LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 mai 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 470 F-D
Pourvoi n° N 20-11.085
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021
M. [F] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-11.085 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société Ceratizit Luxembourg, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2]), défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [F], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Ceratizit Luxembourg, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 décembre 2019), M. [F] a relevé appel, le 6 mai 2019, du jugement d'un conseil de prud'hommes dans une affaire l'opposant à la société Ceratizit Luxembourg (la société Ceratizit), établie au Luxembourg.
2. Le 20 juin 2019, la déclaration d'appel, les conclusions et les pièces ont été transmises en vue de leur signification à l'intimée.
3. M. [F] a adressé au greffe de la cour d'appel, le 6 août 2019, la copie de la signification de la déclaration d'appel et des conclusions signifiées à la société Ceratizit et de l'attestation de remise de cet acte le 5 juillet 2019 par l'huissier de justice luxembourgeois, puis, le 16 août 2019, ses conclusions d'appelant.
4. M. [F] a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré caduque la déclaration d'appel.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. M. [F] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à constater l'existence d'un cas de force majeure et de confirmer l'ordonnance entreprise ayant prononcé la caducité de la déclaration d'appel, alors « qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe ; que la remise au greffe de la justification de la signification de la déclaration d'appel et dans le même temps des conclusions d'appel vaut notification au greffe au sens de l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en omettant de rechercher si la circonstance que l'appelant a, le 6 août 2019, adressé au greffe copie de la signification de la déclaration d'appel et des conclusions signifiées à la société Ceratizit le 20 juin 2019 et l'attestation de remise d'acte par l'huissier de justice au 5 juillet 2019, répondait aux exigences de la remise au greffe des conclusions d'appelant dans le délai de trois mois, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 908 du code de procédure civile. »
Recevabilité du moyen
6. La société Ceratizit conteste la recevabilité du moyen en raison de sa nouveauté.
7. Cependant le moyen, qui se fonde exclusivement sur les énonciations de l'arrêt, est de pur droit.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 906, 908 et 930-2, alinéa 2, du code de procédure civile :
8. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, la cour d'appel retient que les premières écritures, régulièrement signées, reçues par la cour d'appel au nom de l'appelant, sont datées du 3 octobre 2019, de sorte qu'elles sont tardives au regard de la déclaration d'appel du 6 mai 2019.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, le cas échéant d'office, si l'appelant, dont le défenseur syndical avait adressé au greffe de la cour d'appel, le 6 août 2019, la copie de la signification des conclusions signifiées à la société Ceratizit le 20 juin 2019, n'avait pas, ce faisant, satisfait aux exigences des textes susvisés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société Ceratizit Luxembourg aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Ceratizit Luxembourg et la condamne à payer à M. [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [F]
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à constater l'existence d'un cas de force majeure et confirmé l'ordonnance entreprise ayant prononcé la caducité de la déclaration d'appel.
AUX MOTIFS propres QUE [F] [F] avait l'obligation de conclure et de déposer au greffe ses conclusions avant le 6 août 2019 ; qu'il indique avoir pris connaissance de l'état de santé de son défenseur syndical l'ayant empêché de suivre les actes de procédure, au cours de ce délai ; qu'il verse l'avis d'arrêt de travail de M. [R], son défenseur syndical, daté du 22 juin 2019 pour la période allant jusqu'au 1er septembre 2019 pour « état dépressif » ainsi que les prescriptions médicales de ce dernier qui affirme que cet état psychique l'a empêché de réaliser les actes de la procédure pour lequel il avait été mandaté et puisqu'il exerce seul en cette qualité, personne n'était en mesure de prendre le relais ; qu'il invoque sa bonne foi et soulève le cas de force majeure de l'article 910-3 du code de procédure civile permettant au conseiller de la mise en état d'écarter les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du code de procédure civile ; qu'il expose que dès qu'il a pris connaissance de la situation lors de l'envoi de l'avis préalable à la caducité de la déclaration d'appel adressé par le greffe, il a fait envoyer ses conclusions d'appel et ses pièces signifiées à la partie adverse le 5 juillet 2019 ; qu'il invoque la nécessaire égalité des parties visée par les articles 6 et 19 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en ce qui concerne la signature des conclusions, le défenseur syndical soulève l'irrégularité de forme qui peut être réparée par la production de nouvelles conclusions signées et verse aux débats ses écritures signées au 30 septembre 2019 ; que si effectivement, un arrêt de travail du défenseur syndical de l'appelant lui a été accordé pour une période allant du 22 juin 2019 au 1er septembre 2019, soit pendant une partie importante du délai pour effectuer les actes de procédure, ce qui pourrait être constitutif d'un cas de force majeure, il apparaît cependant que, malgré cet arrêt de travail pour « état dépressif », M. [R], défenseur syndical de M. [F], a établi ses écritures d'appelant et les a faites signifier à l'employeur par voie d'huissier le 5 juillet 2019 ; que M. [R] démontre par lamême que son arrêt de travail ne l'a pas empêché d'effectuer les actes de procédure pour le compte de son mandant et dès lors, M. [F] ne peut utilement invoquer l'existence d'un cas de force majeure résultant de cet arrêt maladie ; que les premières écritures régulièrement signées reçues par la cour d'appel de Versailles au nom de l'appelant sont datées du 3 octobre 2019 de sorte qu'elles sont tardives au regard de la déclaration d'appel du 6 mai 2019 ; qu'ainsi, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise et de laisser les dépens du recours à la charge de l'appelant.
AUX MOTIFS adoptés QUE l'appelant n'a pas conclu dans le délai imparti et que les conclusions reçues au greffe le 16 aout 2019, soit hors délai, ne sont pas signés.
1° ALORS QU'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe ; que la remise au greffe de la justification de la signification de la déclaration d'appel et dans le même temps des conclusions d'appel vaut notification au greffe au sens de l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en retenant que l'appelant a remis tardivement ses conclusions au greffe de la cour d'appel alors pourtant qu'elle avait constaté que le 6 août 2019, l'appelant avait adressé au greffe de la cour d'appel copie de la signification de la déclaration d'appel et des conclusions signifiées à la société intimée et l'attestation de remise d'acte par l'huissier de justice au 5 juillet 2019, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations a violé l'article 908 du code de procédure civile.
2° ALORS en tout état de cause QU'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe ; que la remise au greffe de la justification de la signification de la déclaration d'appel et dans le même temps des conclusions d'appel vaut notification au greffe au sens de l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en omettant de rechercher si la circonstance que l'appelant a, le 6 août 2019, adressé au greffe copie de la signification de la déclaration d'appel et des conclusions signifiées à la société Ceratizit Luxembourg le 20 juin 2019 et l'attestation de remise d'acte par l'huissier de justice au 5 juillet 2019, répondait aux exigences de la remise au greffe des conclusions d'appelant dans le délai de trois mois, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 908 du code de procédure civile.
3° ALORS subsidiairement QU'en cas de force majeure, l'application de la sanction prévue à l'article 908 du code de procédure civile peut être écartée ;
qu'en retenant que l'arrêt de travail du 22 juin au 1er septembre 2019 du défenseur syndical n'a pas empêché ce dernier d'effectuer les actes de procédure au motif qu'il a établi ses écritures d'appelant et les a faite signifier à l'employeur par voie d'huissier le 5 juillet 2019, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que les conclusions d'appelant étaient déjà établies à la date du 20 juin 2019 soit avant l'arrêt de travail, la cour d'appel a violé l'article 910-3 du code de procédure civile.
4° ALORS subsidiairement QU'en cas de force majeure, l'application de la sanction prévue à l'article 908 du code de procédure civile peut être écartée ;
qu'en retenant que l'arrêt de travail du 22 juin au 1er septembre 2019 du défenseur syndical n'a pas empêché ce dernier d'effectuer les actes de procédure au motif qu'il a établi ses écritures d'appelant et les a faite signifier à l'employeur par voie d'huissier le 5 juillet 2019, alors que ladite date de signification par l'huissier de justice des conclusions est impropre à établir la preuve de la date de la rédaction des conclusions et celle de la date de leur envoi à l'huissier par l'appelant, la cour d'appel a violé l'article 910-3 du code de procédure civile.