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26/05/2021 | FRANCE | N°19-20410

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 mai 2021, 19-20410


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 mai 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 397 F-D

Pourvoi n° C 19-20.410

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021

1°/ La société International Exhibits Holding Aps, société de droit dan

ois,

2°/ la société United Exhibits Group Adm Aps, société de droit danois,

dont leur siège est [Adresse 1] (Danemark),

3°/ la société Iraq Cu...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 mai 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 397 F-D

Pourvoi n° C 19-20.410

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 MAI 2021

1°/ La société International Exhibits Holding Aps, société de droit danois,

2°/ la société United Exhibits Group Adm Aps, société de droit danois,

dont leur siège est [Adresse 1] (Danemark),

3°/ la société Iraq Cultural Project Organisation, société de droit irakien, dont le siège est [Adresse 2] (Iraq),

ont formé le pourvoi n° C 19-20.410 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige les opposant :

1°/ à The Ministry of Culture of the Républic of Iraq, pris en la personne de M. [M] [G],

2°/ à The Ministry of Culture of the Republic of Iraq,

dont leur siège est [Adresse 3], Bagdad (Iraq),

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société International Exhibits Holding, de la société United Exhibits Group, et de la société Iraq Cultural Project Organisation, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de The Ministry of Culture of the Républic of Iraq, après débats en l'audience publique du 30 mars 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 2019), le ministère de la culture irakien a conclu un contrat pour la réalisation d'une exposition itinérante d'objets archéologiques avec la société danoise United Exhibits Group Holding (UEGH) ainsi que la société irakienne Iraq Cultural Project Organisation (ICPO), dont il était prévu la constitution par une société holding danoise encore à créer, International Exhibits Holdings (IEH).

2. Après la résiliation unilatérale du contrat par le ministère de la culture irakien, les sociétés IEH, ICPO et UEG Exhibits Group ADM (ADM), créée entre le dépôt de bilan et la liquidation de la société UEGH, ont introduit une demande d'arbitrage devant la Chambre de commerce internationale, organisme visé par la convention d'arbitrage du contrat.

3. Par une sentence rendue à Paris le 10 juillet 2015, le tribunal arbitral s'est déclaré incompétent à l'égard des sociétés IEH et ADM.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Les sociétés IEH, ADM et ICPO font grief à l'arrêt de rejeter leurs recours, alors :

« 1°/ que lorsqu'une société crée une entité, laquelle est partie à la convention comportant la clause d'arbitrage, qu'elle détient la totalité du capital de cette entité et qu'elle assure le financement de l'opération visée à la convention assorti de la clause d'arbitrage, cette société doit être regardée comme impliquée dans l'exécution de la convention, et à ce titre, tenue par la clause d'arbitrage ; qu'en l'espèce, il est constant qu'ICPO était partie à la convention du 20 juillet 2004, comportant la clause d'arbitrage, qu'elle a été créée par IEH, qui détenait 100 % de son capital, et que l'opération visée à la convention du 20 juillet 2004 a été financée par IEH ; qu'en refusant de considérer qu'IEH pouvait invoquer la clause d'arbitrage pour avoir été directement impliquée dans l'exécution de la convention, les juges du fond ont violé l'article 1520, 1°, du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel l'effet de la clause d'arbitrage s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution de la convention ;

2°/ qu'en se bornant à mettre seulement en avant, au moment où elle se déterminait, la participation financière d'IEH à l'opération, sans rapprocher cette circonstance de la création d'ICPO par IEH et de la détention de la totalité du capital d'ICPO par IEH et, de façon plus générale, de l'insertion d'ICPO dans le groupe auquel IEH elle-même appartenait, la cour d'appel a, à tout le moins, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1520 1°, du code de procédure civile ainsi qu'au regard du principe suivant lequel l'effet de la clause d'arbitrage s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution de la convention. »

Réponse de la Cour

6. Ayant constaté que la société IEH, dont la création était prévue par le contrat, n'était pas partie à celui-ci comme l'était la société ICPO dont la création était également envisagée dans le contrat par la future société IEH, et retenu que le contrat avait pour objet la réalisation de l'exposition et non le montage financier auquel participait la société IEH, la cour d'appel a justement déduit de l'examen concret de la situation d'espèce que la société IEH n'était pas partie à la clause d'arbitrage applicable au contrat.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. Les sociétés IEH, ADM et ICPO font le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'implication dans l'exécution d'une convention, tout spécialement lorsqu'elle est le fait d'une entité appartenant au même groupe qu'une partie originaire, autorise l'invocation de la clause d'arbitrage ; qu'en l'espèce, il a été constaté qu'UEG ADM, appartenant au même groupe qu'UEGH et ICPO, avait été impliquée dans l'exécution de la convention du 20 juillet 2004, après la liquidation d'UEGH ; qu'en refusant dans ces conditions qu'UEG ADM puisse se prévaloir de la clause d'arbitrage, les juges du fond ont violé l'article 1520, 1°, du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel l'effet de la clause d'arbitrage s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution de la convention ;

2°/ que l'implication dans l'exécution directe de la convention permettant d'identifier le cercle des personnes relevant de la convention d'arbitrage n'implique pas la connaissance par le co-contractant des conditions dans lesquelles le tiers a pu se substituer à la partie originaire, spécialement lorsqu'ils appartiennent au même groupe ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1520, 1°, du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel l'effet de la clause d'arbitrage s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution de la convention. »

Réponse de la Cour

9. Après avoir estimé qu'il n'était pas démontré que le ministère de la culture irakien avait considéré la société IEH comme faisant partie d'un groupe UEG et relevé les conditions peu explicites de la constitution de la société ADM après la faillite de la société UEGH, dont le ministère n'avait pas été informé, la cour d'appel, en l'absence d'indicateur factuel d'une volonté contraire des parties, a exactement décidé que le tribunal arbitral ne s'était pas déclaré à tort incompétent à l'égard des sociétés IEH et ADM.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés International Exhibits Holdings, United Exhibits Group, et Iraq Cultural Project Organisation aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour les sociétés International Exhibits Holding, United Exhibits Group, Iraq Cultural Project Organisation

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a, écartant les moyens propres à IEH, rejeté le recours en annulation et refusé d'annuler la sentence arbitrale du 10 juillet 2015 ;

AUX MOTIFS QU'« en premier lieu, le contrat du 20 juillet 2004 a été conclu entre, d'une part, le ministère irakien de la Culture (MdC) et, d'autre part, ICPO (en cours de constitution) conjointement avec United Exhibits Group Holding A/S, n° CVR 12086997, Sundkrogsgade 30, Copenhague (UEGH). Il a été signé par le ministre irakien de la culture et par M [B] [A] pour ICPO en cours de constitution et pour UEG Holding ; qu'après la désignation des parties, le contrat énonce : "qu'ICPO doit être constituée en société à responsabilité limitée appartenant aux Associés suivants : (Erreur ! Signet non défini.) Le MdC, et (2) Une société de Holding Danoise détenue à parts égales par les actionnaires suivants : UEGH, le Fonds danois d'industrialisation pour les Pays en Développement et un groupe d'investisseurs privés ; qu'ICPO a été constituée avec les priorités et les objectifs suivants : Objectif 1 : Développer, produire, distribuer et présenter l'exposition itinérante internationale provisoirement intitulée "Gold ofNimrud - Hidden Treasures of Iraq" (dénommée ci-après L'exposition) ; et Objectif 2 : Constituer des ressources afin de donner à ICPO la possibilité de participer activement, sur une base commerciale, et de contribuer à la réhabilitation des infrastructures culturelles d'Irak tout en faisant connaître l'importance du patrimoine culturel d'Irak à un public international ; que la constitution et le financement d'IEH et d'ICPO sont présentés dans un préambule et ne sont pas repris dans le corps des articles. Cet exposé préliminaire est un rappel de l'environnement des relations contractuelles qui n'a pour effet, ni de créer des obligations en vertu du contrat, ni de faire d'IEH une partie au contrat ; qu'au demeurant, IEH a finalement été constituée sur une base différente de ce qui était envisagé dans ce préambule puisque le capital a été souscrit, en trois parts égales par UEG Holding et par deux investisseurs privés, les sociétés danoises RHL Holding ApS et MEKA ApS (pacte d'actionnaires du 21 février 2005, pièce UEG n° 32). En deuxième lieu, les recourantes soutiennent que les fonds procurés par la souscription du capital d'IEH et par les lignes de crédit mises à sa disposition par ses actionnaires ont permis à ICPO de disposer de 7.500.000 USD au moyen desquels elle a payé les frais de reproduction de la salle du trône du palais de Nimroud par une société tierce, engagé des frais de conception du design et de la documentation de l'exposition, mandaté des intermédiaires pour la mise en place des assurances, la recherche des sponsors ou encore la logistique. Elles ajoutent qu'à l'issue d'un voyage en Europe une délégation irakienne a approuvé l'état d'avancement des travaux ; que toutefois, le contrat du 20 juillet 2004 portait sur l'organisation de l'exposition des artefacts issus des fouilles de Nimroud dans douze musées à travers le monde sur une période de cinq ans entre mars 2005 et mars 2010. Il prévoyait qu'ICPO/UEG Holding étaient chargées du transport, de l'assurance et de la sécurité des objets et que le ministère de la Culture devait mettre les artefacts à disposition moyennant une commission de 500.000 USD pour chacun des sites d'exposition, ainsi que la remise à la fin du prêt de tous les éléments de scénographie, des dessins et modèles, et tous supports d'enregistrement et de documentation se rapportant aux expositions. Le contrat avait ainsi pour objet la réalisation matérielle de l'opération, non le montant et les modalités de son financement. La circonstance qu'IEH, ait servi de véhicule financier entre ses trois associés et ICPO n'a pas fait participer IEH à l'exécution du contrat du 20 juillet 2004 et n'a pas eu pour effet de faire d'IEH une partie à ce contrat. Le fait que des sommes aient commencé à être engagées par ICPO pour l'exécution du contrat avec les fonds procurés par IEH ne change rien à cette analyse, peu important que ces premières diligences aient recueilli l'approbation du ministère de la Culture ; qu'en troisième lieu, IEH se prévaut de l'article 8.2 du contrat aux termes duquel : "Le présent Accord ne peut pas être cédé, en tout ou partie, par une Partie sans l 'approbation écrite préalable des autres Parties. Toutefois, les Parties conviennent du fait qu'ICPO peut céder ses droits et obligations au titre du présent Accord à la Société Holding Danoise qui détient la majorité des actions d'ICPO et en est donc l'actionnaire majoritaire." ; que contrairement à ce que soutient IEH, cette stipulation n'a pas pour effet de faire d'elle une partie au contrat aussi longtemps que la cession n'intervient pas, ce qui ne s'est pas produit puisqu'ICPO était elle-même demanderesse à l'arbitrage et qu'elle est recourante contre la sentence ; quant à l'acte du 27 février 2005 par lequel UEG Holding a transféré tous ses droits et obligations en vertu du contrat à IEH, il est dépourvu de toute portée, conformément à l'article 8.2 précité, faute d'avoir été approuvé par les autres parties » (arrêt p.4 et 5) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT MIS EN AVANT QUE « IEH et UEG ADM invoquent le principe selon lequel l'effet de la clause d'arbitrage international contenue dans un contrat s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution de celui-ci ; qu'en premier lieu, contrairement à ce que prétendent les recourantes, le seul fait qu'IEH et UEG ADM se soient spontanément présentées comme demanderesses à l'arbitrage ne suffit pas à en faire des parties à la convention d'arbitrage, pas plus que le fait qu'elles aient admis leur qualité de défenderesses reconventionnelles sur la demande subsidiaire d'indemnité formée par l'Irak au cas où le tribunal arbitral passerait outre son exception d'incompétence ; En deuxième lieu, les recourantes soutiennent que l'intention du ministère de la Culture était de contracter indistinctement avec le "groupe UEG ADM" et non spécifiquement avec l'une ou l'autre société de ce groupe, le seul interlocuteur qui importait à ses yeux, au-delà des différentes formes sociales, étant M. [B] [A], président D'UEG ADM. Elles se prévalent en ce sens de procès-verbaux de réunions ainsi que d'échanges de correspondances qui visent le "Groupe United Exhibits" ou encore "UEG ADM/ICPO". Elles font encore valoir qu'une autre société du groupe, United Exhibits II A/S, a été expressément visée par le contrat de 2004 (article 2.10) comme participant à l'exécution de ce contrat en tant que distributeur exclusif des reproductions d'artefacts, ce qui renforce la thèse d'un contrat passé avec un groupe plutôt qu'avec une société ; que toutefois, il n'est nullement démontré que le ministère de la Culture ait considéré IEH, dont UEG Holding n'est actionnaire qu'à hauteur du tiers et qui apparaît de façon distincte dans le contrat de 2004 en tant que "Société Holding Danoise", comme faisant partie d'un "groupe UEG ADM" ; qu'en ce qui concerne UEG ADM, elle a été créée le 29 mai 2009 par M. [A] à la suite du dépôt de bilan en décembre 2006 d'UEG Holding et de United Exhibits II ultérieurement liquidées en janvier 2011 ; que contrairement à ce que prétend UEG ADM, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le ministère de la Culture ait été informé de la liquidation d'UEG Holding. Le seul élément produit par les recourantes (pièce n° 2) est une présentation intitulée "Les tombes dorées d'Irak, les trésors de Nimroud" à laquelle est annexée une chronologie d'activités de 2004 à 2012 dont rien ne permet de savoir si elle a été effectivement remise à la partie irakienne. Au demeurant, ce document mentionne la "dissolution" du prestataire United Exhibits II et indique qu'une nouvelle société UEG ApS reprend ses missions. Il ne fait aucune allusion à la faillite d'UEG Holding ; que dans la suite des relations l'ambiguïté a été entretenue. Un compte rendu a été dressé le 29 septembre 2011 de réunions tenues du 25 au 29 septembre 2011 entre le ministère irakien de la culture et "UEG ADM/ICPO" pour tenter d'obtenir la remise des artefacts ou le versement de la somme de 15.000.000 USD prévue par l'addendum n° 4 au bénéfice d'UEG Holding en cas de résiliation du contrat de 2004. L'interlocuteur du ministère est toujours désigné comme "UEG ADM/ICPO", mais à la dernière page sous l'indication "pour UEG ADM/ICPO" est apposé un cachet rond : "UEG-UEG ADM APS Frederiksberggade, 15, 3 DK-1459 CPHK" (pièce recourantes n° 14). Les recourantes en déduisent abusivement que le ministère de la Culture savait qu'UEG ADM venait aux droits d'UEG Holding et qu'il avait accepté de négocier avec elle en cette qualité ; que de la même façon, UEG ADM prétend qu'elle a été destinataire de la lettre du 30 octobre 2011 annulant le contrat (pièce recourantes n° 15).
En réalité, il s'agit d'un courriel destiné à UEG ApS envoyé à l'adresse [B]@ueg.dk. Si UEG ADM soutient que ce courriel lui était nécessairement destiné puisque UEG Holding n'existait plus, cette déduction n'a de sens que si le ministère de la Culture avait alors connaissance de cette disparition, ce qu'il conteste et qui n'est pas établi. Quant au courrier envoyé le 6 mars 2013 par l'Ambassade de la République d'Irak à la société UEG ADM, il se prévaut précisément de ce que cette société n'était pas constituée à la date du contrat de 2004 pour déclarer que ce contrat est caduc ; que le fait qu'UEG ADM, constituée dans des conditions peu explicites après la faillite d'UEG Holding et de United Exhibits II, se soit, sous couvert de la proximité de dénominations entre l'ancienne et la nouvelle société, imposée dans les relations avec le ministère de la Culture, sans informer celui-ci de la liquidation d'UEG Holding, ne peut lui conférer la qualité de partie au contrat ni à la clause compromissoire » ;

ALORS QUE, premièrement, lorsqu'une société crée une entité, laquelle est partie à la convention comportant la clause d'arbitrage, qu'elle détient la totalité du capital de cette entité et qu'elle assure le financement de l'opération visée à la convention assorti de la clause d'arbitrage, cette société doit être regardée comme impliquée dans l'exécution de la convention, et à ce titre, tenue par la clause d'arbitrage ; qu'en l'espèce, il est constant qu'ICPO était partie à la convention du 20 juillet 2004, comportant la clause d'arbitrage, qu'elle a été créée par IEH, qui détenait 100 % de son capital, et que l'opération visée à la convention du 20 juillet 2004 a été financée par IEH ; qu'en refusant de considérer qu'IEH pouvait invoquer la clause d'arbitrage pour avoir été directement impliquée dans l'exécution de la convention, les juges du fond ont violé l'article 1520 1° du Code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel l'effet de la clause d'arbitrage s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution de la convention ;

ET ALORS QUE, deuxièmement, en se bornant à mettre seulement en avant, au moment où elle se déterminait, la participation financière d'IEH à l'opération, sans rapprocher cette circonstance de la création d'ICPO par IEH et de la détention de la totalité du capital d'ICPO par IEH et, de façon plus générale, de l'insertion d'ICPO dans le groupe auquel IEH elle-même appartenait, la Cour d'appel a, à tout le moins, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1520 1° du Code de procédure civile ainsi qu'au regard du principe suivant lequel l'effet de la clause d'arbitrage s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution de la convention.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a, écartant les moyens propres à IEH, rejeté le recours en annulation et refusé d'annuler la sentence arbitrale du 10 juillet 2015 ;

AUX MOTIFS QU'« en premier lieu, le contrat du 20 juillet 2004 a été conclu entre, d'une part, le ministère irakien de la Culture (MdC) et, d'autre part, ICPO (en cours de constitution) conjointement avec United Exhibits Group Holding A/S, n° CVR 12086997, Sundkrogsgade 30, Copenhague (UEGH). Il a été signé par le ministre irakien de la culture et par M. [B] [A] pour ICPO en cours de constitution et pour UEG Holding ; qu'après la désignation des parties, le contrat énonce : "qu'ICPO doit être constituée en société à responsabilité limitée appartenant aux Associés suivants : (Erreur ! Signet non défini.) Le MdC, et (2) Une société de Holding Danoise détenue à parts égales par les actionnaires suivants : UEGH, le Fonds danois d'industrialisation pour les Pays en Développement et un groupe d'investisseurs privés ; qu'ICPO a été constituée avec les priorités et les objectifs suivants : Objectif 1 : Développer, produire, distribuer et présenter l 'exposition itinérante internationale provisoirement intitulée "Gold ofNimrud - Hidden Treasures of Iraq" (dénommée ci-après L 'exposition) ; et Objectif 2 : Constituer des ressources afin de donner à ICPO la possibilité de participer activement, sur une base commerciale, et de contribuer à la réhabilitation des infrastructures culturelles d'Irak tout en faisant connaître l'importance du patrimoine culturel d'Irak à un public international ; que la constitution et le financement d'IEH et d'ICPO sont présentés dans un préambule et ne sont pas repris dans le corps des articles. Cet exposé préliminaire est un rappel de l'environnement des relations contractuelles qui n'a pour effet, ni de créer des obligations en vertu du contrat, ni de faire d'IEH une partie au contrat ; qu'au demeurant, IEH a finalement été constituée sur une base différente de ce qui était envisagé dans ce préambule puisque le capital a été souscrit, en trois parts En deuxième lieu, les recourantes soutiennent que les fonds procurés par la souscription du capital d'IEH et par les lignes de crédit mises à sa disposition par ses actionnaires ont permis à ICPO de disposer de 7.500.000 USD au moyen desquels elle a payé les frais de reproduction de la salle du trône du palais de Nimroud par une société tierce, engagé des frais de conception du design et de la documentation de l'exposition, mandaté des intermédiaires pour la mise en place des assurances, la recherche des sponsors ou encore la logistique. Elles ajoutent qu'à l'issue d'un voyage en Europe une délégation irakienne a approuvé l'état d'avancement des travaux ; que toutefois, le contrat du 20 juillet 2004 portait sur l'organisation de l'exposition des artefacts issus des fouilles de Nimroud dans douze musées à travers le monde sur une période de cinq ans entre mars 2005 et mars 2010. Il prévoyait qu'ICPO/UEG Holding étaient chargées du transport, de l'assurance et de la sécurité des objets et que le ministère de la Culture devait mettre les artefacts à disposition moyennant une commission de 500.000 USD pour chacun des sites d'exposition, ainsi que la remise à la fin du prêt de tous les éléments de scénographie, des dessins et modèles, et tous supports d'enregistrement et de documentation se rapportant aux expositions. Le contrat avait ainsi pour objet la réalisation matérielle de l'opération, non le montant et les modalités de son financement. La circonstance qu'IEH, ait servi de véhicule financier entre ses trois associés et ICPO n'a pas fait participer IEH à l'exécution du contrat du 20 juillet 2004 et n'a pas eu pour effet de faire d'IEH une partie à ce contrat. Le fait que des sommes aient commencé à être engagées par ICPO pour l'exécution du contrat avec les fonds procurés par EEH ne change rien à cette analyse, peu important que ces premières diligences aient recueilli l'approbation du ministère de la Culture ; qu'en troisième lieu, IEH se prévaut de l'article 8.2 du contrat aux termes duquel : "Le présent Accord ne peut pas être cédé, en tout ou partie, par une Partie sans l 'approbation écrite préalable des autres Parties. Toutefois, les Parties conviennent du fait qu'IC PO peut céder ses droits et obligations au titre du présent Accord à la Société Holding Danoise qui détient la majorité des actions d'ICPO et en est donc l'actionnaire majoritaire." ; que contrairement à ce que soutient IEH, cette stipulation n'a pas pour effet de faire d'elle une partie au contrat aussi longtemps que la cession n'intervient pas, ce qui ne s'est pas produit puisqu'ICPO était elle-même demanderesse à l'arbitrage et qu'elle est recourante contre la sentence ; quant à l'acte du 27 février 2005 par lequel UEO Holding a transféré tous ses droits et obligations en vertu du contrat à IEH, il est dépourvu de toute portée, conformément à l'article 8.2 précité, faute d'avoir été approuvé par les autres parties » (arrêt p.4 et 5) ;

ALORS QUE, premièrement, en cas de cession de droits, l'ayant-droit est partie à la clause arbitrale, peu important la régularité de la cession ; qu'en l'espèce, UEGH était partie à la convention du 20 juillet 2004 ; qu'elle a transmis ses droits à IEH par acte du 27 février 2005 ; qu'en refusant à IEH le droit de se prévaloir de la clause d'arbitrage, les juges du fond ont violé l'article 1520 1° du Code de procédure civile, ensemble l'article 2061 du code civil ;

ET ALORS QUE, deuxièmement, en opposant que la cession n'avait pas fait l'objet d'un agrément quand l'irrégularité de la cession est sans effet sur la transmission de la clause d'arbitrage au cessionnaire, la Cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif inopérant, a violé l'article 1520 1° du Code de procédure civile, ensemble l'article 2061 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, rejetant les moyens invoqués tant par IEH que UEG ADM, il a, rejeté le recours en annulation dirigé contre la sentence arbitrale du 10 juillet 2015 ;

AUX MOTIFS QU'« IEH et UEG ADM invoquent le principe selon lequel l'effet de la clause d'arbitrage international contenue dans un contrat s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution de celui-ci ; qu'en premier lieu, contrairement à ce que prétendent les recourantes, le seul fait qu'IEH et UEG ADM se soient spontanément présentées comme demanderesses à l'arbitrage ne suffit pas à en faire des parties à la convention d'arbitrage, pas plus que le fait qu'elles aient admis leur qualité de défenderesses reconventionnelles sur la demande subsidiaire d'indemnité formée par l'Irak au cas où le tribunal arbitral passerait outre son exception d'incompétence ; En deuxième lieu, les recourantes soutiennent que l'intention du ministère de la Culture était de contracter indistinctement avec le "groupe UEG ADM" et non spécifiquement avec l'une ou l'autre société de ce groupe, le seul interlocuteur qui importait à ses yeux, au-delà des différentes formes sociales, étant M. [B] [A], président d'UEG. Elles se prévalent en ce sens de procès-verbaux de réunions ainsi que d'échanges de correspondances qui visent le "Groupe United Exhibits" ou encore "UEG/ICPO". Elles font encore valoir qu'une autre société du groupe, United Exhibits II A/S, a été expressément visée par le contrat de 2004 (article 2.10) comme participant à l'exécution de ce contrat en tant que distributeur exclusif des reproductions d'artefacts, ce qui renforce la thèse d'un contrat passé avec un groupe plutôt qu'avec une société ; que toutefois, il n'est nullement démontré que le ministère de la Culture ait considéré IEH, dont UEG Holding n'est actionnaire qu'à hauteur du tiers et qui apparaît de façon distincte dans le contrat de 2004 en tant que "Société Holding Danoise", comme faisant partie d'un "groupe UEG" ; qu'en ce qui concerne UEG ADM, elle a été créée le 29 mai 2009 par M. [A] à la suite du dépôt de bilan en décembre 2006 d'UEG Holding et de United Exhibits II ultérieurement liquidées en janvier 2011 ; que contrairement à ce que prétend UEG ADM, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le ministère de la Culture ait été informé de la liquidation d'UEG Holding. Le seul élément produit par les recourantes (pièce n° 2) est une présentation intitulée "Les tombes dorées d'Irak, les trésors de Nimroud" à laquelle est annexée une chronologie d'activités de 2004 à 2012 dont rien ne permet de savoir si elle a été effectivement remise à la partie irakienne. Au demeurant, ce document mentionne la "dissolution" du prestataire United Exhibits II et indique qu'une nouvelle société UEG ApS reprend ses missions. Il ne fait aucune allusion à la faillite d'UEG Holding ; que dans la suite des relations l'ambiguïté a été entretenue. Un compte rendu a été dressé le 29 septembre 2011 de réunions tenues du 25 au 29 septembre 2011 entre le ministère irakien de la culture et "UEG/ICPO" pour tenter d'obtenir la remise des artefacts ou le versement de la somme de 15.000.000 USD prévue par l'addendum n° 4 au bénéfice d'UEG Holding en cas de résiliation du contrat de 2004. L'interlocuteur du ministère est toujours désigné comme "UEG/ICPO", mais à la dernière page sous l'indication "pour UEG/ICPO" est apposé un cachet rond : "UEG-UEG ADM APS Frederiksberggade, 15, 3 DK-1459 CPHK" (pièce recourantes n° 14). Les recourantes en déduisent abusivement que le ministère de la Culture savait qu'UEG ADM venait aux droits d'UEG Holding et qu'il avait accepté de négocier avec elle en cette qualité ; que de la même façon, UEG ADM prétend qu'elle a été destinataire de la lettre du 30 octobre 2011 annulant le contrat (pièce recourantes n° 15). En réalité, il s'agit d'un courriel destiné à UEG ApS envoyé à l'adresse [B]@ueg.dk. Si UEG ADM soutient que ce courriel lui était nécessairement destiné puisque UEG HoldingUEG Holding n'existait plus, cette déduction n'a de sens que si le ministère de la Culture avait alors connaissance de cette disparition, ce qu'il conteste et qui n'est pas établi. Quant au courrier envoyé le 6 mars 2013 par l'Ambassade de la République d'Irak à la société UEG ADM, il se prévaut précisément de ce que cette société n'était pas constituée à la date du contrat de 2004 pour déclarer que ce contrat est caduc ; que le fait qu'UEG ADM, constituée dans des conditions peu explicites après la faillite d'UEG HoldingUEG Holding et de United Exhibits II, se soit, sous couvert de la proximité de dénominations entre l'ancienne et la nouvelle société, imposée dans les relations avec le ministère de la Culture, sans informer celui-ci de la liquidation d'UEG Holding, ne peut lui conférer la qualité de partie au contrat ni à la clause compromissoire » ;

ALORS QUE, premièrement, l'implication dans l'exécution d'une convention, tout spécialement lorsqu'elle est le fait d'une entité appartenant au même groupe qu'une partie originaire, autorise l'invocation de la clause d'arbitrage ; qu'en l'espèce, il a été constaté qu'UEG ADM, appartenant au même groupe qu'UEGH et ICPO, avait été impliquée dans l'exécution de la convention du 20 juillet 2004, après la liquidation d'UEGH ; qu'en refusant dans ces conditions qu'UEG ADM puisse se prévaloir de la clause d'arbitrage, les juges du fond ont violé l'article 1520 1° du Code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel l'effet de la clause d'arbitrage s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution de la convention ;

ALORS QUE, deuxièmement, l'implication dans l'exécution directe de la convention permettant d'identifier le cercle des personnes relevant de la convention d'arbitrage n'implique pas la connaissance par le co-contractant des conditions dans lesquelles le tiers a pu se substituer à la partie originaire, spécialement lorsqu'ils appartiennent au même groupe ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1520 1 du Code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel l'effet de la clause d'arbitrage s'étend aux parties directement impliquées dans l'exécution de la convention.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-20410
Date de la décision : 26/05/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 mai. 2021, pourvoi n°19-20410


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20410
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