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19/05/2021 | FRANCE | N°19-20851

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2021, 19-20851


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation

Mme MONGE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 575 F-D

Pourvoi n° H 19-20.851

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

M. [H] [K], domicilié [Adresse 1], a for

mé le pourvoi n° H 19-20.851 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pole 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à T...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation

Mme MONGE, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 575 F-D

Pourvoi n° H 19-20.851

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

M. [H] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 19-20.851 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pole 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à The Associated Press Limited, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [K], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de The Associated Press Limited, après débats en l'audience publique du 23 mars 2021 où étaient présents Mme Monge, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, M. Sornay, conseiller, Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué(Paris, 23 mai 2019) et les pièces de la procédure, M. [K] a été engagé à compter du 24 juillet 1987 par la société de droit étranger The Associated Press Limited (la société), suivant contrat soumis à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976.

2. Le 23 juin 2010, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et paiement de diverses sommes.

3. Licencié le 22 janvier 2015, il a obtenu, en cause d'appel, la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité pour licenciement nul.

4. Le 9 juillet 2015, il a saisi la commission arbitrale des journalistes qui, accueillant la contestation soulevée par la société devant elle, a rendu une décision d'incompétence.

5. Il a formé un recours en annulation contre cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer la décision de la commission arbitrale des journalistes qui s'est déclarée incompétente, alors « que l'article L. 7112-4 du code du travail qui prévoit la compétence exclusive de la commission arbitrale des journalistes pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement due aux journalistes professionnels ayant plus de quinze ans d'ancienneté ne distingue pas selon qu'ils sont employés par une entreprise de presse ou une agence de presse, pas plus que l'article L. 7112-3 dudit code déterminant les modes de fixation de l'indemnité de licenciement des journalistes ayant moins de quinze ans d'ancienneté ; qu'en estimant que seuls les journalistes des entreprises de presse peuvent saisir ladite commission de leur demande d'indemnité, ce que n'était pas le salarié, journaliste d'une agence de presse, la cour d'appel a violé l'article L. 7112-4 précité. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 7111-3, L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail, ces deux derniers dans leur rédaction issue de la la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 :

7. Aux termes du premier de ces textes, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa.

8. Selon le deuxième, si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze.

9. Suivant le troisième, lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due.

10. Pour retenir que la commission arbitrale des journalistes est incompétente pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement due au salarié, l'arrêt retient que la qualité de journaliste qui englobe les journalistes travaillant pour les agences de presse ne saurait pour autant avoir pour effet de faire bénéficier ceux-ci des dispositions des articles L. 7112-2 à L. 7112-4 du code du travail réservées aux seuls salariés d'entreprises de journaux périodiques et dont ceux qui le sont par des agences de presse sont donc exclus.

11. En statuant ainsi, alors qu'il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et que les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels au service d'une entreprise de presse quelle qu'elle soit, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société The Associated Press Limited aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société The Associated Press Limited et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [K]

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé la décision de la commission arbitrale des journalistes s'étant déclarée incompétente pour statuer sur sa demande d'indemnité de licenciement.

AUX MOTIFS propres QUE pour solliciter l'annulation de la décision entreprise M. [H] [K] se prévaut tout d'abord du principe de l'estoppel, au constat que la société Associated Press aurait, tant devant le Conseil de prud'hommes de Paris, que devant cette cour, soutenu que la fixation de son indemnité de licenciement relevait de la seule compétence de la commission arbitrale des journalistes, avant de soulever son incompétence devant celle-ci ; Mais l'appréciation qu'une partie peut porter sur la compétence d'une instance juridictionnelle est parfaitement inopérante au regard de celle que la loi lui attribue, de sorte que la Cour rejettera le moyen. Subsidiairement, M. [H] [K] affirme la compétence de la Commission arbitrale pour déterminer le montant de son indemnité de licenciement eu égard à sa qualité de journaliste, telle que définie à l'article L. 7111-3 du code du travail. Mais cette qualité au demeurant incontestée, qui englobe les journalistes travaillant pour des agences de presse ne saurait pour autant avoir pour effet de leur faire bénéficier des dispositions des articles L. 7112-2 à L. 7112-4 du code du travail, précités, réservées aux seuls journalistes salariés d'entreprises de journaux et périodiques et dont ceux qui le sont par les agences de presse sont donc exclus.

AUX MOTIFS adoptés QU'un arrêt de la Cour de cassation en date du 13 avril 2016 énonce que « seules les personnes mentionnées à l'article L. 7111-3 et liées par un contrat de travail à une entreprise de journaux et périodiques peuvent prétendre à l'indemnité de licenciement instituée par l'article L. 7112-3 ». Cet attendu de principe confirme la distinction entre les journaux et périodiques d'un côté et les agences de presse de l'autre. Il faut noter d'ailleurs, que celles-ci sont exclues de la clause de cession, de la clause de conscience, de la loi Hadopi, ce qui démontre la cohérence du raisonnement de la Cour de cassation. On peut opposer à cette approche juridique une vision pragmatique résultant d'expériences professionnelles et visant à démontrer que dans la pratique aucune distinction opératoire n'est faite entre les tâches relatives aux journaux et périodiques et celles se rapportant aux agences de presse. A supposer valide et constante cette identité des rôles et des travaux, elle ne saurait en l'état actuel des textes fonder une interprétation de rupture puisque qu'elle dérogerait à l'analyse de l'arrêt du 13 avril 2016. L'empirisme pourra un jour peut-être entraîner une confusion juridique pour les droits et les devoirs entre les journaux et les périodiques d'une part et les agences de presse de l'autre. Aujourd'hui l'état du droit conduit cependant la Commission arbitrale à se déclarer incompétente.

1° ALORS QUE la commission arbitrale des journalistes n'est compétente que pour se prononcer sur le montant de l'indemnité de licenciement des journalistes professionnels ayant plus de quinze ans d'ancienneté et le cas échéant sur l'existence d'une faute grave pouvant en limiter le montant ; que, pour rejeter le moyen de nullité de la décision de la commission arbitrale fondé sur le fait que cette commission ne pouvait retenir son incompétence pour se prononcer sur la demande d'indemnité de licenciement du journaliste dès lors que la société Associated Press avait reconnu la compétence exclusive de la commission arbitrale pour se prononcer sur cette indemnité lors de la procédure prud'homale et ne pouvait, sans se contredire au détriment du journaliste, affirmer désormais que cette commission était incompétente pour se prononcer, la cour d'appel a estimé que la commission arbitrale devait se prononcer sur sa compétence pour connaître de la demande d'indemnité de licenciement, indépendamment des prétentions des parties ; que dès lors que la commission arbitrale des journaliste ne pouvait se prononcer sur sa compétence pour attribuer une telle indemnité à un journaliste d'une agence de presse que dans les limites des conclusions des parties, une telle compétence ne lui étant pas attribuée par le législateur, la cour d'appel a violé l'article L. 7112-4 du code du travail.

2° ALORS QUE l'article L. 7112-4 du code du travail qui prévoit la compétence exclusive de la commission arbitrale des journalistes pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement due aux journalistes professionnels ayant plus de quinze ans d'ancienneté ne distingue pas selon qu'ils sont employés par une entreprise de presse ou une agence de presse, pas plus que l'article L. 7112-3 dudit code déterminant les modes de fixation de l'indemnité de licenciement des journalistes ayant moins de quinze ans d'ancienneté ; qu'en estimant que seuls les journalistes des entreprises de presse peuvent saisir ladite commission de leur demande d'indemnité, ce que n'était pas l'exposant, journaliste d'une agence de presse, la cour d'appel a violé l'article L. 7112-4 précité.

3° ALORS QUE dès lors que les journalistes des agences de presse sont dans une situation identique à celle des journalistes des journaux et périodiques, au regard des garanties nécessaires pour assurer leur indépendance, en interprétant les articles L. 7112-2 et suivants du code du travail comme réservant aux journalistes des entreprises de presse, à l'exclusion des journalistes des agences de presse, les droits dérogatoires et plus favorables que ceux prévus parle droit commun en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 14 de ladit convention.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-20851
Date de la décision : 19/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2021, pourvoi n°19-20851


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.20851
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