du montant de donations rapportables faites à leurs tantes », sans rechercher s'il ressortait de cette attestation du notaire qu'il ne pouvait être reproché à Mmes [V] d'avoir volontairement dissimulé l'existence des donations dont elles avaient bénéficié afin de déséquilibrer le partage successoral à leur profit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 970 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-22842
Date de la décision : 26/05/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 18 juin 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 mai. 2021, pourvoi n°19-22842


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.22842
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