LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 mai 2021
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 364 F-D
Pourvoi n° M 19-25.087
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2021
1°/ Mme [G] [I], épouse [G],
2°/ M. [T] [G],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° M 19-25.087 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige les opposant à Mme [L] [U], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. et Mme [G], de Me Le Prado, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mars 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 mai 2019), soutenant avoir prêté à Mme [I] et M. [G], son époux, la somme totale de 18 000 euros entre le mois d'avril 2010 et le mois de janvier 2015, Mme [U] les a assignés en paiement de cette somme outre intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. et Mme [G] font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à Mme [U] la somme de 13 200 euros outre intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017, alors « que le prêt de consommation suppose la remise d'une chose qui se consomme par l'usage, à la charge pour celui qui la reçoit d'en rendre autant de même espèce et qualité ; qu'en se bornant à faire état des déclarations de Mme [G] quant à un éventuel remboursement, sans analyser quel était l'état d'esprit de Mme [U], au moment de la remise des fonds, et sans rechercher si, lors de ces remises, elle entendait les subordonner au remboursement de ces sommes par Mme [G], et sans analyser notamment, ainsi que l'y invitaient les écritures d'appel des demandeurs, les termes du courriel du 13 octobre 2014 par lequel elle avait affirmé ne rien attendre des bénéficiaires de ses largesses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1892 du code civil. »
Réponse de la Cour
3. C'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter, a estimé que la remise des fonds par Mme [U] à M. et Mme [G] ne procédait pas d'une intention libérale mais d'un prêt, justifiant ainsi légalement sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [G] et les condamne à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [G].
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement Monsieur et Madame [G] à payer à Madame [U] la somme de 13 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017, outre celle de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs que si le contrat de prêt doit être prouvé par écrit, dès lors que la valeur de la chose est inférieure à 1 500 euros, cette règle reçoit exception, lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, ainsi qu'en dispose l'article 1348 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; qu'en l'espèce, durant la période de novembre 2010 à janvier 2015, [G] [I], qui dirigeait l'agence de travail temporaire dans laquelle travaillait [L] [U], était sa supérieure hiérarchique ; que les différents mails produits par [L] [U] (cf sa pièce 3) font ressortir qu'elles entretenaient des relations familières ; que ces circonstances étaient donc de nature à placer celle-ci dans l'impossibilité morale d'exiger des époux [G], lors de chaque remise de fonds, la signature d'une reconnaissance de dette ; qu'il en résulte qu'elle peut prouver librement l'existence du contrat de prêt dont elle se prévaut ; que pour démontrer avoir remis aux époux [G] au total la somme de 18 000 euros, [L] [U] a établi un tableau récapitulatif de tous les versements qu'elle a effectués entre le 23 avril 2010 et le 28 janvier 2015, par virements et chèques, ainsi qu'en espèces ; que les époux [G] ne contestent pas le montant des virements, soit une somme totale de 5 600 euros ; que [L] [U] produit la copie des chèques qu'elle a émis à leur bénéfice les 1er décembre 2011, 3 février, 22 février, 29 février, 30 mars, 5 juin, 11 juillet, 3 septembre 2012, 6 janvier, 16 avril, 24 mai, 8 octobre 2013, 4 avril, 26 mai, 2 octobre 2014, et 28 janvier 2015, pour un montant total de 6 650 euros ; qu'elle établit aussi avoir émis un chèque le 11 octobre 2010 d'un montant de 950 euros au bénéfice de la société SOFIREL, en produisant la copie de ce chèque et en y joignant une lettre du 11 octobre 2010 adressée à cette société par laquelle elle lui a adressé ce chèque « en règlement de la location de l'appartement de Mr et Mme [G] pour le mois d'octobre 2010 » ; que sur ce courrier apparaît la mention « chèque reçu le 12 octobre 2010 », suivi de la signature du représentant de cette agence et de son tampon ; que ces éléments font donc la preuve qu'elle a effectivement versé cette somme de 950 euros pour le compte des époux [G] ; qu'elle n'établit pas avoir émis les 31 mai et 7 juin 2011, au bénéfice des intimés, deux chèques d'un montant de 550 euros et 700 euros ; que pas davantage elle ne prouve leur avoir remis en espèce la somme de 3 550 euros ; que la remise des fonds alléguées est prouvée seulement à hauteur de 13 200 euros ; que cette remise ne suffit pas à justifier l'obligation pour les époux [G] de les restituer à [L] [U] ; que celle-ci produit des mails rédigés par [G] [I] desquels il ressort que cette dernière s'est engagée, à plusieurs reprises à lui rembourser les sommes qu'elle lui avait remises ; qu'ainsi, dans un mail du 29 mars 2012, [G] [I] écrit à [L] [U] qu'elle ne pourra pas lui rendre tout de suite une somme qu'elle évalue à 10 000 euros ; que dans un autre mail du 15 juillet 2015, soit plusieurs mois après la dernière remise de fond, et en réponse à la demande que lui avait faite [L] [U] d'établir une reconnaissance de dette, elle lui écrit qu'elle lui réglera « tous les mois dès que possible », mais qu'elle ne peut pas lui faire de « reconnaissance pour le moment avec toutes les créances de la commission du loyers, des services sociaux? » ; que [L] [U], dans une lettre du 22 octobre 2015 par laquelle elle met en demeure les époux [G] de lui rembourser la somme de 18 000 euros, y reproduit en copie des extraits de mails que lui avait adressés [G] [I] ; que dans l'un d'entre eux, en date du 29 mars 2012, celle-ci reconnaît qu'elle lui doit 9 500 euros, et dans un autre du 27 février 2015 elle lui manifeste sa volonté de commencer à la rembourser ; que dans un autre du même jour, elle lui assure qu'elle la remboursera dès qu'elle recommencera à travailler ; qu'il résulte de ces éléments que la remise des fonds litigieux aux époux [G] n'a pas procédé d'une intention libérale, et qu'ainsi, dans l'esprit des parties, les fonds ont été non pas donnés mais prêtés, alors même qu'il n'a pas été fixé de terme pour leur restitution ;
Alors que le prêt de consommation suppose la remise d'une chose qui se consomme par l'usage, à la charge pour celui qui la reçoit d'en rendre autant de même espèce et qualité ; qu'en se bornant à faire état des déclarations de Madame [G] quant à un éventuel remboursement, sans analyser quel était l'état d'esprit de Madame [U], au moment de la remise des fonds, et sans rechercher si, lors de ces remises, elle entendait les subordonner au remboursement de ces sommes par Madame [G], et sans analyser notamment, ainsi que l'y invitaient les écritures d'appel des exposants, les termes du courriel du 13 octobre 2014 par lequel elle avait affirmé ne rien attendre des bénéficiaires de ses largesses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1892 du code civil ;