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19/05/2021 | FRANCE | N°19-16362

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 2021, 19-16362


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 596 F-D

Pourvoi n° C 19-16.362

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

M. [O] [J], domicilié [Adresse 1], a

formé le pourvoi n° C 19-16.362 contre l'arrêt rendu le 14 février 2019 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposan...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

MA

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mai 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 596 F-D

Pourvoi n° C 19-16.362

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021

M. [O] [J], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 19-16.362 contre l'arrêt rendu le 14 février 2019 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société CSF, exerçant sous l'enseigne Carrefour Market, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. [J], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CSF, après débats en l'audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lecaplain-Morel, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 14 février 2019), M. [J] a été engagé par la société CSF à l'enseigne Carrefour Market (la société), à compter du 1er août 2011, en qualité de directeur de magasin, statut cadre.

2. Contestant son licenciement intervenu le 21 août 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à juger la convention de forfait jours insérée dans son contrat de travail privée d'effet et, en conséquence, de ses demandes en paiement au titre d'un rappel d'heures supplémentaires, d'indemnité de repos compensateurs de remplacement, outre les congés payés afférents, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire, alors « que dès lors que le forfait jour doit être mis en oeuvre dans le respect des principes généraux de la protection de la santé et de la sécurité du travailleur, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et le juge est tenu de contrôler, même d'office, si les stipulations de l'accord collectif applicable sont de nature à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé ; qu'en se bornant à énoncer, pour dire que les conditions de validité des conventions individuelles de forfait en heures ou en jours, sur l'année, étaient réunies, qu'il n'était pas contesté qu'un accord collectif relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail au sein de la société Carrefour avait été régulièrement négocié et signé par les partenaires sociaux le 30 janvier 2004 prévoyant que les cadres autonomes, bénéficiant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps bénéficiaient d'une durée de travail organisé selon un régime de forfait annuel en jours, complété par un accord relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail, spécifique à l'encadrement, en date du 22 mai 2014, sans vérifier même d'office si les stipulations des accords collectifs applicables étaient de nature à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, les articles L. 3121-43 et L. 3121-45 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi no 2008-789 du 20 août 2008, interprété à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :

5. Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.

6. Il résulte des articles susvisés de la directive de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

7. Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

8. Pour dire que les conditions de validité de la convention individuelle de forfait en jours, sur l'année, étaient réunies et débouter le salarié de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et des indemnités subséquentes, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté qu'un accord collectif relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail au sein de la société a été régulièrement négocié et signé par les partenaires sociaux le 30 janvier 2004 prévoyant que les cadres autonomes, bénéficiant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, bénéficiaient d'une durée de travail organisée selon un régime de forfait annuel en jours, complété par un accord relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail, spécifique à l'encadrement, en date du 22 mai 2014.

9. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de contrôler, même d'office, si les stipulations de l'accord collectif applicable étaient de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [J] de ses demandes en paiement au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur de remplacement, outre les congés payés afférents, de l'indemnité pour travail dissimulé et des dommages-intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire, et en ce qu'il le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens, l'arrêt rendu, le 14 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société CSF aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CSF et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseil, pour M.[J]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré bien-fondé son licenciement pour cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE M. [J] a été licencié par lettre du 21 août 2015 rédigée de la manière suivante :
«... Nous avons constaté différents manquements dans le cadre de l'exercice de vos fonctions.
1.Concernant la rédaction des contrats à durée déterminée; Nous avons relevé plusieurs erreurs qui peuvent engendrer des contentieux notamment des requalifications du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
-CDD avec M. [Q] au motif du remplacement de Mme [E] en congés payés alors qu'elle est en maladie. Le contrat a été rédigé avec une date de fin de contrat au 2 août 2015 alors que l'arrêt de travail de Mme [E] a pris fin le 31 juillet 2015.
-CDD avec Mme [C] du 29 juin 2015 au 2 août 2015. Le lieu de travail indiqué est [Localité 1] au lieu de [Localité 2] et il est indiqué également que le contrat a été fait à [Localité 1] au lieu de [Localité 2].
-CDD avec Mme [N] du 1er juillet 2015 au 12 juillet 2015. Le lieu de travail indiqué est [Localité 1] au lieu de [Localité 2].
-CDD avec M. [T] du 29 juin 2015 au 12 juillet 2015. Le lieu de travail indiqué est [Localité 1] au lieu de [Localité 2]. Il est également indiqué que le contrat a été fait à [Localité 1] au lieu de [Localité 2].
De plus la répartition des horaires indiqués sur le contrat est de 26 heures au lieu de 30 heures.
Vous avez établi un contrat à durée déterminée à Mme [S] débutant le 18 avril 2015 avec pour motif surcroît d'activité liée à l'ouverture des dimanches mais sans date de fin. De plus dans ce contrat il n'y avait pas de répartition d'horaires ce qui potentiellement peut engendrer, en cas de contentieux, une requalification de la base contrat à temps plein. Vous avez également indiqué dans l'article cinq « rémunération » un taux horaire qui était basé sur la grille des salaires du mois de janvier 2015 alors qu'elle avait changé en mars 2015. De plus vous avez utilisé le taux horaire pose inclus au lieu d'utiliser le taux horaire de temps de travail effectif. Vous avez mentionné une base moyenne de 3h52 temps de présence au lieu de quatre heures. Ensuite vous lui avez fait signer un avenant à durée indéterminée passant sa base contrat de quatre heures par semaine à 31 heures 50 à partir du 27 avril 2015. Cet avenant aurait dû comporter une date de début et une date de fin et surtout il devait être de nature temporaire. Vous savez pourtant que l'avenant pour un CDD n'est pas possible. Enfin il ne comporte là aussi pas de répartition des horaires dans la semaine.
2.Concernant la mise sous alarme du magasin le 4 juillet 2015 ;
Vous avez fermé le magasin le 4 juillet 2015 sans mettre en place les barres de protection sur les issues de secours. Lors de cette fermeture vous n'avez pas été en mesure de mettre en service l'alarme du magasin. Vous avez alors demandé à ce qu'une vente soit réalisée durant le week-end par la société de sécurité. Or, vous saviez que les managers de rayon avaient rencontré le même problème la veille. Ils avaient contacté le service de télésurveillance qui les avait guidés afin d'isoler uniquement la zone qui posait difficulté et ainsi garantir une mise sous alarme partielle du magasin. Vous n'avez pas essayé de les contacter afin de suivre la même procédure. Il n'y a eu que cinq rondes réalisées en 36 heures votre initiative était totalement insuffisante et ne permettait pas de garantir la sécurité du magasin durant tout le week-end.
3.Concernant une promesse d'embauche en CDD.
Vous avez rédigé et transmis à M. [W] une promesse d'embauche le 25 juin 2015. Vous vous êtes ainsi engagé à lui établir un contrat à durée déterminée en qualité d'employé commercial niveau 2 à 35 heures par semaine pour le remplacement de Mme [B] qui devait elle-même remplacer Mme [R] en maladie. Selon cette promesse d'embauche, ce contrat devait débuter le 3 août 2015 et durer' de trois à neuf mois. Vous avez pris un risque engendrant de graves conséquences. En effet Mme [R] n'était pas en arrêt maladie le 3 août 2015, de plus vous êtes engagé sur une longue durée de trois à neuf mois sans connaître avec certitude ce qui pourrait se passer dans le magasin durant les mois à venir. Enfin, par cette promesse d'embauche, vous avez permis à M. [W] de démissionner de l'emploi qu'il occupait. Pourtant ce jour nous ne sommes pas en mesure de lui faire un contrat d'une durée de 39 mois comme il exige. Nous avons là aussi un risque de contentieux.
4.Permanences en magasin
Le 9 juin 2015 vous avez quitté le magasin et demandé à Mme [U], employée commerciale niveau quatre en caisse, de vous remplacer de 16h30 à 17h30. Le 10 juin 2015 vous avez quitté le magasin à 20h10 avant la fermeture du système d'encaissement en laissant l'agent de sécurité avec Mme [U] et un prestataire informatique. Le 20 juin 2015 vous avez laissé Mme [P], stagiaire manager magasin formation, seule de 11 heures à 12 heures alors qu'elle venait tout juste d'intégrer l'entreprise. Vous savez pourtant pertinemment que ni Mme [U], ni Mme [P] ne sont habilitées à faire des permanences. De plus elle n'a jamais suivi les formations sécurité appropriées. (...)
5.Établissement d'une fausse promesse d'embauche en CDI.
Enfin, vous avez établi une promesse d'embauche le 24 juin 2015 à Mme [L]. Vous lui avez signifié qu'elle serait embauchée, à l'issue de son CDD qui devait prendre fin le 31 août 2015, en contrat à durée indéterminée, à 30 heures par semaine. Comme l'explique Mme [L] dans son courrier, vous lui avez rédigé cette promesse d'embauche dans le but qu'elle obtienne un prêt de la part d'un organisme de crédit. Vous avez ensuite demandé à Mme [L] de faire un courrier dans lequel elle reconnaissait que cette promesse d'embauche « n'engageait en rien l'entreprise... il s'agit d'un arrangement en vue d'un accord bancaire ». Le courrier de Mme [L] n'a aucune valeur juridique contrairement à votre « fausse » promesse d'embauche qui engage l'entreprise. Ce comportement irresponsable peut avoir de multiples conséquences tant pour Mme [L], pour l'entreprise que pour vous-même. De plus, vous avez signé cette délégation de pouvoir engageant l'entreprise par votre signature. Nous vous rappelons que le code de procédure pénale stipule à l'article 441-1 « constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ». Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45000 ? d'amende. Nous vous rappelons que les bases de la relation contractuelle qui lie l'employeur à ses salariés sont exprimées clairement par le code du travail qui stipule en son article L. 1222-1 que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ». Le règlement intérieur rappelle également dans son titre 1?règles générales et permanentes relatives à la discipline, chapitre1?dispositions générales, article 1 : « ne pas avoir un comportement susceptible de nuire à la bonne renommée de l'entreprise, de l'enseigne des autres salariés... ». Ces erreurs, acte répréhensible pénalement, votre comportement désinvolte sont délibérément de nature à porter préjudice à notre entreprise et remettent en cause la confiance que nous vous avions accordée. Nous sommes à présent contraints de prononcer votre licenciement. Votre préavis d'une durée de trois mois commencera à courir à compter de la première présentation de ce courrier. Toutefois, compte tenu des circonstances, nous avons décidé de vous dispenser de l'exécution de ce préavis, étant naturellement entendu que votre rémunération sera maintenue durant cette période... » ; Sur le troisième grief ; que le 25 juin 2015 M. [J] a signé une promesse d'embauche concernant M. [W] [E], selon contrat à durée déterminée, à compter du 3 août 2015, en qualité d'employé commercial de niveau 2, rédigée de la manière suivante : « suite à nos entretiens, et à votre démission de chez Casino, je vous confirme que nous vous embauchons en CDD pour le remplacement de Mme [B] [T] qui elle-même remplacera Mme [R] [F], absente pour maladie (période de trois à neuf mois environ) » ; que M. [J] fait valoir qu'il avait été informé que Mme [R] serait en arrêt de travail pour une opération et que c'est à la demande du directeur régional qu'il a prévu son remplacement; que toutefois cette version est contredite par les pièces versées aux débats par la partie adverse dont il résulte qu'au mois d'août 2015 Mme [R] était en congés du 3 au 22 août qu'elle a repris le travail ensuite et qu'elle été victime d'un accident de travail le 14 septembre ; qu'il apparaît ainsi que la promesse d'embauche de M. [W] à compter du 3 août 2015 au motif du remplacement, par Mme [B], de Mme [R] qui était malade et pour une durée de trois à neuf mois était en réalité fondée sur un motif fallacieux puisque l'absence de Mme [R] à compter du 14 septembre 2015 était consécutive à un accident du travail dont la survenance n'était bien évidemment pas anticipable ni ses conséquences sur la durée de l'inaptitude physique à reprendre son emploi ; que ce grief est établi ; Sur le cinquième grief : qu'il est reproché à M. [J] d'avoir, le 24 juin 2015, établi une fausse promesse d'embauche au bénéfice de Mme [L], rédigée de la manière suivante : « pour faire valoir de droit j'atteste qu'à l' issue de son CDD (le 31 août 2015) Mme [L] [Q] sera embauchée en CDI au magasin de [Adresse 3] en qualité d'employée commerciale à 30 heures hebdomadaires » ; que ce document a été précédé, le 23 juin 2015, par un écrit de Mme [L] ainsi rédigé : « je soussignée, [L] [Q], déclare reconnaître que cette promesse d'embauche en date du 24 juin 2004, n'engage en rien l'entreprise Market située [Adresse 4] il s'agit d'un arrangement en vue d'un accord bancaire » ; que M. [J] soutient qu'il ne s'agit pas d'un faux car il avait indiqué qu'il l'embaucherait ultérieurement, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, ce qu'il n'avait pu faire dans la mesure où il n'était plus dans le magasin ; qu'outre le fait qu'il n'établit pas que cette embauche aurait dû avoir lieu plus tard dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, il ne conteste pas que cette promesse d'embauche, ainsi que Mme [L] l'a écrit le 23 juin 2015, était en réalité destinée à lui permettre d'obtenir un prêt bancaire ; que ce grief est établi ; que les faits visés par ces deux griefs, qui sont établis, auxquels s'ajoutent de nombreuses erreurs relatives à l'établissement des CDD conclus avec M. [Q], Mme [C], Mme [N], M. [T] et Mme [S], qui sont également justifiées, caractérisent de la part de M. [J] qui avait, notamment, pour mission de veiller au bon respect des règles à appliquer ou à faire appliquer à l'égard du personnel du magasin dont il avait la responsabilité en matière d'embauche, et qui disposait d'une délégation de pouvoir en date du 13 avril 2015, un manquement à ses obligations professionnelles de directeur de magasin et justifient à eux seuls le licenciement pour cause réelle et sérieuse dont il a fait l'objet ; que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [J] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre des indemnités de rupture ;

ALORS QUE la légitimité du licenciement doit être appréciée in concreto au regard de l'ancienneté du salarié, de ses antécédents disciplinaires ou encore de ses qualités professionnelles ; qu'en se bornant, pour déclarer bien fondé le licenciement de M. [J], à retenir que les griefs reprochés au salarié, ayant consisté, pour ce dernier, à établir une promesse d'embauche en contrat de travail à durée déterminée et une fausse promesse d'embauche en contrat de travail à durée indéterminée, étaient établis, en sus de nombreuses erreurs relatives à l'établissement des contrats de travail à durée déterminée conclus avec Mmes [C], [N], [S] et Messieurs [Q] et [T], également justifiées, caractérisaient de la part du salarié ayant, notamment, pour mission de veiller au bon respect des règles à appliquer ou à faire appliquer à l'égard du personnel du magasin dont il avait la responsabilité en matière d'embauche, et disposant d'une délégation de pouvoir en date du 13 avril 2015, un manquement à ses obligations professionnelles de directeur de magasin, sans prendre en considération pour apprécier la légitimité du licenciement, comme elle y était invitée, le comportement de M. [J] qui ne s'était jamais vu notifier par la direction la moindre observation et dont les compétences professionnelles reconnues par son employeur, lui avaient valu d'être promu le 13 avril 2015 au poste de directeur du magasin de [Localité 2], et de percevoir sa prime sur objectifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. [J] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à voir juger la convention de forfait jours insérée dans son contrat de travail privée d'effet et, en conséquence, de ses demandes en paiement d'un rappel au titre de ses heures supplémentaires, d'indemnité de repos compensateurs, outre les congés payés afférents, et de sa demande en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ainsi que de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire ;

AUX MOTIFS QUE l'avenant à son contrat de travail signé le 13 avril 2015 par Monsieur [J] dispose en son article 3 qu'il « exercera son activité sur une base de 216 jours travaillés dans l'année, ce forfait incluant la journée de solidarité... que, compte tenu de ses responsabilités et de la nécessaire autonomie dont il bénéficie dans l'organisation de son emploi du temps, autonomie inhérente à son statut de cadre, il effectuera ses missions sans aucune référence horaire... et que, en application des accords actuellement en vigueur au sein de la société, un entretien individuel annuel sera organisé, entretien au cours duquel seront abordés les questions de l'organisation, de la charge de l'amplitude de travail, de l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie familiale, du respect des repos quotidiens et hebdomadaires et de la rémunération » ; qu'il n'est pas contesté qu'un accord collectif relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail au sein de la société Carrefour a été régulièrement négocié et signé par les partenaires sociaux le 30 janvier 2004 prévoyant que les cadres autonomes, bénéficiant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps bénéficiaient d'une durée de travail organisé selon un régime de forfait annuel en jours, complété par un accord relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail, spécifique à l'encadrement, en date du 22 mai 2014 ; que les conditions de validité des conventions individuelles de forfait en heures ou en jours, sur l'année, prévues par les articles L. 3121-39 et L. 3121-40 du code du travail sont réunies en l'espèce; que M. [J] fait valoir que la société Carrefour ne justifie pas que les dispositions de l'article L. 3121-46 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, ont été respectées, dans la mesure où elle n'établit pas que les entretiens annuels de compétences ont été tenus ni ne justifie de la tenue effective du compte individuel présentant la situation des jours travaillés et des jours de repos expressément prévu par l'accord collectif ; que, toutefois, la société Carrefour verse au dossier les fiches de suivi et émargement du temps de présence de M. [J], semaine après semaine, à compter du 6 mars 2014 et jusqu'au 30 mai 2015, signées par lui , sur lesquelles il est mentionné que «cette déclaration se fait dans le respect des dispositions relatives, d'une part, au repos quotidien (11heures) et d'autre part au repos hebdomadaire (soit 36 heures consécutives»ainsi que les fiches d'entretien "compétences et carrières" établies respectivement le 11 janvier 2013, 11 janvier 2014 sur lesquelles figure la rubrique 4) intitulée 14 l'organisation, charge de travail et où il est mentionné, s'agissant de l'entretien du 11 janvier 2013 : « sur l'organisation et la charge de travail du collaborateur : pas de déséquilibre entre la vie personnelle et professionnelle » et, s'agissant de l'entretien du 10 janvier 2014, sous la même rubrique : « pas de problématique particulière. Mon épouse reprend en ce début d'année une activité professionnelle ce qui nécessite une période d'adaptation », et sous la rubrique "commentaires finaux", « je suis heureux d'être un patron de mon unité tout en faisant partie d'un groupe structuré et accompagné sur beaucoup d'items. Tout va bien » ; que le document relatif à l'entretien de performance et de développement professionnel établi le 27 mars 2015 était ainsi complété, s'agissant de l'équilibre vie privée/vie professionnelle/charge de travail, « Vie privée : rien à signaler, vie professionnelle : rien à signaler, charge de travail : j'aime en avoir car je n'aime pas m'ennuyer » ; qu'il apparaît ainsi que les dispositions de l'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce ont été respectées ;qu'il en résulte que la convention de forfait signée par M. [J] doit produire ses effets ; que par suite il doit être débouté de ses demandes relatives aux heures supplémentaires, aux repos compensateurs de remplacement pour les années 2013, 2014 et 2015 et au titre du travail dissimulé ; que le jugement déféré doit être confirmé ;

AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'un accord collectif relatif à l'aménagement et l'organisation du temps de travail au sein de la société CSF a été régulièrement négocié et signé avec les partenaires sociaux, le 30 janvier 2004 ; que par la suite, cet accord a été renégocié afin d'actualiser les dispositions relatives à l'aménagement et l'organisation du temps de travail au sein de la société CSF, le 30 décembre 2008 ; que cette convention n'a jamais été dénoncée par les signataires et a même été complétée par un accord sur l'aménagement et l'organisation du temps de travail spécifique à l'encadrement signé le 22 mai 2014 au sein de la société CSF ; que l'avenant au contrat de travail signé par les parties le 28 janvier 2012, avec une prise d'effet au 1er février 2012, prévoit expressément, l'application d'un forfait jours à l'article 3 de l'avenant au contrat de travail de M. [J] intitulé « Forfait jours/ Année » ; que le dispositif de forfait-jours répondant aux exigences de l'existence d'un accord collectif d'entreprise et de la signature avec M. [J] d'une convention individuelle de forfait-jours, insérée dans son contrat de travail ; qu'en conséquence, le conseil décide que la mise en place de la convention de forfait de M. [J] respecte les critères légaux et que cette demande ne sera pas retenue ;
Sur le suivi du forfait annuel en jours : que M. [J] transmettait régulièrement à la Direction un relevé déclaratif de ses jours travaillés et de ses jours de repos, étant précisé qu'il décidait lui-même de ses jours de travail (pièce n° 73) ; qu'un décompte individuel présentant la situation des jours travaillés et des jours de repos est tenu à jour et communiqué au salarié et figure sur la droite de ses bulletins de paie mensuels et précise le nombre de jours travaillés dans le mois; que l'accord de 2014 prévoit la tenue d'un entretien annuel avec la direction dont l'objectif est d'évoquer l'organisation, la charge et l'amplitude de travail de l'intéressé et que M. [J] a bien eu ces entretiens les 11 janvier 2013, le 10 janvier 2014 le 27 mars 2015 sans faire de commentaires sur sa charge de travail ; qu'en conséquence, la société CSF a respecté les dispositions relatives à la mise en ?uvre du forfait-jours ainsi que celles liées aux conditions de contrôle de son application et les modalités de suivi de l'organisation de travail de M. [J], et que cette demande ne sera pas retenue ;

1°)ALORS QUE dès lors que le forfait jour doit être mis en ?uvre dans le respect des principes généraux de la protection de la santé et de la sécurité du travailleur, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires et le juge est tenu de contrôler, même d'office, si les stipulations de l'accord collectif applicable sont de nature à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé; qu'en se bornant à énoncer, pour dire que les conditions de validité des conventions individuelles de forfait en heures ou en jours, sur l'année, étaient réunies, qu'il n'était pas contesté qu'un accord collectif relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail au sein de la société Carrefour avait été régulièrement négocié et signé par les partenaires sociaux le 30 janvier 2004 prévoyant que les cadres autonomes, bénéficiant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps bénéficiaient d'une durée de travail organisé selon un régime de forfait annuel en jours, complété par un accord relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail, spécifique à l'encadrement, en date du 22 mai 2014, sans vérifier même d'office si les stipulations des accords collectifs applicables étaient de nature à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, la cour d'appel a violé l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, les articles L. 3121-43 et L. 3121-45 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QU'en tout état de cause, le non-respect par l'employeur des mécanismes de contrôle prévus par l'accord collectif prive d'effet la convention de forfait à l'égard du salarié qui peut dès lors prétendre au paiement de ses heures supplémentaires sur le fondement de la durée légale du temps de travail ; qu'en se bornant à énoncer, pour en déduire que la convention de forfait signée par M. [J] devait produire ses effets, que la société Carrefour versait au dossier les fiches de suivi et émargement du temps de présence de M. [J], semaine après semaine, à compter du 6 mars 2014 et jusqu'au 30 mai 2015, signées par lui, ses fiches d'entretien "compétences et carrières"des 11 janvier 2013 et 10 janvier 2014 avec la rubrique 4) intitulée l'organisation, charge de travail, et le document relatif à son entretien de performance et de développement professionnel du 27 mars 2015, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si la société Carrefour avait respecté les obligations de suivi et de contrôle résultant de l'article 6.4.1 de l'accord collectif relatif à l'aménagement et l'organisation du temps de travail en date du 30 décembre 2008 et selon lequel le salarié relevant d'une convention de forfait en jours doit bénéficier d'un entretien semestriel avec la direction au cours duquel seront évoquées l'organisation, la charge et l'amplitude de son travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, des articles L. 3121-43 et L. 3121-45 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, ensemble de l'article 6.4.1 de l'accord relatif à l'aménagement et à l'organisation du temps de travail du 30décembre 2008 ;

3°) ALORS QUE selon l'article 5 de l'accord relatif à l'aménagement et l'organisation du temps de travail spécifique à l'encadrement du 22 mai 2014, « les salariés relevant d'une convention de forfait définie en jours bénéficient d'un entretien annuel avec la direction au cours duquel seront abordées le temps de travail et les modalités existantes en cas de dépassement du forfait, l'organisation, la charge et l'amplitude de travail, l'articulation entre les temps de vie professionnelle et vie familiale, le respect des repos quotidien et hebdomadaire, la rémunération » ; qu'en se bornant à énoncer, pour en déduire que la convention de forfait signée par M. [J] devait produire ses effets, que la société Carrefour versait au dossier les fiches d'entretien de M. [J] "compétences et carrières" des 11 janvier 2013 et 10 janvier 2014 avec la rubrique 4) intitulée l'organisation, charge de travail, et le document relatif à son entretien de performance et de développement professionnel du 27 mars 2015,complété, s'agissant de l'équilibre vie privée/vie professionnelle/charge de travail, par les mentions « vie privée : rien à signaler, vie professionnelle : rien à signaler, charge de travail : j'aime en avoir car je n'aime pas m'ennuyer », sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si l'entretien annuel du 27 mars 2015, postérieur à l'accord collectif relatif à l'aménagement et l'organisation du temps de travail spécifique à l'encadrement du 22 mai 2014, portait bien sur le temps de travail et les modalités existantes en cas de dépassement du forfait, le respect des repos quotidien et hebdomadaire et la rémunération de M. [J], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, des articles L. 3121-43 et L. 3121-45 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, ensemble de l'article 5 de l'accord relatif à l'aménagement et l'organisation du temps de travail spécifique à l'encadrement du 22 mai 2014.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-16362
Date de la décision : 19/05/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 14 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 2021, pourvoi n°19-16362


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.16362
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