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23/05/2019 | FRANCE | N°17/04049

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 23 mai 2019, 17/04049


N° RG 17/04049

N° Portalis DBVX - V - B7B - LBY5















Décision du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse

Au fond du 13 avril 2017



chambre civile



RG : 15/04012





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 23 Mai 2019







APPELANTE :



Mme [S] [P]

née le [Date anniversaire 1] 1970 à [Localité 1] (

[Localité 2])

[Adresse 1]

[Adresse 2]



représentée par la SELARL LAFFLY[Personne physico-morale 1] - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Adélaïde FREIRE MARQUES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU









INTIMES :

...

N° RG 17/04049

N° Portalis DBVX - V - B7B - LBY5

Décision du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse

Au fond du 13 avril 2017

chambre civile

RG : 15/04012

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 23 Mai 2019

APPELANTE :

Mme [S] [P]

née le [Date anniversaire 1] 1970 à [Localité 1] ([Localité 2])

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par la SELARL LAFFLY[Personne physico-morale 1] - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Adélaïde FREIRE MARQUES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU

INTIMES :

Mme [P] [E] épouse [V]

née le [Date anniversaire 1] 1962

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Maître Odette AMADO DE FRIAS CORREIA, avocat au barreau de l'AIN

M. [D] [V]

né le [Date anniversaire 2] 1947

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représenté par Maître Odette AMADO DE FRIAS CORREIA, avocat au barreau de l'AIN

******

Date de clôture de l'instruction : 06 février 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 février 2019

Date de mise à disposition : 21 mars 2019, prorogée au 23 mai 2019, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience présidée par Vincent NICOLAS, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Aude RACHOU, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

[S] [P], aux motifs qu'elle aurait prêté la somme de 18 000 euros à [P] [E], sa supérieure hiérarchique dans l'entreprise de travail temporaire qui l'employait, ainsi qu'au mari de celle-ci, [D] [V], entre le mois d'avril 2010 et le mois de janvier 2015, les a fait assigner le 13 novembre 2015, après les avoir mis en demeure par lettre du 22 octobre 2015, devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en paiement de cette somme, outre les intérêts au taux légal.

Les époux [V] ont conclu au débouté de cette demande, aux motifs que [S] [P] leur a donné cet argent.

Par jugement du 13 avril 2017, le tribunal a débouté [S] [P] de toutes ses demandes, et a débouté les époux [V] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration transmise au greffe le 31mai 2017, [S] [P] a interjeté appel de cette décision.

Vu ses conclusions du 8 août 2017, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1353, 1359 et suivants, et 1901 du code civil, de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- Condamner solidairement les époux [V] à verser à Madame [P] la somme de 18 000 euros en remboursement du prêt consenti, outre intérêts de droit au taux légal à compter de la date de mise en demeure, soit le 22 octobre 2015,

- condamner solidairement les époux [V] à verser à Madame [P] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de maître Laffly, avocat sur son affirmation de droit.

Vu les conclusions du 5 octobre 2017 des époux [V], déposées et notifiées, par lesquelles ils demandent à la cour, au visa des articles 1315, 1348 et 1892 du code civil, de :

- Débouté Madame [P] de l'ensemble de ses demandes,

- Dire et juger qu'elle n'apporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de prêt de consommation,

- Dire et juger qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'absence d'intention libérale,

- Dire et juger qu'elle a remis les sommes d'argent à titre de don aux époux [V],

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déboute Madame [P] de l'ensemble de ses demandes,

- La condamner à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, distraits au profit de maître Amado de Frias, avocat sur son affirmation de droit.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 février 2018.

SUR QUOI, LA COUR :

Attendu que pour justifier de son action en paiement, [S] [P] fait valoir que :

- la remise des fonds aux époux [V] est établie par l'ensemble de ses relevés de compte bancaire, et [P] [E], dans ses écrits, reconnaît avoir reçu de l'argent ;

- l'absence d'écrit constatant le prêt ne peut lui être opposé par les intimés, s'agissant de sommes versées qui n'ont jamais dépassé le plafond de 1 500 euros ;

- elle était dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit, dès lors qu'[P] [E] était sa supérieure hiérarchique et qu'elle a avait noué avec elle des relations de confiance et d'affection ;

- au regard de l'ensemble des mails qu'elle ont échangés, il a toujours été question d'un remboursement, ce qui exclut de sa part toute intention libérale ;

- le fait de leur avoir laissé du temps pour rembourser ne s'assimile pas à un don ;

Attendu que selon les époux [V], [S] [P] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de prêt, motifs pris de ce que :

- elle ne démontre pas que les fonds leur ont été remis à titre de prêt ;

- elle ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité d'exiger un écrit, les liens d'amitié qu'elle entretenait avec [P] [E] ne pouvant suffire en effet à caractériser une impossibilité morale de se procurer un écrit ;

- les échanges de messages qu'elle verse aux débats ne caractérisent pas l'existence du contrat de prêt ;

- elle leur a toujours dit qu'elle leur donnait cet argent sans attendre en retour de remboursement ;

- elle ne rapporte pas la preuve du montant du prêt, il en va ainsi pour les espèces remises ainsi que pour les chèques, mais non pour les virements, dont ils ne contestent pas le montant ;

Attendu, cependant, que si le contrat de prêt doit être prouvé par écrit, dès lors que la valeur de la chose est inférieure à 1 500 euros, cette règle reçoit exception, lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, ainsi qu'en dispose l'article 1348 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; qu'en l'espèce, durant la période de novembre 2010 à janvier 2015, [P] [E], qui dirigeait l'agence de travail temporaire dans laquelle travaillait [S] [P], était sa supérieure hiérarchique ; que les différentes mails produits par [S] [P] (cf sa pièce 3) font ressortir qu'elles entretenaient des relations familières ; que ces circonstances étaient donc de nature à placer celle-ci dans l'impossibilité morale d'exiger des époux [V], lors de chaque remise de fonds, la signature d'une reconnaissance de dette ; qu'il en résulte qu'elle peut prouver librement l'existence du contrat de prêt dont elle se prévaut ;

Attendu que pour démontrer avoir remis aux époux [V] au total la somme de 18 000 euros, [S] [P] a établi un tableau récapitulatif de tous les versements qu'elle a effectués entre le 23 avril 2010 et le 28 janvier 2015, par virements et chèques, ainsi qu'en espèces ; que les époux [V] ne contestent pas le montant des virements, soit une somme totale de 5 600 euros ; que [S] [P] produit la copie des chèques qu'elle a émis à leur bénéfice les 1er décembre 2011, 3 février, 22 février, 29 février, 30 mars, 5 juin, 11 juillet, 3 septembre 2012, 6 janvier, 16 avril, 24 mai, 8 octobre 2013, 4 avril, 26 mai, 2 octobre 2014, et 28 janvier 2015, pour un montant total de 6 650 euros ; qu'elle établit aussi avoir émis un chèque le 11 octobre 2010 d'un montant de 950 euros au bénéfice de la société SOFIREL, en produisant la copie de ce chèque et en y joignant une lettre du 11 octobre 2010 adressée à cette société par laquelle elle lui a adressé ce chèque 'en règlement de la location de l'appartement de Mr et Mme [V] pour le mois d'octobre 2010" ; que sur ce courrier apparaît la mention 'chèque reçu le 12 octobre 2010, suivi de la signature du représentant de cette agence et de son tampon ; que ces éléments font donc la preuve qu'elle a effectivement versé cette somme de 950 euros pour le compte des époux [V] ;

Attendu, en revanche, qu'elle n'établit pas avoir émis les 31 mai et 7 juin 2011, au bénéfice des intimés, deux chèques d'un montant de 550 euros et 700 euros ; que pas davantage elle ne prouve leur avoir remis en espèce la somme de 3 550 euros ;

Attendu ainsi que la remise des fonds alléguées est prouvée seulement à hauteur de 13 200 euros ;

Attendu que cette remise ne suffit pas à justifier l'obligation pour les époux [V] de les restituer à [S] [P] ;

Attendu que celle-ci produit des mails rédigés par [P] [E] desquels il ressort que cette dernière s'est engagée, à plusieurs reprises à lui rembourser les sommes qu'elle lui avait remises ; qu'ainsi, dans un mail du 29 mars 2012, [P] [E] écrit à [S] [P] qu'elle ne pourra pas lui rendre tout de suite une somme qu'elle évalue à 10 000 euros ; que dans un autre mail du 15 juillet 2015, soit plusieurs mois après la dernière remise de fond, et en réponse à la demande que lui avait faite [S] [P] d'établir une reconnaissance de dette, elle lui écrit qu'elle lui réglera 'tous les mois dès que possible', mais qu'elle ne peut pas lui faire de 'reconnaissance pour le moment avec toutes les créances de la commission du loyers, des services sociaux...' ;

Attendu que [S] [P], dans une lettre du 22 octobre 2015 par laquelle elle met en demeure les époux [V] de lui rembourser la somme de 18 000 euros, y reproduit en copie des extraits de mails que lui avait adressés [P] [E] ; que dans l'un d'entre eux, en date du 29 mars 2012, celle-ci reconnaît qu'elle lui doit 9 500 euros, et dans un autre du 27 février 2015 elle lui manifeste sa volonté de commencer à la rembourser ; que dans un autre du même jour, elle lui assure qu'elle la remboursera dès qu'elle recommencera à travailler ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que la remise des fonds litigieux aux époux [V] n'a pas procédé d'une intention libérale, et qu'ainsi, dans l'esprit des parties, les fonds ont été non pas donnés mais prêtés, alors même qu'il n'a pas été fixé de terme pour leur restitution ;

Attendu qu'il résulte de l'article 1900 du code civil que s'il n'a pas été fixé de termes pour la restitution, il appartient au juge, saisi d'une demande de remboursement, de fixer, eu égard aux circonstances, la date du terme de l'engagement, qui doit se situer à une date postérieure à la demande en justice ; qu'en l'espèce, compte tenu des engagements pris par [P] [E] dans son mail du 15 juillet 2015 de rembourser les sommes empruntées, il y a lieu de fixer au 1er janvier 2016 la date du terme pour la restitution des fonds ;

Attendu, dans ces conditions, qu'il y a lieu de condamner les époux [V] à rembourser à [S] [P] la somme de 13 200 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017, date de notification de ses conclusions, en l'absence de mise en demeure antérieure notifiée postérieurement au terme de l'engagement ;

Attendu que cette condamnation sera solidaire, dès lors que l'emprunt a été conclu du consentement des deux époux ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Condamne solidairement [D] [V] et son épouse [P] [E] à payer à [S] [P] la somme de 13 200 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017 ;

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux [V] et les condamne solidairement à payer à [S] [P] la somme de 3 500 euros ;

Les condamne solidairement aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 17/04049
Date de la décision : 23/05/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°17/04049 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-23;17.04049 ?
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